⚜ мαrια ⚜
Je fus un instant déstabilisée par les pleurs de l'enfant et grimaçai légèrement lorsqu'il se mit à hurler dans mon oreille tout en se débattant entre mes bras. Je peinai à le garder tout contre moi tellement il gesticulait dans tous les sens, sa voix ayant fait place à celle d'une banshee tant il aurait pu réveiller les morts avec des cris aussi assourdissants.
— Du calme, mon ange, tentai-je de l'apaiser.
Il était toujours aussi chaud qu'un peu plus tôt. Il lui faudrait encore d'autres bains froids avant que sa fièvre ne disparaisse complètement.
— Votre Majesté souhaiterait-elle que je puisse le prendre ? me demanda la femme de chambre par-dessus les cris du gamin.
Je secouai la tête et me mise à marcher tout en essayant de le bercer mais il continuait à pleurer et entendre ses pleurs me brisa le cœur de façon incompréhensible. Comme si la douleur de ce petit être était devenue la mienne et mon incapacité à le calmer me mit mal à l'aise.
— Votre Majesté, fit de nouveau la femme de chambre d'un ton plus pressé et inquiet.
Je me tournai vers elle, un sourcil levé.
— Qu'y a-t-il ?
— Nous devons vous préparer, Votre Majesté, répondit-elle.
J'étais consciente que je devais être présentée au peuple français mais pour l'instant, j'avais d'autres préoccupations bien plus urgentes. La France pourrait être en feu qu'elle attendrait que je puisse avoir fini de prendre soin de l'enfant malade qui se trouvait dans mes bras. J'ignorai ainsi donc la pauvre jeune femme et entonnai une berceuse qui sembla avoir quelques effets au bout de quelques minutes.
Le gamin était si maigre qu'il m'était possible de toucher ses os à travers sa fine peau. À quand remontait la dernière fois qu'il avait eu un repas consistant ? Avait-il seulement un jour mangé jusqu'à sa faim ?
— Que l'on m'apporte des fruits et de l'eau, s'il te plaît.
La femme de chambre acquiesça derechef et partit faire exécuter mes ordres. Il me tardait d'arriver enfin au Louvre, non pas pour me repaître de la présence constante de mon royal époux, mais pour avoir la possibilité d'utiliser les cuisines du palais à ma guise. Bien que je ne puisse douter une seule seconde qu'il me sera difficile d'y avoir accès et que Louis ne me facilitera guère la tâche.
On me présenta un plateau rempli des fruits les plus exquis de la saison. Je pris un morceau de pêche que je plaçai près des lèvres de l'enfant. Il ouvrit aussitôt la bouche et mangea immédiatement le morceau de fruit.
— Encore ? lui demandai-je.
Il me regarda d'un air perdu avant de poser son regard sur le plateau qui était tenu par une autre domestique. Il se tourna vers moi et je compris à son regard qu'il avait faim mais qu'il ne demanderait pas. C'était un comportement inattendu et incompréhensible de la part d'un enfant aussi jeune. N'aurait-il pas dû tendre la main pour en avoir un peu plus ou brailler une nouvelle fois pour obtenir à manger ?
Je repoussai ses questions dans un coin de ma tête et lui donnai à manger de nouveaux fruits comme de la framboise, du melon, des cerises ainsi que de l'abricot qu'il recracha presque aussitôt. Je tentai une nouvelle fois de lui donner un peu d'abricot mais il secoua frénétiquement la tête.
— Bon à savoir, tu n'aimes pas l'abricot, dis-je en lui souriant tendrement.
— Peut-on savoir pourquoi vous n'êtes toujours pas apprêtée ? grogna une voix horriblement familière.
— Il avait faim, justifiai-je sans prendre la peine de rencontrer les prunelles du monarque.
À coup sûr, il était en train de m'assassiner du regard. Chose qu'il devait sûrement rêver de faire depuis qu'il avait appris pour ma grossesse.
— Est-ce donc votre seul argument pour justifier un manquement à vos devoirs en tant que souveraine de ce royaume ?! Le peuple de France attend, Madame ! Pour vous, la ville s'est parée de ses plus beaux atours. Des clameurs s'élèvent plus haut dans le ciel, réclamant votre présence, dit-il d'un ton irrité. Et pendant ce temps, que faites-vous ?
— Je prends soin d'un orphelin ! répondis-je tout aussi irritée que lui.
— Confiez-le donc aux soins d'une femme de chambre et agissez pour une fois en tant que reine de ce royaume !
— Ne suis-je pas aussi la reine de cet enfant ?! Ne fait-il pas partie de mes nombreux sujets ?
— Si vous vous entêtez à agir de la sorte, je vous le ferai retirer, menaça-t-il.
Je reculai d'un pas et toisai le jeune monarque, enserrant plus fermement le petit garçon tout contre moi.
— Vous n'oseriez pas.
— Ne présumez donc pas de ce que je peux faire ou ne pas faire, ma reine, répliqua-t-il avec froideur tout en crachant les derniers mots.
— Vous ne voudriez pas m'avoir comme ennemie, Sir.
— Avant que nous puissiez amorcer votre attaque, cet enfant vous aura déjà été arraché, dit-il calmement. Alors, il n'incombe qu'à vous d'être sensée et de remettre cet enfant aux domestiques qui s'en occuperont avec grand soin, j'en suis certain. Sa place n'est pas à la Cour.
— Bien.
— Bien ? fit-il, interloqué.
— Vous avez raison, Sir, dis-je, la place de cet enfant n'est pas à la Cour de France.
Il me regarda d'un air choqué.
— Bien… bien… Je vais donc vous laisser… bafouilla-t-il, décontenancé.
— Oui.
Il me lança un dernier regard avant de rebrousser chemin. Je baissai mes yeux sur l'enfant que je tenais entre mes bras et tendis l'oreille. Je pouvais percevoir un faible écho des clameurs en liesse provenir de l'enceinte de la ville. Ils étaient tous impatients de voir le couple royal, de poser leurs yeux sur leur nouvelle reine. Là-bas, tout un peuple s'impatientait pour une reine que je n'étais pas et ne serais jamais. Ce monde n'était pas le mien et je n'y avais aucune place.
Je jetai un coup d'œil aux alentours et remarquai que nous n'étions entourés que de forêts. Je n'avais jamais eu le plaisir ni la chance de découvrir l'entrée de Paris aussi boisée. À mon époque, il ne poussait autour de la ville que des immeubles en béton. La verdure était si rare que c'était un luxe d'avoir un appartement non loin d'un parc.
Il y avait tant de gardes tout autour des carrosses qu'il me serait impossible de me faufiler sans me faire remarquer. Je devais à tout prix trouver une solution car il était hors de question que je poursuive plus longtemps cette mascarade. J'en avais plus qu'assez des menaces voilées de Louis et de son impétueux désir à vouloir me séparer de cet enfant. Cette époque n'était certainement pas faite pour moi mais la noblesse non plus.
— ¿Su Majestad?
Je délaissai mes plans d'évasion quelques instants pour poser mon regard sur Doña Anna Molina.
— ¿Sí?
— ¿Puedo servirte de alguna manera? me demanda-t-elle. (Puis-je vous servir d'une quelconque façon ?)
J'allais poliment refuser lorsque soudain, j'eus une idée qui me traversa l'esprit. Je reluquai la jeune espagnole et souris, ravie d'avoir peut-être trouver une solution à mon problème.
— Sí, pero no temo que sea peligroso para ti, Anna. (Oui, mais je ne crains que ce ne soit dangereux pour toi, Anna.)
— Mi deber es servirle, Su Majestad. (Mon devoir est de vous servir, Votre Majesté.)
Tant de servitude me faisait froid dans le dos. C'était incroyable de voir combien étaient de loyaux fidèles à la couronne et combien seraient prêts à mourir au nom du couple royal.
Je lui demandai alors de m'accompagner jusqu'à l'intérieur de mon carrosse où je lui expliquais rapidement ce que j'attendais d'elle. Quelques minutes plus tard, je sortis du véhicule tenant toujours l'enfant dans mes bras et me dirigeai vers la forêt mais je fus stoppée par deux gardes qui surveillaient le coin.
— Hey, toi ! me héla l'un des gardes. Où vas-tu comme ça ?
— Su Majestad la Reina me pidió que pudiera pasear al niño, répondis-je tout en montrant l'enfant. (Sa Majesté la reine a demandé à ce que je puisse promener l'enfant.)
— Ce doit être l'une des femmes qui accompagnent Sa Majesté la Reine, dit le second garde.
— Elles sont combien au juste ? À croire que nous avons été envahis par des espagnols.
— Ne dis pas n'importe quoi, le rabroua son collègue. File ! ajouta-t-il à mon encontre.
Je ne me le fis pas dire une seconde fois et m'éloignai le plus rapidement possible d'eux. Je jetai un dernier regard à la procession de carrosses qui était à l'arrêt et m'enfonçai dans la forêt sans aucun remord, jouissant à nouveau de ma liberté.
J'allais enfin retrouver un semblant de vie normale et pourrais élever mon enfant ainsi que cet orphelin loin des menaces perpétuelles de Louis et des dangers de la Cour.
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