Satan se recroquevilla sous le bureau de bois noir un peu plus. Il y avait des cris et de l'agitation partout autour de lui. Enfin, pas vraiment juste à côté de lui, dans les pièces alentours plutôt, il le sentait juste comme s'il était juste à côté parce qu'il avait toujours sentit la présence des démons dans le palais avec une parfaite exactitude. Il pouvait exactement situer chaque démon qui se déplaçait dans l'architecture.

Il faisait sombre dans la pièce, l'agitation était plus forte qu'il ne l'avait jamais vu. Il sentait les démons se battre et s'entre-déchirer, s'amasser vers les sorties pour assister au spectacle. Il essuya vite une larme sur sa joue. Maman avait toujours été très en colère quand il pleurait, alors il se retenait toujours, mais en ce moment précis, il se sentait perdu et il avait peur.

Il ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Maman était partit avec Lucifer. Il se souvenait qu'elle était furieuse.

Il n'avait jamais aimé Lucifer, il la détestait. Lucifer le regardait mal, elle était violente elle lui faisait peur.
Et peu de temps avant, elle l'avait fait sauté d'une falaise. Il se frotta le poignet à ce souvenir. Il avait un bandage autour de celui-ci. L'os était cassé, mais il devait couvrir sa blessure avec du tissu et ne pas le montrer, parce que Maman lui avait dit que si les démons comprenaient que tomber de cette hauteur pouvait lui casser un os, ils commenceraient à penser qu'il serait facile de le tuer.

Le noir l'apaisait. Il aimait la douceur des ténèbres, comme une caresse. Il sentait parfaitement les choses autour de lui dans le noir, alors il ne s'y sentait pas moins bien qu'en plein jour, et dans l'obscurité, au moins les autres arrêtaient de le fixer comme on le regardait toujours. Il détestait cette façon de le dévisager, leurs regards le brûlait. Il le fixait....Bizarrement. Il ne connaissait pas encore de mots pour identifier ce regard qu'on lui donnait toujours.

Et puis il était mal à l'aise entouré par ces monstres géants, il ne leur ressemblait pas. Les seuls qui lui ressemblaient étaient les plus dangereux, ceux dont tu dois te méfier lui disais Maman. Il faut garder ceux dont tu dois te méfier très proche, mais t'assurer qu'il ne voit pas ta faiblesse. C'est difficile mais je t'apprendras comment faire. Il hochait la tête et écoutait Maman.

Il ne devait pas dire Maman à voix haute, il devait dire Diable. Mais dans sa tête il préférait Maman.
Cela faisait trop longtemps qu'elle était partie. Il devait sortir maintenant. L'agitation amplifiait. Il avait peur de ce qui se passait. Il sortit de sous le bureau de Maman et il traversa la salle. Il remit ses chaussures qu'il enlevait toujours quand personne ne le voyait, puis il ré-arrangea ses cheveux, s'assura qu'aucune larme ne venait rougir ses yeux, et il ouvrir la porte, comme Maman lui avait appris, sans utiliser ses mains. Elle lui disait toujours que les apparences sont ce qui comptent le plus. Toujours avoir l'air fort. Même quand c'est faux. Et si quelqu'un révélait sa faiblesse, il devait la soumettre. Toujours avoir l'air. C'était très important de ne jamais avoir l'air faible. Elle lui avait appris comment agir en public.

Quand il se révéla, tout le monde se tourna vers lui. Les démons difformes, il n'osait pas le dire à sa mère, mais il en avait peur. Il savait bien que plus ils étaient gros et moches, plus ils étaient faibles, comme les scorpions, les petits qui semblent inoffensifs sont les pires mais il en avait peur quand même. Une silhouette tordue et squelettique, bardée de gueules débordant de crocs, s'approcha un peu de lui, et tout en s'inclinant lui expliqua d'une voix aussi repoussante que son physique

- Seigneur Satan, sa majesté Diable est dehors, devant la porte la plus proche.

Il s'avança. On le laissait toujours passer. Il ne devait jamais se décaler, même quand les démons ne semblaient pas vouloir lui laisser le champs libre. Et surtout, punir tous ceux qui désobéissaient.

Il arriva devant la porte la plus proche. Il l'ouvrit comme il fallait. Il y avait encore des démons, qu'il dépassa, jusqu'à se retrouver nez à nez avec une scène qui le figea sur place. Maman était à genoux, et Lucifer debout devant elle, tenant son épée noire à la main, son épée qui transperçait le corps de Diable. Elle retira l'épée avant de faire quelques pas de reculs et de tomber à son tour.

Le corps agenouillé de Maman vacilla soudain et elle tomba sur le côté. Il sentait la mort qui planait autour d'elle.
Il eut l'impression de tomber vers l'avant, un violent vertige.

Règle numéro une, tu ne dois pas montrer la moindre émotions, une personne sensible est une personne qu'on peut manipuler, c'est une personne faible et tendre que tu peux blesser facilement. Pas d'émotion, aucun moyen de te toucher autrement que physiquement, premier problème résolue.

Satan sentait les larmes poindre. Il les ravala, se redressa, se retourna et fit porter sa voix autant qu'il le put.

- Tout le monde rentre dans le palais !!! Je ne veux voir personne dehors !!! Le premier que je vois il va directement en prison et il sera exécuté !!!

Puis il s'approcha de Maman. Les démons devaient partir parce qu'il se sentait sur le point d'éclater en sanglot et personne ne devait le voir.
Il s'approcha de Maman. Il avait peur. Il savait déjà qu'elle était morte, alors pourquoi il avait peur ?

Il porta sa tête et la tourna vers lui. Il la reconnaissait à peine, elle était déchirée de partout, couverte de sang, seule sa chevelure un incandescente était reconnaissable. Il entendit les portes se fermer, il craqua soudain et les larmes coulèrent. Heureusement plus personne pour voir sa tristesse.

Soudain il se tourna vers Lucifer. C'est d'elle qu'il avait peur.
Elle avait tué Maman.
Il paniqua. Il réalisa que n'était pas que de Lucifer qu'il avait peur, c'était de ce qu'il allait faire maintenant.

Il était comme un enfant qui vient de perdre sa mère dans la foule, sauf qu'il était vraiment un enfant, qu'il était censé guider toute cette foule, que la foule entière le fixait à chaque instant n'attendant qu'un petit signe de faiblesse pour lui ouvrir la gorge et pendre sa place, et que cette foule était composée de monstre hideux de plusieurs mètres de hauts sortant droit des pires des cauchemars.

Lucifer commença à lui parler. Il ne comprit pas grand chose. À part qu'elle allait mourir aussi, comme Maman.
Mais curieusement il ne se sentait pas soulagé à cette idée. Elle mourra et ne souffrirais pas. Alors que lui continuerais d'avoir mal.

- Je te hais.

C'était la seule chose que lui inspirait ce visage. Mais quand il se sentait en colère, il n'avait plus envie de pleurer, alors il laissa la colère l'envahir.

Elle commença à lui expliquer des choses. Il écouta. Il était tenté d'accepter ce qu'elle lui proposait, il avait moins mal quand il était en colère que quand il était triste.

- Je hais je te hais je te hais je veux que tu souffres.

Il saisit l'auréole qu'elle lui tendait, et il la regarda au moment précis de sa mort. Puis il retourna à côté de sa mère et il sécha ses larmes pendant longtemps jusqu'à être sûre que son visage ne reflète plus la moindre tristesse.
Puis il retourna devant la porte la plus proche et l'ouvrir en grand. D'habitude il se contentait de l'ouvrir juste comme il fallait pour qu'il puisse entrer, mais il devait faire forte impression, personne ne devait douter de sa force.
Évidement, tous les démons du royaume avait entendu parler de la mort de Diable. Il ne devait pas laisser quelqu'un d'autre que lui monter sur le trône des enfers. Il amplifia autant qu'il put sa voix d'enfant.

- Diable est morte ! Je suis votre nouveau roi ! Il n'y pas d'autre alternative !

Puis il s'avança droit devant lui se tenant droit, ne daignait pas toiser les démons sur son passage. Il se souvenait de Maman, il se comporterait comme elle. Il se souvenait de ses mots exacts, il souvenait même de sa voix et de son visage sévère aux yeux d'or qui le regardait, ses mains froides et douces sur ses joues.

Tu es l'incarnation du Mal, tu comprends ? Les anges et les âmes pures pensent que c'est facile pour toi, parce que tu n'a pas à faire d'efforts pour être aimable, parce que tu es fort, tu penses toujours à tes intérêts avant ceux des autres, tu ne sacrifie jamais quoi que ce soit pour les autres, tu n'acceptes rien ni personne qui ne se soumettent pas à toi. Tu donnes les ordres, sans pitié et c'est tout. Mais ils ont tort.

Tu existes en contraste au bien. Tu es l'ombre pour que la lumière resplendisse. Tu es tout ce que le bien n'est pas pour lui donner de la valeur tu comprends ? Tu donne de l'importance, tu lui donne sa préciosité et sa rareté, tu lui donne sa valeur. C'est parce que tu es si mauvais que le Bien est si admirable. On te dira d'avoir honte, on te méprisera, on te haïra, mais à chaque fois que tu ferais quelque chose de mal, ne te sens pas coupable, n'aie pas honte : ce n'est pas ton rôle d'avoir une morale et de l'éthique.

Toi tu es là pour qu'on te déteste, tu es là pour jouer le mauvais rôle, fais-le à fond, supporte la haine des autres, supporte la solitude, supporte ce monde d'apparence, supporte ce royaume de mensonge, maîtrise les monstres, fais plier les démons par la tyrannie, plus tu seras haïssable, plus tu donneras au Bien des raisons d'être aimé.

Lucifer se moque de moi et me dis que je te donne trop d'amour, je fais de toi le plus faible des monarques des enfers, mais au contraire, je dois t'apprendre ce que c'est d'être véritablement bon, tu dois être bon. Même si ça semble contradictoire. Tu sais pourquoi ?

Il avait secoué la tête pour dire non.

Parce que tu agiras peut-être mal, tu seras peut-être un déchet, un être immonde, répugnant, capable des pires horreurs, tu seras cruel, horrible, injuste, tu mépriseras l'amour, tu pourras regarder la pire des tortures et trouver ça drôle, tu agiras par pure méchanceté gratuitement, tu seras peut-être l'incarnation du Mal, mais il faut que quelqu'un le fasse.

Tu n'auras pas le droit d'être aimé et tu n'auras pas le droit d'aimer, tu n'auras pas le droit d'être consolé, pas le droit d'avoir pitié, pas le droit de laisser la moindre émotions paraître, pas le droit d'être faible, pas. le. droit.
Ça sera difficile, il faudra être méchant et froid, des fois tu voudras arrêter. Parce que c'est dur d'être constamment hais par tout le monde, de ne pas pouvoir faire confiance à qui que ce soit, dur d'être si seule et d'assumer le poids de la culpabilité de toutes les atrocités que tu feras, mais tu es nécessaire. Et si ce n'est pas toi. Quelqu'un d'autre devrait le faire.

C'est pour ça que ça doit être toi.

Et c'est pour ça que tu devras être bon. Parce que tu dois l'être assez pour faire tout ce que je t'ai dit, tout en supportant tout ce que je t'ai dit, sans que personne ne sache qui tu es vraiment, et ce simplement parce que quelqu'un doit bien assumer ce rôle et que si toi tu ne le fais pas, quelqu'un d'autre devrais le faire à ta place.

Satan s'arrêta et regarda le démon blessé qui tentait de sortir de son chemin sans succès. Il se traînait sur le sol carrelé en baissant la tête. Il avait l'air de souffrir. Il avait peur aussi. Il essayait juste d'obéir sagement mais sa pattes griffue brisée l'en empêchait. Satan leva très légèrement sa main d'enfant pour attirer l'attention des démons sur sa droite.

- Enfermez-le et torturez-le à mort.

Puis il enjamba le corps du démon qui commençait à implorer sa pitié en rampant.

Il avait un rôle à jouer. Il le ferait jusqu'au bout.