Chapitre Premier
Shibuya, Tokyo, 2023
Meow café
Pov Izuku :
Inlassablement, je nettoie les tables vides avec le sourire. Une fine musique est diffusée dans la salle et les discussions des clients la recouvrent presque entièrement. Je connais la playlist par cœur. Je me déhanche légèrement sur le rythme de la musique en zigzaguant entre les chats. Chaque nouvelle chanson m'emplit d'énergie et de bonne humeur.
Je prends quelques commandes, range quelques couverts, encaisse les clients qui ont fini de profiter de leurs séances. Je leur tends un petit flyer et leur souhaite une bonne journée toujours avec ce même sourire que j'espère chaleureux.
Je rejoins la cuisine pour me rafraîchir. Là-bas, Shoto est concentré sur son dessert. Je souris et profite du temps qu'il finisse pour boire un verre d'eau. Je laisse échapper un soupir d'aise qui déconcentre mon collègue. Il grogne et reprend sa besogne. Je m'excuse et me fait tout petit.
"- Tu peux envoyer ! Et ne remet plus les pieds dans la cuisine si c'est pour me déconcentrer." me crie-t-il alors que je rejoins déjà la salle.
Je sers la table et rejoins Shinso, mon autre collègue derrière la caisse. Il me sourit un peu et replace son bandeau dans ses cheveux. Je ne peux m'empêcher de soupirer avec un petit rire nerveux.
"- Pense à prendre une bouteille d'eau. Je te l'ai déjà dit cent fois !"
"- Je sais, mais j'aime bien être dans la cuisine avec lui, c'est comme si on partageait un moment entre nous, comme avant..."
"- Je sais que votre ancienne relation te manque, mais laisse-lui le temps de revenir. Tu sais qu'il reprend à peine depuis le procès."
J'acquiesce tout de même inquiet pour mon ami. Mon regard peine à se détacher de cette porte. Ce qui me force à le faire, c'est la voix forte qui s'adresse à nous. Un jeune homme avec des lunettes de soleil et une canne vient tout juste d'entrer. Il est plutôt jeune, ses cheveux blonds cendrés ont l'air d'être durs à dompter. Il n'y a rien d'extraordinaire chez lui, mais il a ce petit "je ne sais quoi" qui arrive à me captiver.
"- Allo Izuku, ici la terre !"
La main de mon collègue s'agite devant moi. Je souris au client et m'excuse rapidement avant de le conduire vers une salle libre. Comme nous sommes un petit bar, on a organisé un système de salle où les clients peuvent profiter sans avoir les regards des passants, et des autres clients sur eux.
"- Veuillez me suivre s'il-vous-plaît."
Un silence, un moment de flottement cassé par le rire de Shinso. Mon sourire se transforme en grimace et je les regarde bêtement sans comprendre. Mon regard passe du visage tordu par l'amusement de mon ami à celui du client, puis à sa carrure, et c'est là que je remarque la canne. Le rapprochement se fait vite et je m'excuse en me cambrant à quatre-vingt-dix degrés plusieurs fois d'affilée. Il sourit timidement et me tend la main que j'attrape et le guide à voix haute aussi bien que dans mes gestes avec attention.
Il prend place dans la salle et quelques chats qui nous ont suivi viennent directement lui faire des câlins. Je souris à cette vision et lui demande s'il a une idée de ce qu'il compte commander ou s'il aimerait que je lui lise la carte.
Il désigne la place à ses côtés et pose sa canne non loin. Je m'agenouille devant la petite table.
"- Vous avez des préférences ? Une boisson ? Une douceur ? Un chat ?" je rigole.
"- Une boisson, quelque chose d'épicé."
"- Je peux vous conseiller le 'cocktail explosif' c'est du sirop de grenadine avec de la limonade, c'est un peu sucré, mais il y a une version plus acide avec des agrumes. Si vous préférez et si vous vouliez quelque chose de plus corsé, je peux vous proposer un ristretto."
"- Un ristretto suffira, merci."
Sa voix est un peu grave et je pourrais payer juste pour l'entendre me parler encore et encore. Je retourne au comptoir et commence à préparer son café avec une joie intense, et une énergie qui me manquait avant son arrivée. Je commence à chanter plus franchement les paroles de la chanson qui passe et j'attire tous les regards, mais je m'en fiche un peu.
Shinso me regarde faire, appuyé contre le comptoir et Shoto sort de la cuisine, tablier en main. Je sens leurs regards sur moi, mais je ne fais pas attention et je continue de chanter et de préparer le café du client avec passion. Ce n'est qu'un petit café corsé, mais on a des machines très techniques et bien que je travaille depuis un moment, j'ai encore du mal à tasser le café rapidement dans la presse.
J'entre dans la salle et je vois une scène incroyablement adorable, un des chatons que nous avons récemment recueillis est sur les genoux de ce jeune homme. Il le caresse doucement la tête droite, une posture parfaite. Je lui dépose la tasse devant lui et lui demande s'il veut un encas pour aller avec la boisson. Il ne prend pas le temps de répondre et boit son café d'une traite. Un râle rauque lui échappe, me faisant glousser.
"- Je vous fais rire ?"
Je sursaute et rigole de gêne, je ne pensais pas qu'il entendrait.
"- Non, c'est juste que vous êtes assez singulier !"
"- Dites que je suis bizarre tant que vous y êtes."
La panique commence à monter en moi et j'agite les mains devant moi en m'inclinant un peu et en débitant des excuses à toute allure. Il rigole. Un rire merveilleux et si pur. Un rire sincère. Je prends bien le temps de le regarder, je regarde son visage, ses épaules tressautant à chaque nouvel éclat de sa voix, ses mains qui continuent tout de même à caresser le chat qui s'est redressé sur ses genoux.
Je bafouille une excuse pour sortir de la salle et je cours presque vers mes collègues qui discutent tranquillement au comptoir. J'ai les joues brûlantes, la tête baissée et la respiration courte. Leur confusion se lit dans leurs yeux et je peux comprendre.
Un employé sort d'une salle privée avec un visage rouge pivoine, la respiration haletante et l'esprit confus, j'ai l'air d'avoir été agressé... Je m'assieds sur une des chaises hautes qui était présente. J'enfouis ma tête dans mes mains, soupirant bruyamment.
J'entends mon meilleur ami murmurer :
"- Qu'est-ce qui lui arrive"
"- Il perd le nord devant un client aveugle." rit-il.
"- Ce n'est pas vrai...." me défendis-je moi-même, peu convaincu. " C'est juste qu'il est super beau et que je ne sais pas comment agir devant lui. Je viens de me ridiculiser et je l'ai potentiellement insulté."
"- Bah, agis normalement. Il reste un humain après tout." Le ton monotone de Shoto résonne.
Je soupire et continue à me lamenter comme ça un bon moment. Certains clients nous appellent, mais Shinso m'a interdit de bouger de cette chaise. J'attends son retour en regardant les chatons jouer entre eux dans toute la salle. Je souris devant leurs bêtises et sursaute lorsque je sens quelque chose de dur contre ma jambe. Je pousse un cri peu viril et me relève rapidement. Il semble un peu surpris.
"- Excusez-moi madame, je ne savais pas que vous étiez là"
J'entends des rires s'élever derrière lui, je vois la chevelure violette très particulière de mon collègue derrière lui, tordu de rire. Je rougis et m'accroupis, les mains sur la tête, et celle-ci rentré dans mes genoux. Un chat vient me grimper dessus, mais je ne bouge pas.
"- C'est notre serveur que vous venez d'effrayer." annonce Shinso, en s'essuyant les yeux perlés de larmes.
Je les regarde échanger, simplement, sans pression et j'avoue que je les envie un peu. Je me relève et époussette mes vêtements. Je m'en vais sans dire un mot, je rejoins Shoto qui sort de sa cuisine. Nous nous asseyons non loin sur une table vide avec quelques chats qui dorment paisiblement. Je m'affale sur la table en regardant le fameux client payer sa session.
Je me demande comment il a pu arriver jusqu'ici. Je suis chacun de ses mouvements du regard, son sourire est contagieux et punaise ce qu'il est beau quand il caresse les chats qui lui tournent autour.
Je me reçois une douce tape sur le haut du crâne.
"- Arrête de rêver et dis-moi ce qui t'arrive."
"- Je ne sais pas justement, je n'arrive pas à détacher les yeux de lui. Je fais beaucoup de gaffe quand il est question de lui." Je soupire.
Il me jauge du regard et regarde vers la porte, le client vient de sortir du bar.
"- Tu connais son nom ?"
J'ouvre la bouche pour commencer la phrase, mais je la referme bien vite. Je me relève brusquement et me tourne vers lui, mon visage se tend. Shoto soupire et se lève en secouant la tête. Je le suis la tête baissée, honteux d'avoir oublié de lui demander son prénom.
L'heure de fermeture arrive bientôt, il reste quelques clients, mais je commence à regrouper les chats qui dorment sur les tables pour les ramener à leurs paniers. Je fais de nombreux aller-retours chats en main, guidant les clients ou prenant les dernières commandes. Notre journée de travail se termine dans le calme, aucun problème n'est arrivé depuis ce fameux client.
Les portes sont verrouillées et nous pouvons enfin nous reposer. La journée est terminée, que ce soit le nettoyage, le soin des chats ou les préparatifs pour demain matin. Je m'écroule sur la chaise suspendue qui est accrochée dans la salle de repos, qui est aussi notre salle de réunion. Des regards qui pèsent sur moi, nul besoin de lever les yeux pour comprendre de qui ils viennent.
"- Izuku ?"
"- Shinso ?"
Son ton taquin en disait long sur ses intentions.
"- Explique nous ce qui t'est arrivé en début d'après-midi ?"
"- Je ne comprends pas votre question, monsieur."
"- Ne fait pas l'innocent. Je ne t'ai jamais vu dans cet état."
Shoto en rajoute une couche en approuvant ses paroles.
"- Très bien..." Mon ton résolu les attire et ils s'assoient sur le canapé en face de moi. " Quand il est entré, je l'ai juste trouvé beau. J'avais bien remarqué qu'il était aveugle, mais mon cerveau s'emmêlait les pinceaux et j'enchainais les gaffes, mais quand il a ouvert la bouche, c'était pire. Sa voix me fait paniquer et pour une raison quelconque, je le trouve juste trop sexy."
Mon débit de parole les cloue sur place tandis que je me recroqueville dans ma chaise. J'ai presque les larmes qui coulent. On me dit souvent que je suis trop sensible, et ça m'énerve. Je me mords la lèvre et ravale toutes ces émotions contradictoires que je ressens.
Une main vient me sortir de mon moment de rêverie. Je reconnais les bagues de mon collègue à la chevelure améthyste. Je lui souris et nous sortons de la salle pour rejoindre notre appartement.
La ville est très animée, même la nuit, ce quartier est fortement fréquenté, que ce soit les touristes ou les japonais eux-mêmes. Shibuya est un endroit reconnu pour sa densité. Malheureusement notre situation ne nous permet pas d'en profiter pour notre café. Nous sommes seulement trois et pour la bonne santé de nos chats, il faut forcément un moment de répit. Cependant, pour attirer la clientèle, nous misons sur les différentes formules que nous avons créées. Il faut dire qu'on en est très fiers.
Les rues de la ville sont éclairées par les différentes enseignes toujours ouvertes. Nous avons beau passer par là tous les soirs, je ne peux m'empêcher d'admirer les vitrines et les enseignes.
Nous arrivons enfin à notre immeuble, il est un peu éloigné de notre lieu de travail, mais le chemin n'est pas assez long pour avoir le temps de nous plaindre. Je fonce dans la salle de bain. Mes amis, eux, vont directement en cuisine. J'essaie d'être le plus rapide possible, mais mon esprit est hanté par ce client.
Shibuya, Shouto Bunkamura st. Tokyo, 2023
Résidence Ryōshō
POV Katsuki :
Je suis assis dans mon canapé. Ulga est couché à mes pieds. Les journées sont vides et je maudis tous les jours mon accident. J'ai tout perdu, mon copain, ma vue, mon travail. Il me reste l'indemnisation gagnée suite au procès. Je n'en suis pas fier, mais c'est tout ce qui me reste pour vivre. Je peux continuer avec ma passion, je pourrais de nouveau en faire mon métier. J'ai juste peur d'être mal vu, ce n'est pas comme si notre pays était très ouvert sur la sexualité.
Les couinements de ma chienne me sortent de mes pensées, elle vient poser son museau sur mes cuisses à la recherche de caresses. Je lui en offre volontiers et souris un peu devant la perspicacité de ma nouvelle meilleure amie.
La sonnette retentit dans l'appartement, je me lève guidé par Ulga jusque dans l'entrée. Je déverrouille la porte et à peine ouverte une personne me saute dessus et rigole à gorge déployée. Je la repousse et grogne avant de repartir dans le sens inverse. Je rejoins la cuisine et cherche les placards à tâtons.
"- Que fais-tu ici Ochaco ?"
"- Je viens te sortir de tes idées noires."
Je soupire et essaie de me diriger vers mon réfrigérateur, Ulga aboie et je tire sur la poignée. L'air frais me conforte dans l'idée que je suis au bon endroit. Normalement, je connais l'intérieur par cœur. J'attrape une boisson que je pense être mon jus préféré et en verse dans mon verre. Je retourne dans mon salon à petit pas. Ochaco est toujours en train de m'expliquer qu'elle a trouvé un super café à tester et qu'elle aimerait y aller avec moi avant d'y aller avec son crush.
Je prends un long moment avant d'accepter, elle me propose une tonne de chantage, mais je finis par imposer ma condition. Elle attrape la laisse de Ulga et on est partis pour une balade.
Enfin, c'est ce qu'on croyait avec Ulga, elle l'a déposée chez le voisin du dessous me laissant seul devant l'ascenseur. Elle revient toute guillerette, une fois dans l'ascenseur la voix d'un homme résone et à peine ai-je réfléchi que j'arrête les portes de l'ascenseur. Il me remercie rapidement, haletant. La poigne de Ochaco se ressert sur mon bras et j'essaie de me dégager de son emprise, mais elle se plaint et se colle de nouveau à moi.
Je commence à me demander si l'homme que j'ai laissé entré est bizarre ou fait des choses étranges à nos côtés. Finalement, nous arrivons dans le hall et il nous salue en nous souhaitant une belle journée. Je ne comprends pas vraiment la réaction de mon amie. Une fois qu'elle estime l'homme assez loin, elle laisse son côté bavard ressortir et elle m'explique chaque détail du gars qui est monté dans l'ascenseur.
Je ressens son admiration dans sa voix. Et sa description s'éternise, car elle bifurque vers un escalier me prévenant bien-sûr au dernier moment. Je manque de tomber après avoir buté sur la marche. Je tends un bras en avant mais au lieu de trouver une surface dur, je tiens du tissu. Un bras est aussi passé sous mes épaules.
Je me relève avec plus de peur que de mal. Je n'ai pas eu le temps de toucher le sol. Une voix douce et un peu inquiète s'élève.
"- Vous allez bien monsieur ?"
"-Je... oui- merci !" Ma voix, c'est enroué, je toussote un peu.
"- Bonjour madame, vous venez pour une session ?"
Je reconnais cette voix, c'est celle du serveur du café que j'ai trouvé sans le vouloir y a quelques jours.
Ochaco prend le relai de la discussion et nous entrons à la suite du serveur. Elle lui déballe plein de chose tandis que je marche doucement derrière eux en essayant de ne pas marcher sur quelque chose. Je le sens revenir à mes côtés en m'offrant son aide. Je l'accepte à contrecœur. Je déteste devoir être dépendant de quelqu'un. Il nous mène à une table, je m'assieds et un chat vient me sauter sur les cuisses. Il explique le fonctionnement du café et discute avec mon amie tandis que je joue avec le chat. Je pense que je reviendrai plus souvent dans ce café. Il est agréable et la voix du serveur est douce.
Après de longues minutes à discuter sur les différents types de chat, l'homme qui nous a accueilli se décide enfin à prendre notre commande.
"- On aimerait essayer la formule couple s'il vous plait."
Un long silence suit, je pose le chat sur le sol et frappe la jambe de mon amie sous la table.
"- Bien, quelle boisson vous ferez plaisir ?"
"- Un Ristretto s'il vous plait. "
"- Un latte frappé s'il vous plait. Oh, et serait-il possible de partager une boisson ?"
"- Bien sur !"
Si mon handicap m'a appris une chose durant cette longue année, c'est que la voix retranscrit beaucoup d'émotion et je ne sais pas pourquoi, mais sa voix légèrement tremblante reflète de la tristesse.
"- Ochaco !"
Elle semble comprendre et lui explique brièvement que ce n'est pas pour aujourd'hui, mais elle prévoit de revenir pour un vrai date. Il semble comprendre et lui explique la formule. Lui demandant tout de même si nous gardons la formule.
"-Oui ! Katsuki, tu veux manger un truc ?"
"- Non, j'ai besoin d'aller aux toilettes."
Il me propose de me guider, puis une fois arrivé à destination, il repart rapidement.
Une fois terminé, j'essaie de retrouver mon chemin, mais je suis attiré par des voix.
"- Ça ne veut pas dire qu'ils sont ensemble."
"- Je sais, mais c'est con parce que je me suis jamais dit qu'il pouvait être hétéro, mais c'est logique. Je suis trop con d'avoir pensé qu'il pourrait s'intéresser à moi alors qu'il ne sait même pas à quoi je ressemble. Il ne connait que ma voix."
J'entends quelques sanglots qui me font bien comprendre que c'est mal d'écouter au porte et surtout que ce sont les putains d'employés du café. Qu'est-ce que je suis en train de foutre ?!
"-Vous vous êtes perdu ?" C'est la voix du mec de l'ascenseur.
"-Je... Oui désolé, je n'ai pas pris ma canne aujourd'hui."
"- Je vais te raccompagner à ta table. Merci encore pour tout à l'heure, je ne serais jamais arrivé à temps si je n'avais pas eu l'ascenseur. Douze étages en courant, c'est un peu trop avant les quelques kilomètres que j'ai dû courir."
Nous marchons vers la table, mon café y était déjà. Je m'assieds et à peine suis-je assis et l'employé parti que je suis inondé de questions sur lui.
Shibuya, Tokyo, 2023Meow café
POV Izuku :
Les larmes ne s'arrêtent pas, je suis inconsolable. Et je déteste encore plus la situation actuelle, car je dois laisser la gestion des clients à mes collègues. Bien, qu'il me rabâche que ce n'est pas grave et que ça arrive, je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir pour une chose aussi stupide. Il est bientôt midi, le café ne ferme pas, mais Shoto a une pause avant de manger et Shinso après manger. Savoir qu'ils devront gérer tout le café seul pendant au moins une heure est vraiment horrible. Je me recroqueville dans la chaise suspendue en essayant de calmer mes sanglots.
Je commence à m'énerver contre moi-même et mes fichues larmes reprennent de plus belle. D'après Shinso, Katsuki, comme l'a appelé la dame qui l'accompagné, est parti il y a une heure et demie. Je n'ai pas quitté cette pièce depuis. Impossible de servir les clients dans cet état aussi bien physique que mental. Je ne le connais pas, mais ce mec peut déjà me ruiner juste en existant devant mes yeux.
Onze heures arrive et Shoto m'apporte de quoi manger. On s'installe sur la petite table de la salle et on mange d'abord en silence.
"- Tu as pu avoir son nom avant de venir te réfugié ici ?"
"- Katsuki" je lâche avec une tristesse non dissimuler
"- Il habite dans notre immeuble, peut-être même au même étage que nous."
Il me le dit sereinement comme si de rien n'était.
"- Que dois-je faire de cette information ? Le stalker ?"
"- Tu pourrais le croiser dans l'ascenseur, ou n'importe où dans l'immeuble et lui proposer de sortir prendre un verre même s'il est hétéro, tu pourrais tenter le coup."
La porte s'ouvre brutalement sur notre ami qui a un sourire qui fend son visage en deux.
"- Il n'est pas gay ! Et Denki va venir squatter par ici les prochains jours, c'est un ancien musicien reconnu."
"- Ben voilà, tu peux arrêter de pleurer et tu pourras retourner travailler dès que tes yeux seront moins bouffis."
Je leur fais un câlin et je finis mon plat rapidement avec l'intention de reprendre au plus vite mon poste.
Le reste de la journée, s'est passé en musique. Notre piano est enfin livré et comme c'est un meuble lourd, il leur a fallu trois jours pour le déplacer de la maison familiale des Todoroki à ici. Shinso nous à fait l'honneur de sa superbe voix et les clients ont filmé et directement posté nos talents sur les réseaux. Nous les avons republiés en rigolant sur le compte du café.
Dès que nous sommes rentrés, nous avons vérifié notre courrier et Shoto a cherché le nom de ce mystérieux client. J'ai préparé le repas pour nous trois avec joie pendant que les deux autres se sont éclipsés une heure entière. Je n'ai pas de preuve, mais il y a quelque chose qui se trame entre eux.
Shibuya, Tokyo, 2023Shibuya Center-Gai
POV Katsuki :
Une semaine que je vais tous les jours au café. Ils ont un piano qui est vraiment agréable à jouer. Souvent, je m'y installe et joue un morceau, parfois l'un des serveurs me rejoint en chantant les paroles avec une incroyable voix. J'ai d'ailleurs découvert que leur serveur un peu maladroit n'est pas si maladroit, c'est même tout le contraire et qu'il a une voix à en tomber par terre.
Et les chats me sautent dessus dès que je mets un pied dans la boutique. J'ai appris à connaitre l'endroit à force de venir, et j'ai pu un peu sympathiser avec les employés, j'ai découvert que c'était un groupe de meilleurs potes qui vivent ensemble et qui sont les proprios. J'ai aussi rencontré Denki, un mec qui m'a proposé un travail, il est tellement drôle que j'ai beaucoup aimé parler avec lui. J'ai même découvert qu'on a un ami en commun. Kirishima me guide vers ce café qui est presque devenu ma seconde maison.
Nous arrivons rapidement devant la devanture et cette fois, je ne bute pas contre l'escalier. Nous ouvrons la porte et je salue Shinso lui demandant directement une salle privatisée. Izuku nous guide directement. Une fois que nous sommes installés, il ouvre la trappe pour les chats et rappelle les règles à suivre envers les chats. J'ai directement Moustique qui me saute dessus. Il prend nos commandes et me prévient qu'ils ont eu une belle surprise hier à la fermeture. Une des chattes à accoucher, il se doutait que c'était pour bientôt, mais ils ne pensaient pas que ce serait si rapide. Il me propose d'aller voir plus tard si je veux. J'acquiesce et il quitte la pièce pour aller chercher nos plats.
"- Mec ! C'était quoi ça ?"
"- De quoi ?"
"- Bah ça là ! j'ai cru que vous alliez vous sauter dessus tellement la tension entre vous est palpable. Si je n'étais pas là ou s'il n'avait pas à travailler, il serait resté discuter avec toi et peut-être plus ?"
"- Dis pas de la merde, ce n'est pas parce que t'es en flirt que tout le monde flirt !"
Je sens qu'il n'ose pas ajouter plus. Je l'entends jouer avec les chats et je me mets à caresser moustique qui était toujours sur mes jambes comme à son habitude.
La porte s'ouvre sur Shinso et il me parle lui aussi de la naissance des petits de Ao. Je lance une petite pique pour montrer que c'est juste parce que je suis un habitué qu'ils me parlent comme ça, mais à mon malheur, Shinso approuve les paroles de mon ami. Ami qui fuit la salle à la suite du serveur aux mains ornée de bagues. Quelques minutes plus tard, c'est Izuku qui entre et il apporte deux ristrettos. On discute un long moment. puis il me parle de son envie de faire un nouveau café. Je l'encourage dans sa démarche et de fil en aiguille, je finis par l'inviter chez moi.
J'espère qu'il aime les chiens parce que je n'ai pas eu le temps de lui demander que Kirishima est revenu et lui reparti.
"- Il embrasse bien ?"
"- Quel genre de merde, tu me sors encore toi ?!"
"- Me dit pas que vous avez fait que parler en une demi-heure ?"
"- On est restés seuls pendant autant de temps ? Mais on a juste discuté et il vient chez moi demain vu que c'est son jour de repos."
"-Donc vous allez être seuls dans un endroit qui possède un lit, des douches et des capotes ?!"
Je le frappe et refuse de lui parler de nouveau. Je sors de la pièce et m'installe au piano. Izuku le contourne en passant et en repassant devant. Je commence à jouer quelques notes et sa voix s'élève pour interpréter "Another Love". Une fois terminé, les clients nous applaudissent et un groupe de gars me reconnait. Malheureusement, ils sont bien moins bienveillants que Denki et viennent m'insulter. Shoto qui était en salle à ce moment les a gentiment remis à leur place. Izuku m'attrape la main pour me guider et j'entends de nouveaux des remarques qui me font retirer mon bras de sa poigne et je me retourne pour les insulter, mais Izuku me devance.
"- Veillez payer et dégager si c'est pour manquer de respect aux autres clients de la sorte."
"- Qu'est-ce qu'il nous veut le chien de garde ?
"- Je vous demanderai de quitter les lieux, s'il vous plait, vous perturbez l'expérience des autres clients."
"- T'as le droit de nous parler comme ça ? Je veux voir ton supérieur, c'est indécent de laisser de telle tapette entrer, mais en plus les petits serveurs manque de respects aux clients ?
"- Je suis un des patrons de ce café alors oui, j'ai le droit de, vous virez à coups de pieds au cul si l'envie m'en prend. Nous basons notre enseigne sur le bien-être animal et le respect des autres, alors si vous n'êtes pas contents, veuillez régler votre consommation et partir d'ici, merci !"
Il m'attrape à nouveau le poignet et nous allons vers l'arrière-boutique, là où se repose Ao et ses petits. Il ouvre la porte et Ao vient directement me voir. C'est une chatte très câlin. Et d'habitude, c'est la première à sauter dans les pattes, quitte à me faire tomber. Je suis vachement triste de ne pas pouvoir voir à quoi ressemble sa famille, mais je suis heureux de voir qu'elle m'accepte malgré son accouchement récent. Les femelles ont parfois tendance à être ultra-protectrices et chasser les personnes loin de leurs petits, mais elle me laisse être dans la pièce et me salue comme toujours. Je souris et nous restons ici un moment. Kirishima vient nous sortir de notre bulle. Nous payons et avant de partir juste à la porte Izuku me retient.
"- Dis Katsu ? Je pourrais avoir ton numéro ?"
Je fais signe à Kirishima qui le lui note et nous nous saluons une dernière fois. Nous empruntons la route pour rejoindre un conservatoire. À partir de cette après midi et dès le début de la semaine prochaine, j'apprends la musique à des petits morveux qui croient avoir la science infuse. Denki m'a introduit à l'ami de son boss et j'ai la chance de donner des cours à la prochaine générations de musicien de talent pourri gâté par leurs parents riches. Autant dire que ce week-end est le dernier moment de calme que j'aurai avant un moment. J'ai vraiment hâte de récupérer Ulga et lui partager ma journée comme à mon habitude. Mais pour le moment, ce sont ces gamins que je dois dresser.
Nous arrivons devant ce que j'imagine être une grande bâtisse parce que je ne sens plus le soleil me brûler la peau. Nous montons les étages et je suis facilement guidé par le bruit des bavardages. Kirishima ouvre fortement la porte et nous entrons. Il m'explique l'agencement de la salle et qui s'y trouve, me décrivant chaque élève en donnant son avis. Il me guide vers le piano sur ma demande et se tient non loin.
Eijiro est un des membres de mon groupe qui a subi mon départ. Il continue toujours les concerts dans de petite salle et il anime aussi une émission de musique à la radio et sur une plateforme de streaming. Il gagne bien sa vie, mais il a décidé après avoir parlé avec Denki de se dégager un peu de temps pour m'aider dans les cours pour ces mioches.
"- Bien, commençons la leçon !" Je déclare fortement.
Je demande à chacun de me parler de ce qu'il faisait avant mon arrivée, des acquis et des lacunes. Puis je leur demande de choisir chacun une chanson et une à proposer pour le concert de fin d'année.
"- Nous avons six mois pour être parfaits sur vos solos, mais aussi sur l'orchestre."
Kirishima me parle des quelques grimaces que font certain richoux. Je décide de laisser passer puis je leur demande de me jouer un petit truc simple ensemble sous mes ordres. C'est non sans commentaire que chacun se prépare.
"- Je suis peut-être aveugle, mais je ne suis pas sourd, toi l'élève au troisième rangs, répète à tout le monde ce que tu as murmuré !"
"- Comment un aveugle pourrait nous apprendre à jouer de la musique, il faudrait déjà qu'il apprenne à marcher droit sans l'aide de quelqu'un."
Je le sens dans son ton qu'il est fier de lui. Je lui propose alors de m'accompagner avec son violon. Je me place devant le piano et commence à jouer un morceau de Paganini, le caprice numéro 24. Il m'accompagne d'abord avec justesse puis quelques fausses notes s'invitent et j'écourte la prestation lorsqu'il commence à faire des erreurs simples.
J'ai entendu plusieurs exclamations de surprise durant la prestation. Mais je porte mon attention vers le violoniste amateur qui a osé se moquer de mon handicap sans savoir et me proposer une si piètre prestation. Je soupire et nous reprenons la leçon.
Le cours se termine rapidement et déjà à la fin de celui-ci quelques élèves viennent me poser quelques questions. Je suis ravi d'y répondre.
Une fois seul dans la salle, je demande à Eijiro de m'appeler un taxi parce que je ne me sens pas de marcher dans la ville. J'ai extrêmement mal à la tête et entendre autant de fausses notes m'a rappelé quelques mauvais souvenirs que j'aurais préféré oublier.
Une fois à la maison avec Ulga, elle m'accompagne dans la salle de bain, je lui brosse son poil et lui parle de ma journée. Nos deux toilettes terminées, elle me suit dans la cuisine puis dans la chambre où, je m'effondre sur le matelas et m'endors profondément en à peine une demi-heure.
À suivre !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro