pinceaux - minjeong
Jeongin, jeune apprenti venant d'arriver à Hellas (ancien nom pour désigner la Grèce Antique) se voit autorisé à faire ses premiers achats à l'agora au nom de son précieux maître Thessalos. Celui-ci le conseille de se rendre dans l'atelier le plus réputé d'Athènes, chez le renommé Theophilos. Petite précision : Jeongin et son maître sont l'un des seuls à savoir le secret le plus important de Theophilos, son vrai nom. Lee Minho.
Le tableau est La Calomnie d'Apelle, tableau reconstitué en 1495 par Botticelli. Cette oeuvre fut inspiré du peintre grec Apelle, ainsi que de son oeuvre La Calomnie. Apelle étant un célèbre grec qui a vécu au IVe siècle avant J-C, très respecté par ses compères.
Chansons conseillées pendant la lecture : Icarus — Bastille ; Midas — skott ; Icarus & Apollo — Ripto
os qui s'inscrit dans les jeux du hasard de @Sam_Hel !
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- 450 avant J-C
Jeongin était un simple apprenti. Il avait réussi à trouver un maître, maître Thessalos était un homme bon et doux, qui l'aidait à apprendre plus que Jeongin ne l'espérait. Au vu de son statut de barbare, c'est-à-dire une personne qui ne venait pas de Grèce, il était difficile pour lui de trouver ne serai-ce qu'un apprentissage. Il était vu comme exotique, un étranger qui n'avait pour lui que sa beauté, mais qui n'avait rien à faire en Grèce. Comment était-il même arrivé jusque là, la péninsule coréenne étant beaucoup trop éloignée de ce pays ? Jeongin suscitait bon nombres de curiosités et de spéculations, beaucoup de personnes se posaient des questions sur son compte. Mais il ne préférait pas y répondre, car Jeongin n'avait aucune réponse à apporter.
Car comment leur avouer que ce qui l'avait motivé n'était autre que sa soif de connaissance ?
La Grèce Antique, connue sous le nom de Hellas, était connue comme une région au patrimoine énorme. Notamment au niveau de l'art, de l'architecture. De la peinture. Et Jeongin en était absolument passionné. Alors il avait quitté la péninsule coréenne, en direction de Hellas, passant par la Chine, sur un total coup de tête. Il avait traversé la Perse, se faisant quasiment invisible au vu du conflit entre ce pays et Hellas. Et après des jours, des mois de marche, il avait réussi à atteindre la terre qu'il qualifiait de sacrée.
Bien entendu, la barrière de la langue n'était pas négligeable, ce qui était un inconvénient dans l'intégrité de Jeongin. Il peinait à comprendre et à se faire comprendre. Ainsi, ses désirs de connaissances ont été entravées un certain temps.
Puis il a rencontré Thessalos. Apollonios Thessalos. Cet homme qui portait en son prénom le Dieu des arts, évoquant une connexion avec les arts et la créativité, avait était une véritable figure paternelle pour Jeongin, lui qui avait abandonné les siens et donc s'était retrouvé complètement seul et livré à lui-même. Thessalos l'avait logis, protégé, il lui avait appris tout ce qu'il fallait savoir sur Hellas, les traditions, les codes, la langue. C'était uniquement grâce à son maître que Jeongin avait enfin pu comprendre et se faire comprendre par les hellènes, spécifiquement les athéniens.
Et maintenant, il était là. Devant un atelier, un rouleau de papyrus dans la main comme support pour parler. Le bout de papier était froissé dans sa poigne, tout chiffonné et l'encre avait bavé à certains endroits. Apollonios lui avait permis de faire des achats à sa place, à savoir des pinceaux et des pigments. Jeongin avait été ravi de servir à son maître, encore plus en se rendant compte que celui-ci lui faisait assez confiance pour rapporter des objets aussi importants que des pinceaux. Ils étaient chers et précieux, c'étaient des biens obligatoires dans la peinture. Alors savoir que maître Apollonios, celui qu'admirait Jeongin plus que tout, l'avait fait confiance pour aller en acheter pour lui le rendait honoré au possible.
Mais maintenant... Il se retrouvait devant un atelier d'Art. La bâtisse était semblable à celle de son maître, mais ce qui différaient se trouvaient à l'intérieur. Cet atelier était le meilleur d'Athènes, et tous les artistes qui voulaient réussir dans leur métier allait rendre visite à ce fournisseur renommé. Il était expert, avait une connaissance immense. L'on disait que sa culture et son génie égalaient Apelle lui même.
Il se fait appeler Theophilos, signifiant « ami de Dieu » ou « aimé de Dieu ».
Mais le maître de Jeongin l'avait prévenu d'une chose :
« Jeongin ! Apollonios l'appela d'une voix pressée, le regard doux et apportant une main sur l'épaule de son protégé. Je dois te prévenir d'une chose : je sais que ceux qui te parlaient de ce Theophilos t'ont certifié que c'était-là son vrai nom. Mais sache que ce n'est qu'un nom d'usage, il intercepta le regard confus de Jeongin, un nom d'artiste si tu préfères. Mais peu de personnes le savent en vérité, et je suis l'un des rares à le savoir. Et comme tu es mon apprenti, mon protégé, tu as le droit de le savoir toi également. Theophilos se nomme en réalité Lee Minho. Oui, je sais, cela paraît étrange de se nommer comme tel pour un natif athénien, je suis bien d'accord, et c'est bien pour cela qu'il préfère garder cela secret. Tu ne dois le dévoiler à personne.
— comment dois-je m'adresser à lui dans ce cas ?
— cela dépendra du contexte. Regarde bien autour de toi quand tu t'adressera à lui. S'il se trouve que vous êtes entourés par des pairs, contente toi de l'appeler par son nom d'usage. Si vous êtes seuls, fais comme il le souhaite. Ne fais rien par ton bon vouloir, demande lui d'abord. Je lui ai au préalable déjà notifié la situation, il doit déjà avoir reçu ma lettre. N'oublie pas que tu me représente Jeongin, j'ai placé mon estime et ma confiance en toi, essaies de ne pas me décevoir et de ne pas tâcher mon nom ainsi que le tiens.
— oui maître, j'en serai digne. »
Et ainsi, il se retrouvait devant ce haut bâtiment, déglutissant péniblement. Il était stressé, mais aussi euphorique. Jeongin avait, depuis son arrivée à Hellas et donc à Athènes, parcouru les rues et avait entendu tellement de personnes parler de ce Theophilos. Enfin, de ce Lee Minho apparemment. Il était extrêmement curieux. À quoi ressemblait-il ? Était-il gentil, comme maître Apollonios Thessalos ? Serait-il gêné ou en colère, ou même rassuré, que Jeongin sache son secret ? Après tout, c'était une coïncidence assez incroyable que ce merveilleux congénère ait une connotation asiatique dans son nom, — ainsi que dans son prénom — d'origine, tout comme le sien. Avait-ils d'autres points communs ? Ressemblait-il à un natif coréen ?
Non, peu probable, sinon sa couverture aurait été percée depuis des lustres.
Enfin bon, il fallait bien qu'il arrête de se poser toutes ces questions qui l'empêchaient d'ouvrir les portes, et donc qui l'empêchaient de suggérer sa présence.
Avec une dernière inspiration, Jeongin poussa doucement la grande porte de gauche de l'atelier, et se faufila à l'intérieur, se faisant tout petit.
C'était immense.
L'atelier de Theophilos se trouvait niché dans une ruelle paisible d'Athènes, un véritable sanctuaire pour les artistes et les amateurs de beauté. La façade de l'atelier, bien que modeste, portait un panneau en bois finement gravé indiquant son nom, entouré de motifs de lauriers et de palmettes, symboles de victoire et de renouveau. En poussant la porte en bois massif, Jeongin fut accueilli par une bouffée d'arômes complexes – l'odeur terreuse de l'argile, les senteurs résineuses des gommes naturelles, et le parfum subtil des pigments broyés. À l'intérieur, il y avaient des piliers en marbre blanc, finement sculptés et qui soutenaient le plafond élevé. Ces piliers étaient décorés de motifs floraux et géométriques, ajoutant une touche d'élégance à l'architecture. Des arches séparaient les différents rayons de l'atelier, créant des espaces distincts pour les diverses activités. Ces arches, construites en pierre calcaire, étaient ornées de frises représentant des scènes mythologiques et des motifs végétaux.
Les murs étaient tapissés d'étagères en bois d'olivier, chargées de pots en céramique soigneusement étiquetés. Chaque pot contenait des pigments de toutes les couleurs imaginables, des terres ocres aux bleus d'azurite, en passant par les verts de malachite et les rouges de cinabre. Sur des râteliers élégamment disposés, des pinceaux de tailles et de formes variées attendaient leur tour. Leurs manches en bois poli brillaient doucement à la lumière, et leurs poils, faits de soies de chèvre ou de martre, étaient d'une douceur impeccable. Jeongin se retrouvait à fureter par-ci par-là, passant ses doigts sur toutes les surfaces, presque hypnotisé.
Son regard balaya les alentours. De larges tables de travail en bois massif occupaient le centre de la pièce, chacune équipée de mortiers et de pilons en pierre, où Theophilos et ses propres apprentis broyaient et mélangeaient les pigments pour obtenir des teintes parfaites. Les tables étaient couvertes de traces multicolores, témoignant de l'innombrable palette de couleurs qui y avaient été préparées.
Sur d'autres étagères, l'on pouvait trouver des balances précises et des poids en bronze permettant de mesurer avec exactitude les quantités nécessaires pour chaque mélange, assurant une consistance dans les produits finis. Un coin de l'atelier était réservé aux matériaux bruts : blocs de pigments naturels, morceaux de lapis-lazuli, roches d'ocre, et minéraux divers. Ces objets attendaient d'être transformés par les mains expertes de Theophilos. Les murs étaient ornés de fresques inachevées et de tableaux d'échantillons de couleurs, montrant des essais de pigments et des techniques de peinture. Ces œuvres, souvent signées de la main des plus grands maîtres de la ville, servaient à la fois de décoration et de source d'inspiration.
L'atelier résonnait souvent du bruit des mortiers en action et du murmure des discussions techniques. Des apprentis, attentifs et appliqués, recevaient les conseils avisés de Theophilos, qui passait de table en table, observant, corrigeant, et partageant son savoir avec une patience infinie. À l'avant de l'atelier, une petite salle de réception permettait aux clients de discuter de leurs besoins avec le vendeur. Un comptoir en bois d'acacia présentait les derniers pigments préparés, et des vitrines exposaient les pinceaux les plus fins.
C'était un paradis, le paradis de l'art. Si Jeongin n'avait pas déjà son maître Thessalos, il aurait accouru pour être l'apprenti de Theophilos.
D'ailleurs celui-ci était... particulier. Aux premiers abords, il avait tout l'air d'un jeune adulte athénien. Il portait un chiton court couleur blanc cassé, avec des bordures brodées de discrets motifs floraux. Par dessus ce chiton, il portait un himation, tissu drapé sur son épaule et autour du corps. Il était couleur vert olive, rehaussé de broderies dorées. Son visage était celui d'un athénien parfait également : des yeux marrons foncés, un visage anguleux rehaussé par des pommettes hautes et des mâchoires définies, presque carrées, un nez droit. Une jolie couleur de peau olive, sûrement due au soleil et donc au bronzage naturel.
La seule ressemblance physique entre eux était leur couleur de cheveux : d'un noir corbeau, profond. D'origine, les hélènes avaient tous et toutes des cheveux assez bruns mais jamais aussi noirs. De tels cheveux étaient d'ordinaires ceux du pays natal de Jeongin, ce qui lui prouvait que les dires de son maître ne pouvaient qu'êtres véritables. Un tel détail d'ordinaire passerait inaperçu au vu du reste du physique de Theophilos, mais quand on connaissait son secret, cela se voyait énormément.
Heureusement pour lui, seule la couleur rappelait ses origines coréennes. Car, pour rappeler bel et bien celles athéniennes, Theophilos avaient des cheveux extrêmement ondulés, qui se battaient sur sa tête. Aujourd'hui, il semblerait qu'au vu de son quotidien dans l'atelier, il aurait préférait attacher ses cheveux en une demi-queue à l'aide d'un fin ruban en tissu, laissant le reste de ses cheveux tomber librement sur ses épaules.
Aussi doucement qu'il le put pour ne pas déranger les apprentis et les quelques clients aux alentours, Jeongin s'approcha en se raclant la gorge pour signifier sa présence. Le renommé marchant n'avait pas l'air d'avoir vu sa présence, au vu de sa concentration à expliquer quelque chose dont Jeongin ne comprenait la moitié des mots. Son peu de connaissance dans la création d'outils artistiques mélangé à sa difficulté de compréhension du grecque lui faisant grandement défaut.
« je suis à vous dans un instant. »
Ah, ça, il l'avait compris étrangement...
En attendant, Jeongin s'était éloigné vers une des tapisseries inachevées qui occupaient un énorme pan d'un mur. La fresque représentait une scène dans l'Odyssée. Jeongin n'avait pas une grande connaissance mythologique, n'ayant eut vent que des récits de l'Odyssée et de l'Iliade d'Homère, mais il pouvait reconnaître le thème de ce tableau aisément. Ce n'étaient que des esquisses, une œuvre inachevée. Les sirènes n'avaient pas leurs ailes totalement peintes, l'on ne voyait pas le visage du héro grecque attaché à ce pillier ni les bases précises du bateau mais la technique était visible et impressionnante. On reconnaissait la marque du peintre, avec une composition dynamique et des figures expressives. Il y avait du blanc, du rouge, du jaune et du noir. Les couleurs s'entrechoquaient pour former une ébauche qui rivaliserait avec beaucoup de toiles achevées.
« Polygnotos, peintre de mœurs, l'un des premiers à avoir utilisé de la couleur. Cette fresque est une véritable motivation pour mes apprentis. Votre maître l'aime beaucoup, si je puis vous confier cette anecdote. »
Jeongin sursauta. Il n'avait pas entendu Theophilos s'approcher de lui et ne s'était pas rendu compte qu'il regardait la fresque à ses côtés. Il espérait que son inattention n'avait pas fait mauvaise impression, ou avait froissée le maître des lieux.
« pardonnez-moi, je ne vous ai pas entendu ni aperçu à mes côtés. J'ose espérer que ma contemplation ne vous a pas injurié.
— loin de moi cette idée, dit-il dans un petit gloussement. Vous êtes le seul que j'attendais. Et j'apprécie des clients qui portent une telle attention à ce genre de choses. Croyez le ou non, c'est rare. Je reconnais bien là l'éducation propre à Thessalos. Une curiosité pour la nouveauté, son regard détailla Jeongin de la tête aux pieds, et une acceptation pour l'étrangeté.
— maître Thessalos est la meilleure chose qui me soit arrivé. Je lui dois énormément. Je suis honoré d'être sous son aile et sous sa protection. Et je suis tout autant honoré d'apercevoir du respect pour mon maître dans vos paroles, maître Theophilos.
— allons, allons, l'autre souffla par le nez, le regard porté sur la fresque, il me semble avoir cru comprendre que ce cher Thessalos vous ait tout raconté quant à mon véritable nom. Vous pouvez oubliez mon nom d'usage lorsque nous sommes seuls.
— suis-je le seul apprenti que vous connaissez qui sache ce secret ?
— effectivement. Voyez-vous, j'ai six apprentis, tous m'aidant à la gestion des commandes et comptant sur moi en échange pour démontrer mes savoirs. Or, un secret est vite propagé lorsque l'on le dit à trop de personnes. Ne voyez pas ici une fragilité quant à ma confiance envers mes apprentis, cependant je préfère limiter les complices.
— alors...
— alors vous êtes six à le savoir au total. Thessalos, Polygnotos, vous et trois autres alliés en qui j'ai toute confiance. Toutefois, je doute très sincèrement que vous connaissez leur noms. »
Jeongin l'écoutait, interdit. Alors il était le seul apprenti à connaître ce secret ? Bien que cela puisse paraître bien puérile, il en fut heureux à cette simple pensée. Après tout, il était un jeune homme de rien, qui vivait aux crochets d'un autre et n'avait aucun titre ni patrimoine. Par rapport aux nobles qui entouraient Lee Minho, Jeongin était inférieur à eux. Et pourtant, il était en un sens plus important qu'eux, et possédait la confiance de cet homme ô combien renommé.
« je suis curieux, savez-vous ? Thessalos m'a fait savoir votre condition, qui me rapproche bien plus de vous que je ne pourrais le croire. C'est là une information intéressante.
— parlez-vous de mes origines, monsieur ? Est-il prudent d'en parler ici ? »
Jeongin vit du coin de l'œil son homologue sourire, le regard toujours porté sur l'esquisse en face d'eux. Il avait l'air stoïque, grand et large. À n'en pas douter, Lee Minho était quelqu'un de très imposant, physiquement comme socialement. Il était intimidant.
« ne l'avez-vous pas remarqué ? Nous sommes totalement seuls. Vous êtes ma dernière rencontre d'aujourd'hui. Après cela, je rentrerai à ma demeure. Mes clients doivent automatiquement organiser une rencontre, prendre rendez-vous, pour faire leurs achats dans mon établissement. Rien de plus pratique pour moi. Et mes apprentis ont leur liberté lorsque le soleil commence à descendre, ce qui signifie qu'ils seront libres... il regarda par la fenêtre, maintenant. »
Effectivement, le soleil commençait déjà à descendre dehors. Les ombres des piliers qui soutenaient le plafond s'allongeaient progressivement sur le sol, créant un jeu de lumière et de ténèbres dans l'atelier. Les arches qui séparaient les différents rayons étaient baignées d'une lueur orangée, accentuant les couleurs vives des pigments exposés. Le ciel, autrefois d'un bleu éclatant, se teintait maintenant de nuances rouges et pourpres. Jeongin pouvait voir les premiers signes du crépuscule imminent, les oiseaux regagnant leurs perchoirs et les passants se hâtant pour rentrer chez eux. Une brise légère entra par la fenêtre ouverte, faisant doucement onduler les mèches noires de ses cheveux.
Dans sa contemplation, le maître Lee Minho s'était éloigné de Jeongin dans une discrétion qui lui était caractéristique. Jeongin, lui qui était tout près de l'extrémité du mur, près d'une fenêtre, où reposait sagement la fresque, se tourna pour observer le plus âgé, qui était en train de préparer des pigments sur une large table en bois. La lumière du soir mettait en relief les traits de son visage, révélant la concentration et l'expertise avec laquelle il manipulait les matériaux.
Jeongin se sentit presque honoré d'être dans cet espace sacré de création, où chaque détail, chaque outil avait sa place et son importance.
Prenant conscience du temps qui passait, il réalisa que le moment de partir approchait. Mais pour l'instant, il savourait l'atmosphère paisible et inspirante de l'atelier, absorbant chaque détail et chaque sensation. Ce lieu, baigné de la lumière du crépuscule, semblait être le cœur même de l'art et de la créativité, et il s'en retrouvait captivé et hypnotisé.
« rappelez-moi si je fais un oubli, mais il me semble que vous êtes là pour des pigments, des pinceaux, et des liants et médiums. N'est-ce pas ? »
Jeongin le regardait, hébété. Il cligna plusieurs fois des yeux, ressemblant à un pauvre petit chiot abandonné par son maître dans un repère de loups sauvages.
« Je suis... désolé. Des liants et médiums... ? »
L'artiste suspendit ses gestes en plein air, et regarda à son tour son homologue, hébété lui aussi. Puis il souffla du nez, un sourire amusé décorant ses lèvres.
« Des liants et des médiums, des substances essentielles pour la peinture. Ils déterminent comment les pigments adhèrent à la surface et influencent la texture et la durabilité de l'œuvre. Pardonnez-moi cher ami, j'ose oublier par moment que vous ne venez pas d'ici. Votre dialecte est si propre que cela porte à confusion.
— oh vous me flattez. Je ne suis... pas si doué que cela dans votre langue. Elle est un peu difficile pour moi.
— c'est donc tout à votre honneur de faire l'effort de la comprendre. Je suis dans un sens assez admiratif. C'est la première fois que je rencontre un cas comme vous, voyez-vous. Vous êtes venu de loin et malgré cela, vous persévérez dans un dialecte qui vous était inconnu il y a peu.
— ne venez pas vous-même de loin ?
— j'ai beau en avoir des origines, je ne suis pas natif. Seule ma grand-mère maternelle venait de la péninsule coréenne. J'ignore comment notre famille a atterri à Hellas. J'étais un petit garçon lorsque mes parents ont donné leur dernier souffle alors je ne risquais pas d'avoir des réponses.
— vos parents sont- oh, je n'aurai peut-être pas dû amener ce sujet dans notre discussion. Mais, si vous me le permettez de demander, avez-vous vécu seul après cela ?
— Dieux non ! Lee Minho éclata de rire. Mon paternel avait vraisemblablement prévu le coup et avait nommé juste avant son trépas un tuteur qui était un fidèle ami de mes parents. Il a géré mon héritage jusqu'à ma majorité, et m'a accueilli dans sa famille comme un véritable fils. Ses enfants sont de ceux qui connaissent également mon secret. Ils sont au nombre de trois : Phaedrus, Callisto et Euphranor. Mes plus fidèles amis à ce jour.
— mais alors... si ce sont les trois autres qui connaissent votre secret, cela veut dire que votre tuteur est également...
— oui, il a trépassé il y a de cela une dizaine d'année maintenant, juste après ma majorité. Comme s'il attendait que son devoir arrive à son terme pour me quitter définitivement. C'était son idée de me trouver un nom d'usage, pour ne pas que je subisse de moqueries par mes pairs. Une idée ingénieuse qui m'a épargné bien de complications.
— que sont devenus vos amis maintenant ?
— Phaedrus est devenu un peintre assez renommé si je puis vous le confier avec fierté. On collabore parfois, et certaines de ses esquisses se trouvent dans mon atelier. C'est un ami sage et discret, et assez loyal. Euphranor quant à lui est marchand de pigments et fournitures artistiques, mon principal fournisseur. Il fait de nombreuses recherches pour ses études d'art. Quant à lui, je dirai qu'il est plutôt du genre pragmatique et bienveillant. Et Callisto... La petite dernière, espiègle, dévouée et intelligente. C'est une artisane et restauratrice de fresques maintenant. Je suis on ne peut plus fier de ce qu'elle devient. »
Quand il parlait d'eux, Lee Minho avait des étoiles dans les yeux et un sourire attendrie sur les lèvres. On voyait toute la tendresse lorsqu'il témoignait des exploits de son entourage. Jeongin avait entendu les codes moraux des athéniens, le fait qu'il place la famille en haut de toute autre chose. Mais il n'avait pas réalisé que c'était à un point où la seule mention d'un prénom illuminait le visage de l'autre.
C'en était presque... Mignon.
Jeongin rougit face à ses pensées.
« bien. Il me semble que votre visite n'était pas motivée par mon récit sur la vie de mes frères et sœur, me semble-t-il. Il lui fit un sourire amusé. Je crois savoir que votre maître vous ait donné une liste précise de ce qu'il lui faut. Il nous faut accélérer notre entrevue j'en ai peur, cela fait bientôt pratiquement une heure entière que vous êtes ici, à un juger par le positionnement du soleil. Thessalos commencera à se faire du soucis si l'on traîne plus, ne pensez-vous pas ?
— bien sûr, je n'ai pas vu le temps passer. Votre compagnie est... digne de votre réputation. Tenez, j'ai effectivement en ma possession une liste. Je me remet à votre expertise.
— eh bien, si je devais décrire mon impression sur vous, c'est que vous savez brosser les gens dans le sens du poil. Suivez moi. »
ils se dirigèrent tous deux vers les étagèrent en bois d'olivier, l'espace où étaient disposés les nombreux pigments de l'atelier. Et Jeongin se rendit compte qu'il y en avait un nombre astronomique, dont quelques uns qu'il n'avait jamais vu ni entendu parlé. Encore une fois, c'était impressionnant.
« bien, on commence par les pigments si vous le voulez bien. À ce que je vois, il nous faut des pigments minéraux comme l'outremer, le cinabre ou la malachite. Puis des pigments organiques et colorantes, je vous suggère le noir de vigne et l'ocre jaune et rouge.
— dois-je choisir entre les trois pigments minéraux ?
— de ce que j'en sais, il me fait sens que ce soit le cas. Thessalos est sur une fresque de temple ces jours-ci c'est cela ? Avez-vous une suggestion ? Un avis sur ce que votre maître pourrait avoir le plus besoin entre l'outremer, le cinabre et la malachite ?
— en tant normal, mon maître aime faire ses œuvres de temples sans couleur. Mais vu le sujet choisi, ne serai-ce pas pertinent d'ajouter de l'outremer ? Comme petites touches de bleu, je veux dire. Des traits soigneusement choisis pour faire référence à la puissance de Poséidon. Comme... des... champs magnétiques tout autour des chevaux et du Dieu... ? De plus, le bleu est une couleur puissante, souvent associée aux dieux et à l'immortalité...
— intéressant, répondit l'autre, le détaillant silencieusement du regard. Je vous prescris des mortiers, pilons et couteaux à palette. Thessalos en aura grandement besoin pour son travail. Pour les liants et médiums, il vous faudra de la cire d'abeille et de l'huile de lin. Votre maître ne se concentre pas sur les aquarelles n'est-ce pas ? Jeongin secoua la tête, bien il ne vous faudra pas de gomme arabique dans ce cas ; peut-être dans une prochaine visite. »
À ces derniers mots, l'estomac de Jeongin se retourna. La sensation était étrange, il avait l'impression qu'on lui compressait le ventre, mais la sensation n'était pas si désagréable qu'elle n'en avait l'air. Au contraire : elle lui donnait envie de sourire. Les mots prononcés par maître Minho, il espère avoir reçu assez de respect pour pouvoir l'appeler par son prénom, lui avaient fait bien plus plaisir qu'il ne le penserait.
À la pensée d'une seconde entrevue, la poitrine de Jeongin lui picota et il se sentit euphorique, une agréable sensation de bien être lui compressa la cage thoracique.
Bien sûr, il se doutait de ce qu'il se passait. Il avait beau être naïf, il n'était pas stupide. Il avait lu bon nombre de livres de romance, "Les Éthiopiques" par Héliodore ou encore "Daphnis et Chloé" par Longus par exemple. Il était donc renseigné sur le sujet et se doutait qu'il devait bien être attiré physiquement par l'artiste en face de lui.
Après tout, Theophilos — ou Lee Minho — était un très bel homme, charismatique, mystérieux, qui avait une belle musculature. Jeongin ne doutait pas que ce fournisseur d'art avait du succès auprès des femmes. Et même si lui était un homme, il ne pouvait nier l'attirance qu'il ressentait envers cet homme aux multiples talents. Outre le physique, Lee Minho avait l'air d'être extrêmement cultivé, artistiquement parlant mais également culturellement parlant. Il avait de plus l'air assez ouvert d'esprit, accueillant et chaleureux. Jeongin ne doutait pas que, si l'occasion se présentait, maître Minho protégerait ses proches coûte que coûte.
Il était également taquin. Et c'était ce que Jeongin préférait, même s'il se retenait de le dire à haute voix bien évidemment.
Bien heureusement, son accompagnant n'eut pas l'air de remarquer son égarement. Lee Minho semblait plutôt occupé et concentré à trouver les objets parfaits pour Thessalos.
Sérieux et assidu donc...
« il me semble judicieux d'ajouter des planches à palettes et des spatules également. Et peut-être également des plaques d'ivoire, pour les travaux plus fins et délicats. Bien, je pense que l'on peut passer au plus important, les pinceaux. Jeongin ? Jeongin, m'entendez-vous ? »
Après tout, les relations homosexuelles étaient assez courantes à Hellas. Même si elles devaient être discrètes et cachées, elles étaient tout de même acceptées tant qu'elles étaient dans le respect et dans les normes attendues. Si jamais son attirance était réciproque, si jamais on leur permettait de faire cette expérience, rien ne pourrait les arrêter. Et cela ne pourrait pas même être maître Thessalos, lui qui ne voulait que le bonheur de Jeongin. Peut-être même qu'il était déjà au courant de ses attirances. Après tout, Jeongin n'avait jamais fait part d'une quelconque attirance envers la gente féminine. En tant qu'artiste et maître, Thessalos pourrait avoir une compréhension profonde des émotions humaines et pourrait réagir avec empathie à sa confession.
Il avait envie d'y croire.
« Jeongin, êtes-vous avec moi ? »
Trop proches.
Il sursauta. Jeongin n'avait pas réalisé qu'il avait été absent aussi longtemps. Assez pour inquiété le plus âgé, qui s'était ainsi rapproché de lui pour vérifier s'il allait bien. Ce qui les amener tous les deux à être face à face, très proches. Vraiment très proches. Mais Jeongin culpabilisa instantanément son cheminement de pensée lorsqu'il intercepta le regard vraiment inquiet de maître Minho. Il avait les sourcils froncés, la bouche dans une forme de moue, et les yeux soucieux. Leurs nez se touchaient presque.
« désolé... les- les pinceaux, il chuchota, tout-à-coup bien timide. »
Maître Minho se redressa maladroitement, et Jeongin aurait juré que l'autre rougissait. Après tout, le rose de ses joues contrastait avec l'olive de sa peau. C'était assez joli s'il devait se montrer honnête.
Il replaça timidement une mèche noire de sa chevelure derrière son oreille. Il avait bien chaud soudainement.
« les pinceaux, oui. Les pinceaux. Il se racla la gorge. Par ici, suivez-moi. »
Il s'était dirigé vers des râteliers qui soutenaient pleins de différents pinceaux. Là encore, il y en avait beaucoup. Jeongin ne saurait les compter tellement il y en avait. Tout ce qu'il savait, c'était que son maître en avait besoin que de dix d'entre eux, mais ici, il ne pouvait pas dire lesquels étaient lesquels. Pour lui, c'était encore difficile de savoir les différencier. À vue simple, c'était beaucoup trop compliqué. Maître Thessalos lui avait appris à les différencier que par le toucher, certains avaient le poil plus rêches, plus souples, plus fins ou plus secs que d'autres.
Heureusement, il avait un expert à sa disposition. Et un très beau expert.
« alors... Vu le grand projet de Thessalos, il vous faut une variété de pinceaux spécialisés pour différentes techniques et détails.
— serai-ce trop vous demander de m'expliquer ce que vous choisissez ? Je sais leur noms, je sais à peu près leur apparence, mais leur utilité m'est encore assez... obscure.
— j'en serai ravi, croyez-moi. Rien ne m'enchante plus que de partager ma passion. Il vous en faut dix, dix pinceaux différents, qui serviront plusieurs tâches spécifiques. D'abord, le plus important pour votre idée de bleu, l'outremer, un pinceau à lavis large, utilisé pour appliquer de grandes zones de couleur de fond de manière uniforme. Pinceau à pointe fine et un plat moyen, l'idéal pour les détails minutieux, les lignes précises, ainsi pour les coups de pinceau plus larges et les remplissages de taille moyenne. Vous aurez besoin d'un pinceau en éventail, pour adoucir les bords et mélanger les couleurs de manière subtile. Puis d'un pinceau à angle et un à poils longs, ainsi que d'un pinceau à pointe ronde, pour les détails angulaires et les zones difficiles à atteindre ainsi que pour des coups de pinceau continus et fluides, utile pour les lignes longues et les courbes, les zones plus larges selon la pression appliquée. Enfin, il vous faudra un pinceau à épaisseur variable, un pinceau à texture et un pinceau à retouches. Je pense qu'il est inutile de vous détailler ceux-là, leurs noms sont assez explicites. »
Un à un, le plus âgé décrivait minutieusement chaque pinceau, les tournant dans tous les sens pour expliquer avec un sérieux professionnel chaque particularité. Et encore une fois, Jeongin fut hypnotisé. Jusque là, Lee Minho — maître Minho — semblait être un athénien tout-à-fait banal, un marchand comme les autres. Mais maintenant qu'il était en face de ce marchand, en face d'un Minho sérieux, professionnel, Jeongin voyait ce qui attiraient les hauts placés chez cet atelier singulier.
Ce maître parlait avec une passion, une liberté et un engouement dans ses paroles tels que l'on était transporté avec lui. Maître Thessalos avait exactement le même regard, pétillant d'un million d'étoiles.
C'était pour cela que ce Theophilos était tant réputé, parce qu'il aimait véritablement son métier, il en était passionné.
Il avait envie d'en apprendre plus, il avait envie d'en savoir plus, il avait envie d'en voir plus. Cet homme était non seulement intéressant, mais aussi intriguant. Son sourire était magique, ses mots étaient envoûtants, et ses yeux étaient magnétiques. Tout l'attirait, le poussait vers lui.
Il ne remerciera jamais assez maître Thessalos pour lui avoir confier cette tâche, pour lui avoir permis d'aller dans un pareil endroit, un endroit idyllique, qui répondait à tous ces rêves et idéaux. Il était entouré de fresques gigantesques, d'esquisses magnifiques. Et il était en face d'un homme qui avait tout pour lui et qui le regardait avec un intérêt non masqué, ni voilé.
Ô, qu'est-ce que Jeongin aimait l'art.
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5214 mots :)
Fiouuuu ça fait deux jours NON STOP que je suis dessus, soit 48h. Je n'en peut plus.
Et je vous laisse imaginer la somme ASTRONOMIQUE de mes recherches pour faire cet os, je plains mon historique qui n'a aucun sens. Heureusement, je suis habitué à faire des recherches farfelues pour l'art jpppp
Bref, en tout cas j'espère que mon petit bébé vous aura plu ! C'est la toute première fois que j'écris dans un cadre de la Grèce Antique, donc je sais que c'est un peu original et inatendu, mais j'espère tout de même que l'effet sera escompté. J'avais tellement peur de faire un anachronisme que je m'arrêtais d'écrire pour faire une recherche toutes les deux minutes mdrrrr C'est également la première fois que j'écris sur du minjeong, même s'il n'y a pas vraiment de mise en couple ni rien, je les trouves quand même vachement mims' au final !! J'adore, je suis vraiment happy du résultat final eheh.
J'espère également que vous aussi ça va, que vos vacances se passent bien. Je sais que pour beaucoup, les grandes vacances riment avec grande solitudes (j'en fais parti...) alors je vous envoie tout mon soutien et vous envoie pleins de câlins virtuels <3 Prenez soin de vous, BUVEZ BEAUCOUP, hydratez vous bien !! Il fait vraiment très chaud en ce moment, donc prenez soin de votre corps. C'est important car vous êtes importants ! <3
Sur ce, je prends mes clic et mes clac et je m'en vais faire un énorme dodo bien mérité ! Je vous aimes très fort !
(et on oublie pas de souhaiter un joyeux anniversaire à
t'es vieille dis donc ahah ! Profite bien mv, tu mérites <3
oe je sais que je sors un minjeong pour ton anniv, je sais pas si t'aimes mais écoute, heu, yes-)
See you soon !~
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