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Chapitre 77

Piqués par la curiosité, les omégas essayaient d’apercevoir le nouvel arrivant. Chan amena une chaise et Jeongin indiqua à Beomgyu de s’asseoir dessus. Ce dernier était toujours emmitouflé dans une couverture mais malgré cela, il grelottait. La température dans la réserve n’était pas aussi élevée que dans la maison et il allait lui falloir un peu de temps pour s’y acclimater.

— Je vous présente Beomgyu, annonça Jeongin.

Les autres l’observèrent, pour la plupart un sourcil arqué. Il n’avait absolument rien d’un alpha menaçant, bien au contraire. Il ressemblait à un petit animal perdu ou à un lapin pris dans les phares d’une voiture en pleine route de campagne. Les autres avaient même du mal à croire qu’il avait réussi à blesser Jeongin, c’était surtout lui qui avait l’air en mauvais état.

— Merci de me laisser une chance, marmonna Beomgyu sans vraiment oser croiser le regard de qui que ce soit.

— Tu comprends que tout le monde soit un peu à cran, lui dit calmement Chan.

— Oui, si la situation était inversée je serais dans le même état que vous.

— Il n’a pas l’air bien menaçant, chuchota Chaeyoung à l’oreille de Changbin.

— Hum, je suis certain que même un oméga pourrait facilement se défendre contre lui dans cet état.

Félix, qui se tenait non loin, ne put qu’être d’accord. Bien qu’il était loin de faire facilement confiance à un alpha, il devait avouer que celui-là n’avait rien d’intimidant. Même son parfum criait la soumission et la peur, la menace ne venait clairement pas de lui.

— Nous sommes plus ou moins tombés d’accord, dit calmement Chan. Si Jeongin s’engage à te surveiller, alors nous serions prêts à t’accueillir ici. Nous avons bien compris qu’il allait être difficile pour toi de rentrer chez toi ou même de rester seul dans la nature, alors même si c’est encore tôt pour prendre une décision définitive, en attendant, tu peux rester ici. Il faudra néanmoins que tu te plies à nos règles.

Cette fois Beomgyu osa lever les yeux, ils se remplirent aussitôt de larmes et il secoua frénétiquement la tête.

— Je ne sais pas comment vous remercier ! Depuis la mort de ma sœur je…

Il s’arrêta au milieu de sa phrase et se contenta de conclure.

— Merci à vous tous.

Les autres échangèrent des regards, en effet cet alpha n’avait rien de menaçant… Ils se contentèrent donc de tous repartir vaquer à leurs occupations après quelques minutes, rien ne servait de rester là pendant des heures à tergiverser. Seul Hyunjin resta non loin, Eunseo dans les bras à observer le nouvel arrivant. Il se demandait quoi faire, il était quand même l’oncle de la petite louve et la moindre des choses étaient peut-être de lui montrer qu’elle allait bien. Il hésita, puis s’avançant doucement.

Chan était en train de donner quelques directives à Jeongin à propos de Beomgyu.

— Je veux qu’il dorme dans ta chambre, et interdiction pour lui de se promener dans le reste de la maison seul sans ta surveillance, c’est bien compris ?

— C’est ce qui était convenu, non ? répondit le cadet avant d’inviter Beomgyu à se lever. Le mieux serait de commencer par prendre une douche, ensuite on ira dans ma chambre pour que Irene vienne s’occuper de nos blessures.

— Bien, je te fais confiance Jeongin.

Ce dernier hocha la tête et s’apprêta à emmener Beomgyu à sa suite lorsqu’il remarqua Hyunjin. Celui-ci s’approcha du nouvel arrivant et indiqua le bébé qu’il tenait dans les bras.

— Tu voulais savoir si elle allait bien, non ?

Le visage de Beomgyu se fendit d’un sourire triste et il hocha frénétiquement la tête.

— Je peux la voir ? demanda-t-il d’une voix tremblante.

Chan se positionna aussitôt à côté de son lié pour le protéger en cas de besoin tandis que celui-ci présentait le bébé à Beomgyu qui l’observa avec grande attention.

— Elle est adorable… Elle a l’air d’aller bien ?

— Oui, on s’est même rendu dans une clinique en ville pour vérifier, on ne savait pas trop vu les circonstances dans lesquelles on l’a trouvée…

Beomgyu pinça les lèvres, en effet, sa sœur avait tout de même perdu la vie alors il était naturel de s’inquiéter pour l’état de sa fille. Hyunjin hésita avant de faire un pas de plus.

— Tu… tu veux la prendre un peu ?

Chan s’interposa aussitôt.

— Hyunjin, tu es sûr que…

— Oui, si j’étais à sa place je serais heureux qu’on me le propose.

Beomgyu se mit à pleurer de plus belle.

— Merci, ça me ferait très plaisir en effet.

Il tendit les bras et Hyunjin y déposa délicatement sa fille. Celle-ci remua en sentant un parfum différent de celui de son père avant de réagir à celui de Beomgyu, comme s’il lui rappelait des souvenirs. Elle chouina, comme rassurée par la fragrance familière puis se blottit contre l’alpha. Celui-ci la renifla à son tour.

— Elle a un peu l’odeur de Siyeon sous la tienne, dit-il d’une petite voix émue.

Il la serra dans ses bras quelques secondes avant de prendre une profonde inspiration et de la rendre à son père.

— Je suis content de voir qu’elle va bien et je te remercie de prendre aussi bien soin d’elle, elle n’aurait pas pu rêver trouver une meilleure famille. Merci pour elle.

Hyunjin se contenta de sourire en récupérant Eunseo, si un membre de sa famille estimait qu’il était digne de s’occuper d’elle, alors il se sentait étrangement beaucoup plus légitime. Il ne voyait désormais plus Beomgyu comme une menace, il avait bien remarqué qu’il n’avait pas l’intention de lui voler sa fille, il voulait juste s’assurer qu’elle était entre de bonnes mains. Il comprenait un peu mieux pourquoi Jeongin lui faisait confiance, il y avait quelque chose chez lui qui faisait qu’il inspirait la sympathie. Il donnait l’impression d’être malheureux, triste, mais pas mal intentionné pour un sou. Et si Beomgyu allait rester parmi eux, Hyunjin était heureux que sa fille puisse connaître un membre de sa famille biologique.

Jeongin attrapa doucement le bras de l’alpha et le tira vers lui.

— Viens, on va profiter que personne ne soit dans la salle de bain, ça nous fera du bien à tous les deux.

En effet, si Beomgyu était resté enfermé dans la réserve depuis sa capture, Jeongin étant resté à ses côtés, il n’avait pas pris de douche depuis plusieurs jours et il en avait grand besoin.

— Je vais vous apporter des vêtements propres, dit Chan en se dirigeant vers les chambres.

— Merci.

Ils entrèrent dans la salle de bain et Jeongin s’occupa de préparer un bain chaud. Il y ajouta quelques plantes afin d’aider à la cicatrisation de leurs blessures puis se tourna vers Beomgyu, celui-ci avait toujours les mains liées et l’alpha les lui libéra.

— Merci, soupira Beomgyu, et merci aussi pour tout ce que tu as fait pour moi.

Jeongin pouffa de rire en indiquant la plaie de son vis-à-vis.

— Tu parles de ça ?

L’autre alpha se mit à rire, c’était mal parti entre eux mais ça ne voulait pas dire qu’ils ne pouvaient pas repartir sur de bonnes bases.

— À part ça, gloussa-t-il. Je sais que… enfin c’est un peu bizarre de dire ça, mais… je me sens plus chez moi ici en quelques minutes que je l’ai été dans mon autre meute après des années.

Jeongin esquissa un sourire.

— Je comprends, parfois ça ne s’explique pas. Je n’ai jamais vraiment trop su où était ma place, mais ici je me sens plutôt bien. Même si je préfère rester dans la forêt plutôt qu’à l’intérieur.

— Mais si tu dois me surveiller tout le temps, tu vas devoir rester enfermé ?

— Ça ne durera qu’un temps, et après, quand tout le monde aura vu que tu ne représentes aucun danger, tu seras libre de sortir comme bon te semble. On pourra même faire des rondes ensemble si tu veux.

Beomgyu papillonna des yeux, ça le surprenait agréablement de voir à quel point Jeongin arrivait à se projeter avec lui alors qu’ils ne se connaissaient que depuis peu de temps et vu comment les choses avaient démarré entre eux.

— D’accord, j’ai hâte alors.

Ils échangèrent un sourire et Chan entra, il déposa une pile de vêtements sur un banc et s’éclipsa sans rien dire. Jeongin aida Beomgyu à retirer ses vêtements sans se faire mal avant de se déshabiller à son tour et ils entrèrent dans l’eau chaude. Beomgyu hissa de douleur, ses plaies étaient encore à vif et la sensation de brûlures était loin d’être agréable. Il s’immergea progressivement en laissant le temps à son corps de s’habituer. Jeongin avait réussi à entrer d’un coup et il en profita pour détailler le corps de l’autre alpha. Il y avait les coups de griffes et de crocs que Jeongin lui avait assénés lors de leur combat, mais il y avait d’autres cicatrices plus anciennes et de vieux ecchymoses. 

Beomgyu sentit le regard de Jeongin sur lui et se dépêcha de s’asseoir entièrement dans la baignoire.

— Tu me mates ? demanda-t-il en mettant la rougeur de ses joues sur le dos de la vapeur d’eau.

Jeongin sembla pris au dépourvu par cette remarque et il se racla la gorge.

— Non, je me disais juste que tu étais bien amoché, et pas que par moi.

Gêné, Beomgyu s’enveloppa de ses propres bras et fixa l’eau troublée par les plantes.

— Comme je te l’ai dit, les membres de ma meute sont loin d’être tendres. Alors les coups pleuvaient facilement quand quelque chose n’allait pas.

— Je vois… je crois que tu t’entendrais bien avec Félix. De ce que j’ai pu voir et entendre, il ne vient pas d’une meute très sympa non plus, il en garde pas mal de séquelles dans son comportement et dans son rapport avec les alphas.

— Félix ?

— L’oméga avec les cheveux roux.

Beomgyu haussa les épaules, il ne l’avait pas remarqué, il n’avait pas vraiment porté attention à qui que ce soit de toute façon, il avait préféré fixer le sol plutôt que de croiser le regard des autres.

— C’est rien, tu auras bien assez de temps pour apprendre à connaître tout le monde.

— Hum, je ne pense pas que ça soit la priorité des autres pour l’instant, et je les comprends, si j’étais à leur place, moi aussi je me méfierai. Je préfère faire profil bas pour le moment, même si ça implique de rester enfermé. Je serai toujours mieux que là d’où je viens de toute manière.

Il s’enfonça un peu plus dans l’eau tandis que Jeongin le dévisageait depuis l’autre côté.

— Tu viens seulement d’arriver, on t’a gardé captif pendant des jours et malgré tout tu te sens mieux ici que chez toi ?

Beomgyu soupira longuement, le visage à moitié immergé dans l’eau puis il hocha doucement la tête.

— Oui, beaucoup mieux. Dans ma meute, il y a quelque chose de malsain qui plane constamment dans l’air, une ambiance bizarre, comme si personne ne se faisait confiance. Ici, je ne sais pas l’expliquer mais j’ai ressenti une sorte de cohésion entre vous tous, et c’est vraiment agréable. Je me demande si c’est à ça qu’est censé ressembler une vraie meute…

Jeongin sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, Beomgyu avait l’air d’avoir vécu des choses terribles, il en gardait des cicatrices, autant physiques que psychologiques. Il lui faisait un peu pitié. Il n’avait jamais vraiment eu envie de faire partie d’une meute, il préférait la vie en solitaire mais il devait avouer que vivre au milieu des autres, dans une ambiance agréable et positive était un plus. Il pouvait compter sur les autres et les autres pouvaient compter sur lui, et même s’il préférait n’avoir de compte à rendre à personne, il appréciait le temps passé avec eux.

Il s’approcha doucement de Beomgyu pour éviter de lui faire peur et il lui prit la main sous l’eau. Celui-ci leva un regard surpris vers son vis-à-vis qui s’expliqua.

— Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais je suis certain qu’avec le temps tu te sentiras à ta place parmi nous. Et puis au pire, on pourra toujours se trouver une grotte sur le territoire et la partager.

Beomgyu papillonna des yeux en entendant le petit rire de Jeongin. Il ne savait pas comment interpréter cette proposition, mais elle lui convenait parfaitement. Il lui rendit son sourire.

— D’accord, on pourra toujours faire ça.

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