⚜ мαrια ⚜
Je m’efforçai de faire fi des regards qui se posaient sur moi et des chuchotements qui allaient bon train autour des membres qui composaient la Cour de France. Il ne fallait point partager le sang d'Einstein pour se douter du sujet qui semblait enfler dans la foule qui se hâtait de rejoindre, chacun, leur carrosse. Il fallait être aveugle ou le faire exprès pour ne pas voir la marque qui ornait ma joue. Elle était si difficile à ignorer que lorsque Anne d’Autriche posa son regard sur moi, il fut facile de lire dans ses yeux qu’elle connaissait l’auteur de cet acte. Qui d’autre cela pourrait-il être ? Aucun sujet du Royaume de France n’aurait même pensé à tenter un tel geste quand une mise à mort immédiate aurait été son seul salut.
La reine douairière m’invita à partager son carrosse en compagnie du cardinal Mazarin et je n’hésitai pas une seconde à accepter son invitation, soulagée de ne pas avoir à faire le trajet aux côtés d’un homme capable de lever la main sur une femme, de surcroît enceinte ! Je me doutais que les femmes étaient très peu tenues en estime à cette époque mais jamais je n’aurais pu imaginer qu’un monarque s’abaisserait à user de violence envers une femme.
— Ne concevez point de crainte quant aux agissements de Louis, mon enfant, me dit Anne d’Autriche. Être monarque est une tâche lourde à porter mais maintenant que vous vous tenez à ses côtés, je suis certaine qu’il s'adoucira avec le temps.
Je voulus hausser les épaules mais retins mon geste à temps. Il m’était parfois difficile de me souvenir quelle était ma place dans ce nouveau monde.
— Il est mon époux et mon roi, aussi, je m'attacherais à le servir du mieux que je le pourrais et si ma présence lui permet d’alléger son fardeau alors j’en suis heureuse.
Oui, je suis heureuse de lui servir de punching-ball. Très enthousiaste et volontaire ! Il pourra recommencer autant de fois qu’il le voudra mais il a intérêt à bien protéger ses bijoux de famille car la prochaine fois, je me ferai un plaisir de le castrer et de lui faire avaler ses burnes.
— Que voilà de belles paroles ! s'exclama le cardinal. Nous n’aurions pu trouver de meilleure épouse à notre roi que vous et me voilà rassuré de savoir qu’il a ses côtés une personne qui le soutiendra en toutes épreuves. C’est avec l’esprit léger que je me laisserai périr.
— Périr ? fit la reine douairière, indignée. Ce royaume tout comme Louis a encore besoin de vous, Mazarin. Vous nous êtes précieux, aussi, je vous prierai de cesser de dire de telles fadaises.
Le cardinal émit un petit rire mais promit à Anne d’Autriche qu’il n'évoquerait sa mort, du moins, en sa présence. Puis il changea de sujet pour calmer les inquiétudes de la reine douairière et entreprit de me faire la conversation. Il paraissait intrigué par le mode de vie de la Cour espagnole et souhaitait en savoir un peu plus sur les us et coutumes de la noblesse hispanique. Je m’efforçai de lui dire ce que j’avais pu glaner comme informations au cours des derniers mois que j’eusse à passer en Espagne.
Je me détendis lentement et me laissai bercer par les voix de mes aînés. J’étais épuisée et aurais bien aimé me reposer quelques heures. Depuis mon mariage avec Louis, je n’avais pu fermer correctement un seul œil de la nuit et m’inquiétais quelque peu des conséquences qu’un tel stress pourraient causer à mon bébé.
Je dus m'assoupir car, soudain, un tonnerre de cris me tira avec brusquerie de mon assoupissement et me fit violemment tressauter.
— Permettez-moi de me retirer un instant que je puisse m’enquérir de ce qui se passe, dit le cardinal.
— Faîtes donc, Mazarin.
Le cardinal sortit du carrosse et je me précipitai vers la fenêtre du véhicule pour constater que plusieurs nobles se pressaient à l'avant du cortège. J’étais bien curieuse de savoir ce qui tramait au dehors pour interrompre ainsi notre voyage vers Paris.
Mazarin ne tarda pas et revint quelques minutes plus tard.
— Encore une âme malheureuse qui quittera ce monde bien trop tôt, souffla-t-il affligé.
— Ne nous faîtes point languir, Mazarin, et relatez-nous donc ce qui peut bien causer un tel chahut au dehors pour retarder notre retour, dit Anne d’Autriche.
— Une femme a été retrouvée morte tout près du sentier et dans ses bras, une jeune âme innocente mais le malheureux ne vivra point longtemps. Nul ne sait combien de temps la mère a trépassé mais l’enfant est si mal en point qu’il n’a aucune chance de survivre.
— Quel grand malheur ! fit la reine douairière, attristée. Pourquoi pensez-vous que cette femme se soit retrouvée si loin des siens ?
— Il est fort probable, ma reine, qu’il s'agisse d’une infortunée ou d’une femme de mauvaise vie. Il est courant que ce genre de femmes soient livrées à elles-mêmes et que personne ne veuille s’en approcher, encore moins leur venir en aide.
Anne d’Autriche secoua la tête et prise d'une impulsion, je me décidai à aller voir. Je descendis donc du carrosse et poussai un soupir de bien-être lorsqu’une brise fraîche vint caresser ma peau. Il faisait si chaud que j’en transpirais.
— Où allez-vous donc Marie-Thérèse ? me questionna Anne.
— J’aimerais voir s’il peut être fait quelque chose pour cet enfant, répondis-je.
— Il est condamné, Madame, dit Mazarin. Il serait inutile de vous miner en voyant l’état dans lequel se trouve cette âme.
— Je peux assumer de voir la misère qui parcourt ce monde, Cardinal.
Je n’attendis guère une seconde de plus et me hâtai vers l'avant du cortège. On me fraya un chemin au milieu des carrosses et des nobles. J’aperçus Louis qui se tenait aux côtés de l'un des gardes suisses tandis que Philippe s’était rapproché de son amant qui paraissait troublé voire accablé. Je m’avançai un peu plus et là, mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine. Au milieu de la route en terre avait été posée le corps sans vie d’une jeune femme. Sa peau était devenue grisâtre et sa chevelure rousse était emmêlée et parsemée de boue et de feuilles mortes. Non loin du corps, un petit enfant sur lequel était penché un homme d’une quarantaine d’années.
— Il semble atrocement souffrir, Sir, dit l’homme.
— Il n’y a rien qui puisse être fait pour le sauver ? demanda le monarque.
— Hélas, j’en ai bien peur.
Je m'approchai et ignorai le regard assassin qui fut posé sur moi. Je m'agenouillai près de l’enfant et fus surprise de constater à quel point il était jeune. Il devait sûrement être âgé de trois ou quatre ans mais il m’était impossible d’en être certaine car il semblait souffrir de malnutrition. Il était si maigre qu’il était possible de voir son ossature à travers la fine peau de son corps.
— Madame, vous ne devriez pas être ici, dit Louis dans mon dos.
Je l'ignorai royalement et posai ma main sur le front de l’enfant. Il était brûlant de fièvre et effectivement, il avait du mal à respirer. Je me penchai vers lui et posai mon oreille au-dessus de sa cage thoracique. J’entendis un léger sifflement mais il était régulier.
— Madame, veuillez remonter dans votre carrosse.
Je me redressai et me tournai vers le monarque tout en le fusillant du regard.
— Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, Sir, cet enfant a besoin d’aide et je m'attache à faire ce qui est en mon pouvoir pour lui éviter le destin qui semble avoir été tout tracé par vous tous ! Vous le condamnez sans essayer ! Maintenant, si vous voulez bien vous taire !
Je reportai mon attention sur l’enfant et pris une profonde inspiration. Je me penchai à nouveau et mis mes mains de part et d’autre du visage de l’enfant puis j'inspirai un bon coup avant d'aspirer les sécrétions de son nez avec ma bouche. Je recrachai aussitôt et recommençai trois fois tout en réprimant le réflexe naturel de nausée.
— Par tous les saints ! s’exclama une voix écœurée.
Je crachai plusieurs fois puis m'essuyai la bouche avant de pousser un soupir de soulagement. Il respirait nettement mieux qu’un peu plus tôt mais cela ne voulait pour autant pas dire que la partie était gagnée. Il avait toujours de la fièvre et avait urgemment besoin de s’hydrater.
— De l’eau ? Que l’on m'apporte immédiatement de l’eau à boire, ordonnai-je.
Je pris l’enfant dans mes bras avec autant de délicatesse qu’il m’était possible. Mon regard s'attarda sur son visage fin et délicat. Il paraissait si fragile dans mes bras. Il battit péniblement des paupières et je retins ma respiration lorsque ses yeux s’ouvrirent et que nos regards se croisèrent. Il avait les plus beaux yeux noirs qui m’étaient permis d'admirer de si près. Il battit à nouveau des paupières et me regarda d’un air perdu.
— Tout va bien, je ne te veux aucun mal, dis-je d’une voix apaisante. Je sais que tu dois certainement te demander qui je suis mais…
— Mam, pleurnicha-t-il tout en se débattant dans mes bras. Mam…
Je raffermis quelque peu mon étreinte pour l’empêcher de s'évader mais je veillai à ne pas lui faire plus de mal que nécessaire.
— Chut, mon cœur. Je ne te veux aucun mal. Je veux juste t’aider, chéri. S’il te plaît.
— Votre Majesté.
Un homme m'apporta une gourde et je le remerciai simplement d’un signe de tête avant d’ouvrir tant bien que mal l'objet puis je le portai aux lèvres de l’enfant qui continuait de se débattre violemment contre moi. Lorsqu’un peu d’eau coula sur son menton, il s’arrêta brusquement et tel un homme assoiffé, il se jeta pratiquement sur la gourde, s’abreuvant à une vitesse impressionnante.
— Holà ! m’exclamai-je, surprise. Tout doucement, mon cœur.
Je retirai la gourde de ses lèvres pour le laisser respirer un tout petit peu. Il leva ses petits bras vers la gourde et je la lui remis, le laissant boire à sa guise tout en veillant à ce qu’il ne s’étouffe pas dans sa hâte. Lorsqu’il eut fini, il se mit à tousser et je caressai son dos pour l’apaiser.
— Tout va bien, murmurai-je. Tu as tout simplement attraper une grippe qui s’est quelque peu aggravée mais avec de bons soins et beaucoup d’attention, je suis sûre que tu pourras guérir très vite.
Je ne sus s’il me comprenait mais qu’importe car il me semblait que lui parler le distrayait quelque peu de son désir de retrouver sa mère. Je le positionnai un peu plus confortablement dans mes bras et nous relevai tout en veillant à ce qu’il ne puisse pas voir le corps sans vie de sa mère. Il était inutile de faire souffrir un peu plus ce pauvre enfant.
— J’ai besoin de lui faire prendre un bain pour faire baisser sa fièvre alors faites-en préparer un immédiatement puis trouvez-lui des vêtements propres.
— Madame, cet enfant doit retourner avec les siens et nous devrions reprendre notre route. Laissez quelqu’un le ramener en ville. Là-bas, une personne prendra soin de lui, dit Louis.
— Si des gens s’étaient réellement inquiétés du sort de cet enfant, il ne se serait jamais trouvé dans pareille situation, orphelin de mère ! m'éructai-je. De plus, il me semble qu’il n'y a pas si longtemps, vous le condamniez tous à une mort certaine. Aussi, je vous prierais de ne point me contrarier et me laisser prendre soin de cet enfant comme il se doit.
Tout le monde autour de nous sembla s’être arrêté de respirer et en d’autres situations, j’aurai trouvé comique la tête que faisait le monarque mais je n’étais pas d’humeur à me rire de lui. J’étais inquiète pour la survie du petit être que je tenais dans mes bras et priais pour qu'il ne s'agisse que d'une grippe, non pas d'une autre maladie que je ne pourrais détecter sans appareils médicaux adéquats.
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