Quelque part en France, un soir d'été

C'est lui. La silhouette familière, les gestes, les mimiques ... Et l'exaltation qui émane de lui. A sa vue, mon cœur se serre. Oui, c'est bien lui. Et à la fois ce n'est pas lui. Il est si jeune et surexcité sur cette scène, les cheveux teints en bleu, plus mince encore. On dirait presque un gosse. Même si je m'attendais à un tel choc, je suis bouleversée. 

Et subitement tout le ridicule de la situation me saute aux yeux. Je me sens tellement dépassée, vieillie  ... Comment ai-je pu croire une seconde tout arranger en atterrissant ici comme ça ? Qu'est-ce que je croyais en prenant cette ultime décision ? Que la vie allait enfin me sourire ? C'est absurde. Si je n'ai pas réussi à me faire aimer de lui jusque-là, ce n'est pas ici, et surtout pas maintenant que ça allait changer. Face à ce constat amer, je sens mes dernières espérances s'évanouir.

L'atmosphère autour de moi est folle, le public du festival est enflammé ; la foule ne forme plus qu'une masse compacte qui ondule au rythme de la musique. Les envolées de guitare, la ligne de basse envoutante, la cadence soutenue de la batterie, et les fans qui scandent les paroles de leur chanson préférée à l'unisson comme si leur vie en dépendait, si bien qu'ils couvrent presque sa voix ... 

Ils sont en transe, perdus dans la musique, et cette effervescence commence à me gagner aussi. Je reprends peu à peu vie, nourrie par le feu de la foule extatique. Je lève les bras à mon tour et commence à chanter avec ardeur. Voir cette jeunesse hurler de toutes ses forces le refrain, comme pour exorciser ses doutes, ses colères, m'émeut et me revigore. C'est comme s'ils puisaient toute leur énergie dans la musique, en communion avec le groupe sur scène. L'espoir d'un avenir meilleur. La sensation que leur vie a un sens. Tout comme moi en fait. Si j'ai entrepris ce dernier voyage, si j'ai pris tous ces risques, c'est parce que je devais me libérer de ma morne réalité et me sentir vivre à nouveau.

En réalisant cela, je sens l'espoir monter en moi. Pourquoi pas après tout ? Il faut continuer d'y croire, tant que la vie s'écoule dans mes veines, je veux y croire ... Enhardie par ces émotions, je pose à nouveau mon regard sur lui. Il est magnifique et rayonne sur scène, chantant et jouant avec toute la force de son âme. Il est juvénile et excentrique en comparaison de l'homme que j'ai appris à connaître, et c'est assez déstabilisant. Mais je sens qu'il y a en lui la même tendresse, la même sensibilité, la même passion que j'affectionne tant. Je me sens tomber amoureuse de cet homme à quelques mètres de moi, tout comme je suis tombée amoureuse de l'homme que j'ai rencontré à Londres ce jour de janvier.

Je l'aime oui ... 

De tout de mon cœur, je t'aime. 

Le temps ne change rien. Aujourd'hui, comme hier, comme demain, Matthew ... Je t'aime infiniment.