-Bon alors... Gamin... fit un voix grave, la plus grave de toutes celles entendues jusqu'ici.

À l'aide! Des inconnus sont rentrés dans ma chambre!

-Je me présente... Je suis le père de Sara et ma femme est à côté de moi... reprit la voix en se raclant la gorge élégamment.

À l'aide!! Les parents de Sara sont à côté de moi!! Au s'courrrrs! S'il-vous-plaait.

Le silence pesant de la mère est flippant. Je redoute le moment où elle va finir par parler. Le père, quant à lui, m'a l'air ma foi fort sympathique. De plus, d'après la description que m'en a faite sa fille, il ne peut être que gentil!

-Chérie.. Cela va faire un bon quart d'heure que je parle dans le vide, tu pourrais y mettre un peu du tiens, non?

Attention, tentative désespérée du mari de tendre une perche à sa femme!

-Tout ce que je vois moi, c'est que notre fille commence à s'attacher à ce jeune homme dont on ne sait rien. Imagines un peu qu'il soit un garçon à mauvaises fréquentations!

Je vous rassure tout de suite madame, je n'aurais même pas pu passer l'entretient de la mafia que je serais déjà éjecté de leur liste... Non, mon dossier aurait plutôt servit de rehausseur au parrain que j'imaginais petit. Quoique... Ma candidature, aussi vide que le cerveau d'un bigorneau, n'aurait pas servit à grand chose... Elle aurait plutôt été directement envoyée aux ordures. Recyclables? Même pas!

-Mais voyons! Il a l'air tout à fait inoffensif... Et puis les médecins nous ont dit qu'il était probablement battu avant d'être hospitalisé...

Quoi? Je n'y crois pas! Ils ne savent pas être discrets ces docteurs? Ils ne savent pas ce que c'est que la vie privée?

-Ce n'est peut être pas qu'il se fait battre, mais qu'il s'est battu! C'est peut être justement un voyou! De plus, notre petite Sara s'attache à lui alors qu'il ne comprendra pas qui elle est lors de son réveil...

Euh... Je suis là~ 

-Calme-toi chérie! Regarde ses muscles, il n'y a rien du tout! Tu crois vraiment qu'il irait se battre avec ce chocolat au lait à la place de muscles?

Merci de me le rappeler... C'est toujours agréable d'entendre qu'on est faible! Je vous remercie monsieur de prendre ma défense, mais soyez plus délicat la prochaine fois... Vous devriez le savoir en plus, qu'il ne faut pas parler de ce genre de choses fâcheuses en face d'un homme. Cela blesse la fierté!

-Bon, très bien, tu as gagné... Faisons confiance au jugement de notre fille. Après tout, elle s'est toujours entourée de bonnes personnes jusqu'à présent. lâcha la mère de Sara d'une voix claire et modulée.

Après un temps de silence qui me semblât durer une éternité, le père trouva judicieux de me proposer comme gendre potentiel à leur fille.

Euh... Je suis là! Ouhou! Par ici! Oui! Je suis là, sous vos yeux! J'entends tout!

-Pardon? fit sa femme, abasourdie par cette absurdité.

-Tu n'as pas vu comment Sara parle de ce garçon? Elle a littéralement des étoiles dans les yeux! s'esclaffa le père en se balançant en arrière.

Je le devinai en entendant l'horrible grincement du dossier de la chaise sur laquelle il était assis.

Dites... Vous ne pourriez pas parler de ça autre part que... Dans cette chambre? Je ne voudrais pas avoir l'air de me répéter mais... J'entends tout.

-Je crois que tu divague... souffla la mère.

Et essayant de revenir à une discussion, si on peut la nommer ainsi, plus terre-à-terre, elle reprit

-Bien! Je suis la mère de Sara... Et je suis terriblement idiote de parler à quelqu'un qui ne bouge pas...

-Mais non tu n'es pas bête! Je suis sûr qu'il entend, tu ne crois pas? la rassura son mari.

-Tu penses..?

-Probablement... J'ai lu beaucoup d'article sur le coma, depuis que Sara rend visite régulièrement à ce jeune homme. Certains témoignages de comateux décrivaient que les patients entendaient tout! Peut être est-ce donc son cas à lui aussi.

-Donc... Tu es en train de me dire qu'il aurait tout entendu ce qu'on vient de dire? s'inquiéta la mère.

Oui madame! J'ai tout entendu! Bien que ce ne soit pas nouveau...

-Vu comme ça, c'est assez flippant... lâcha le monsieur en refaisant un tour rapide de leur précédente conversation.

C'est votre femme qui l'est monsieur...

-Dans ce cas... Juste au cas où... Sache, mon garçon, que tu n'as pas intérêt à faire souffrir mon trésor le jour où tu te réveilleras, crois-moi!

Sinon q-quoi madame? Moi? Peu rassuré? À peine...

-Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire... conclu-t-elle.

C'est déjà ça!

-Mais moi non! s'exclama son mari. Je l'entendis prendre un bloc note et retirer un crayon de sa poche.  Je disais donc... Notre fille aime le kaki, les rhododendrons, son endroit préféré est le glacier de la rue-

-Qu'est-ce que tu fais? l'interrompit sa femme.

Oui, pour une fois que je suis d'accord avec votre femme, qu'est-ce que vous me chantez là monsieur?

-C'est pourtant simple non? Si jamais ce garçon se réveille, il saura ce qu'aime Sara et pourra lui offri-

-Ne me dis pas que tu es sérieux, là, tout de même?

-Et bien... Je crois que si? fit le père sur la défensive.

-Bien, je vois... Ainsi donc, tu es persuadé que ce gamin aime aussi Sara?

-Pourquoi pas?

Oui c'est vrai ça! Pourquoi je ne pourrais pas madame?

-Imaginons qu'il n'ai même pas conscience de notre présence? Et de celle de Sarah?

Cette déclaration arriva, sec, et résonna méchamment entre les murs de la chambre.

-Imaginons que si... Cela ne coûte rien de lui dire toutes ces informations, tu ne penses pas?

Bien joué monsieur! Votre femme ne pourra pas répliquer à ça!

Leur conversation ne s'acheva cependant pas à la réplique du mari mais au contraire, continua encore, de longues minutes durant.

Et voilà... Ils ont fini par me donner un mal de crâne... Qu'on me laisse seuuul.

Partez, loin! Loin de moi! Vous me faites peur tous les deux maintenant! L'une veut me tuer sur place, l'autre veut me faire épouser sa fille presque de force! Sara... Es-tu bien sûre que ce sont tes parents? N'ont-ils pas un caractère un tantinet différent du tien? Un peu? Un tout petit peu? Légèrement différent hein...

Pitiez, sauvez mon âme de ces diables!