LXVII-TRAHISON
Il est un peu plus de dix-sept heures lorsque je franchis le hall d'entrée de l'hôtel pour rejoindre Matthew. Je réajuste la bretelle de mon sac de voyage sur mon épaule et me dirige avec empressement vers les ascenseurs. Nous ne sommes séparés que depuis une poignée d'heures mais j'ai déjà hâte de le retrouver.
Un peu plus tôt, j'ai quitté Amélie en lui confiant ma fille que nous sommes allées chercher ensemble après la classe. Alice était ravie d'apprendre qu'elle allait passer plusieurs jours chez sa "tata", avec qui elle s'entend merveilleusement bien depuis toute petite.
Bien évidemment comme il m'a prié de le faire, je n'ai pas pu refuser à Matthew de l'accompagner au plus tôt en Italie par le premier vol du lendemain. Il a prévenu Dom et Chris du report de son vol et qu'il les rejoindrait en ma compagnie le jour suivant.
En revanche, la difficulté était de trouver une excuse pour maintenir Matt loin de chez moi -et avant tout de Cédric- jusqu'à ce que l'on embarque au petit matin ... Et la présence d'Amélie m'a été d'une aide précieuse à ce sujet. J'ai d'abord prétexté un rendez-vous chez mon agent durant l'après-midi pour des auditions à venir ... Puis devinant au travers de mes hésitations que je cherchais un moyen d'éloigner Matthew de l'appartement, Amélie est venue à mon secours en inventant une querelle avec son petit-ami et m'avouant être venue me demander si elle pouvait investir mon logement pour une nuit ou deux. J'ai sauté sur l'occasion et ai convaincu le chanteur de retourner à son hôtel pour réserver sa chambre une nuit supplémentaire, en promettant de l'y rejoindre dès cette fin d'après -midi. La perspective d'une soirée et d'une nuit entière en amoureux et sans personne pour nous déranger a achevé de le décider.
La partie la plus délicate du plan restait à convaincre Cédric lui-même de mon voyage précipité. Après le départ de Matthew, je l'ai appelé au tribunal et j'ai bien entendu utilisé les aléas de mon métier en prétextant un engagement professionnel de dernière minute. En effet, il n'est pas rare qu'un de mes employeurs me contacte en catastrophe pour me proposer un contrat temporaire en remplacement d'un artiste qui se serait blessé ou défaussé au dernier moment sur un spectacle. Et c'est tout naturellement l'excuse dont je me suis servie pour l'avertir de mon départ cet après midi pour l'Italie, et ce pour plusieurs jours. Je me suis empressée de rassurer mon compagnon en suggérant de confier la garde d'Alice à Amélie durant mon absence, car je sais qu'il a une sainte horreur d'avoir à s'en occuper seul le soir. Après lui avoir ôté cette épine du pied, j'ai constaté avec soulagement qu'il n'a émis aucune objection à ce départ précipité. Je m'étais mentalement préparée à devoir argumenter afin de le persuader mais tout s'est passé encore plus facilement que je ne l'imaginais ...
*****
Dix-sept heures trente. Je sors de l'ascenseur en coup de vent et fouille fébrilement dans ma poche à la recherche de mon trousseau de clefs. Une migraine commence à poindre au fond de mon crâne et je sens une douleur diffuse battre à mes tempes tandis que je tourne la clef dans la serrure. Génial ... La soirée promet d'être particulièrement désagréable.
Je pénètre dans l'appartement et jette un coup d'œil autour de moi. Les lieux semblent déserts, Anna a déjà dû partir. En revenant si tôt du tribunal cet après midi, je pensais peut-être la trouver encore ici, mais elle n'a pas traîné après m'avoir passé son coup de fil visiblement. D'un geste distrait, je laisse tomber ma sacoche sur le pas de la porte et me rend en hâte dans notre chambre à coucher, que j'ouvre d'un coup sec en faisant cogner la porte contre le mur. La pièce est vide. Mais je m'y attendais un peu ... Je fais quelques pas dans la chambre et inspecte du regard l'environnement familier. Comme toujours, le lit est fait et le couvre-lit est lissé impeccablement. J'examine la salle de bain attenante. Tout semble à sa place. Tout ... ou presque. Il y a tout de même un petit détail qui me chiffonne alors que je fixe le lavabo en face de moi.
Les sourcils froncés, je retourne vers le séjour et scrute minutieusement la pièce du regard. A première vue rien d'anormal, tout paraît agencé comme à l'accoutumée. Sauf peut-être là sur la petite table ... Et puis sur la cheminée aussi, maintenant que j'y pense ... En répérant quelques menues modifications, mes doutes se confirment peu à peu. Ce serait vraiment une drôle de coïncidence si ces changements subits ne voulaient rien dire. Une colère sourde me gagne et je me rend à la cuisine en serrant les poings. Je m'arrête au centre de la pièce et les mains sur les hanches, je la parcours d'un regard circulaire, cherchant un détail plus tangible, une trace irréfutable afin d'être tout à fait sûr. Et puis il me vient une idée. Je me souviens que lorsque je l'ai embrassé avant de partir ce matin-même, Anna était en train de vider le lave-vaisselle et ranger les ustensiles dans les placards. Je me précipite vers l'appareil et me penche pour l'ouvrir.
Et là j'ai ma réponse. A l'intérieur se trouvent deux assiettes. Deux verres. Deux ensembles de couverts. En un instant, tout s'assombrit autour de moi. Même si cette découverte ne fait que confirmer des soupçons que je nourrissais déjà depuis quelques jours, elle me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. A genou devant le compartiment ouvert, les secondes s'égrènent et je garde les yeux fixés sur les deux assiettes qui semblent me narguer à présent ... Je sens peu à peu une rage profonde enfler dans mon crâne. La douleur à mes tempes s'accentue et je ferme les yeux.
'Anna. A quoi est-ce que tu joues ...'
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro