Elle releva la tête et appela:

- Despair ?

Mais le concerné, bien que n'étant pas si loin, n'était ni vraiment en mesure d'entendre, ni en mesure de répondre. Le ruisseau n'avait pas un courant très puissant, mais à l'échelle d'un chat, était plutôt profond. De plus, Despair n'avait jamais appris à nager, et par réflexe de survie, agita les pattes comme il pouvait pour se maintenir la surface, pas pour se déplacer. Ainsi il finit par se faire entrainer sur plusieurs mètres, sans pouvoir répondre à Lava, attendant confusément à la surface.

La jeune femme attendit quelques secondes une réponse qui ne venait pas, et la panique monta très vite en elle. Que se passait-il ?! Elle n'avait pas vu ce qui lui était arrivé et sa disparition était complètement inattendue, la laissant déconcertée. Sa confusion était visible, et Aaron la mit à profit pour se retourner d'un brusque coup, et s'extraire de son étreinte. Il en avait vu assez, il ne voulait plus avoir à faire avec cette chose et ces gens bizarres. De plus maintenant que la pierre avait disparut avec le fantôme possesseur de chat, il n'avait pas envie de jouer à la chasse au trésor avec celle à l'apparence horrible. Il partis en courant, prêt à rejoindre un coin tranquille, mais Lava s'empressa de le prendre en chasse et en à peine quelques mètres elle le rattrapa et bloquant solidement avec son bras sur la gorge, elle lui posa une question la voix sèche :

- Tu sais où il a disparut ?!

Il n'en avait aucune idée.

- Non ! Lâche-moi !

- Il faut que tu m'aides.

Lava n'avait aucune piste et était complètement perdue dans ce monde. Elle ne savait pas par où commencer et ce fantôme était plus ou moins la seule aide dont elle pouvait disposer. Celui-ci gigota, mais il était bien plus faible que Lava. 

- Lâche-moi ! Je ne peux pas t'aider.

Elle attela son esprit à trouver la moindre solution qui puisse résoudre sa situation. Soudain son regard se posa sur le trou, droit devant elle, de la bouche d'égout. Tout en gardant une prise solide sur le voleur, elle s'approcha de l'ouverture et appela encore le nom de Despair, mais aucun son si ce n'est un bruissement d'eau ne lui répondit. Alors elle baissa les yeux sur sa prise.

- Comment tu t'appelles ?

Il répondit après un moment d'hésitation et un regard méfiant.

- Aaron

- très bien Aaron, je pense qu'il doit être tombé là dedans... je ne vois pas d'autre solution... Est-ce que tu sais comment le retrouver ?

Aaron observa encore un moment la grande fille démoniaque, réfléchissant à quel serait la réaction la plus avisée. Vu la longueur de ses dents et sa force qu'il constatait à travers sa prise sur son cou, il ne valait mieux pas l'énerver plus que ça. Il jeta un petit coup d'oeil sur l'égout. Savait-il ? Lui non, pas directement, mais certainement ses contacts. Il reporta son regard un peu plus haut sur sa geôlière.

- Et toi tu t'appelles comment ?

- Lava ?

Pendant sa réponse, il eut encore une fois le loisir d'observer sa dentition et se conforta dans l'idée de faire un peu jouer ses contact pour l'aider.

- Je connais des gens qui peuvent le trouver....

Un petit éclair de joie et de soulagement traversa le feu bouillant qui semblait composer les iris de Lava. Aaron retint un soupir et ajouta en pesant ses mots.

- Serait-il possible de me lâcher ?

Au contraire de sa demande, il sentit le coude se refermer un peu plus sur son cou, lui bloquant un peu la respiration. Et le souffle, bien trop chaud pour être normal de l'autre fantôme caressa sa nuque :

- Je ne te fais pas confiance pour deux sous. Je te lâcherais quand tu m'auras donné des résultats.

Il se résigna à ne pas retrouver sa liberté tout de suite et la guidant il rejoint une autre bouche d'égout, sous la forme d'un trou rond à même le sol. Puis il expliqua qu'il pouvait passer à travers la plaque de métal pour rejoindre les galeries souterraines. Lava s'exécuta, et en quittant la terre ferme pour s'enfoncer dans les profondeurs elle sentit un frissons lui remonter l'échine alors que les souvenirs de l'enfermement et de l'enfer des strates une et deux lui revenaient. Ils marchèrent un moment, elle le tenant toujours sans relâcher la pression, effrayée à l'idée qu'il ne puisse s'enfuir et la laisser seule et sans solution pour retrouver Despair. Enfin, Aaron s'arrêta et appela quelques noms. Alors deux fantômes aussi blancs que lui apparurent. En voyant leur amis, ou du moins connaissance, retenus en otage, ils se figèrent immédiatement, près à déguerpir. Aaron les calma très vite

- Approchez, j'ai juste besoin d'aide pour trouver quelqu'un, pas plus, ne vous en faite pas.

Après quelques regards méfiants envers Lava, l'un des deux osa s'avancer. Une femme d'âge assez avancée aux cheveux mi-longs pris la parole pour demander:

- Que se passe-t-il ? Qui est cette personne et que veux-tu Aaron ?

Le concerné tenta de prendre une voix composée quand il expliqua:

- J'ai volé un truc à cette personne et son compagnon, et ça.... s'est pas très bien passé, alors maintenant, j'ai besoin que vous m'aidez à trouver l'autre qui d'ailleurs détient l'objet, afin que cet-cette personne... me relâche, voilà tout

il enchaina sur un léger rire nerveux et ajouta, probablement plus pour lui-même que qui quece soit d'autre

- Rien de grave.

La femme se tourna vers le second inconnu, un homme âgé, et le consulta d'un regard pour se décider sur la démarche à suivre. Ils semblaient quelque peu hésitant et Lava compris que ces deux là n'était pas tellement redevable à Aaron et pourrait très bien refuser d'apporter leur aide, ce qu'ils semblaient d'ailleurs plus enclin à faire. Elle essaya alors de faire pencher la balance du côté qui l'avantageait.

- Si vous m'aidez je pourrais vous aider en retour à faire quelque chose ?

La femme se tourna vers Lava et la jaugea des pieds à la tête, un peu intéressée.

- Tu pourrais nous aider ?

- Oui je pourrais vous rendre un service ?

La femme se tourna vers l'homme et l'entraina un moment à part pour se concerter à voix basse. Il fallut plusieurs longues minutes qui parurent une éternité à Lava avant qu'ils ne reviennent avec leur décision.

- Si tu.... effraies un peu quelqu'un, on t'aide. Qu'en dis-tu ?

C'est donc de cette manière que le marché fut conclut. Lava avait accepté sans même vraiment réfléchir à si elle était capable de remplir sa part, et à vrai dire, elle n'avait pas beaucoup de raison d'en douter. Elle se retrouva donc quelques heures plus tard dans une galerie souterraine, avec les trois fantômes, Aaron et les deux inconnus assez loin derrière elle. Devant elle, il n'y avait que de l'obscurité que ses yeux de démons perçaient comme si de rien n'était. Le couloir continuait tout droit et tournait sur la droite vingt mètres plus loin. Alors une silhouette se découpa contre le mur qu'elle apercevait dans le noir. La silhouette était rectangulaire, et si elle avait été une statue, elle aurait été probablement fait par un bien peu appliqué sculpteur, découpée grossièrement et sans la moindre élégance. Mais il ne s'agissait pas d'une statue comme le témoignait le balancement pataud qu'elle décrivait au fur et à mesure qu'elle s'avançait vers Lava. Dans le même temps, les fantômes d'albâtres derrière elle reculaient prudemment, apeurés. Elle resta bien droite sur ses jambes. Sa transformation actuelle était poussée loin, au point où elle mesurait certainement un peu plus de deux mètres, ses muscles étaient plus puissants, elle s'en était bien rendu compte, et sa peau épaissie étaient brûlante au touchée. Elle n'avait presque plus rien à voir avec la petite jeune femme pâle et blonde de son arrivée aux enfers. Elle aurait bien serré les poings, mais vu ses griffes, cela n'était pas préférable.

La silhouette était maintenant à la limite de la lumière, de sorte que sans sa vision démoniaque elle aurait pu tout juste l'apercevoir. Elle faisait à peu près sa taille. Bien que Lava ne soit pas tout à fait sûre du « elle », c'est ce qui semblait être. Elle portait une tresse noire, sur un crâne carré, et des bras épais comme des poutres. Lava n'avait plus vraiment envie de chipoter sur des détails comme « épargner le plus de gens possible ». Au point où elle était rendu, c'était tant pis pour ceux qui lui causaient soucis. Dans cette logique donc, elle ne se présenta pas, roula un peu une épaule la faisant craquer et s'avança dans la visible intention de lui péter la gueule, car dans cette situation c'était probablement la seule formulation qui reflétait correctement le pas lourd et décidé et l'éclat agacé dans le regard de Lava. La fantôme inconnue ne s'attendait pas tout à fait à cette réaction de la part de son adversaire. Elle avait plutôt l'habitude que face à elle les gens reculent un peu, au moins hésitent un instant, mais celle là chargeait directement et ne semblait pas la moins du monde intimidée. Maintenant qu'elle y regardait de plus près, son opposante était de la même taille qu'elle, sinon plus, et n'avait pas tellement l'air humaine. Alors pour la première fois de sa vie, Lola la géante recula. Elle aperçut soudain derrière l'épaule de l'espèce de monstre qui lui faisait face le visage plein de satisfaction de Aaron et le vieux couple Martin. Elle jura en comprenant qu'ils l'avaient pris dans un piège en lui envoyait cette chose qui n'était pas un fantôme normal. Lola fit alors une seconde chose qu'elle ne faisait jamais : elle essaya de trouver un accord avec des mots.

- Attend d'secondes !

Lava en avait plutôt marre d'attendre, alors se retenant de lever les yeux aux ciel, elle leva un poing, agrippa avec force le col de Lola et accorda quelques secondes à son adversaire.

- Quoi ?!

- On peut parler avant d's'frapper?

Demanda la géante, maladroite avec ce genre d'arrangement et de diplomatie.

Lava jeta un coup d'oeil aux autres pour savoir comment se comporter. Aaron avait l'air assez tenté par la diplomatie, tant dis que les deux autres étaient plutôt en faveur d'une destruction de mâchoire avec les poings. Et puisque c'était eux deux qui avait la solution à comment retrouver Despair, elle devait combler leur soif de sang et de violence. Elle se retourna vers son opposante. Lola aperçut en une seconde dans les yeux de la créature humanoïde qu'elle n'allait pas passer un bon moment. Elle serra les dents et ferma les yeux, mais Lava ne la frappa pas au visage. C'est ce qu'elle avait prévu de faire, mais elle se replia plutôt pour les côtes, laissant la femme pliée en deux le souffle coupé. Celle-ci tenta tout de même de se défendre, plaçant ses avant bras devant elle comme pour parer le prochain coup. La maintenant malgré elle démone lui jeta un coup de pied dans les chevilles pour la faucher. Elle tomba au sol en poussant un cri rauque de surprise et par réflexe voulut se rattraper avec ses bras, qui découvrirent son visage. Un coup de pied monumentale fit craquer sinistrement les cartilages de son nez et le sang, décoloré comme sa propriétaire et donc d'un rose pâle, coula immédiatement sur les lèvres et gouttant du menton de Lola, groggy.

Derrière Lava des applaudissements et des petites encouragements joyeux retentirent. Les fantômes avaient l'air satisfaits du spectacle. Lola ne tenta pas de se relever. Elle avait un peu mérité le traitement qu'elle venait de subir, elle le reconnaissait, mais elle ne s'attendait pas ce qu'il arrive à la fois si tôt et à la fois si violent. Cela faisait un petit moment qu'elle bloquait complètement cette partie des égouts aux autres fantômes et leur faisait payer une lourde taxe de passage, mais eh ! C'était la vie ! C'est comme ça que ça fonctionne chez les fantômes où il n'y pas d'autres maîtres que les plus forts et les plus rusés. Alors elle regarde la chose qui venait de la mettre à terre qui attrapa sa cheville pour la jeter dans le canal, et elle se dit que si la loi du plus fort lui permettait de faire régner sa lois par la force de ses poings, cette fille avait le droit aussi. Alors qu'elle s'apprêtait à retenir son souffle, une question tout de même lui traversa l'esprit.

- Qu'est-ce que tu es ?

Les yeux rouge flamme se posèrent sur elle. Le contraste entre la fournaise que les iris abritaient et la froidure du regard était poignant. La bouche à faire pâlir un requin s'entrouvrit encore une fois.

- Le même genre de créature qui t'attendent avec impatience là où tu finiras tôt ou tard.

Lola la géante sentit un grand froid lui figer les membres profondément dans sa chair, allant même imprégner ses os, la faisant frisonner de toute son immense masse de muscles et graisse. Elle, comme la plupart des fantômes, ne savait rien de ce qu'il y a de l'autre côté, et savent également que ce qui les attend n'est pas de l'ordre de grillages d'or entourées de nuages mais plutôt une grotte pleine de feu et fourches. L'imagination est un pouvoir plus efficace que les menaces parfois et cette simple phrase, accompagnée du visage en contrejour, allumé seulement par les craquelures de flammes et les yeux incandescent de Lava, allumèrent en Lola une terreur pure, qu'elle ne manquerait pas de transmettre à tout ceux qui croiseraient sa route.

Après avoir jeté le corps de son adversaire terrorisé dans le courant d'eau sale, mais pas trop profond, Lava retourna vers ses coéquipiers provisoires, désireuse de voir sa part du marché être réalisée.

-Merci !

- Parfait !

Le vieux couple semblait aux anges, pendant Aaron, plus neutre, avait plutôt l'air de vouloir vite retourner à ses tranquilles petits vols, se promettant de ne plus jamais s'en prendre à des fantômes qui ne rentrent pas dans tous les critères de la plus commune banalité.

- À mon tour maintenant. Comment retrouver mon ami ?

La femme fut la première à prendre la parole. Des deux elle semblait être la plus bavarde et l'homme donnait plus son accord et son avis en arrière.

- Déjà nous sommes Mathilda et Olivier Martin, et ici c'est Aaron.

Elle savait déjà pour le fantôme voleur, à qui Lava jeta un rapide coup d'oeil quelque peu mécontent et rancunier qui le fit se recroqueviller. Elle attendait la suite.

- Et pour ton ami, en suivant la logique du courant, et les endroit où l'eau est la moins profonde, il devrait y avoir quelques endroits où la probabilité de le retrouver est plus forte. Où est-il tombé déjà ?

Aaron intervint :

- En plein milieu de la Rue Jacques Prévert.

Les deux Martins discutèrent un peu entre eux pendant que Lava s'impatientait et enfin ils revinrent vers la jeune femme.

- Il apparaitrait qu'il y a six endroits possibles.

Pendant ce temps, Despair était, lui, bien seul. Dans cette eau sale, avec à la gueule la gemme, il avait peur qu'en sortant du chat, la gemme ne le suivent pas, et n'osait donc pas s'extirper du canal souterrains. Après un temps qui lui parut difficile à estimer tant l'effort pour ne pas se noyer étirait chaque seconde à l'infinie, et tout ce temps à tenter avec maladresse à s'épargner une noyade peu agréable, il atteint un endroit où le fond était à portée de pattes et repris contact avec la terre ferme, sortant du ruisseau nauséabond. Il s'ébroua un peu, puis se mit en boule dans un coin, tremblant de l'effort qu'il venait de fournir. Il était sortis d'affaire enfin,mais quoi faire maintenant ? Il ne savait pas trop comment sortir de cet endroit... est-ce que Lava pouvait le trouver ici ? Même avec tout sa foi en elle, il ne voyait pas vraiment comment elle ferait pour. Il n'avait fait que suivre un courant aléatoire, le faisant tourner à des embranchements tortueux dans une sorte de dédales de galeries....

Despair aurait aimer pousser ses pauvres méninges à plus de réflexions peu fructueuses, mais le froid et la fatigue avaient tellement éreinté le petit peu corps bruns du chat qu'il occupait, qu'il s'endormit sans même s'en rendre compte, la gemme serrée entre ses pattes de devant et son poitrail,dans un geste protecteur.