XLII-UN MATIN D'AUTOMNE
Une forte lumière filtre à travers mes paupières baissées.
J'ouvre difficilement les yeux, aveuglée par la luminosité. Tout est incroyablement immaculé autour de moi. Je flotte, perdue au milieu d'une brume duveteuse et épaisse, où perce cette clarté blanche et vive. J'essaie de bouger mais mes mouvements sont ralentis, comme retenus par une force invisible. Après quelques efforts, je parviens enfin à tendre les bras devant moi, mais mes mains rencontrent une paroi invisible. Ce mur transparent se dresse tout autour de moi, et j'ai la sensation d'être enfermée dans une cage invisible ...
Aucun son ne me parvient, aucun mouvement, aucune sensation d'air sur mon visage. J'ai l'impression d'être perdue au milieu de nulle part. Et une sensation de déjà vu ...
Mon rêve ... Celui que j'ai fait, la nuit précédant mon voyage à Londres pour rencontrer Muse. Je ressens le même sentiment que lors de ce rêve étrange, alors que j'étais suspendue au milieu d'un espace blanc et lumineux. Cette même paralysie, cette même peur panique qui m'envahit ... Et le temps qui semble s'être arrêté.
Mais tout à coup, alors que je ne m'y attend pas, tout change et je suis plongée dans le vide. Comme si la main invisible qui me tenait suspendue jusque-là m'avait lâchée d'un coup, et que le temps reprenait subitement son cours. Je tombe à une vitesse folle en chute libre, toujours aveuglée par cette brume immaculée. Effrayée, je songe que je vais sans doute m'écraser sur le sol dans quelques instants ... En une fraction de seconde, je vois défiler devant mes yeux les visages d'Alice, Matthew, Amélie, ma maman et ...
... Et puis je me redresse brusquement dans le noir, avec l'impression de suffoquer. J'ai la bouche grande ouverte, inhalant bruyamment à la recherche d'oxygène, comme si je sortais tout juste la tête de l'eau après une longue apnée.
- Q- Quoi ? ... Qu'est-ce qui se passe ???
Une voix jaillit à côté de moi dans l'obscurité, apeurée bien qu'encore à moitié endormie. Encore sous le choc, je tâche de reprendre mon souffle, avalant avec peine de grandes goulées d'air, tandis que mon cœur affolé se calme peu à peu. Le passage de l'air dans mes poumons me brûle. Instinctivement je resserre mes doigts, agrippant au passage des ... draps ? ... Une lumière s'allume à ma droite.
- Ma chérie ... Qu'est-ce qui t'arrive ? Un cauchemar ?
Cette voix. Je la connais bien. Je tourne la tête ... Cédric bien sûr. Il est torse nu, allongé sur le lit à mes côtés, et se redressant sur son coude, il m'observe d'un air inquiet.
- Heu ... Non, je ... Enfin si. Mais ça va, maintenant ...
J'arrive enfin à reprendre le contrôle de ma respiration, encore un peu étourdie, et la douleur dans mes poumons se calme. Mes yeux s'acclimatant peu à peu à la pénombre de la pièce qui nous entoure, je la parcours du regard, tout en recouvrant mes esprits. Une chambre. Notre chambre, à Cédric et moi ... Les souvenirs rejaillissent comme des flashs dans ma tête au fur et à mesure que je reconnais le mobilier, les cadres au mur, tous les petits objets du quotidien ... Et le lit ... Celui dans lequel nous nous trouvons en ce moment même, tous les deux.
'Ca y est, je l'ai fait, mon Dieu ... J'y suis arrivée ... Je suis revenue en 2014 ... Je n'en crois pas mes yeux !!! '
- Anna ?
- Heu ... Oui ?
Je regarde à nouveau celui qui est redevenu mon compagnon, tâchant de paraître normale.
- Tu es sûre que ça va ? Tu es toute pâle, on dirait que tu viens de voir un fantôme ...
- Oui ... Ca va, ne t'inquiètes pas. C'est juste ce mauvais rêve qui m'a un peu déstabilisée.
J'essaie de montrer un visage serein pour le rassurer, mais je sens que je bouillonne à l'intérieur, je suis complètement surexcitée. Amélie avait donc bien raison, ce journal permet de remonter le temps ... Mais au fait, où est-il ce foutu livre d'ailleurs ? Un peu inquiète, je tâtonne près de moi sous les draps, et finis par le retrouver. Rassurée, je le serre dans ma main en l'enfonçant un peu plus sous les draps. Je distingue du coin de l'oeil Cédric, qui s'étire à mes côtés en poussant un bâillement sonore.
- Alors ? Me demande-t-il ensuite. Racontes, c'était quoi ce vilain rêve ?
- Oh ! Heu, je ne m'en souviens même plus, à vrai dire. Il me reste juste un souvenir tenace de ... chute libre effrayante.
- Ah ça ! Ce sont des rêves fréquents, je crois. Une collègue m'en a déjà parlé au travail.
- Ah oui ?
- Oui. Et elle m'avait dit avoir lu que rêver d'une chute dans le vide révélait qu'on s'est trompé de voie et qu'on doit revoir ses plans ...
Je ne répond pas et esquisse un sourire sarcastique en remontant les draps sur moi. 'Si tu veux parler de notre couple mon cher Cédric, je crois que tu n'as pas tout à fait tort ...'
- Alors, à propos de quoi t'es tu trompée, Anna ? Reprend-il d'un air narquois, tout en se rapprochant doucement de moi.
- A propos de rien. Je ne crois pas que ce cauchemar revête une quelconque signification, à vrai dire.
- Mmmh ... Tu es sûre ? susurre-t-il sur un ton taquin tandis qu'un sourire enjôleur se dessine sur ses lèvres. Ou alors, peut-être est-ce quelque chose que tu me caches ? Quelque chose à te faire pardonner ?
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Je ne cache -
Je m'interrompt, interdite. Je viens de sentir la main de Cédric se poser sur ma cuisse et remonter lascivement vers mon entrejambe. Mon corps se tend subitement sous ses doigts et je sens un profond dégoût m'envahir.
'Oh non pitié ... Surtout pas ça ... '
Révulsée, je me dégage brusquement des draps et bondis sur mes pieds. Cédric n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que j'atteins déjà la porte de la salle de bain attenante à notre chambre ...
- Eh !! Anna, qu'est-ce que tu fais ?
- Je ... Je vais me préparer, Je répond en m'engouffrant dans la petite pièce.
- Mais ... Il n'est même pas six heures du matin encore !
- J'ai une audition très tôt aujourd'hui ...
Je verrouille précipitamment la porte derrière moi et m'appuie contre le carrelage du mur en lâchant un grand soupir. Contrairement à ce que je viens de dire à Cédric, je ne pense pas avoir quoi que ce soit de programmé ce jour là, mais n'importe quel mensonge est bon pour lui échapper. Car pour rien au monde je ne pourrais accepter d'avoir un rapport physique avec celui que je considère maintenant comme mon futur - ex - petit ami.
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