PAULINE

Issa et moi prenons le thé en discutant de ces derniers temps, de nos vies qui ont bien changé et de la nouvelle amourette de notre meilleure amie en commun. Je soupire en regardant dans le vide, l'air pensive.

I : - Tu vas bien ?
- Bobo dans mon petit cœur, rien de bien grave.

Il pose son bras autour de moi et dépose un baiser sur ma tempe. Issa est un ami en or. Il est à l'écoute, réconfortant, compréhensif.. Pourtant, lui, ne se livre que très rarement sur ce qu'il ressent.

- Tu comptes lui avouer quand ?

Il semble surpris par ma question, ne comprenant pas exactement là où je souhaitais en venir.

- Elle sera heureuse que tu t'ouvres à elle. Elle n'apportera aucun jugement à ton homosexualité, Issa. Aucun de nous par ailleurs. C'est passé mode l'homophobie !

I : - Va dire ça à ceux qui sont morts dans les rues, la cause ? L'amour. Ironique hein.
- Ta peur est rationnelle mais en cachant qui tu es aux autres tu ne seras jamais heureux. En faisant ça, tu les laisses gagner.

Il se redresse en fronçant les sourcils, un sourire en coin.

I : - Comment tu sais ?
- Je t'en prie ! Ça crève les yeux que Ashton est fou de toi quand il te regarde, il a des gestes attentionnés qu'envers toi et toi, tu ne le repousses pas. Ce qui veut dire.. que tu l'aimes.

Une larme perle le long de sa joue et je m'empresse de l'essuyer d'un revers de main.

- Issa, pourquoi tu prends tout ce temps à lui dire alors que tu sais qu'elle sera heureuse pour toi ?

Il relève la tête, murmure quelques paroles indescriptibles, il essaye probablement de comprendre ses propres pensées afin de les sortir.

I : - J'ai peur que ça rende tout ça officiel. Pas de retour en arrière possible, pas moyen de me cacher à nouveau si l'envie m'en dit.. Face à la réalité, rien que ça. C'est terrifiant, tu trouves pas ? On vit dans un monde de dingue où les gestes d'amour nous surprennent plus que la barbarie.

Officiel. Ce mot me rappelle tellement de mauvais souvenir, tellement de souffrances ancrées. Officialiser. J'ai fais cette erreur il y a un an, cette erreur qui m'a fait partir loin d'ici, loin de tout ce merdier devenu toxique pour moi. Je suis parti d'une vie misérable sans me retourner avec en tête, une flaque de sang et une odeur de cigarette.

- Je crois qu'on devrait avoir une conversation entre meilleurs amis, nous avons des secrets à déterrer tous les trois.