CXXVII-ALTER EGO
Mon cœur se serre. Voir mon meilleur ami, mon alter ego afficher ainsi son affliction est si inattendu que c'est un véritable crève-cœur pour moi. Matthew n'est pas du genre démonstratif d'ordinaire et bien que je le sache d'une sensibilité extrême, il n'en fait jamais étalage et il a pris pour habitude de la dissimuler sous un voile d'effronterie et d'excentricité, comme un défaut honteux. Si bien que ce soir, le spectacle inaccoutumé de son chagrin m'émeut énormément. Je veux l'aider, je le dois. Il faut que je dédramatise la situation pour le soulager de ce poids. Et pourquoi pas avec une petite dose d'humour ...
- Ca va finir par s'arranger, t'en fais pas vieux ... Fais-je en posant une main sur son épaule. Mais bon, il faudrait que tu finisses par m'écouter un jour ... Je t'ai pourtant dit et redit que ça ne se fait pas pour une jeune fille, de voir le loup dans les toilettes des dames ... Il fallait le laisser au chaud dans sa tanière, Matt !
En dépit de son état de tension, mon comparse ne peut réprimer un sourire. Je poursuis, l'air de rien.
- Blague à part, en ce qui concerne ton autre "souci", je crois que je l'ai réglé. Matthew tourne les yeux vers moi, perplexe tout à coup. Affichant mon expression la plus tragique, j'enchéris. Oui, j'ai dû user de mes talents auprès d'elle après la prise des champignons, mais je peux t'assurer que tu seras tranquille pour le reste de la nuit désormais. Simone a d'autres pensées en tête que de tourner autour de "toi" ...
Mon ami me considère les sourcils levés, incrédule.
- Non ... Vraiment Dom ?! Pourtant il me semblait que c'était plutôt son amie la jolie Fanny qui faisait l'objet de ta convoitise ...
- Mouais c'est pas faux ... Je murmure d'un air chagriné. Puis décochant un sourire en coin, j'ajoute. Mais quand il s'agit de venir en aide à mon meilleur pote, tu me connais ! Je serais même prêt à faire don de mon corps ...
Mon commentaire achève de dérider Matthew qui pouffe de rire à présent. Je ris de bon cœur avec lui, heureux de le voir enfin se détendre. Puis je laisse le silence s'installer entre nous, plongé dans mes pensées. Au bout d'un moment, je reprends en secouant la tête d'un air dubitatif.
- Es-tu bien sûr que c'est l'existence d'un autre homme qui est la cause de telles angoisses et qu'il n'y a pas quelque chose de plus grave ? J'ai du mal à croire qu'Anna puisse être subjuguée par ta présence, puis une heure plus tard en être terrorisée. J'ai pu voir qu'elle était très réceptive à tes douces attentions au début de votre trip, et que votre complicité avait franchi un cap pour devenir un peu plus ... comment dire ... charnelle que platonique. Elle passe d'un état émotionnel extrême à l'autre, et la théorie du petit copain secret est un peu mince pour expliquer un tel comportement ...
- Oui, tu as peut-être raison ...
- Bien sûr que j'ai raison ! Fais-je d'un ton faussement outré. N'oublies pas que Dom a toujours raison ! D'ailleurs en parlant de ça, Matt ... Tu me dois une reconnaissance éternelle mon vieux. Car "qui" faisait la moue tout à l'heure quand je lui ai mis sous le nez ma petite pochette magique ?
Matt se renfrogne et pousse un soupir exaspéré. Ignorant son mouvement d'humeur, j'insiste d'un air triomphant :
- Et pourtant, "qui" a trouvé la solution pour que tu puisses enfin "pécho" la fille de tes rêves ??? Je te le donne en mille : tonton Domi et ses truffes magiques !
- Roh cesse de te vanter Dom, t'es vraiment con ... Et d'ailleurs pour l'instant, je n'ai rien "pécho" du tout, comme tu dis ...
- Patience, patience Matt. Tu vas voir, ta belle va te supplier de l'emmener dans ton lit dès qu'elle va se réveiller ... Fais-je avec un petit sourire.
- Dom ... Où es-tu ... Demande une voix faiblement, dans mon dos.
Je pivote sur mes pieds et lance un regard vers le reste de la bande. Fanny vient de rejeter ses couvertures sur ses genoux et gigote en tâtonnant d'une main les coussins dans lesquels je me trouvais cinq minutes plus tôt. Je retourne vers la jeune fille et réajuste sa couverture. Puis je m'installe auprès d'elle et lui chuchote quelques mots à l'oreille, quand je suis interrompu par un toussotement derrière moi.
- Hem ... Dom ! Fait Matt d'un air gêné. Tu ne te souviens pas du numéro de ma chambre, par hasard ?
Je me retourne vers lui, surpris d'une telle demande. Il est toujours penché sur Anna et me tourne le dos.
- Comment ... Tu ne sais plus où est ta chambre ? Dis-moi, tu as pris une double-dose de champignons ou quoi ? Elle se trouve à deux portes sur la droite en sortant de celle-ci, juste à côté de la mienne ...
- Ah oui, c'est vrai tu as raison ... Marmonne-t-il dans sa barbe.
Perplexe, je garde les yeux fixés sur lui tandis qu'il se relève, soulevant la jeune femme avec lui. Puis sans un mot, il s'éloigne avec elle en direction de la porte d'entrée du salon.
- Hé Matt ... Mais où vas-tu ? Je l'interpelle, de plus en plus intrigué par son comportement.
La silhouette de mon ami s'immobilise à quelques pas de la porte, sans se retourner toutefois. La jeune femme blottie dans ses bras pousse un petit gémissement endormi et il incline légèrement la tête vers elle en réaction.
- J- J'emmène cette fille dans ma chambre, Déclare-t-il d'une voix sourde, sans bouger d'un pouce. Elle a besoin de se reposer.
- Mouais, se reposer mon œil ! Fais-je d'un ton narquois. Puis un peu désarçonné par le comportement étrange du chanteur, j'ajoute. Matt, tu crois que c'est judicieux de t'isoler avec elle alors que tu dis toi-même que tes attentions sont peut-être à l'origine de ses angoisses ? ...
Matthew ne pipe mot, toujours parfaitement immobile et la tête baissée. Il semble perdu dans ses pensées.
- Mais bon ... Je romps le silence, ne le voyant pas réagir. C'est toi qui voit, c'est ta copine après tout. Enfin si tu comptes lui sortir le grand jeu, attends qu'elle se soit complètement réveillée avant, quand même ... J'ai toujours raison mais bon, on ne sait jamais ...
Pour toute réponse, le chanteur laisse échapper un petit rire nerveux, puis il se remet en route vers la sortie en emportant Anna avec lui. Il claque la porte derrière lui sans même m'accorder un regard.
Je reste immobile un moment sans comprendre, les yeux fixés sur la porte. Mais quelle mouche l'a piqué tout à coup ? J'ai dit quelque chose qui l'a vexé ou quoi ? Il y a tout juste cinq minutes, il semblait enclin à la confidence avec moi ... Et voilà qu'il me laisse en plan sans crier gare et sans aucune explication. Quel revirement étrange de sa part ...
Un sourire léger sur les lèvres, je hausse les épaules, fataliste. J'ai beau penser le connaître par cœur, le bougre finit toujours par me surprendre ...
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