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2.49


Il se tourna vers Lava


- À quel point es-tu opposée au meurtre d'innocents ?


Lava cligna les yeux


- Pardon ?!


- Il faut bien le corrompre, et vu comme il est pur, il va falloir se salir les mains.


Despair, principal concerné, s'avança et commenta


- il y a un moyen bien plus simple de me corrompre que de me faire commettre des crimes....


Lava et Théo se tournèrent vers lui. Un petit silence plana pendant que les deux cherchaient à comprendre ce que sous-entendait le troisième, et que Despair hésitait à révéler cette solution.C'est Lava qu'il regardait dans les yeux quand il finit par dire, en soulevant sa tunique :


- ...j'ai une gemme maintenant...


Lava compris tout de suite, il le vit dans ses yeux. Elle n'était pas d'accord. Enfin, plus que ne pas être d'accord, elle avait peur de cette solution. Théo prit plus de temps à comprendre. Lava finit par répondre la voix un peu rauque :


- Je-je ne sais pas comment faire, je ne suis pas sûre, j'ai peur d'échouer, c'est trop risqué...


Despair l'interrompit avant qu'elle n'en dise plus

- C'est facile, tu verras. Tu vas y arriver. Il faut juste utiliser son énergie noire pour re-souder la gemme, tu vas y arriver.


Théo avait toujours du mal à comprendre cette solution, il finit par poser sa question


- Attendez, de quoi parlez vous exactement ? Quelle est cette solution ?


- Il veut que j'arrache sa gemme et que je la « recolle » en utilisant de l'énergie démoniaque....


Théo les regarda, d'abord l'un, puis l'autre, pendant quelques secondes, et s'exclama


- Comment savez vous que ça va marcher ?!


Despair déglutit et baissa un peu la tête


- C'est ce que j'ai fait à Lava. Après ça sa gemme est devenu gorgée d'énergie démoniaque, et a prit une couleur noire, ensuite Lava s'est petit à petit rapprocher du démon...


Théi croisa les bras. Il considéra l'option, silencieusement, en puisant dans ses connaissances accumulées au cours de sa longue après-vie au paradis. L'ambiance était pesante, lourde. Lava et Despair savait que c'était de loin l'option la plus sûre et la plus facile, mais ils savaient tous les deux qu'ils n'avaient pas le droit à l'échec. Une fois la gemme arrachée, Lava aurait une ou deux minutes maximum pour la recoller, et pas le droit d'hésiter ou de se tromper, sinon Despair disparaitrait définitivement. Théo reprit la parole


- Mais Lava a des conditions spéciales qui auraient pu faciliter sa transformation et....


Despair, avec un soupire, asséna


- On a pas le choix. Ni le temps, ni d'autre solution. Il faut que je ne sois plus sous l'autorité de Dieu, vite.


- Il s'approcha de Lava, enleva sa tunique, et posa sa main sur sa gemme. Lava le regardait, la gorge serrée à l'extrême.


- Despair on devrait peut-être plutôt...


- Non on a pas le temps, je sens que Dieu commence à sentir que quelque chose cloche.


Sur ces mots, il inspira profondément, et enfonça ses doigts entre le petite pierre translucide et sa peau. Elle se délogea facilement. Si facilement que Despair pensa que c'était comme si elle était faite pour ça. Pour être enlevée. Soudain, il perdit toutes ses sensations, le monde lui sembla fait de coton. Il se sentit très léger, aussi, si léger qu'il ne pouvait pas tenir debout, comme on ne pourra pas faire tenir debout une plume sans qu'elle s'envole ou s'effondre mollement. Un éclair de conscience lui fit chercher Lava des yeux, mais autour de lui, tout n'était que brouillard, nuages, formes floues et pâles. Au milieu de toute cette blancheur et légèreté où il ne voyait plus rien de ce qui l'entourait vraiment, il crut entendre la voix de Lava appeler son nom. Ensuite, il perdit complètement conscience.

***

Lava serrait dans ses bras le corps de Despair à travers lequel elle voyait petit à petit de mieux en mieux ses propres bras. Elle tenait dans sa main droite le petit joyaux, pas plus grand qu'un pouce et en forme de grain de riz. La seule chose qui maintenait sous une forme physique toutes ses âmes, tout ces gens qui s'accroche à leur existence alors même qu'ils n'ont plus de souvenirs, ni de corps. Elle tremblait.

Ses mains terrifiantes étaient secouées par la terreur. Elle posa la gemme sur le ventre de Despair, chercha en elle l'énergie noire. Mais rien en Despair ne lui inspirait quelque chose d'assez négatif pour qu'elle parvienne à puiser le pouvoir noir et poisseux, fait de colère, de peur, de souffrance, de honte, qui au fond d'elle, reposait silencieusement comme un lac sombre endormit.


- Aller Lava, ça devrait se faire tout seul ! Un peu d'énergie noir ! C'était votre idée bon sang !


Elle marmonna entre ses crocs


- Tait-toi...


Elle ferma les yeux pour mieux y arriver. La peur... la peur, non ?! Elle en avait bien assez pour pouvoir le guérir. Mais elle se sentait bloquée. Corrompre Despair était nécessaire, mais ce n'est pas ce qu'elle voulait. Elle avait l'impression de lui causer du tort, de lui faire du mal. Elle était incapable de faire du mal à Despair. Elle rouvrit les yeux, et la vision de son ami, et même plus, presque disparut, à peine un fantôme entre ses bras, jeta dans son esprit des étoiles de panique. Elle arrivait à peine à penser correctement. Elle était paralysée. Théo s'exclama en s'approchant


- Lava, qu'est-ce que tu fous, il lui reste une minute au mieux !


Cette phrase n'arrangeait rien, bien au contraire. C'était un cercle vicieux, plus elle essayait d'agir, plus son incapacité à le faire amplifiait sa panique et la rendait encore plus incapable de le soigner.

Soudain, Théo lui attrapa les épaules et la secoua, lui dit les dents serrés, d'une traite, rapidement.


- Lava putain, tu vas le tuer, si tu continues tu vas finir sur le trône des enfers, pleine de regret de honte et de colère pour le monde entier, cet idiot est la seule chose qui te fais tenir bon et t'es pas capable de faire un minuscule geste comme utiliser ton énergie noire pour lui ?


- J-J'arrive pas à...à...à le rendre comme..comme...


- Comme toi ? Mais qui est l'aveugle entre nous deux ?! Tu vois bien comme tu comptes pour lui, tu crois que ça le dérange de te ressembler ? Sauve-lui la vie, et arrête de paniquer.


- J'arrive pas à utiliser mon énergie en...en pensant à lui


- Alors pense à Satan et ta revanche sur lui.


Lava déglutit. Elle ferma encore les yeux, cherchant dans son esprit le souvenir du roi des enfers. Celui qui lui avait causé le plus de tort, les avait séparé si souvent, manqué de les tuer. Enfin, elle sentit sa force démoniaque s'agiter au fond d'elle. La force mauvaise, pleine de souffrance et d'émotions douloureuses, filtra finalement de ses doigts, et la gemme sembla absorber l'énergie. C'était comme jeter de l'encre dans un verre d'eau. Les volutes sombres finirent par remplir complètement la gemme et la rendre noire de jais, bien que toujours un peu translucide. Elle se souda naturellement au ventre de Despair, presque aussi facilement qu'elle s'en était détachée.

Lava se calma un peu. Elle sentait son pouls battre fort et vite dans sa poitrine. Une illusion. Elle n'avait plus vraiment besoin d'un cœur, elle n'était qu'une projection, une enveloppe faite de vent pour une âme. C'était parce que les âmes avaient besoin d'un corps, sinon elles paniqueraient, perdraient les pédales. Enfin Despair reprit consistance. Elle le regarda en récupérant sa capacité de réflexion au fur et à mesure que la panique la quittait. Elle resta comme ça elle ne sait pas combien de temps,jusqu'à ce que Théo la tire de son état.

- On y va, c'est fait, tu as réussis.


Elle se leva en soutenant Despair, toujours évanouis. Elle se tourna ensuite, pour regarder le corps d'Ultan.

- Ne t'en fais pas,il est tout léger, je peux porter mon frère.

Il le prit sur ses épaules, presque avec douceur. C'est la première fois que Lava lui voyait avoir cette tendresse envers Ultan, et la première fois qu'il prononçait les mots « mon frère »sans rancœur, amertume, ni ironie. Pourtant elle savait ce qu'ilvoulait de ce frère, lui voler son enveloppe, soit le tuer. Elle ne comprenait pas l'ange raté. Elle ne savait pas s'il était bon ou mauvais. Il les aidait certes, mais pour des raisons très égoïstes, et un peu floues. Son auréole était toujours traversé de couleurs troubles, parfois difficilement identifiables. Quand Despair avait son corps, c'était tellement plus simple d'interpréter l'auréole changeante. Lui il semblait instable. Lava lui demanda ensuite


- Comment rejoins-t-ton l'enfer sans que Dieu ne nous repère et interrompt ?


- Le paradis et moi nous sommes liés, je peux faire en sorte qu'il m'aide à me cacher aux yeux de Dieu. Suis-moi.

Lava avait du mal à suivre le trajet, encore un peu sous le choc, elle lutta pour rester concentrée. Elle manquait aussi de plus en plus d'énergie. Elle avait fait comme Despair, elle avait usé de ses propres émotions pour produire de l'énergie. Sa propre haine, l'une des émotions les plus violentes. Elle était hors-la-loi selon les règles des enfers. Ils décrivirent un chemin confus, en dédale, entre les murs effondrés qui formaient un labyrinthe. Enfin il furent dehors. En pleine campagne. Il y avait des anges qui grouillaient, en petit groupes de gardes, les cherchant. Théo expliqua à Lava que Dieu savaient que Ultan étaient évanouis, et savaient qu'ils n'étaient plus dans l'ancien château. Ils utilisèrent des petits chemins entre les champs, il y avait très peu d'endroit pour se cacher. Chaque instant ils manquaient d'être découverts.


Théo semblait pouvoir prévoir tous les déplacements des anges, parfois ces derniers leurs passaient à côté sans les voir. Lava ne comprenait pas comment, mais elle n'avait pas la curiosité de savoir pourquoi. Elle aurait encore eut des réponses vagues et compliquées de phénomènes étranges qu'elle n'aurait pas vraiment compris. Les lois du paradis et de l'enfer ne sont que pour faire jolie, au fond tout est manipulable. Après s'être cachés dans les champs, ils parvinrent à un petit village de strate 6 qu'il contournèrent.Enfin ils virent le portail doré de la fin du paradis. Théo sourit et dit avec un ton joyeux qui pour une fois semblait sincère :


- On y est.


Pas de garde, ils passèrent le portail. C'était presque trop facile. Pourquoi tout était si facile ? Lava était si fatiguée, elle ne voulait même plus le savoir, elle voulait juste que tout ça se termine.
Elle hissa Despair avec elle du côté du Gris. Plus de sceaux ne les y enfermait. Il n'y avait qu'à discuter avec le Gris. Elle l'avait traversé plusieurs fois. Elle y arriverait cette fois-ci. Despair avait toujours son apparence humaine, mais elle voyait déjà sa peau griser un peu au niveau de ses mains.

Théo passa le portail avec son frère à son tour.


Ils se retrouvèrent enfin tous les quatre dans le Gris. Lava demanda à Théo.

- Tu vas réussir à entrer en enfer ?


Il répliqua, l'air satisfait


- Le paradis retient les âmes corrompu, mais l'enfer laisse passer tout le monde. Pour l'instant je peux encore, mon lien au paradis n'est pas encore trop fort. C'était juste, si tu était venu quelques années plus tard, peut-être je n'aurais pas pu. Il faut juste traverser le Gris.


- Il nous laissera passer ?


- Probablement pas sans une petit épreuve ou quelques questions pour tester notre volonté. Mais je suis sûre qu'on peut le faire, l'enfer laisse passer tout le monde, je te le dis.


Il reprirent sur leurs épaules leurs deux évanouis, et commencèrent à s'enfoncer dans la brume, sur le sable fin recouvrant un sol dur. L'ambiance était indescriptible. Si trouble, si imprévisible, pesante, incompréhensible. Ici on ne savait jamais sur quoi on allait tomber. On ne savait jamais où on allait. Si on allait pouvoir en sortir. Elle tourna la tête autour d'elle. Elle se sentait observée. Elle n'avait jamais traversé le Gris en étant aussi démonisée. Ses sens étaient différents. Elle avait l'impression de géants, cachés bien au dessus d'elle, laissant tomber leurs regards sur ses épaules. Elle se sentait minuscule. Le silence était surréel. Elle attendait à tout moment de le voir rompu par la voix tout aussi surréel de l'esprit du Gris, cette fois impossible et impartiale. Elle avait beau s'y attendre, elle sursauta quand enfin le ton à la fois féminin, masculin, jeune et vieux comme l'univers retentit :


- JE SUIS LE GRIS.











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