Chapitre 2 - Alice
-« Tu as bien tout épinglé ?, demandais-je à l'une de mes étudiantes en vérifiant son travail. Parfait, tu peux assembler cette manche, mais prends ton temps ».
Mes dix élèves en dernière année sont en plein moment de stress : dans moins de deux semaines, ils présenteront deux vêtements entièrement pensés, dessinés et créés par leurs soins à tous les professeurs de cette école. Ces derniers devront leur attribuer une note qui comptera pour plus de la moitié de ce premier semestre. J'avais connu récemment ces instants, qui m'avaient paru insurmontables mais qui, au final, avaient été une source incroyable de motivation.
Pour détendre l'atmosphère, une playlist de chansons de Noël résonne en fond, enchaînant les musiques intemporelles comme celle de Maria Carey et celles de la décennie précédente, et je me surprends à sourire en voyant certains de ces jeunes esquisser quelques pas de danser.
Mais mon esprit a du mal à se concentrer... À nouveau, mon regard se porte de l'autre côté de la baie vitrée où je peux voir les flocons de neige tomber sur la rue parisienne et ma conversation de la veille avec Jeanne me revient en mémoire. Comme si un homme pouvait s'intéresser à moi. De taille moyenne, une crinière brune épaisse et ondulée, des yeux bleus,... Je n'ai qu'un physique banal. Et ma dernière expérience en matière de couple s'est soldée par un échec cuisant et qui me broie encore le cœur. Jamais je n'oublierais la façon dont cet homme m'avait quitté, lâchement et sans véritable raison. Ma poitrine se ressert comme un étau à chaque fois que j'y pense et il me faut quelques secondes de longues inspirations pour chasser cette douloureuse sensation.
Toutefois, si ma meilleure amie avait vu juste et qu'un parfait inconnu m'avait épié, je me ferais un plaisir de le remettre à sa place à sa prochaine visite.
Soudain, la sonnerie de l'école résonne et mes élèves se mettent à ressembler leurs affaires.
-« N'oubliez pas que l'atelier est ouvert cet après midi. Si vous souhaitez venir travailler sur vos projets, il faut vous inscrire auprès du concierge. À demain ! »
Une fois que tout le monde est parti, j'enfile à mon tour ma longue veste, mon bonnet et vérifie que je n'ai rien oublié avant de sortir. Aussitôt, le vent froid fait virevolter mes cheveux autour de mon visage et un long frisson glisse le long de ma colonne vertébrale. Il neige toujours et il ne faudra pas beaucoup de temps avant que les trottoirs de la capitale ne deviennent une véritable patinoire.
Je me hâte donc de rejoindre le salon de thé de mon amie, prenant garde où je pose les pieds.
-« Bonjour Alice ! Tu tombes bien ! J'étais en train de parler de ton admirateur secret avec Agathe ».
Cette dernière abandonne déjà la salade qui lui sert de repas ce midi pour venir m'enlacer et je m'empresse de lui rendre son étreinte. Agathe est la troisième jeune femme qui constitue notre inséparable groupe et je ne pensais pas la revoir avant la nouvelle année. Elle possède une librairie dans un quartier voisin et on la savait déborder en cette période de fêtes. Grande, élancée, elle est dotée de longs cheveux raides d'un joli roux et de petites taches de rousseur qui parsèment joliment son visage fin. On peut la qualifier de véritable rayon de soleil, toujours optimiste et toujours prête à aider ces proches.
-« J'ai lâchement abandonné mon collègue aux mains de nos clients pour me réfugier quelques heures avec vous ! Et apparemment, vous avez plein de choses à me raconter !, lança-t-elle alors qu'un éclat malicieux brille dans ses pupilles.
-Jeanne exagère, tentais-je vainement en laissant mon manteau dans l'entrée. Je n'ai même pas vu cet homme. Et puis, ce n'est pas parce que tu files le parfait amour que ça arrive à tout le monde ».
Agathe a rencontré son fiancé, Maxence, sur les bancs de la faculté de lettres et ils sont vite devenus inséparables. Comme deux aimants, ils s'attirent et se complètent à la perfection. Du coup, mon amie a tendance à croire que ce genre de relation arrive forcément aux gens. Quand on les voit ensemble, il n'est pas impossible de ressentir une pointe de jalousie mais moi, je suis vraiment heureuse pour eux.
Je m'installe donc à table avec elles, déballant mon sandwich du jour mais je sens très vite leur regard sur moi.
-« Tu sais ce que je pense ?, demanda Jeanne à mon attention.
- J'en ai ma petite idée madame la détective.
- Tu devrais faire un peu plus attention aux personnes qui vont franchir cette porte dans les prochains jours. Si ce garçon revient, vois ça comme un signe.
- C'est un signe d'être épié pour un stalker ?
- Que tu es pessimiste..., renchérit Agathe. Un signe qu'il est temps d'ouvrir un peu ton cœur ».
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Je suis épuisée. En ce vendredi après-midi, je suis persuadée qu'une bonne majorité des parisiens de l'arrondissement ont décidé de venir boire et manger quelque chose ici. Je ne compte pas le nombre de pas que j'ai fait depuis le début du service, le nombre de commandes que j'ai retenu, ni le nombre de plateaux que j'ai préparé. Mon visage est presque douloureux d'avoir sourit et il me semble avoir passé mon temps à avoir souhaité de bonnes fêtes.
Mais au milieu de tout cela, j'ai bien remarqué le petit manège de Jeanne. De temps en temps, elle passait la tête par la porte de la cuisine pour jeter un coup d'œil dans la salle; chose qu'elle ne faisait généralement pas. Je me délectais presque de voir son expression déçue, en constatant que son inconnu n'était pas la.
Vers 18heures, les allées et venues commencent à ralentir et j'en profite pour vérifier mon stock de poudre de cacao.
-« Excusez-moi. J'aimerais un chocolat chaud s'il vous plaît.
-Bien sûr, je vous prépare ça tout de suite ».
Armée de mon broc de lait chaud, je verse délicatement la boisson dans un des mugs spécial Noël et me tourne vers le comptoir
-« Et voilà votre... ».
Oh... Un regard bleu; bleu limpide, comme un lac gelé, glisse dans le mien et je sens mon souffle se coincer dans ma gorge, tandis que mon cœur rate un battement.
Wahou... Devant moi se tient un homme d'environ mon âge, grand et aux cheveux coupés courts mais légèrement plus longs sur le devant et d'un châtain clair tirant sur le blond. Un peu plus et j'imagine déjà les reflets du soleil dessus en plein été. Il est vêtu d'un long manteau noir, encadrant une carrure d'athlète et une écharpe rouge épaisse est négligemment entourée autour de son cou.
-« Alice, tout va bien ? Tu es dans la lune ?, s'étonna ma meilleure amie en volant à mon secours. Excusez là monsieur, elle doit être encore en train de rêver des tissus qu'elle choisira pour créer ces prochains vêtements ».
La bulle qui vient de se former entre cet inconnu et moi explose soudainement lorsque Jeanne intervient et mes joues s'empourprent. Depuis quand n'ai-je pas rougi de la sorte à cause de quelqu'un que je ne connais pas ? Je tente en vain de marmonner une excuse et tends la boisson vers ce client. Ce dernier hausse un sourcil, sans pour autant perdre son sourire en coin et j'aperçois une chevalière à son index droit ainsi qu'un début de tatouage à son poignet qui disparaît sous la manche de sa veste quand il saisit son mug. Il règle sa boisson sans me quitter des yeux pour aller s'asseoir à une place inoccupée près de la vitre.
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À suivre
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