La sortie de la directrice a laissé un silence pesant dans la pièce. J'ai eu le privilège de m'asseoir dans le deuxième fauteuil devant le bureau. Aucune de nous quatre ne brise cette ambiance à couper au couteau. La blonde à côté de moi s'agite. Elle a dû rester debout et ne tient pas en place. Elle a l'air jeune : si elle est en seconde et qu'elle vient d'arriver, je comprends qu'elle soit nerveuse. La fille brune assise dans l'autre fauteuil se tient très droite, la bouche pincée. Je pense qu'elle se sent très vexée d'être dans ce bureau... La dernière, rousse, qui se tient avachie contre le mur, regarde ses mains, son téléphone, comme si sa présence ici l'ennuyait.

Et moi, de quoi j'ai l'air ? Sûrement un peu des trois...

Finalement, l'autre fille au fauteuil brise le silence :

-Bon, qu'est-ce qu'on est censée faire jusqu'à son retour ? Je n'ai pas toute la journée.

-On a fait une connerie, elle doit chercher une bonne punition. Et vu la femme, ça pourrait prendre des heures, réponds la fille-au-mur.

On sait toutes très bien qu'elle n'a pas tout à fait raison. Notre présence ici est injustifiée. Nous avons été dénoncées pour une bêtise que nous n'avons pas faite. Seulement l'administration n'en sait rien... Et ne veut sûrement pas savoir: dans la hâte de la rentrée, ils veulent juste punir des coupables pour l'exemple pour pouvoir s'occuper de « problèmes plus importants ».

-On n'a rien fait de mal. Je ne comprends même pas comment l'Education Nationale peut laisser faire ça. Ça va faire tâche sur mon dossier, je n'avais vraiment pas besoin de ça, reprends la brune.

-Je pense que l'Education Nationale n'en a rien à foutre. La directrice ne va rien nous faire, t'inquiète... continue la fille-au-mur.

-Si, je m'inquiète. Les écoles regardent les dossiers, c'est important, et si cette mention apparaît, je ne pourrais plus entrer dans les meilleures !

L'autre fille lève les yeux au ciel avant d'abandonner le débat.

-Je suis d'accord, réponds la blonde. Je n'ai rien fait et n'ai pas envie d'être punie. Ce n'est pas juste...

- Exactement, nous devrions faire quelque chose.

-Faire quoi ? je demande, un peu intimidée par ces trois filles que je ne connais pas.

La brune fronce les sourcils. Je ne sais pas si elle réfléchit ou si elle est encore en colère.

-Faire quoi, je ne sais pas. Mais nous devrions vraiment faire quelque chose. On ne doit pas laisser faire ça. Les véritables coupables doivent être punis : pour leur bêtise et pour nous avoir fait punir à leur place !

-Tu veux dire comme... une vengeance ? questionne la fille-au-mur, un éclat d'excitation dans la voix.

La brune réfléchit un instant.

-Eh bien, oui. Bien préparée bien sûr. Hors de question de me faire prendre et avoir une autre annotation sur mon dossier !

-Je suis partante ! s'écrit la fille-au-mur.

La blonde et moi nous regardons, indécises. Je ne sais pas pour elle, mais moi, je ne les connais pas. Je ne sais pas ce qu'elles veulent faire, je ne connais pas les coupables, alors bien sûr c'est injuste, mais...

Non. Il faut que j'arrête. J'ai décidé de changer. D'être plus heureuse, de trouver de nouveaux amis, de me trouver. Ce plan de vengeance pourrait être l'occasion parfaite...

-J'en suis aussi, je finis par répondre. Dans certaines limites évidemment.

Le jeune blonde, voyant que nous étions toutes partantes, finit par donner timidement son accord.

-Parfait. Il va falloir qu'on s'organise mais... Je sens que ça va être réjouissant. Au fait, je m'appelle Hortense.

-Lys, annonce la blonde.

-Ah, c'est drôle, moi, c'est Capucine, ajoute la fille-au-mur.

Je ne réponds pas. Les autres filles me regardent, attendant ma réponse :

-Rose.

Hortense ricane, cynique.

-Eh bien. On dirait que le destin a voulu nous réunir.