Chapitre 72
Jeongin était assis face à l'étranger. Ils étaient plusieurs à s'être relayés toute la nuit mais il n'avait toujours pas repris connaissance. Le cadet de la meute venait de prendre le relais, il ne le lâchait pas des yeux. Irene était venue s'assurer que sa plaie allait bien. Elle s'approcha du loup toujours inerte lorsque Jeongin l'arrêta en lui tirant le bras.
— Attends.
La jeune femme fronça les sourcils.
— Tu ne pourras rien tirer de lui s'il se vide de son sang, rétorqua-t-elle.
— C'est pas ça, il fait semblant d'être inconscient.
À ces mots, Irene fit un bond en arrière, évitant ainsi de justesse que les crocs de l'inconnu ne viennent attraper son bras. Il avait beau être attaché, il n'en était pas pour autant inoffensif.
— Si tu bouges trop ta plaie va resaigner, lui lança Irene en le voyant se débattre, Jeongin ne t'a pas loupé alors si j'étais toi, j'arrêterais de remuer.
L'inconnu couina, même si ça ne lui faisait pas plaisir, il ne semblait pas avoir d'autres choix que d'obéir.
— Transforme-toi qu'on discute, lui ordonna Jeongin. J'ai pas mal de questions pour toi.
L'autre grogna mais rien ne servait de se fâcher avec ses ravisseurs, bien au contraire. Il finit par obtempérer, non sans un cri de douleur provoqué par ses blessures. Aussitôt sous forme humaine, Irene lui jeta une vieille couverture épaisse qu'il s'empressa d'enrouler autour de son corps meurtri. Il semblait jeune, pas plus vieux que Jeongin en tout cas. Il était plutôt grand, mais surtout très mince. Sans son épaisse fourrure, il avait l’air beaucoup moins imposant. De longs cheveux bruns lui tombaient devant les yeux, cachant partiellement son visage, mais Jeongin put distinguer un regard fier bien que teinté d’inquiétude.
— Qui es-tu ? demanda Jeongin d'une voix rauque. Et qu'est-ce que tu faisais sur nos terres ?
L'autre aperçut l'eau et la nourriture posées près de lui et se servit. Il s'assit correctement et réajusta sa couverture pour ne pas attraper froid.
— Je n'ai pas à vous répondre, rétorqua-t-il d’une voix beaucoup moins assurée que ses grognements.
— En effet, mais si tu refuses, on verra combien de temps tu tiendras sans vivre et sans soin, à toi de voir.
Irene jeta un regard surpris vers Jeongin, elle le savait solitaire et téméraire mais certainement pas cruel. Cependant, elle comprenait qu'il essayait de négocier. L'étranger tiqua, on ne lui laissait pas vraiment le choix.
— Je m’appelle Beomgyu, finit-il par dire, je viens du district voisin.
— Et qu’est-ce que tu es venu faire sur notre territoire ?
Le regard cette fois un peu plus assuré, Beomgyu croisa celui de Jeongin sans peur.
— J’étais à la recherche de ma sœur.
Jeongin perdit de sa contenance, ses épaules se détendirent légèrement et il prit le temps de chercher ses mots. Irene profita de cet instant de calme pour tenter une approche.
— Tu veux bien me laisser vérifier ta plaie ?
N’ayant pas vraiment le choix, l’alpha acquiesça d’un petit geste de la tête, Jeongin ne l’avait pas loupé et le moindre mouvement était douloureux. Il laissa la jeune femme s’approcher en prenant une posture la moins provoquante possible. Il hissa lorsqu’elle défit le pansement pour nettoyer la plaie et refaire le bandage.
— C’est toi le chef ? demanda Beomgyu à Jeongin pour penser à autre chose.
— Non. Mais ça n’est pas la question. Parle-moi de ta sœur.
Beomgyu pinça les lèvres, il était en bien mauvaise posture et n’avait finalement pas d’autre choix que de coopérer, surtout s’il voulait mener sa quête personnelle à bien. Il avait beau avoir été capturé par ce que les siens qualifieraient d’ennemis, vu la situation, il leur faisait presque plus confiance qu’aux siens.
— Elle a disparu il y a quelques semaines, avec son bébé. Les autres sont partis à sa recherche mais sont revenus bredouille. Pire, ils ont dit qu’ils pensaient qu’elle était morte, mais ils n’ont retrouvé ni son corps, ni le corps de son bébé. C’est pour ça que j’ai décidé de partir à sa recherche moi-même.
— Ta sœur, c’est une louve blanche ? demanda Jeongin.
Beomgyu acquiesça.
— Vous l’avez vue ?
— Pourquoi est-ce qu’elle s’est enfuie ? insista Jeongin en ignorant sa question.
Son vis-à-vis le défia du regard.
— Une information contre une information.
— Tu crois que tu es en position pour négocier ?
— Je crois que nous avons tous les deux besoin des informations détenues par l’autre. Mort je ne te sers à rien.
Irene venait de terminer de panser sa plaie et elle se recula.
— Tu vas pouvoir rester seul quelques instants avec lui ? demanda-t-elle à Jeongin. Je vais aller lui chercher quelques vêtements, la couverture ne sera pas suffisante.
— Vas-y, je vais me débrouiller.
Elle laissa donc les deux mâles ensemble qui ne s’étaient pas quittés du regard. L’atmosphère était tendue mais aucun des deux n’était prêt à céder.
— Je veux des réponses, dit finalement Jeongin.
— Moi aussi, c’est pour ça que j’ai pris le risque de m’aventurer sur tes terres. C’était la seule solution.
Jeongin hésita, l’envie de savoir devenait trop grande, elle le hantait depuis longtemps maintenant, elle le rongeait de l’intérieur. Y avait-il quelque chose qu’il aurait pu faire pour sauver cette louve, et qui était-elle ? Pourquoi était-elle venue jusque-là avec son enfant ? Et pourquoi était-elle dans l’état dans lequel il l’avait trouvé ? Il avait besoin de savoir, et Beomgyu était le seul qui pouvait lui apporter ces informations.
— C’est moi qui ai trouvé ta sœur.
Beomgyu baissa presque immédiatement sa garde.
— Siyeon ? Tu l’as vue ? Comment elle va ?
— Une information contre une autre.
— Non, je veux savoir comment elle va ! Dis-moi comment elle va ! cria-t-il en se mettant à tirer sur ses liens.
— Tu vas rouvrir ta plaie.
— Réponds-moi !
Beomgyu montra les crocs et Jeongin comprit qu’il ne pourrait rien tirer de plus de lui s’il ne lui donnait pas des nouvelles de sa sœur. Il prit une profonde inspiration, comme si c’était encore plus douloureux de devoir le verbaliser.
— Elle est morte. Je suis désolé.
Beomgyu se laissa retomber dans la paille, le regard désormais vide. Jeongin eut le temps de capter son odeur, une odeur légère de fougère et de bois, presque trop douce pour un alpha. Ce parfum se fit vite aigre certainement à cause de l’annonce brutale qu’il venait de lui faire concernant sa sœur. Face à la détresse soudaine de son prisonnier, Jeongin s’apaisa.
— C’est moi qui l’ai trouvée, mais il était déjà trop tard. Les autres de ta meute avaient raison, elle est morte dans la forêt et on a ramené son corps ici pour l’enterrer.
— Elle était blessée c’est ça ? murmura Beomgyu.
Jeongin acquiesça d’un timide hochement de tête. Il se sentait bizarre, lui qui était d’ordinaire si fier et parfois hautain, il avait la sensation d’enfin pouvoir se montrer vulnérable. C’était d’autant plus étrange qu’il le faisait devant un parfait inconnu qu’il aurait même pu qualifier d’ennemi. Pourtant, il se reconnaissait presque en lui, il aurait probablement agi de la même manière s’il avait été dans sa situation.
— J’ai senti du sang et quand je-
La porte s’ouvrit et Irene entra avec des vêtements chauds dans les bras.
— Il faut qu’on te détache le temps que tu t’habilles, dit-elle en s’approchant de Beomgyu.
Celui-ci échangea un regard avec Jeongin puis se tourna vers la jeune femme.
— Je ne tenterais rien, promis.
Irene fit signe à Jeongin de venir l’aider, ce qu’il fit sans broncher. Il surveilla que leur prisonnier reste docile le temps de la manœuvre.
— Il a dit quelque chose ? demanda Irene en l’aidant à enfiler un pull.
Beomgyu ne pouvait pas exécuter certains gestes à cause de sa blessure alors il se laissait manipuler presque comme un enfant qu’on habillait le matin. Les deux mâles échangèrent un regard, mieux valait que tout cela reste entre eux pour le moment.
— Non, on essaye de trouver un terrain d’entente pour le moment.
— Je vois, tu veux que j’envoie quelqu’un pour prendre le relais ? Tu ne vas pas rester là toute la journée.
— Je te préviendrai quand j’aurais besoin d’être remplacé, lui répondit Jeongin, pour le moment ça va.
Une fois Beomgyu habillé chaudement, Jeongin et Irene l’attachèrent à nouveau. La jeune femme jeta un oeil aux vivres.
— Je vais te ramener un thé chaud, et de quoi manger, dit-elle en se dirigeant vers la porte.
— Merci, d’être aussi gentil avec moi, marmonna Beomgyu en s’enroulant dans la couverture.
— Nous sommes peut-être en conflit mais nous ne sommes pas des monstres.
Elle quitta la pièce sans rien dire de plus, laissant les deux garçons seuls.
— Pourquoi tu ne lui as rien dit ? demanda Beomgyu.
— Parce que je veux des réponses, et je verrais si j’ai besoin de les partager avec les autres.
— On a été interrompus, qu’est-ce que tu allais me dire sur Siyeon ?
Jeongin se laissa tomber contre le dossier de sa chaise et il soupira longuement.
— Elle était blessée quand je l’ai trouvée, une énorme plaie ouverte sur le flanc. Elle avait un bébé avec elle et m’a demandé de le sauver. Je voulais rester près d’elle mais…
— C’était l’une ou l’autre ?
— Hum. Quand je suis revenu, il était trop tard.
Beomgyu pinça les lèvres pour ne pas pleurer.
— J-je comprends. Et la petite ?
Jeongin hésita avant de lui donner cette information, il tenta de reprendre un peu de composure et se redressa.
— Je pense que c’est à toi de me répondre. Pourquoi ta sœur a-t-elle quitté sa meute dans un état pareil ?
— Parce qu’elle avait peur. Elle a fui.
— Fui ?
Ça avait du sens, elle avait demandé à Jeongin de sauver sa fille, elle avait donc quelque chose à craindre des membres de sa meute.
— Elle craignait pour sa fille.
— Mais pourquoi ?
— Parce que depuis que vous avez accueilli des omégas, les choses ont empiré chez nous.
La porte s’ouvrit à nouveau, Irene entra avec un plateau en compagnie de Younghyun. Elle déposa les vivres à côté de Beomgyu, puis tendit une tasse de thé à Jeongin. Younghyun prit la parole.
— Je vais te relayer, tu devrais rentrer te reposer.
— Non ça va, je peux encore rester.
— Mais tu devrais te reposer si tu veux être en forme pour sortir faire une ronde ce soir.
— Je crois qu'on a trouvé ce qu'on cherchait, dit Jeongin en indiquant Beomgyu d'un geste de menton.
— Jeongin, on l'a capturé, sa meute va certainement partir à sa recherche, il risque d'y avoir plus de passages sur nos terres.
Le cadet fronça les sourcils, il jeta un œil à son prisonnier. Il devait rester avec lui, ils devaient discuter, ils avaient bien trop de choses à se dire mais il devait également éviter d'éveiller les soupçons. Ils avaient passé une sorte d'accord tacite et Jeongin ne voulait pas risquer qu'il tombe à l'eau et que Beomgyu finisse par changer d'avis.
— Pour aujourd'hui, je préfère laisser la ronde aux autres et rester ici si ça ne te dérange pas. Je l'ai ramené, il est ma responsabilité.
Son aîné fut surpris par cette requête, mais il l’accepta néanmoins, Jeongin s’occupait tellement souvent des rondes, il pouvait bien lui laisser une journée de repos.
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