⚜ Loυιѕ ⚜
Maria s'éloigna avec l'enfant qu'elle tenait avec fermeté contre son sein. Je serrai les poings, furieux. Je ne m'étais jamais senti aussi humilié de toute mon existence. Cette femme avait l'audace de contester mes décisions, de surcroît, face à mes sujets !
Philippe s'approcha de moi et nous la regardâmes donner des ordres ici et là pour qu'elle puisse faire prendre un bain à cet enfant dont elle semble s'être éprise d'affection et qu'elle paraît protéger avec une farouche détermination.
— J'ai l'intime certitude que notre reine ne se séparera pas de sitôt de son nouveau protégé, dit Philippe d'un ton amusé. Et toi, mon frère, qui paraissait inquiet de devoir supporter la compagnie d'une épouse morne et terne. Il me semble qu'il n'en est rien et que vos jours seront ponctués de surprises.
— Cet enfant ne nous accompagnera pas à Paris. Sa place est auprès des siens et Maria saura entendre raison.
— Permets-moi donc d'en douter, répliqua mon frère. Cette femme fait partie de celles qui ne reculent devant rien pour obtenir ce qu'elles désirent et au regard de ses actions, elle veut cet enfant et je ne pense sincèrement pas que qui que ce soit parvienne à l'en séparer.
— Elle m'obéira.
Philippe se mit à rire et cette réaction de sa part me déplut fortement.
— Je suis bien curieux de te voir essayer.
Je lançai un regard furtif à mon cadet avant de me mettre à la recherche de mon épouse qui s'était éloignée pour prendre soin de l'enfant. Je la trouvai entourée de quelques femmes de chambre. Elle était agenouillée au-dessus d'une bassine dans laquelle avait été plongée le petit garçon qu'elle débarrassait de la crasse qui recouvrait son corps.
— C'est bientôt fini, mon ange. Encore quelques minutes et tu seras aussi propre qu'un sou neuf, dit-elle d'une voix apaisante. Si tu t'en sens capable, on te donnera quelque chose à manger ? Et lorsque nous arriverons à Paris, je ferai fabriquer pour toi quelques jouets. Comme un cheval en bois. Qu'en dis-tu ? Un cheval rien que pour toi sur lequel tu pourrais jouer durant des heures. Et que penses-tu d'un cerf-volant ? J'imagine que tu ne comprends pas la moitié de ce que je raconte mais tu sais au fond, que je ne te veux aucun mal, n'est-ce pas ?
Les femmes de chambre devinrent soudain pâles lorsqu'elles remarquèrent ma présence.
— Votre Majesté !
Elles me saluèrent toutes à la hâte dans un geste gauche et timide. Certaines d'entre elles rougirent du fait de ma présence. Je les ignorai et croisai le regard de Maria qui s'était tournée vers moi.
— Laissez-nous, ordonnai-je.
L'une des chambrières aida mon épouse à sortir l'enfant de son bain puis à l'envelopper dans un linge blanc avant de se retirer comme ordonné.
Nous nous retrouvâmes tout seuls et Maria se releva, tenant toujours l'enfant silencieux dans ses bras. Elle affichait un air de franche curiosité et attendit patiemment que je prenne de nouveau la parole.
— Votre bonté envers cette âme est charitable mais vous retardez notre voyage. Il nous faut reprendre la route dès à présent. N'ayez aucune crainte, il sera confié entre de bonnes mains.
Elle m'observa sans dire mots puis posa son regard sur l'enfant qui somnolait entre ses bras, quelque peu méconnaissable car, retiré de toute crasse qui recouvrait son maigre corps, il avait l'apparence d'un ange tombé du ciel avec sa chevelure blonde et bouclée.
— Il se trouve déjà entre de bonnes mains, dit-elle.
— Madame...
— Ne vous déplaise, cet enfant restera avec moi, me coupa-t-elle avec fermeté.
— Il n'a guère sa place à la Cour ! tonnai-je, furieux.
L'enfant se mit à gémir entre ses bras et aussitôt, j'eus l'impression que l'air autour de nous sembla se refroidir. Mon regard croisa celui de mon épouse et je fus presque tenté de reculer face aux éclairs foudroyants qu'elle me lançait de ses prunelles.
— Croyez-moi, cet enfant est plus digne de se trouver à la Cour de France que la plupart de vos nobles sujets qui seraient prêts à vous trahir si l'occasion leur en était donnée ! s'exclama-t-elle avec colère. Cet enfant reste avec moi et ne pensez même pas à tenter de me le retirer car vous pouvez me croire, vous n'aimeriez pas m'avoir pour ennemie.
— Seriez-vous en train de me menacer ?
— N'étais-je pas assez claire dans mes propos ? railla-t-elle d'un ton sournois.
— Une menace de mort envers votre roi peut être considéré comme un crime de lèse-majesté, l'informai-je.
— Et je n'hésiterai pas à commettre ce crime si vous me retirez cet enfant, déclara-t-elle. Je n'ai été, si rien d'autre, que sincère et honnête avec vous alors vous pouvez me croire lorsque je vous dis que je serai prête à tuer pour le garder auprès de moi.
— Vous risqueriez la peine de mort pour un enfant qui n'est guère de votre sang ? la questionnai-je, incrédule.
— Je suppose que je peux comprendre l'importance du sang à cette époque mais dans ma culture, un enfant est un enfant, qu'il partage votre sang n'a que peu d'intérêt puisque ce qui importe vraiment c'est ce que l'on est prêt à faire pour lui, répondit-elle.
— Cette époque ? relevai-je, perplexe.
— Ne devrions-nous pas reprendre la route ? Il me semble que c'est pour cette raison que vous êtes venu nous chercher, n'est-ce pas ?
Je jetai un dernier regard à l'enfant qu'elle protégeait comme s'il était le sien et soupirai tout en sachant qu'il serait inutile d'essayer de lui retirer le garçon. Philippe, une fois encore, avait raison.
— Vous nous avez fait perdre assez de temps ainsi alors vous êtes priée de remonter dans votre carrosse.
— À vos ordres, Votre Majesté ! fit-elle en rigolant.
Elle passa près de moi et son rire sembla résonner tout autour. Le son fut surprenant et me laissa stupéfait car je ne me souvins pas l'avoir jamais entendu rire depuis notre rencontre. Je ne pus m'empêcher de l'admirer de loin et l'observai monter dans le carrosse royal. Il semblerait qu'elle ait finalement choisi de ne point poursuivre la route aux côtés de ma mère et du Cardinal. Une décision sûrement prise due à la présence de cet orphelin.
Quelle serait donc la place de cet enfant à la Cour ? Je supposai à raison qu'elle n'apprécierait guère que les soins de cet enfant soient confiés à quelques domestiques du palais et je pouvais d'ores et déjà imaginer l'expression que serait la sienne si jamais je lui en faisais la suggestion. Il était évident qu'il me serait pratiquement impossible d'éloigner cet enfant du Louvre.
Je soupirai de nouveau et ordonnai que le cortège reprenne la route pour Paris. Il me tardait d'être de retour au Louvre pour pouvoir mettre autant de distance que possible entre cette insensée reine et moi.
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