Cette soudaine prise de conscience n’allait cependant pas signifier que Félix était prêt à bondir dans les bras de l’alpha. Il se contenta de l’observer s’approcher, toujours en essayant désespérément de calmer son cœur qui battait encore comme un cheval au galop. Changbin, comme Chaeyoung, avait bien capté que son odeur de fraise des bois était en train de faire n'importe quoi. Elle était devenue sucrée, pétillante, signe qu’il était soudain tout émoustillé de voir le dominant.

— Tout va bien ici ? s’étonna ce dernier en posant la main sur l’épaule de sa petite amie.

Celle-ci sourit de manière innocente.

— Oui, nous étions simplement en train de discuter, et toi cette ronde ?

— Rien à signaler pour le moment, et j’espère que ça va rester comme ça.

— Tu as croisé Jeongin ? intervint Félix.

Il s’était forcé à s’intégrer dans la conversation plutôt que de fuir. Peut-être que le fait de se concentrer sur autre chose allait l’aider à se détendre. Les deux autres furent particulièrement surpris par son intervention mais ne firent pas de commentaire.

— Oui, on a réussi à couvrir pas mal de kilomètres tous ensemble, j’espère que ça restera aussi tranquille encore longtemps.

— C’est plutôt rassurant, sourit Chaeyoung.

Félix les observa tous les deux tour à tour. Intérieurement, il enviait cette complicité et cette tendresse que partageaient le couple. Peut-être qu’un jour, lui aussi serait capable de s’attacher à quelqu’un et de nouer des liens aussi particuliers.

Seungmin débarqua comme une tornade dans la pièce. Lorsque ses yeux se posèrent sur Félix, il se précipita vers lui, lui attrapa la main et le tira à part des autres.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Il s’est passé quelque chose ?

— Oui ! Enfin non pas tant que ça mais… Oh, je vous ai dérangés peut-être ? 

— Non, on avait terminé, mais qu’est-ce que tu as Minnie ?

— J’ai entendu Wonpil parler avec Chan à propos du téléphone et tu sais quoi ?

Félix leva les yeux au ciel.

— Justement non…

— C’est le vingt décembre aujourd’hui ! s’exclama Seungmin.

— Et alors ?

— Et alors ?! Mais ça veut dire que dans quatre jours c’est Noël !

Face à l’air totalement perdu de Félix, son ami se calma enfin.

— Tu n’as jamais fêté Noël avant ?

— Non ? On ne faisait pas ça à la réserve.

Seungmin hocha doucement la tête, il était vrai qu’on ne leur laissait pas faire grand-chose lorsqu’ils étaient à la réserve, mais il se souvenait bien avoir célébré la fête de Noël dans sa meute d’origine même s’il n’en gardait pas un très bon souvenir.

— On offre des cadeaux aux personnes qui nous sont chères.

— Oh, c’est une belle idée, lui répondit Félix soudain pensif. Tu vas offrir quelque chose à Wonpil ?

— J’aimerais bien ! Mais ça ne laisse pas beaucoup de temps ! J’aurais voulu lui tricoter un pull ou quelque chose de ce genre, mais en quatre jours, c’est vraiment limite !

Devant l’air véritablement angoissé de son ami, Félix se sentit compatissant. Il lui tapota affectueusement l’épaule et força un sourire qui se voulait rassurant.

— Ne t’en fais pas, je suis certain que peu importe ce que tu lui feras, ça lui fera plaisir.

— Merci Lix, c’est gentil. Et toi, tu n’as pas envie de faire quelque chose pour quelqu’un ?

L’autre oméga n’apprécia que moyennement cette question. Il relâcha son ami et fronça les sourcils.

— Tu peux être plus précis ?

— Je ne sais pas, fit innocemment Seungmin en haussant les épaules, il y a peut-être quelqu’un à qui tu tiens et à qui tu aimerais faire plaisir.

— Ça ne te regarde pas ! pesta Félix avant de s’éloigner à grandes enjambées.

Il planta son interlocuteur et se dirigea machinalement vers la cour. Wonpil lui avait toujours dit qu’il pouvait utiliser la petite dépendance s’il en ressentait le besoin et c’est là qu’il décida de se rendre. Il avait grandement besoin de souffler un peu, d’être seul, seul avec lui-même pour remettre ses idées en ordre.

Un nuage se créa lorsqu’il expira dans la pièce froide. Il préféra s'emmitoufler dans les couvertures plutôt que de perdre du temps à allumer un feu, ça n’était pas comme s’il avait prévu de rester là pendant des heures. Il ferma les yeux et soupira de nouveau, il se passait beaucoup trop de choses ces derniers temps pour qu’il arrive à s’y retrouver. Il sentait toujours son loup s’agiter au plus profond de lui mais il avait toujours du mal à comprendre ce qu’il voulait exactement. Il avait bien compris qu’il éprouvait de l’attirance pour Changbin, mais était-il réellement prêt à tenter quoi que ce soit avec l’alpha ? Même le moindre minuscule rapprochement lui paraissait être une étape infranchissable. 

Maintenant qu’il y réfléchissait, Félix réalisait que cela faisait de longues semaines qu’il ne s’était pas transformé. En même temps, les conditions faisaient qu’il valait mieux éviter d’aller se promener dans la forêt, pourtant il sentait qu’il avait besoin de se reconnecter à la nature, à sa nature. Il pouvait toujours se contenter de faire un tour dans la cour, ça serait toujours ça. Et puis Chan et Jeongin ne devaient pas être bien loin de la maison, alors en cas de problème, ils ne seraient pas longs à rentrer.

Félix resta quelques instants à profiter du calme et de la fraîcheur de la pièce avant de finalement se décider à sortir. Il se débarassa de ses vêtements et une fois métamorphosé, il bondit dans la neige immaculée. Les poils roux de son loup s’ébouriffèrent le temps de se faire au changement de température, et une fois qu’il s’y fut habitué, il commença à faire le tour de la cour et à analyser toutes les odeurs qui pouvaient s’y trouver. 

— Tiens, fit Chayeoung depuis l’intérieur, Félix est en loup dans la neige.

Aussitôt, Changbin s’approcha de la fenêtre pour vérifier cette information. Ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’il observait avec stupeur le loup de l’oméga se promener avec plaisir à l’extérieur. 

— Tu devrais aller le voir.

L’alpha se figea avant d’oser regarder la jeune femme.

— Je ne sais pas si c’est une si bonne idée que ça. Je ne voudrais pas qu’il prenne peur et qu’il prenne la fuite. Ce n’est pas le moment pour un oméga d’errer dans la forêt.

— Je ne pense pas qu’il prendra peur, bien au contraire.

Cette fois Changbin se tourna franchement vers Chaeyoung pour lui faire parfaitement face.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Celle-ci haussa les épaules d’un air innocent.

— Simplement que je pense que ça ne pourra qu’être bénéfique pour vous deux. De toute façon qu’est-ce que tu perds à essayer ? Si tu vois qu’il prend peur tu n’auras qu’à rentrer, c’est tout.

Cette idée ne manqua pas de plaire à Changbin. Il hésita cependant pendant quelques minutes avant de finalement se décider. Mais avant de passer la porte, il se tourna vers Chaeyoung.

— Pourquoi est-ce que j’ai l’étrange impression que tu essayes de nous pousser dans les bras l’un de l’autre ?

— Quoi ? Non pas du tout ! Je veux seulement…

Changbin prit appui contre le mur et croisa les bras sur son torse imposant, il fixait désormais sa petite amie d’un air amusé tandis que cette dernière avait baissé les yeux.

— Que quoi ?

— C’est la première fois que je vois Félix éprouver un petit quelque chose pour quelqu’un, c’est tellement un grand pas en avant pour lui. J’aimerais voir où ça peut le mener.

L’alpha se redressa et la toisa quelques instants, jusqu’à ce qu’elle ose enfin croiser son regard.

— Tu me partagerais ? demanda-t-il d’une voix grave.

— Tant que tu ne me délaisses pas, je suppose que je pourrais oui, répondit-elle timidement. 

Une seconde plus tard et elle se retrouvait dans les bras de Changbin, ses lèvres sur les siennes.

— Ce serait vraiment très généreux de ta part…

— Allez file, lança-t-elle après lui avoir donné une petite tape sur les pectoraux, et s’il prend peur tu le laisses tranquille !

Amusé par cette attitude faussement revêche, l’alpha sourit et l’embrassa une dernière fois avant de se dévêtir et de filer à l’extérieur une fois sous forme lupine. Le gros loup noir atterit souplement dans la neige et colla aussitôt son museau au sol pour flairer toutes les odeurs qui se trouvaient dans les parages. Il capta rapidement celle de Félix et suivit son trajet jusqu’à l’arrière de la maison. Il trouva le loup roux occupé à se rouler dans la poudreuse. Afin de ne pas l’effrayer, Changbin s’arrêta à une distance raisonnable et se contenta de le regarder faire. Il éprouvait toujours une certaine émotion à voir Félix aussi détendu, contrairement à lorsqu’il avait à interagir avec les autres. Il s’assit, s’assurant ainsi que si l’oméga finissait par remarquer sa présence il ne prendrait pas peur en lui trouvant une attitude menaçante.

Une fois qu’il eut fini de se rouler, Félix se redressa et s’ébroua vivement afin de débarrasser ses poils touffus du reste de neige. Ce fut lorsqu’il leva le nez qu’il remarqua le parfum de Changbin. Il se figea quelques secondes avant de tourner la tête dans la direction de l’alpha. 

Leurs yeux se rencontrèrent mais aucun des deux n’osa bouger. Le loup aux poils roux prenait de profondes inspirations, à la fois pour se calmer mais également pour mieux percevoir l’odeur de bois de santal du dominant. Il savait qu’il n’était pas en danger. Changbin se tenait à une distance respectueuse, il attendait patiemment le feu vert de Félix pour faire le moindre mouvement. Il espérait, du plus profond de son être, que l’oméga oserait enfin faire un premier pas vers lui, comme il l’avait fait pour soigner ses blessures quelques semaines auparavant. Le souvenir de ses mains délicates sur son dos nu était encore vif, rien qu’en y repensant, il frissonna des oreilles au bout des pattes. Il aurait donné cher pour avoir de nouveau droit à un geste de tendresse de sa part, mais tout ce que Félix semblait prêt à accepter pour l’instant était de la patience et de la tolérance. Et si c’était ce qui pouvait leur permettre d’aller plus loin, alors Changbin se montrerait docile. 

A sa grande surprise, Félix fit un pas dans sa direction. Il s’arrêta et l’observa longuement comme pour essayer de jauger s’il avait quelque chose à craindre de l’alpha. Ce dernier faisait de son mieux pour se faire le moins intimidant possible. 

L’oméga avait encore du mal à accepter ses sentiments, peut-être qu’en le faisant il risquait de souffrir comme il avait souffert par le passé, comme d’autres alphas l’avaient fait souffrir. Pourtant, depuis son arrivée à la meute, il avait bien pu voir que Changbin ne lui voulait rien de mal et qu’au contraire, il faisait son maximum pour l’aider et le faire se sentir à l’aise. 

Félix prit une nouvelle inspiration, cette odeur à la fois douce et réconfortante s’insinua dans son museau et il frissonna. Lentement, comme guidé par une force extérieure, il s’approcha de l’alpha jusqu’à se trouver à moins d’un mètre de lui. S’ils tendaient chacun le cou, leurs nez pourraient se toucher. Le cœur de l’alpha battait comme s’il venait de traverser l’intégralité de la forêt à toute allure, ses yeux pétillaient, impatients. Il était déjà rassuré de sentir que Félix n’avait, pour une fois, pas l’air apeuré par sa présence.  

Le loup roux se décida finalement après de longues minutes d’immobilité, il fit quelques pas de plus, discrets, en restant sur ses gardes. Et enfin, son museau vint renifler celui de son vis-à-vis. Il s'imprégna de son parfum, tandis que le sien se faisait plus doux, bien différent de l’odeur âcre qu’il avait pu avoir par le passé en sa présence. Changbin quant à lui, se faisait violence pour ne pas bouger, il n’osait même pas cligner des yeux, il avait trop peur de mettre prématurément un terme à ce moment qu’il aurait pu qualifier de magique.

Félix continuait à le sentir, il avait commencé par la tête, puis avait migré vers le cou, puis son dos avant de s’arrêter là, c’était déjà bien suffisant. Il retourna ensuite se poster en face de Changbin et, d’un léger couinement à peine perceptible, il l’invita à faire de même. L’alpha hésita, surpris comme si l’oméga s’était transformé en lapin devant ses yeux, avant d’oser l’imiter, doucement. Il ne voulait pas lui faire peur, il renifla les mêmes zones que lui mais en évitant à son nez d’entrer véritablement en contact avec les poils de Félix. Pour ne pas abuser, il s’arrêta au milieu de son dos, c’était déjà bien assez même s’il mourait d’envie de parcourir chaque parcelle de son corps avec la plus grande attention.

Les yeux se rencontrèrent à nouveau et cette fois, Félix agita légérement la queue, signe qu’il avait aprpécié cet échange. Timidement, il tourna le dos à l’alpha et retourna au niveau de la dépendance dans laquelle il entra pour reprendre forme humaine et récupérer ses vêtements. Changbin l’avait uniquement suivi jusqu’au coin de la bâtisse pour garder un oeil sur lui et, lorsqu’il le vit sortir sur ses deux jambes, il secoua la queue. Félix l’observa de loin et esquissa un sourire.

— Merci, dit-il d’une petite voix avant de filer vers la maison.

Il manqua de bousculer Chaeyoung en entrant dans le couloir et fila vers sa chambre. Là, il se laissa tomber sur le matelas et s’enroula dans les couvertures. Il venait de vivre un moment intense et avait besoin d’un peu de temps pour s’en remettre. Son regard balaya la pièce, lorsqu’il remarqua un objet coincé sous une pile de vêtements et couvertures. Piqué par la curiosité, il s’approcha et tira dessus pour le décoincé de sous les autres affaires. 

C’était la bouillotte en forme d’hippopotame que Changbin lui avait offerte plusieurs mois auparavant. A l’époque, Félix n’avait pas su comment prendre ce cadeau et l’avait simplement délaissé dans un coin de la chambre. Désormais, ça lui faisait un petit quelque chose au coeur. Il repensa à la conversation qu’il avait eu avec Seungmin à propos d’offrir un cadeau à quelqu’un qui lui était cher pour Noël. 

Félix fouilla dans ses affaires et chercha de quoi faire une création en crochet. Une fois tout le matériel dont il avait besoin, il s’installa sur le lit et se mit au travail, la bouillotte précieusement posée sur ses jambes.

***

Je profite de ce chapitre pour vous souhaiter une bonne et heureuse année ! Qu’elle vous soit douce.

Pour accompagner ce chapitre, voici un petit fanart réalisé par CoeurFilant

Merci beaucoup à toi 🥹💙