Je sors de la fac, mon sac sur l'épaule. Je commence un peu à être fatigué des cours. Enfin, je commence à être un peu fatigué tout court, mais surtout des cours.

J'ai vraiment hâte que les vacances arrivent enfin, même si je vais sérieusement devoir me bouger pour chercher du travail. C'est bien beau de vouloir un job étudiant, mais il ne me tombera pas dessus. Si je ne cherche pas, je ne trouverais pas.

Néanmoins, je me commence à me rendre compte que j'ai vraiment besoin d'une pause. Même si j'adore dessiner, aller en cours tous les jours commence à être fatiguant.

Peut être que l'arrivée d'Andrea dans ma vie a un petit rôle dans tout ça. Il bouleverse ma routine et traîne toujours quelque part dans mes pensées, donc...

En parlant de mon serveur préféré, ce dernier m'attend justement devant mon école, avec un grand sourire aux lèvres et un petit bouquet dans les mains. Evidemment.

Hier soir, en rentrant chez moi, je lui ai envoyé un message lui disant que j'étais partant pour redormir chez lui aujourd'hui, si sa proposition tenait toujours. Et évidemment, Andrea a accepté directement. J'ai presque eu l'impression de l'entendre réellement crier de joie dans son « OUAIIIIIIIIIS !!!!! ».

- Tu vas venir me chercher souvent ?, je lui demande en arrivant devant lui.

- Ça te déplairait ?

- Non, mais j'aurais beaucoup de fleurs chez moi.

- T'aimes pas ça ?

Je regarde son bouquet de plus près, et souris. Il est grand, mais quasiment tout vert. Il n'y a que deux roses rouges en plein milieu.

- Il est très beau.

- Il y a deux fleurs, parce que c'est la deuxième fois que je viens te chercher, m'explique-t-il.

- J'avais compris.

Je me rends compte que ma réponse était un peu plus sèche que je ne l'aurais voulu, donc je me rattrape en lui souriant de toutes mes dents.

- C'est mignon. Merci.

J'ai de la chance qu'Andrea ait toutes ces petites attentions pour moi. Je vais devoir lui rendre la pareille. Il faudrait vraiment que je réfléchisse à un cadeau ou à une attention que je pourrais lui faire.

- Tu as passé une bonne journée ?, me demande-t-il.

- Oui, ça va. Mais j'en ai marre, des cours.

- Tu devrais plutôt en profiter ! C'est trop bien, la vie d'étudiant !

- Pourquoi t'as pas fait d'études, alors ?

Il ouvre la bouche et la referme aussitôt, avant de hausser les épaules.

- J'ai été faire des courses, tout à l'heure !, me répond-il pour changer de sujet. Comme ça, je vais pouvoir te préparer un bon repas ce soir.

- Tu veux pas qu'on parle des études ?

- Tu peux me parler des tiennes, j'aime bien.

Je hoche la tête, en me retenant de faire la moue. Je m'attache de plus en plus à Andrea, mais... A chaque fois qu'on parle de quelque chose en lien avec son passé, il change systématiquement de sujet. Il ne m'a jamais parlé ni de sa famille, ni de sa scolarité jusqu'au lycée, ni de son enfance...

J'essaye de ne pas insister, étant donné qu'on a tous le droit à nos zones d'ombre, mais... Le fait qu'il cache absolument tout ce qui est en rapport avec son passé... Ça me fait un peu peur, je dois l'avouer. Si ça se trouve, je fréquente un tueur en série et je n'en ai aucune idée...

Mais bon. Je vais essayer de rester positif, et penser qu'Andrea est quelqu'un de tout à fait normal. Il a forcément ses raisons de ne pas vouloir discuter de sujets trop privés.

C'est sûrement parce que notre relation est encore toute fraîche. Peut être qu'il ne me fait pas encore assez confiance ? Oui, ce doit être ça. Ça viendra sûrement avec le temps.

- Eli' ?

Oups. Je crois qu'en étant dans mes pensées, j'ai loupé quelque chose.

- Oui ?

- Ça va ?

- Oui, pourquoi ?

Comme je m'en doutais, Andrea me parlait, et je ne l'ai complètement zappé. Mince... Et moi qui me disait justement qu'il ne parlait pas assez de lui...

- Pardon, j'étais dans mes pensées... Je suis un peu fatigué, je lui explique.

- Ah... C'était peut être pas une bonne idée que tu viennes ce soir...

- Si, au contraire. Il faut que je finisse mon dessin. Et puis... J'aime bien être avec toi.

Même en regardant devant moi, je sais qu'Andrea sourit. J'ai l'impression de sentir ce qu'il fait même sans avoir à le regarder. Comme quoi, à force de le fréquenter, je commence à le connaître un peu.

On discute de nos journées respectives durant tout le trajet, nos mains se frôlant à plusieurs reprises. Je me demande s'il le fait exprès... On s'est déjà tenu la main, donc il pourrait me l'attraper sans soucis.

Moi aussi je pourrais le faire, techniquement. J'y songe. Mais... Je ne sais pas trop comment faire ce genre de choses. Je ne suis pas quelqu'un de très entreprenant, mais je suis content que lui le soit et qu'il prenne constamment les devants.

D'ailleurs, il finit par me saisir la main tout en discutant, en faisant ça comme si de rien n'était. Tant mieux. J'aime bien quand ma peau est en contact avec celle d'Andrea.

On finit par arriver chez lui, et Andrea me laisse de nouveau passer devant. Je remarque d'ailleurs que c'est plus rangé que la dernière fois.

- Tu veux prendre une douche ?, me demande-t-il. Comme t'as eu cours toute la journée...

- E-Euh oui, pourquoi pas...

- Je vais te sortir de quoi te laver.

Andrea va me chercher une serviette de bain puis me laisse le champ libre. Je lui souris, avant de m'enfermer dans la salle de bain. Je vais essayer de me laver en vitesse, histoire de passer le plus de temps possible avec Andrea. Lui va profiter de ma douche pour préparer le repas, étant donné que c'est quelque chose de « long à cuisiner ».

Je me déshabille en inspectant la pièce autour de moi et ce qu'en a fait Andrea. Même ici, dans sa salle de bain, il a mis des tonnes de plantes vertes. J'ai vraiment l'impression d'être dans une mini serre.

Une fois nu, je file sous la douche. Je me lave rapidement, tout en insistant sur certaines parties plus spécifiques. Je ne sais pas trop si nous ferons... Quelque chose ce soir, mais dans le doute, je préfère prendre mes précautions.

Une fois propre, je sors de la douche et m'essuie avec la serviette qu'Andrea m'a donné. J'aime bien l'odeur de sa lessive. Ma serviette a une odeur de fruit exotique. Une odeur de mangue, je crois ?

Je m'habille, et une fois vêtu d'un caleçon propre et d'un t-shirt, je rejoins Andrea dans la pièce principale. Je plie mes vêtements de la journée, et cherche un endroit où je pourrais les déposer.

- Euh..., je commence, où est ce que je peux poser ça ?

- Hum ? Ah, fais comme chez toi.

Je parcours la pièce d'un rapide coup d'œil avant de finalement déposer mes habits à côté de mon sac, sur un bord du canapé.

- Je peux finir mon dessin de toi ?

- Evidemment !

Je lui souris, même s'il ne lève pas la tête vers moi. C'est étonnant, d'ailleurs. D'habitude, il passe lui aussi son temps à me regarder... Il doit être vraiment concentré dans la préparation de notre repas.

Ça a intérêt à être vraiment excellent.

Je sors mes affaires de dessin, et termine ma petite œuvre tout en regardant de temps en temps Andrea s'affairer en cuisine. Enfin, avant qu'il ne vienne simplement s'asseoir sur le canapé à côté de moi pour me regarder dessiner.

- T-Tu veux que je m'arrête ?, je lui demande.

- Non non, c'est en train de cuire. Continue, je te regarde.

Je déglutis, et essaie de continuer à dessiner comme si de rien n'était. Heureusement qu'il ne me reste plus grand-chose à faire, que quelques traits pour finaliser le tout... Parce que c'est horrible, de faire quelque chose en ayant quelqu'un qui vous regarde fixement.

Déjà qu'un canapé n'est pas l'endroit le plus adéquat pour dessiner, mais devoir le faire en étant scrupuleusement scruté par Andrea rend la chose encore plus difficile.

- Ça y est, j'ai fini, je lui dis après avoir terminé.

- Félicitations ! Tu dessines vraiment beaucoup trop bien.

- Merci... Désolé, je devais vraiment finir mon dessin pour mon porte folio...

- Arrête de t'excuser !

Il soupire, et pose sa tête sur mon épaule. Je sens un frisson me traverser tout le corps, et je garde les yeux rivés sur un point en face de moi, grands ouverts.

Je n'ose pas bouger d'un poil. Avoir sa tête sur mon épaule, c'est à la fois bizarre et stressant.

Bizarre parce que jamais personne n'a posé sa tête sur mon épaule, pas même ma mère.

Stressant parce que c'est un homme, un homme qui me plait énormément, et que je ne sais encore une fois pas ce que cela signifie pour lui. Que je ne sais pas non plus comment je suis censé réagir face à ça.

Mais c'est aussi agréable. Sa tête est un peu lourde, mais ça va. Ses cheveux me chatouillent légèrement le cou, mais être aussi proche de lui me permet aussi de sentir son odeur. Et j'aime cette odeur.

- T'as pas besoin de répondre, commence Andrea, mais tu me plais. Je t'apprécie vraiment beaucoup.

Etant donné qu'il m'a dit que je ne devais pas lui répondre, je me contente de sourire. Je ne sais pas s'il pense vraiment ce qu'il dit, ni comment il quantifie son « je t'apprécie beaucoup », mais je souris.

Je finis néanmoins par poser ma tête sur la sienne, en guise de réponse.

On reste assis comme ça pendant un moment, un long moment, sans parler, à simplement profiter de la présence l'un de l'autre.

Mais Andrea finit par, encore une fois, briser la magie de cet instant.

- Le repas doit être prêt !, s'exclame-t-il.

- Qu'est-ce qu'on mange ?

- Je nous ai fait des ramens.