Chapitre 4
Non... Non non... Ce n'est pas possible! On ne peut pas me faire ça!! Pourquoi je n'y avais pas réfléchis plus tôt? Bien entendu que je ne peux pas me laver tout seul!! Et donc, dans toute leur bonté, les aides soignants ont été là pour le faire! Ce que j'en pense? J'aurais préféré puer que de subir cet affront!
Oh mais pitié... C'est bien trop humiliant pour que je survive.... Encore heureux que ce ne soit pas une femme! Je serais décédé sur le champs!
Le torse? Lavé! Bras, aisselles... tout y est passé. Y compris... Oh non je ne veux même pas y penser... ON M'A TORCHÉ LE CUL COMME SI J'ÉTAIS UN BÉBÉ!! La honte totale. J'aimerais ne jamais me réveiller pour ne jamais avoir à rencontrer le gars qui a fait ça. Le pire, c'est pour faire mes besoins... Je. Ne. Veux. Même. Pas. En. Parler. Hors de question.
Tandis que je me morfondais encore dans mon déshonneur, vint le temps des séances de massages et de ré-éducation. En effet, si je reste trop longtemps allongé sans rien faire, il se pourrait que je ne puisse même plus marcher par la suite... Ainsi donc, tous les jours, quelqu'un vient pour raviver mes membres ramollis. On prend mes jambes et on les monte de haut en bas, on prend mes bras et on les étire, et ainsi de suite... Ce petite manège me permit, indirectement, de sentir à nouveau mon propre corps. Toutefois, ce n'était pas assez pour sentir mon pouls dans mes tempes ou encore mon orteil qui gratte... Je ressentais seulement lorsqu'on effleurait ma peau. Je suppose que je m'améliore? Je peux vous dire que c'est une sensation assez étrange que de sentir son corps bouger sans le lui avoir ordonné. Mais je ne me plains pas. Un petit massage par-ci par-là ne fait de mal à personne...
-Bonjour gX! lança Sara en déboulant dans ma chambre qui était calme, jusque là.
Je ferais cependant remarquer que calme ne veut pas dire silencieuse... Le bruit roque des machines, le froissement subtile des rideaux contre le mur, les légers battements d'ailes des oiseaux au-dehors... Ou encore les pas étouffés des infirmiers dans leurs chaussons amortissant, les grincements des lits métalliques déplacés dans les couloirs, transportant certainement des patients aux urgences ou au bloc opératoire. Les cris des familles en détresse, le rire chantant des plus petits, encore naïfs de la situation...
Ainsi donc, l'apparition soudaine de Sara dans la chambre ne cassa pas vraiment le silence, puisque celui-ci n'existait pas, au final. Mon esprit se concentra donc sur la nouvelle appellation qu'elle venait d'employer. Pourquoi Sara m'appelle-t-elle gX? J'en appris plus tard sa signification: le "g" correspondrait, dans sa tête farfelue, à "gars" et le "X" signifie que je suis un inconnu, comme dans sa matière préféré, les mathématiques. Par conséquent, je m'appelle, aux yeux de cet ange, "gars inconnu". Peu flatteur, je l'accorde!
-Aujourd'hui, nous sommes le seize mai! Après un temps, elle soupira. J'aimerais pouvoir t'aider mais je ne sais pas comment faire...
Un petit massage et je serais aux anges...
Quelqu'un entra dans la pièce. Un homme, à en entendre sa voix. Ce n'était pas mon médecin, Pascal, mais l'infirmier qui avait déjà fait ma toilette auparavant. Je le devinai à sa manière d'ouvrir la porte, décidé et téméraire. Ou encore à ses pas qui se voulaient grands et vifs. Lorsque Mahdi, tel était son nom, s'aperçut qu'il avait interrompu Sara, il s'excusa:
-Pardonnez-moi, je venais simplement vérifier si la pièce était bien humidifiée... Il ne faudrait pas que la peau du patient se dessèche... fit-il avec son accent prononcé, typiquement sénégalais. J'avais peine à le comprendre...
-Vraiment? Puis-je passer une serviette mouillée sur son visage alors? J'ai l'impression de gêner plutôt qu'autre chose, alors j'aimerais me rendre utile...
Non! Un massage c'est mieux!
-Si vous le voulez... Cela enlèvera une tâche aux infirmières qui ont déjà beaucoup à faire... Je vais vous apporter de quoi réaliser celle-ci, je reviens.
Ses pas devinrent de plus en plus lointain.
Bon bah... Va pour l'hydratation...
Je soupirai sans vraiment soupirer, dans ma salle aux perles. Je m'ennuie, alors je ne peux faire que penser. Comment décrire la relation que j'ai avec cette Sara? Je ne sais pas... C'est assez curieux, voire déconcertant. Bien que j'ai jamais vu Sara de mes propres yeux, ces moments passés avec elle me semblent être devenus une habitude. Un épisode à part entière de ma vie, qui parait être là depuis toujours, bien lové dans ces bulles d'eau près de moi. Avec le temps, les souvenirs du passé ont commencé à s'effacer et à laisser place à ceux vécus avec Sara. Bien qu'ils ne disparaissent pas complètement, cela me permettait de respirer un peu et de ne pas revisionner les mêmes choses, en boucle, dans cette salle isolée de mon imaginaire.
Un projet de complicité, un semblant d'amitié s'est installé entre elle et moi. On dirait que je la connais depuis gamin! Peut être est-ce parce qu'elle me semble être l'unique personne à être là, près de moi, dans les moments éprouvants qu'est devenu le coma? Toutefois, je désespère d'un jour la remercier pour toutes ces petites attentions dont elle me couvre. Je me sens frustré de la situation.
-Voilà! Une serviette et de l'eau tiède... Je sursautai, la voix de Mahdi me sortant brutalement de mes pensées. Je pense que vous avez tout ce qu'il faut... Veillez cependant à être délicate en approchant des paupières... indiqua-t-il, la voix essoufflée par sa course.
À l'entendre, je parierais qu'on l'avait appelé en urgence ailleurs, et qu'il s'était précipité pour réaliser sa tâche initiale une fois la requête effectuée.
-Entendu! Y a-t-il un endroit en particulier auquel il faut que je fasse attention? demanda Sara.
Un mouvement au dessus de moi m'indiqua qu'elle prenait dans ses mains la serviette que lui tendait Mahdi. Le son claquant et ample d'eau bousculée dans son récipient se fit lui aussi entendre.
-La bouche et les mains! Surtout la bouche, les lèvres s'assèchent rapidement. Il est donc important d'y porter une attention toute particulière.
Seulement après s'être assuré que tout se passerait pour le mieux, Mahdi s'en alla, me laissant seul avec Sara. Mon esprit se mit alors à vagabonder dans mes pensées les plus tordues. Est-ce qu'une fille va vraiment me toucher ainsi? Je n'eus pas le temps d'y penser de trop que je sentis quelque chose d'humide et frai sur mon front. C'est assez agréable, au final... J'aime bien! Je pense tout de même que j'aurais préféré des massages, mais bon... L'hydratation fait aussi son effet!
Woaw... C'est trop chou! Sara fait bien attention à mes yeux comme on le lui a demandé. Je me sens bien. C'est dingue. Et que-
Oh non non! Elle est en train de déboutonner mon horrible chemise de l'hôpital dans le but de rafraichir mon torse.... Outre le fait que je sois extrêmement embarrassé, j'ai peur de sa réaction si elle s'aperçoit des blessures infligées par mon père...
Soudainement, sans vraiment comprendre pourquoi, je sens mon corps tressaillir. Enfin... C'est plus mon esprit qui tressaille car si cela avait été mon corps, il est probable que Sara aurait bondi de joie et averti une infirmière... Pourquoi mon corps est-il si sensible aujourd'hui? Je suis confus.... Mon pouls s'accélère, donnant de méchants coups de marteau dans mon crâne, sans que je puisse calmer ce bourrin. Tandis qu'en bas... Mon corps... Non, je ne veux pas y croire! Ne me dites pas que cette fille me fait de l'effet avec juste... Une serviette mouillée sur le torse!?
J'étais encore en train de réfléchir à la réaction absurde de mon corps lorsque j'entends les machines s'affoler. Près de moi, Sara commence à paniquer... Mon cœur s'emballe, j'espère que ce n'est pas trop grave! Elle appelle les infirmières et Pascal, le médecin qui m'a en charge depuis le début.
-Sortez mademoiselle, on s'occupe du reste. lui somma-t-il tandis qu'il s'approchait du lit sur lequel j'étais allongé, rapidement.
J'entends une voix de femme.
-Pourquoi son cœur bat aussi vite tout d'un coup? Ce n'est pas normal du tout!
Pascal commença par me prendre le pouls tout en donnant des ordres aux aides soignants à ses côtés. Mais je n'entends pas la suite car mon esprit commence à divaguer. De mon côté, dans ma salle aux perles, celle-ci se retrouve baignée d'une vive lumière blanche, chassant de surcroit les ténèbres qui me tenaillaient encore il y a peu. Juste le blanc. Un blanc absolu. Je n'ai jamais vu un blanc comme ça. Même la neige n'est pas aussi blanche!
Je reprends quelque peu mes esprits. Je me vois moi-même, dans la lumière. Enfin, mon ombre. Je me senti immédiatement très léger. Vais-je mourir? Si c'est ça mourir, je ne crains pas la mort... Là où je suis en ce moment, je ressens un bien être total, l'extase!
Vais-je mourir? Tout me reviens maintenant dans la tête en se chamboulant. Liam et ses sous-fifres, mon père et ma mère... L'accident. Mon échappatoire: le coma... Un lieu où je peux vivre en paix pour la première fois de ma vie. Cette salle aux perles comme je l'appelle m'est maintenant familière, comme mon chez moi, bien qu'elle se soit vu éclairée aujourd'hui. Un chez moi rassurant. Un endroit où je me sens en paix. Alors même que je n'arrive pas toujours à distinguer le vrai du faux dans ces illusions à foison, je me sens calme. Et tandis que la pluie en suspens reste présente, un immense lac limpide apparait sous mes pieds. Je n'en vois pas le fond....
-Alors monsieur le patient... Cette demoiselle vous fait autant d'effet? lança Pascal, narquois, me tirant dès lors de mes pensées.
Il doit être seul, je n'entends personne d'autre.
Meuuuh non.... Qu'est-ce qu'il vient de dire? Non monsieur! Ce n'est pas ce que vous croyez! Pas du tout!
-Oh... Votre pouls s'accélère encore... Je prend ça pour un oui!
Ce n'est pas drôle docteur! Ce n'est pas vrai... Il se fiche de moi, c'est horrible. J'ai envie de pleurer. Je me fais martyriser par un médeciiin....
-Et il semblerait que vous nous entendiez... C'est une bonne nouvelle!
Bonne nouvelle, bonne nouvelle... Je vous en donnerais moi des bonnes nouvelles! Mais ce que je viens d'apprendre aujourd'hui n'est pas une "bonne nouvelle" comme vous dites! Je tombe amoureux d'une fille que je ne connais pas! C'est. La. Catastrophe.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro