Chapitre 15
Depuis mon réveil, on me gave de séances de rééducation, auxquelles j'assiste, sans vraiment être là... C'est lent et j'ai l'impression que je ne progresse pas... Les médecins disent que c'est peut-être dû à un blocage psychologique, et je les crois volontiers ! Je me sens comme sans vie, dans un corps en survie, un paradoxe qui trahit mes sentiments déchiquetés dès la nouvelle apprise. Sara n'existe pas, je l'ai inventé de toutes pièces... Mais, est-ce réellement possible ? N'y a-t-il rien, une infime vérité dans tout ce que j'ai rêvé ?
J'ai testé, un jour, pour être sûr et certain que tout ceci n'était qu'une illusion. Mais madame Mioterre s'était bien cassée la cheville, et son mari arrivait bien toujours en retard ! Quant à monsieur Follar, il chantait bien à chaque fois qu'il balayait ma chambre, sa voix comme un réconfort lorsque je m'ennuyais ! Tout ceci, je ne l'avais pas rêvé, puisque les principaux concernés me l'ont confirmé.
-Allez, je vous ramène jusqu'à votre chambre ! s'exclama Pascal après une séance intensive de rééducation.
Il m'aida à me relever et je m'appuyai sur lui dans le couloir. J'étais encore trop fébrile pour me déplacer sans soutien.
-J'ai entendu dire que la police a contacté mon père ? commençai-je.
-Oui en effet ! Je n'ai pas encore eu le temps de vous le dire, comment êtes-vous au courant ?
-C'est simple, c'est parce que...
Je m'arrêtai net. Cette information, je l'avais eu de la bouche de Sara... Si elle n'existe pas, est-ce possible que j'ai inventé une personne désirable autour de choses qui se passaient autour de moi ? Aurais-je entendu Pascal en parler, et l'aurais-je assimilé à une voix imaginaire, celle de Sara ?
-Je ne sais pas vraiment... J'ai dû vous entendre parler avant mon réveil...
Pascal semblât réfléchir un peu, index sur le menton et yeux levés au ciel.
-C'est possible en effet... reprit-il après un temps. Je voulais vous en parler aujourd'hui, ça tombe bien !
Nous reprîmes la marche.
-Je ne sais pas vraiment comment aborder le sujet avec vous mais... Le personnel médical et moi-même, nous sommes d'accord sur un point : on pense que vous vous faisiez battre... Et je pense qu'il est possible que ce soit votre père, de ce qu'en disent les policiers. Qu'en dites-vous ? lâcha-t-il en me jetant un regard capable d'analyser le fond de mes pensées.
Inutile que je lui cache la vérité... De plus, ça m'arrangerait que l'hôpital mette en liste noire mon père pour qu'il ne vienne pas me rendre visite ! C'était une chose que "Sara" m'avait appris, à « décomplexer ».
-Vous avez raison, je me faisais battre par mon père... avouais-je, presque détaché de mes sentiments, d'apparence blasé, comme si cette révélation n'était qu'une chose futile parmi tant d'autres.
Un silence s'installa. Un silence... Que j'aimais. Pascal ne s'embêtait pas à me sortir des phrases pleines de pitié à gogo, c'était un silence qui permettait à mes pensées de vaguer à d'autres soucis.
-Très bien, on en rediscutera plus tard. En attendant, je demande à ce que l'on interdise votre père à venir vous voir ! ajouta-t-il alors qu'il m'aidait à m'asseoir sur mon lit.
Je le remerciai pour sa considération avant qu'il ne sorte de ma chambre et soufflai un grand coup lorsqu'il disparut derrière la porte. Sara, qui es-tu ? T'ai-je vraiment inventé de toute pièce ?
J'avais déjà ressassé sans arrêt mes souvenirs avec elle, mais rien ne m'avait paru étrange. Quand j'avais demandé qui avait payé les frais d'hôpital, ils ont répondu que c'était l'assurance maladie, bien évidemment. J'avais eu l'impression d'être un idiot, car ce n'était pas si évident pour moi ! Bref, ce n'étaient pas les parents de Sara, puisqu'ils n'ont jamais existé...
J'espère te retrouver bientôt.
Mon cœur se serre. Il s'agissait des derniers mots que Sara avait prononcé avant mon réveil... Je soupirai, je devrais arrêter de me faire souffrir ains-
Attendez une minute... Mais, en voilà une chose qui cloche ! Deux choses, pour être tout à fait exact ! "Sara" a utilisé le verbe retrouver, comme si l'on se connaissait d'avant... Mais, surtout, j'avais noté que sa voix était plus grave que d'ordinaire... Était-ce parce que je m'approchais de mon réveil et que la réalité se faisait plus net ? Il y a réellement quelqu'un qui était là ce jour-là et qui m'a dit ces mots ! Mais peut-être pas la personne que je rêvais jusque-là...
Je sens mon pouls accélérer, excité comme un pirate sur le point de découvrir un trésor enfouit. Je tiens quelque chose ! J'ai le chemin qui mène au trésor, mais le bout du parchemin qui indique son emplacement est encore introuvable.
Je décrochais de mes pensées tordues lorsque j'entendis les pas reconnaissables de Mahdi se stopper devant ma porte.
-Il vous faut quelque chose ? demanda l'infirmier en entrant dans la chambre.
-Il n'y a vraiment personne qui me rendait visite lorsque j'étais dans le coma...? le relançais-je.
-Si, il y avait quelqu'un... Un garçon qui semblait avoir votre âge... Mais si vous voulez savoir si une Sara l'accompagnait, alors c'est un non..
Je la tiens ! Cette information qui me manquait!!
-Comment il s'appelait?? m'écriai-je presque, une respiration saccadée m'essoufflant.
Je ne me sentais pas bien. Je tremblais, mon sang tapait dans mes tempes, mon cœur frappait si fort contre ma cage thoracique que j'avais l'impression de pouvoir m'évanouir en un clin d'œil.
-Il n'a jamais voulu nous donner son nom... Si bien qu'on a cru que c'était lui qui...
Il parut hésiter aux mots à utiliser pour la fin de sa phrase, que je complétais en observant son embarras.
-Qui me battait ?
Mahdi donnait l'impression de vouloir se cacher derrière ses tresses africaines. J'en ris.
-Voilà, c'est ça... Mais qui viendrait vous rendre visite aussi souvent si c'était sa victime, allongée devant lui ? C'est pour ça qu'on l'a laissé venir vous voir. Après tout, il semblait être vraiment triste de votre sort...
-Vous sauriez me le décrire ? demandais-je, avide de la vérité.
-Je ne me souviens plus vraiment... Mahdi réfléchit un instant avant de reprendre. Il était assez grand pour son âge et il avait les cheveux très courts sur les côtés, en tout cas !
Je mis peu de temps à revoir toutes mes connaissances, et une seule personne correspondait à la description. Un seul garçon de mon âge avait une coupe pareille... Mais cela me paraissait impossible qu'il me rende visite, même dans mes espoirs les plus fous !
-Vous êtes sûr de ne pas vous être trompé...?
-On ne peut plus sûr!
J'avais l'impression qu'un étau me broyait les côtes. Comment en était-il arrivé à venir me voir aussi souvent, alors qu'il me déteste ?
-Je... Qu'importe.
Ce n'était peut-être pas lui finalement, alors autant ne pas me torturer l'esprit et passer aux choses sérieuses.
-Monsieur, pourrais-je utiliser votre téléphone une minute ? repris-je, quelques hésitations dans la voix. J'aimerais appeler quelqu'un de ma famille...
-Ne me dites pas que vous comptez appeler votre père alors qu'il...
-Me battait, oui, je sais. Ce n'est pas lui, mais ma sœur que je souhaite contacter.
-Ah... Bien entendu, allez-y...
J'attrape le téléphone que Mahdi me tendit à la vitesse de l'éclair, et me jetai à corps perdu dans mes souvenirs tandis que mes doigts tapaient un numéro depuis longtemps retenu, mais que je n'avais pas eut besoin d'utiliser depuis des années...
Mahdi sorti de la pièce alors qu'on décrochait à l'autre bout de l'appareil.
-Allô ?
Ma voix se bloque dans ma gorge, je ne sais pas par où commencer. Je m'étais promis de la recontacter si jamais je me réveillais... Maintenant en face à face avec la réalité, je ne savais plus que faire.
-Allô ? Il y a quelqu'un ? répéta Fanny, ma sœur.
-C'est....
Quoi ? Que dois-je dire ? Qui suis-je pour elle ?
-Moi. Me décidais-je alors, espérant qu'elle comprenne.
C'était ridicule, mais la seule chose que j'arrivais à prononcer était pourtant ce simple mot... Un moment passa, laissant tout le loisir à mon anxiété de prendre possession de mon corps.
M'a-t-elle entendu ? Est-elle encore là ?
-Le livreur de pizza...??
Je faillis m'étouffer avec ma salive. Je m'attendais à tout sauf à ça !
-Euh non... C'est Mathis...
...
-Ce.... Mathis ? Mathis, mon petit frère que j'ai... Qui... C'est bien toi ?
Oui, c'est fou. Cela va maintenant faire cinq ans, depuis le décès de notre mère, que Fanny m'a abandonné. Lorsqu'elle était encore vivante, maman nous protégeait toujours, parfois, c'était Fanny qui prenait les coups quand maman était encore au travail. Mais lorsqu'elle est morte... Ma grande sœur fut la plus brutalisée. Elle ne l'a pas supporté et est partie loin d'ici. École dans la ville voisine, une nouvelle vie.
Et moi? Je suis resté. Je ne lui en voulais pas vraiment... Fanny avait fait tellement pour moi que ça me paraissait normal de subir seul pour une fois. Mais malgré cette compréhension fraternelle, l'amertume restait présente dans mon cœur. Au fond de moi, j'avais espéré que Fanny reste avec moi, pour que l'on se soutienne. Cependant, mon rêve était trop idéal. Le mal était fait et l'on ne pouvait plus revenir en arrière. Depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais eu de nouvelle de Fanny. Sauf une fois, à mon anniversaire. J'avais reçu une lettre d'elle. Mais mon père était tombé dessus et l'avait déchiré puis mit à la poubelle.
-Oui, c'est moi.
Sans être surpris, je l'entendis pleurer de l'autre côté de l'appareil.
-Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? me questionne-t-elle rapidement en reniflant discrètement.
-J'avais besoin de te parler, à vrai dire... Je viens tout juste de sortir du coma, et ta voix m'avait manqué, tout comme ta présence...
-Je... Comment ça, le coma??!
-Je me suis fait renverser par un bus, il y a trois mois... Je ne me suis réveillé qu'il y a peu ! Et... J'ai eu tout le temps de réfléchir à ma vie et j'en suis arrivé à t'appeler. Je trouve ça idiot que l'on ne se voit plus à cause de papa alors... Est-ce que c'est possible que l'on se revoie...?
...
-Très bien... Je suppose que tu es encore à l'hôpital? lâcha-t-elle, une émotion contenue dans la voix
-Oui, c'est ça.
-Envoie-moi l'adresse par message, je raccroche.
Ce qu'elle fit aussitôt ces mots prononcés. Encore un peu décontenancé par sa réaction et son geste précipité, je lui envoyai l'adresse de l'hôpital avant de reposer le téléphone sur ma table de chevet, Mahdi n'étant plus dans la pièce.
Une angoisse m'empoigne soudainement les tripes.
Pourquoi ai-je peur de voir Fanny ?
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