Chapitre 36
LUBNA
Les jours se sont écoulés si lentement depuis la mort de Nuage que j'ai l'impression d'être prisonnière d'un temps figé. Je n'ai pas pu profiter du bal des débutantes, même si toutes les jeunes femmes étaient magnifiques. Mon esprit, submergé par ma peine, ne me le permettait pas. J'étais tellement enfermée dans mes pensées que je croyais avoir perdu tout le reste. Ada en a parlé avec émotion ; elle a même réussi à danser avec Yasser, bien que ce fût dans le couloir, car la piste était réservée aux dames.
Aujourd'hui, ils s'en vont tous, y compris cette blonde aguicheuse qui marche derrière Rayan, tandis qu'il l'ignore superbement. Les gardes avancent à ses côtés, mais je n'arrête pas de l'observer. Je ne trouve rien de fascinant chez elle qui aurait pu attirer l'attention de mon mari par le passé. Il y a tant de femmes plus belles dans le royaume, avec des personnalités brillantes. Cependant, je n'ai pas à remettre en question ses goûts ; il est libre de regarder qui il veut. Cette pensée me froisse. Non, il n'est libre de rien, il ne peut pas poser son regard sur quelqu'un d'autre que moi.
Je les suis d'un pas décidé.
— Rayan, qu'est-ce que tu fais ?
Il s'arrête en entendant ma voix et se retourne vers moi, ignorant totalement la blonde, qui me regardant par-dessus son épaule comme si je n'étais pas digne de son attention.
— Je vais à mon bureau.
— Avec elle ?
Je lève un sourcil, affichant une expression interrogatrice.
— Elle qui ?
— La blonde qui te suit comme une chienne en chaleur.
Elle halète en entendant mes mots. Je regarde Rayan essayer de réprimer un sourire.
— Je ne vois personne à part toi, petite agnelle.
Un autre halètement se fait entendre, mais je ne me laisse pas démonter.
— Tu m'ignores ?
— Qu'en penses-tu, idiote ? Il est clairement évident qu'il t'ignore. Quand quelqu'un agit ainsi, tu le remarques, mais bien sûr, ton esprit est tellement épuisé que tu n'arrives même pas à interpréter les signaux.
Elle éclate de rire à mes propos.
— Ton mari sait-il pourquoi tu es ici, au palais ?
— Cela ne te regarde pas.
Rayan lui saisit fermement le bras, la faisant pleurer.
— Souviens-toi de ta place et respecte la reine, à moins que tu ne souhaites perdre ta langue. Comprends-tu ?
Elle hoche frénétiquement la tête, et il la lâche brusquement, la faisant chanceler.
— Je m'arrangerai pour informer ton mari de tes intentions.
— Et moi, j'irai dire à tout le monde que j'étais la maîtresse du roi. Je perdrai, mais vous aussi.
C'est maintenant à mon tour de rire.
— Qu'est-ce qu'on risque vraiment ? Malheureusement, il est courant que les maris trompent leurs épouses avec leurs amantes. En revanche, ce qui n'est pas normal, c'est qu'une femme mariée se comporte de la sorte. La seule qui perdra ici, c'est vous. Votre réputation sera ruinée, personne ne voudra vous épouser après que votre mari vous aura quittée. Vous deviendrez la risée de tous les nobles, votre famille s'effondrera et vous rejettera, car c'est ce qui arrive aux femmes comme vous.
Elle s'approche de moi, ses yeux flamboyants de rage.
— Mon mari m'aime, je pourrais lui dire que le ciel est rouge, et il le croirait. Je peux lui faire croire que le roi m'a forcée, qu'il m'a insultée, et sans aucun doute, il viendrait lui arracher la tête.
— Fais-le.
La voix de Rayan résonne dans le couloir.
— Va lui raconter ton mensonge et mène-le à une mort certaine, car tu sais ce qui arrivera s'il cherche à m'assassiner. C'est ce que tu veux, n'est-ce pas, être veuve et libre ?
Ses joues s'empourprent de rage.
— Tu es si pathétique et pitoyable, un homme tombé dans son propre piège, ignoble serpent.
Elle me jette un dernier regard empreint de terreur avant de quitter le couloir.
Je tourne les yeux vers Rayan, la colère bouillonnant en moi, et lui assène une claque sur l'épaule. Les gardes fixent le mur, évitant de croiser mon regard, tandis que j'annihile leur roi d'un simple échange visuel.
— Aïe, ça fait mal, proteste-t-il.
— Ce que je te réserve après sera encore plus douloureux.
— Pourquoi ce coup, ma reine ?
— Tu ne sais pas comment l'envoyer en enfer ? Dans un donjon, peut-être ? Pour la décapiter ? Je t'avais prévenu : elle ferait n'importe quoi pour être près de toi. Je t'avais alerté, et maintenant regarde ; c'est de ta faute si elle s'est rapprochée de toi. Est-ce que tu l'aimes ? Ça doit bien être le cas, car je ne comprends pas pourquoi cette fille insignifiante pourrait te captiver.
— Ne sois pas en colère, mon amour. Je l'ignorais, je ne voulais pas perdre mon temps avec elle. Je lui avais déjà demandé de ne pas s'approcher de moi, mais tu sais, je suis irrésistible.
Un halètement m'échappe tandis que je frappe sa poitrine. Il rit, enroulant son bras autour de moi avec affection.
— Trop irrésistible ? Ha !
Mes lèvres se plissent en une moue alors qu'il éclate de rire.
— Est-ce que cela te fait rire ?
— Énormément, je ne t'avais jamais vue ainsi, prête à détruire quelqu'un simplement parce qu'elle était proche de moi.
— Je n'aime pas qu'elles s'approchent de toi, je déteste cela. Je n'aime pas qu'elles te voient, qu'elles t'observent, qu'elles souhaitent avoir quelque chose avec toi.
— Tu es très possessive, ma reine. Mais souviens-toi que je ne suis qu'à toi, et à personne d'autre. Mon corps, mon âme et mon cœur t'appartiennent entièrement.
Il m'embrasse, mais je m'éloigne légèrement.
— N'osez pas la laisser s'approcher du roi. Si jamais elle réessaye, emmenez-la au donjon, j'ordonne d'une voix forte et autoritaire.
Les gardes hochent la tête, attentifs à mes paroles.
— Vous lui donnerez seulement du pain et de l'eau jusqu'à ce qu'elle comprenne sa place, est-ce clair ?
— Oui, Votre Majesté.
Rayan me fixe avec une intensité particulière dans les yeux. Il s'approche de moi, ses lèvres effleurant mon visage alors qu'il murmure :
— Ça m'excite quand tu es jalouse, mais c'est encore plus fascinant de voir ton côté possessif. La façon dont tu défends ce qui t'appartient... Tu es si belle dans ces moments-là, petite agnelle.
— Tu es un idiot.
— Ton idiot.
— Laisse-moi tranquille, je ne veux pas de toi.
Je tente de me dégager de son étreinte, mais il refuse de me laisser partir. Ma frustration éclate en un cri, tandis qu'il commence à couvrir mon visage de baisers, indifférent aux regards de ses gardes. Mes joues s'empourprent de honte, et je cherche refuge dans son corps, espérant échapper à leurs yeux. Mais il saisit délicatement mon menton et m'embrasse. Ses lèvres effleurent les miennes, et un frisson parcourt mon bas-ventre.
Mon corps réagit à ses caresses, et je lutte pour retenir un halètement qui s'échappe de ma bouche. La chaleur est oppressante, et je me tourne brusquement lorsqu'il saisit fermement mes hanches, me frottant contre son érection. Mes joues s'enflamment, et je scrute fébrilement autour de nous. À ma grande surprise, les gardes continuent de regarder ailleurs. Rayan rit, conscient de mes pensées déroutées. Je respire de plus en plus irrégulièrement, submergée par un tourbillon d'émotions.
— Je m'en vais, dis-je finalement.
— Où vas ma reine ?
— Je vais voir si la truie a mis bas.
— Mais nous n'en avons pas.
— Alors, trouve-en une !
Je l'entends rire doucement alors que je fais volte-face pour m'éloigner.
— Reste près de tes gardes, Lubna.
— Oui, Votre Majesté, je le ferai.
Je lève les yeux au ciel en observant la blonde stupide courir dans l'autre couloir.
— Votre Majesté, n'oubliez pas que la famille royale arrivera aujourd'hui.
Je fronce les sourcils en jetant un coup d'œil par-dessus mon épaule alors que Rayan et ses gardes s'éloignent. Un des gardes poursuit son discours sur la famille royale, mais ses mots s'estompent à mesure qu'ils s'éloignent.
De quelle famille royale parlent-ils ?
Je ne connais que les princesses, et je suis certaine qu'elles ont des oncles et des grands-parents, ce genre de lien familial, donc c'est probablement ce qu'ils veulent dire.
Je scrute ma robe. Elle n'a rien de mal, je suppose que je suis prête à accueillir ces dignitaires lorsqu'ils se présenteront. L'autre jour, j'ai rendu visite à Rosanna et à son magnifique bébé ; elle est la touche parfaite de leur lignée, avec ses cheveux d'un noir profond et les yeux clairs de son père. Cette visite m'a fait du bien et a contribué à apaiser mon esprit.
Mais chaque fois que je me promène dans le jardin, mon esprit est assailli par ce moment horrible où j'ai trouvé ma douce Nuage, morte et baignant dans son sang. Je pleure encore dans la nuit, emplie de rage face à la cruauté d'Iris. Je ne sais pas comment je réagirais si je la voyais de nouveau. Sir William a promis de s'occuper d'elle ; j'imagine qu'il l'a interdite de venir au palais. Si tel est le cas, je le remercie, car je ne veux pas croiser son visage détestable.
Les débutantes se disent au revoir, s'inclinant dans ma direction avant de se diriger vers leurs calèches. Le soleil brille, il est encore tôt, l'heure du petit-déjeuner approche, mais elles doivent partir à temps pour arriver chez elles avant la tombée de la nuit.
Lucia s'arrête à mes côtés. Parfois, je ne sens même pas son arrivée, mais je sais qu'elle est toujours là, avec Connor, attendant que je leur donne un ordre.
— Votre Majesté a-t-elle besoin de quelque chose ?
— Rien pour l'instant, si tu souhaites, tu peux aller voir tes frères.
— Je l'ai déjà fait, Votre Majesté, merci beaucoup.
Je prends un instant pour observer les autres serviteurs qui aident leurs dames à monter dans les calèches. Le royaume est rempli de belles femmes. Le bal n'est qu'une simple présentation sociale, où les nobles enseignent à leurs filles devenues en âge de se marier, bien que pour moi, cela semble futile ; même à dix-huit ans, ce sont encore des adolescentes qui apprennent à naviguer dans le monde.
Le mariage est une grande responsabilité, mais les unions arrangées pullulent sur le marché matrimonial. Même si c'est un peu déconcertant, les parents doivent, en quelque sorte, trouver un mari capable de fournir ce qu'ils ont offert à leurs filles depuis leur naissance. Pour ma part, si j'ai des enfants, je leur laisserai le choix de leur partenaire, peu importe les complications que cela pourrait engendrer. Ce qui comptera avant tout, c'est qu'ils soient heureux de leur décision et qu'ils apprennent de leurs expériences.
Mon estomac grogne. Ces derniers jours, les vertiges se sont atténués, mais une faim soudaine m'envahit ; je peux manger encore et encore, et jamais je ne me sens rassasié, comme si j'avais un trou béant dans le ventre.
Je lève la main pour dire au revoir à la dernière calèche qui s'éloigne du palais. Je respire profondément, puis me retourne pour rentrer à l'intérieur. Même si j'apprécie la visite des invités, je dois avouer qu'à un autre moment, j'aurais sans doute davantage savouré leur présence.
— Le petit-déjeuner est-il prêt ?
Lucia me répond, m'étonnant par sa présence.
— Oui, Votre Majesté. Lorsque je suis venue vous voir, j'ai vu les préparatifs pour le service à table.
La vérité, c'est que je ne comprends pas pourquoi j'éprouve cette appréhension. Lucia est toujours à mes côtés ; je devrais m'y habituer.
— Merci, Lucia. As-tu déjà pris ton petit déjeuner ?
Elle secoue la tête.
— J'ai nourri les enfants et les ai envoyés à l'école avec Ada.
C'est vrai, j'ai engagé un professeur pour instruire les enfants, y compris Yasser. Ada les accompagne, car elle sait lire et les aide à apprendre avec le professeur. J'aurais aimé que Lucia se joigne à eux, mais elle refuse, inquiète de me laisser seule sans aide. Cependant, je sais que durant son temps libre, Connor lui enseigne à lire, et cela les rapproche à chaque instant. L'amour fleurit entre eux, illuminant les murs du palais, ce qui me réjouit au plus haut point.
Je l'invite à prendre le petit déjeuner avec moi, mais elle refuse, comme à chaque fois.
D'un soupir, je lève les yeux au ciel et lui accorde la permission d'aller à la cuisine. Elle n'accepte pas de participer au repas dans la salle à manger, arguant que seuls les nobles devaient y prendre place. J'aimerais tant abolir cette règle absurde, car bien que Lucia soit ma servante, elle fait partie de ma famille, toujours présente à mes côtés.
— Je vais prévenir le personnel pour qu'ils puissent venir vous servir, Votre Majesté, dit-elle avant de s'éloigner, me laissant seule.
Je respire l'air frais qui entre par l'immense fenêtre donnant sur le jardin fleuri. Connor est à proximité. Je peux le distinguer de loin ; il me voit également, mais reste immobile à son poste, veillant à la porte.
Soudain, la silhouette d'une blonde insupportable traverse mon champ de vision. Je fronce les sourcils, perplexe, pensant qu'il n'y avait plus personne dans le palais.
— Je veux que vous reteniez bien mon nom, sa voix aigüe me déchire les tympans. Je suis Amélia Thompson, la future reine d'Alkaeria, et je prendrai plaisir à être témoin de votre chute.
— J'ai déjà eu affaire à des personnes comme vous : hautaines, stupides, dépourvues de tout respect de soi. Vous pensiez pouvoir me contourner et me mettre hors jeu, mais me voilà, toujours debout, invaincue. Certes, j'ai connu des pertes, mais je porte la couronne et je garde mon homme près de moi.
— C'est seulement parce que vous n'avez pas encore eu à me confronter. Je serai la raison de votre chute.
— Comme c'est touchant ! Votre confiance me fait sourire. Je vous défie, allez-y, essayez de me faire tomber, et vous constaterez à quel point je peux vous entraîner dans ma chute.
Elle tente de me frapper, mais je suis plus rapide qu'elle. Je saisis sa main et la pousse en arrière tout en appelant mes gardes. Connor apparaît avant même qu'elle ait fini son cri, l'attrape fermement et la plaque au sol, tandis que les autres gardes accourent, attendant mes ordres.
— Que se passe-t-il si l'on tente de frapper la reine ?
— Cette personne finira en prison, Votre Majesté.
— Emmenez-la au donjon et avertissez son mari.
Elle se débat, crie, donne des coups de pied et sanglote, au point de sembler hors d'elle.
— Vous me le paierez, je le jure !
— Je vous l'ai dit : je vous entraînerai avec moi dans ma chute. Ce n'est qu'un avant-goût de ce qui vous attend.
Je lève la main, agitant mes doigts en signe d'au revoir, et je souris en la voyant grogner de frustration.
— Profitez de votre séjour au donjon ; vous vous ferez rapidement des amis parmi les rats et les cafards, après tout, ils ne sont pas si différents de vous.
Lorsque ses cris se sont éloignés, je m'assois sur une chaise pour attendre l'arrivée de mon petit-déjeuner. Connor semble nerveux autour de moi. Je lui lance un coup d'œil par-dessus l'épaule et lui demande de se détendre, en lui précisant que ce n'était qu'une simple confrontation. Il retourne à sa place au moment où le service arrive avec mon petit-déjeuner. Je fredonne une mélodie en remplissant mon assiette de délices préparés pour moi avant de porter un morceau de fruit à mes lèvres.
Le pouvoir a un attrait indéniable : commander et faire exécuter ses ordres à la lettre me procure une satisfaction inégalée. Je comprends pourquoi tant de personnes succombent à la tentation d'exercer une telle autorité.
Un sourire se dessine sur mes lèvres, tandis que je me sens puissante et invincible. La prochaine à apprécier mes ordres sera Iris. Je l'ai avertie de ne pas me choisir comme ennemie, mais elle n'en a que faire. Elle a tout fait pour me faire souffrir, et maintenant, c'est à mon tour de la punir. Je ne ferai preuve ni de pitié ni d'empathie ; la cruauté, après tout, est souvent récompensée par le mal.
Je m'essuie les lèvres après avoir terminé mon petit-déjeuner, me sentant satisfaite. À cet instant, un vacarme se fait entendre à l'extérieur de la salle à manger. Intriguée, je me lève pour découvrir ce qui se passe. Je vois le personnel chuchoter entre eux ; à ma vue, ils s'inclinent avant de disparaître si rapidement que je cligne des yeux, surprise. Connor me regarde et hausse les épaules, laissant place à une curiosité grandissante en moi. Je me dirige alors vers le salon, où une scène intrigante m'attend.
Mes yeux sont attirés par une magnifique femme vêtue de bleu. Sa peau olive brille d'un éclat particulier, mais c'est sa chevelure, aussi rousse que la mienne, qui capte toute mon attention. À ses côtés, un homme partage le même ton roux.
Je retiens un cri de surprise, m'empare d'une mèche de mes cheveux pour comparer les couleurs. À ma grande consternation, elles sont identiques. Mon cœur bat si fort qu'il pourrait effrayer quiconque.
Soudain, son regard se pose sur moi.
Ils observent la couronne qui orne ma tête, et je perçois une lueur de reconnaissance dans leurs yeux.
Tous deux s'inclinent en s'approchant de moi.
— Votre Majesté, nous vous remercions de nous avoir accueillis dans votre nation et votre palais. Nous sommes les souverains de Lloréa, la nation du feu.
L'écouter parler et la voir, c'est comme me regarder dans un miroir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro