- Chapitre 12 -
Vendredi 2 Octobre :
L'heure du petit déjeuner était un moment de réunion que je partageais avec ma famille. Certes, voir que je continuais inlassablement de mettre mon lait avant les céréales irritait encore et toujours Sting, mais il n'était qu'un parasite à éviter. Le lait, c'est mieux avant les céréales. Cette heure était pour certains, comme mon père, le moment idéal pour échanger une conversation animée sur tout type de sujet. Peu importe lequel tant qu'il pouvait profiter d'un instant pour nous écouter parler de nos centres d'intérêts et ce que nous prévoyons de faire en ce jour.
Le sourire aux lèvres, je saluai ma mère qui venait de se réveiller d'une courte nuit. Elle m'adressa un sourire et s'assit près de moi. De son côté, après avoir passé le plus clair de sa nuit à travailler, le silence aurait été un repos qu'elle ne daignerait refuser. Pour autant, je crois ne pas me tromper en disant que de ne pas entendre mon père bavarder de si bon matin lui manquerait. Alors, elle se gardait simplement de parler, préservant ses dernières forces, et écoutait de bonne volonté mon père s'esclaffer.
Ma maman me lança un regard empli de bienveillance qui exprima son contentement, malgré les cernes creusés sous ses yeux. Sting lui apporta une tasse de café et elle lui gratifia d'un sourire tandis qu'elle trempa un biscuit dedans.
- Ça fait plaisir de te voir de bonne humeur, ma chérie. Me confia soudainement ma mère.
En guise de réponse, après un temps de latence, je lui accordai un sourire, signifiant que son attention me faisait plaisir. Elle continuait à veiller sur moi et me donnait l'impression d'attendre mon rétablissement. Du moins, plus que mon rétablissement, elle espérait me revoir heureuse. Je n'aurais même pas osé imaginer ces dernières années sans elle. Même si mon père avait aussi tenu un rôle majeur dans cette histoire, ma mère s'était occupée de tout et avait pris le rôle de maman auprès de mon fils sans exprimer aucune plainte, ni réticence. Je lui serais éternellement reconnaissante.
Finalement, après le petit-déjeuner, je portai Tom jusqu'à sa chambre pour lui enfiler son k-way. Je le chaussai de ses petites bottes et Tom se mit à gambader énergiquement dans tout l'étage. Je me munis promptement de mon sac, tout en répondant à Zeref, et sortis rapidement de la maison, en compagnie de Tom et de mon frère.
- J'ai pas renchéri sur ce que m'man t'as dit tout à l'heure mais faut avouer qu'elle a pas tort. T'as l'air de savoir sur quel pied danser ces temps-ci. Lança le blond. C'est grâce à quelqu'un en particulier ?
Sting jouait de ses sourcils et me jetait un regard, plein de sous-entendus. Je levai les yeux au ciel et observai Tom qui entretenait une discussion avec son doudou, Bob le Bricoleur.
- Je ne pense pas. Répliquai-je. Je n'ai besoin de personne pour vivre ma vie.
- C'est ce que tu crois. Mais n'oublie pas les gens qui t'ont soutenu tout ce temps. Ça pourrait en être vexant si je ne te connaissais pas.
Je soufflai péniblement et m'excusai de mes propos. Sting m'ébourriffa les cheveux et je lui lâchai un juron que Tom s'empressa de répéter. Mon frère se moqua de ma gourde en me grondant sans une once de sérieux et nous finîmes par arriver à notre établissement.
Dans les couloirs, Sting me faussa compagnie pour Rogue qu'il croisa près de sa salle de classe. Je fus rapidement rejointe par Natsu, toujours accompagné par sa majestueuse désinvolture.
- Yo, Caramel !
- Caramel ? Sérieux ?
- T'aimes le caramel, nan ? En plus, ma chatte s'appelait Caramel donc, no judgement.
- J'ai une gueule de chatte, moi ? Lâchai-je.
Natsu émit un rire et me toucha, du bout du doigt, mon nez.
- Nan, mais t'en as une !
Je roulai yeux.
- Tu m'étonnes que tu sois seul avec tes blagues beauf à deux balles. Lui lâchai-je en retour.
- Beauf ? Moi ? Mais je suis offensé par de telles accusations !
Je lui dressai mon doigt et accélérai la cadence.
- J'te laisse. Peut-être que si un jour tu te montrais doté d'un vrai talent en humour, je resterais un peu plus longtemps à tes côtés. Allez ciao, sale nigaud ! Lui lançai-je en pleine figure, secouant ma main en signe d'au revoir et en trottinant un peu plus vite qu'auparavant.
Assise sur un banc de la cour, j'écoutais d'une oreille peu attentive la discussion houleuse de mes amies qui traitaient de sujets plus que déjantés, et donc intéressants pour moi.
- So sorry mais nah, je suis sûre que vu les imbéciles qui gouvernent, s'il y a un virus, il va se refiler si vite que personne ne pourra le contrer. Assura Lisana.
- Peut-être mais dans ce cas, les règles qui seront imposées pour endiguer le virus, avant de trouver un vrai antidote, dureront des mois et des mois... Ça prendra tellement de temps que l'économie des pays pourrait s'effondrer et la reprise serait extrêmement rude. Expliqua Levy.
- Bah alors, espérons que ça n'arrive pas et n'y pensons pas ! Proposa alors Juvia pour en finir le plus vite possible sur ce sujet.
La suite de la conversation se flouta davantage dans mon esprit à la vue de Grey dans mon champ de vision. Il me lança un bref coup d'œil et tenta d'oublier ma présence. Cependant, je devais avoir une discussion avec lui. Je le savais mais je cragnais la fin de cette conversation.
Mon angoisse croissait au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Un nœud au creux de mon ventre me tordait presque de douleur. Pourquoi tout devait être si compliqué ? Je n'aurais pas eu à affronter mes peurs s'il avait gardé ses distances avec moi, comme il savait si bien le faire. Pour autant, le devoir m'appelait. Pire encore, cette obligation s'intégrait dans mon esprit comme un mur qui me bloquait le passage. Je devais mettre un terme à ces non-dits. J'inspirai profondément et pris mon courage à deux mains, me levant sous le regard intrigué de mes amies.
Je me rendis à lui, tentant de faire abstraction de mon stress qui décuplait à chaque pas. Je me plantai devant lui et Grey posa son regard sur moi, surpris. Ma bouche s'entrouvrit légèrement et Grey remarqua le faible tremblement de mes lèvres.
- J-je... débutai-je dans un bafouillement.
Je me raclai la gorge comme pour reprendre mon sérieux mais avant que je n'eus le temps d'ouvrir ma bouche, Grey se leva et fit un signe aux gars qui l'accompagnaient, et qui me dévisageaient de haut en bas depuis mon arrivée, qu'il comptait revenir.
Il m'attrapa par la main et m'entraîna dans un coin reculé de la cour. Ce contact me provoqua une rafale de frissons dans tout mon corps et, tandis que ma raison m'alarma de me dégager de son emprise, mon corps était déjà tétanisé.
Se postant devant moi, Grey me détailla silencieusement, attendant que je me lance. Malgré ma volonté de paraître impassible face à sa présence, mon corps, quant à lui, ne m'écoutait plus. Son regard me paralysait. Je me sentais ancrée au sol, les pieds ensevelis par une tonne de sable, sous l'eau.
Je cherchai à reprendre le contrôle du système. Je me visualisai Zeref dans mon esprit. Je l'imaginai me prendre mes mains, posant son regard sur moi et me fixant sans ciller. Sa confiance se transposa sur ma personne et l'image de ses mains serrées dans les miennes m'apaisa progressivement.
Enfin, contrainte à parler, j'inspirai longuement et ouvris les yeux que j'avais brièvement fermé pour m'isoler de la réalité. Je croisai le regard de Grey, qui s'était fait patient et silencieux, et commençai.
- Je ne peux pas te donner de réponse sur ce qu'il en est notre passé. Je ne voulais plus avoir affaire avec toi, et j'étais bien décidée à respecter ça alors pour l'instant, je veux avoir le moins de contact possible avec toi. Lançai-je d'une traite.
- Pourquoi ? Qu'est-ce qui te dérange tant que ç-
- Parce que te voir me rend vulnérable. Avouai-je, le coupant dans son élan, la nervosité montant d'un cran. Je ne suis pas insensible à ton regard. Je ne me suis pas forgée un cœur de pierre comme tu peux le croire. J-je... Quand tu es là, en face de moi, à m'observer avec ce regard qui me faisait craquer avant... ça me donne juste envie de t'embrasser.
Grey se déconfit à l'instantané, se raidissant sur place. Ses yeux m'observaient avec tant d'intensité que je sentis mon cœur battre la chamade. Je regrettai immédiatement mes mots.
Néanmoins, je tentai de garder mon calme, n'ôtant pas l'image de mon meilleur ami de ma tête. Je passai ma main dans mes cheveux et les rabattis en arrière, replaçant une mèche derrière mon oreille.
- Et rien que d'y penser... ça me dégoûte. Repris-je pour couper à ce silence plombant. Je me hais d'encore ressentir ça à ton égard et je me hais de ne pas pouvoir te rayer de ma vie. Et j'ai envie de t'en mettre une. Et tout ça, ça me donne envie de pleurer. Et justement, je pleure. Je ne fais que ça, et c'est pas une vie.
Les épaules de Grey s'affaisèrent et il avança d'un pas, me faisant reculer de deux. Sa main, qu'il avait levée, se baissa à contrecœur. Je croisai mes bras contre ma poitrine.
- On aurait pu être heureux, Grey. On aurait pu s'en sortir. Tu as tout gâché... Tu as gâché ma vie.
- Entendre ça me fait mal au cœur... Mais je sais bien que je le mérite. Écoute, mes mots vont sûrement pas t'atteindre mais crois moi, je suis sincèrement et terriblement désolé. J'ai bien compris qu'aucun mot qui pourrait sortir de ma bouche ne pourrait te consoler, mais te voir comme ça, par ma faute, ça me rend malade. Je mérite ce qui m'arrive. Je mérite ta colère. Le karma me fait d'autant plus regretter mon erreur. Mais... mais si je pouvais me rattraper, si je pouvais te montrer que j'ai vraiment compris et que je suis sincère dans ce que je dis, alors je le ferai. Je te prouverai, Lucy, que je suis le père qu'il faut pour Tom. Je te le jure sur ma vie.
À mon tour de rester interdite face à sa belle tirade pleine de promesses. J'essaiai d'encaisser ce qu'il venait de me dire. Il fallait bien que je prenne conscience de l'entière réalité qui se déroulait sous mes yeux. Voir Grey émettre son vœu de reprendre la place qui lui avait été due, pour moi, c'était l'un de mes fantasmes les plus fous que je croyais tout bonnement impossible à réaliser. L'idée même de le croire et de vivre une vie heureuse à ses côtés me donna la nausée et je réprimai un relent.
Je me détournai de lui et posai une main sur ma hanche. J'eus un besoin immédiat de m'asseoir. Malgré lui, Grey se dirigea vers moi, sûrement soucieux de mon état. Les souvenirs tournaient en boucle dans ma tête. Nos années de bonheur ensemble, l'annonce, son départ soudain et inexpliqué, mes années de souffrance.
- Lucy, est-ce que ça va ? Je peux faire quelque chose ? Je suis vraiment désolé. Vraiment. C'est horrible de te voir dans cet état... Lucy ? Lucy ?
Mais je ne l'écoutais pas. Seul nos rires me parvenaient aux oreilles et occupaient ma tête. Ses anciennes promesses, ses vieilles déclarations, périmées, qui ne valaient plus rien aujourd'hui. C'était plus simple d'accepter le fait qu'il ne regrettait pas son geste plutôt que de savoir qu'il culpabilise. La honte qu'il manifestait le rendait moins inhumain. Ses excuses instllaient le doute en moi en ce qui concernait la haine que j'éprouvais.
Tout se bousculait dans mon esprit. Il mettait du désordre dans ce que je m'efforçais d'arranger. Je me concentrai sur ma respiration, comme je l'avais travaillé avec psychothérapeute. Je m'aggripai à la rampe des escaliers et me relevai. Je secouai la tête avant de le redresser, ancrant mon regard dans le sien. J'y remarquai sans grande difficulté une once d'inquiétude que je supposai liée à la culpabilité qu'il disait l'avoir envahi.
- Comme tu peux le voir, ton départ a causé des dégats considérables. Je suis désolée pour moi de savoir que tu aies eu l'occasion de me voir ainsi à de maintes reprises déjà. Enfin bon, ce qui est fait est fait, n'est-ce pas ? Je prends en compte ce qui tu m'as dit. Tu n'as pas parlé dans le vent, si ça peut te rassurer. Je... Après les cours, je vais aller chercher Tom. On avait pour but d'aller au parc de Magnolia. Si tu as le temps... tu pourrais nous accompagner.
Une lueur étincela dans son regard. Une mine de surprise se peignit sur son visage et je le vis prendre une grande bouffée d'air avant de répondre. Il acquiesça de la tête, en m'adressant un sourire qui se voulut doux. Je hochai de la tête et le laissai dans ces escaliers en pierre qui amenaient au gymnase. Je me dépêchai de rejoindre mes amies et en les voyant de loin, j'aperçus Natsu qui disutaient avec elle. Je m'arrêtai dans ma marche, inspirai un bon coup et ravalai un sanglot.
Un éclat de rire se fit entendre du petit groupe alors que le regard de Juvia se tourna dans ma direction, les autres suivant l'action.
Je les regardai un instant avant de concéder à un sourire. Je me rapprochai d'eux et jetai furtivement un regard à Natsu avant de me concentrer sur la conversation. Sa main m'empoigna doucement tandis que mes yeux rivèrent à nouveau vers lui, étonnée par son geste.
Natsu me conduisit loin des filles, m'amenant près du placard à balais de l'établissement. Il laissa un temps de pause.
- Ça va ? Me demanda-t-il d'une voix qui se voulut rassurante.
- Je crois. Je crois que ça va.
Natsu n'attendit pas plus et me ramena à lui, me serrant contre lui. J'eus un mouvement de recule et il s'empressa de me laisser de l'espace. Il m'observa et attendit une réaction de ma part, de peur d'avoir mal agi. Son geste m'avait plus que déstabilisée, surtout parce que je n'étais pas habituée que d'autres personnes à part mes proches aient un contact physique avec moi.
Je ne savais pas moi-même comment je devais réagir face à ce type de situation. Ça faisait longtemps que je n'étais pas sortie de chez moi avant mon retour en cours. Le besoin que l'homme a de sociabiliser était devenu un sentiment presque inconnu pour moi. Mais je savais à ce moment là que le fait que Natsu me prenne dans ses bras était ce dont j'avais besoin présentement. Alors, lui adressant un sourire, je retrouvai place dans ses bras. Il n'attendit pas pour répondre à mon étreinte et cette sensation m'emplit de joie pour un bref instant. Un reposant silence s'installa pendant que je humais son parfum. Je posai ma tête contre lui et Natsu me caressa le dos.
- Tes yeux brillaient. Souffla le rosé à mon oreille. Je ne voulais pas qu'elles s'en rendent compte.
Je réalisai par cette remarque de l'attention que me portait le rosé et ce constat appliqua un large sourire sur mon visage.
- Mais dis moi, mon cher, cela ne signifierait-il pas que tu m'observes plus qu'il ne serait recommandé ? Le taquinai-je, en m'extirpant de ses bras pour lui lancer un regard moqueur.
Au lieu de le déstabiliser, ma blague provoqua Natsu qui renvoya le même regard.
- Pourquoi ? Ça te ferait plaisir, Caramel ?
- Plaisir, c'est le mot oui... Savoir qu'un brave garde du corps veille sur moi ainsi, cela rendrait jalouse même les vieilles !
- Je crois bien qu'elles n'ont plus besoin de garde du corps à leur âge avancé...
À sa remarque, je pouffai de rire, vite rejointe par mon acolyte. Je sentis tous mes muscles se détendre à son rire, ce qui élargit que davantage mon sourire. Je me calmai et l'observai rire.
- Eh, Natsu... Il cessa de rire et reposa ses yeux sur moi, intrigué. Tu sais que toi aussi, t'es génial ?
Mon compliment lui valut un vif rougissement que voila promptement son sourire qui laissa apparaître ses dents.
- Vraiment ? Ça me va droit au cœur alors. Si je peux te rendre la pareille, je le ferai sans hésiter. Répliqua-t-il en me lançant un clin d'œil.
Accoudée à une barrière qui séparait la route de la chaussée, j'attendais le retour de mon grand garçon. Mon regard riva sur mon accompagnateur qui semblait plus que stressé à l'idée de rencontrer officiellement celui qui était aussi son enfant. Je soupirai et résistai à mon envie de le rassurer, gardant un espace de sécurité entre nous.
Soudain, j'aperçus Tom, trottinant avec gaieté vers moi. Ses yeux croisèrent Grey et à son regard, je savais qu'il n'avait malheureusement pas oublié le visage de celui qui m'avait faite pleurer l'autre jour. Je pris les devants.
- Coucou, mon beau ! Oh, mais qu'est-ce que tu as sur le visage ? C'est du feutre à ce que je vois. Eh bien, j'en connais un qui va prendre sa douche ce soir !
Mais rien n'y fit. Grey avait accaparé l'attention de Tom. Ce dernier n'osait bouger d'un poil. Il semblait complètement décontenancé.
- Tom, ehoh ! J'ai ton goûter dans la main alors, ne m'ignore pas ou c'est moi qui vais le manger !
À l'entente du mot " goûter ", Tom me regarda intensément de ses yeux pleins d'étoiles.
- Oh non ! Pas ça ! Pas ça, pas ça ! Pas mon goûter !
- Aah je reconnais bien mon bon glouton. Allez, ne fixe pas comme ça les gens, s'il te plaît.
Tom se calma et je le vis se tourner ves Grey, qui était resté interdit durant toute la scène. Je m'approchai de l'oreille du bambin.
- Ne t'inquiète pas. Il est là pour toi, Tom. Il veut jouer avec toi.
Il resta méfiant pour autant, le dévisageant longuement. Remarquant que Grey ne réagissait toujours pas, je me raclai la gorge et il reprit contact avec la réalité.
- E-euh oui. Désolé, je suis pas le plus doué avec les p'tits gens de ton âge... Mon nom à moi, c'est Grey. Il s'abaissa à la taille de Tom et lui tendit sa main. Tu veux me la serrer ? J'ai très envie de devenir ton ami. Promis, je mords pas !
Tom semblait perdu. Il me lança un regard et je lui fis signe d'accepter la main du grand monsieur, ce qu'il fit.
- Moi, moi, moi c'est Tom !
- Tom ? Un joli prénom pour un beau garçon, à c'que je vois !
- Mamie dit que j'suis fort aussi !
- Aah ça, on va le voir à qui fait le plus de tour de tobogan !
- C'est moi qui va gagner ! Assura mon grand garçon.
Cette scène eut le don de m'émouvoir au plus haut point. J'avais senti mon cœur se serrer. Je pinçais le bout de mes lèvres, sentant l'émotion me submerger. J'espérais que cette rencontre ne cause aucune peine à Tom. Je ne pourrais le permettre.
- Allez ! Direction le parc ! Déclarai-je avec enthousiasme.
Euphorique, le petit blondinet gigota dans sa poussette.
Nous passâmes par la rue marchande et entrâmes dans une boulangerie. L'odeur alléchante des viennoiseries envahissait la petite boutique. Tom se lécha les babines de la même façon que son oncle, ce qui me provoqua un rire.
Devant la multitude de choix, Tom hésitait tel l'indécis qu'il était. Le garçonnet se leva de la poussette et, avant qu'il ne bascule, je l'attrapai et le portai sur ma hanche. Il pointa un éclair au chocolat du doigt et la boulangère en enveloppa un dans un sachet qu'elle me tendit. J'allai pour chercher mon porte monnaie dans mon sac de cours mais Grey me fit un geste et sortit un billet.
- Laisse, je vais payer. Annonça-t-il.
- Il en est hors de question. Je paye. Insistai-je en attrapant mon argent.
- J'insiste, vraiment. Je veux vous faire plaisir.
- Je ne veux pas t'être redevable.
- Personne te demande de l'être.
- Mais je le serai quand même.
- Inutile de forcer, je vais payer. Crois moi, je ne te demanderai rien en retour. Tu en fais déjà assez en me supportant là, maintenant.
Je le toisai un instant et soupirai, me résignant cette fois-ci.
- Dis, tu veux quelque chose ? Me demanda-t-il.
- Nan. Me précipitai-je à répondre. Enfin, je veux dire, nan merci.
Grey me lança un regard avant de commander un mille-feuille pomme noisette. Avant que je ne puisse répliquer, il me le tendit et paya. Je le regardai quitter la boulangerie avec la poussette tandis qu'il m'adressa un sourire amusé. Je gardai le silence et le suivit hors de la rue.
À l'entrée du parc, Tom s'impatienta soudainement, commençant à pousser des cris en public. Je me plaçai devant lui, les sourcils froncés et le regard sévère.
- Tu te calmes tout de suite ou tu dis adieu au parc. L'avisai-je.
Le petit garçon s'entêta à demander à sortir de la poussette. Ses cris alertèrent certains passants qui se retournèrent, intrigués voire même inquiets. J'avais la sensation d'être jugée par tous les côtés et surtout je craignais de devoir assumer que je perdais la face devant Grey.
- Tom, ça suffit ! Continue, et je te punis en prime.
Comprenant que je ne plaisantais pas, mon fils se tut subitement et s'assagit. Il souffla une excuse et croisa les bras.
Je soupirai et lui offris une seconde chance. Je le détachai de sa poussette lorsque nous étions bien en sécurité, loin de la route, et laissai Tom gambader joyeusement dans les alentours. Je l'observai courir derrière un pigeon et m'assis sur le banc. Je jetai le sachet de l'éclair au chocolat dans la poubelle et déballai ma pâtisserie tandis que Grey s'assit auprès de moi, gardant quand même un mètre de distance. Pendant que je savourais cette délicieuse sucrerie, je me mis à vérifier mes notifications. Je crois qu'un gémissement de plaisir m'échappa puisque Grey se tourna subigement vers moi, les yeux ronds, avant d'être pris par un léger rire.
- À ce que je vois, tu aimes toujours autant les mille-feuilles.
- En effet... Je ne pensais pas que tu t'en souvenais.
- Comment ne pas me souvenir de ça ? Je me rappelle encore de la fois où la crème de ton mille-fois t'avais échappé et avais atteri pile sur ton nouveau pantalon blanc. Répliqua-t-il, un large sourire plaqué sur son visage.
Cette conversation raviva d'agréables souvenirs et je ne pus que contrôler à demi le sourire qui cherchait à se faire une place sur mes lèvres. Je me raclai la gorge pour couper court à ce moment nostalgie et Grey comprit vite que j'établissais un mur entre nous.
- Je... Je vais rejoindre Tom. Je lui ai promis une course de tobogan...
- Tu m'avais aussi adressée de belles promesses, fut un temps. La promesse de ne jamais me quitter, par exemple.
Ma pique cinglante plomba l'ambiance instantanément et je me maudis de ne pas savoir me taire.
- Euh... Je... Je suis désolée. J'ai pas réfléchi avant de parler...
- C'est pas grave. Je comprends. Je vais... juste rejoindre Tom. Ne t'en fais pas, je pars dans ving minutes.
J'aurais voulu lui répondre qu'il n'était pas en tort mais moi-même, je savais que je ne pouvais plus tenir davantage. Gérer toute cette situation était bien trop pesant. Il me fallait un temps pour digérer tout ça.
Après son départ, j'attendis un moment avant de décroch aux maints appels de Zeref. Je devais contrôler l'angoisse qui commençait à grouiller en moi. Je pris une pause pour respirer puis répondis finalement à l'énième appel de mon ami. Il m'assaillit de questions et je savais qu'avec mon passif, j'avais dû l'inquiéter de ne pas décrocher dans l'immédiat. Il proposa que nous nous retrouvions et je lui indiquai alors ma position. Zeref rappliqua illico presto.
- Yo, poulette.
- Déjà là ? La vache mais t'es superman !
- En cher et en os, ma tendre. Répliqua-t-il en me baisant la main. Nan j'ris. J't'ai appelé parce que je rendais visite à ma mère et à mon idiot de frère.
- Sans vouloir te vexer, je crois qu'entre vous deux, c'est toi le plus idiot.
Il prit un air offensé et osa jouer la comédie pendant encore de longues minutes, pleurant mon aveuglement. Sur ce coup, je préférais le laisser dans sa conneire et préoccupai plus de mon fils qui ne faisait que bêtise sur bêtise. Cette fois-ci, je le rappelai à l'ordre parce qu'il embêtait le chat blanc qui était tranquillement entrain de dormir. Tom nous rejoignit à ma demande.
- Tu as soif ?
- Nan !
- Et tu as chaud ?
Tom opina d'un hochement de tête. Je gardai alors son écharpe et déboutonnai son manteau.
Le blondinet repartit aussitôt et entra dans l'aire de jeux, rencontrant au passage, une petite fille aux sublimes cheveux d'argent. Tom resta interdit face à la beauté de ses yeux d'azur, ce qui laissa un sourire apparaître sur mon visage.
- Il pecho déjà à son âge, ton gosse ? Balança Zeref qui venait de me rejoindre.
- Je pense que c'est surtout cette petite qui l'a pecho là.
- Pas tort. Elle est toute mimi !
- Toi, reste là. Je ne veux pas être complice de pédophilie.
Zeref me dressa son majeur tandis qu'il se posait à mes côtés. De sa main, il me décoiffa.
- Sale saperlipopute. Crachai-je.
- Moi aussi j'te love, Luciole.
Dans ma chambre, je me cherchais un bon pyjama confortable alors que je plaçais une tenue suivit d'une autre, au cas où, dans mon sac à dos. J'entrai ma trousse dedans et n'oubliai pas mes boules Quies. Erza était du genre " bavarde " la nuit et se mettait même parfois à hurler. Une soirée pyjama chez elle était toujours un plaisir, surtout depuis que j'osais sortir de chez moi, mais bon Dieu qu'il fallait avouer que passer l'heure de bavardage, dormir était digne d'une épreuve de Koh-Lanta ! Entre notre gracieuse Juvia qui ronflait comme un sanglier et Erza qui nous refaisait le discours de Greta Thunberg dans son sommeil, je n'étais pas sortie de l'auberge, surtout avec mes problèmes d'insomnie. Après nous n'étions pas un trio pour un rien. Moi aussi, il m'arrivait régulièrement de faire des crises de terreur pendant la nuit. Mais c'était ça le plus agréable : savoir qu'en aucun cas l'une de nous ne serait jugée par l'autre. Nous avions une total confiance en nous.
J'embrassai tendrement mon papa qui cuisinait, frappai Sting et baisai le front de Tom.
Je pouvais me dire chanceuse d'avoir une famille aussi compréhensive qui m'aie aidée à reprendre une vie de lycéenne normale. Ils me laissaient profiter de ma jeunesse, déjà assez ruinée.
Je sonnai chez ma bleutée d'amie qui m'accueillit chaleureusement alors qu'Erza était en cuisine, la musique résonnant dans l'appartement de la tante de Juvia.
Mon amie habitait avec sa tante et sa cousine depuis ses quatorze ans, lorsque sa mère était partie en Chine pour son travail alors qu'elles traversaient le deuil du décès de son père.
Ma meilleure amie était réellement attachée aux souvenirs qu'elle avait de son papa. Elle l'avait toujours vu comme son modèle, avant sa mort. Et pourtant, même après cette lourde épreuve, Juvia gardait toujours le sourire, comme son père lui avait appris avec brio. Je l'avais toujours admiré. J'avais toujours envié sa force mentale. Elle réussissait étonnement à s'adapter à n'importe quelle situation alors, mon amie vivait bien tout ça. Elle ne se plaignait pas et remerciait, comme elle le pouvait, sa tante de l'héberger. Pour elle, cette vie lui suffisait.
Je me glissai dans les bras que Juvia m'avaient ouverte et elle resserra l'étreinte.
- Aide moi. Erza va faire brûler l'appart. Murmura-t-elle.
- Ouh... heureusement que je suis arrivée maintenant... je quittai le confort de ses bras et me précipitai vers l'écarlate, la dégageant de sa place, parce que c'était justement le cas là.
J'abaissai la température de la plaque, rajoutai de l'eau au plat tandis qu'Erza ouvrit les fenêtres, s'excusant de sa gourde.
- Erza, plus jamais. Déclara Juvia.
Nous éclatâmes de rire et la cousine de mon amie sortit de la salle de bain, en serviette.
- On m'explique pourquoi ça pue le cramé ? Demanda Wendy, intriguée.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro