❥ Chapitre 62
Jeongin parcourait la forêt en long en large et en travers. Il prenait sa mission très à cœur. Il avait senti plusieurs fois les traces de loups inconnus mais elles avaient toutes l’air de dater de quelques jours. Il ne lui semblait pas qu’on se soit aventuré sur ses terres depuis. Toutes les odeurs semblaient anciennes, toutes sauf une, assez faible et pourtant bien distincte des autres. Jeongin suivait sa trace depuis quelques heures maintenant. Une femelle d’après lui et d’après les gouttes de sang qu’elle semblait tenter de camoufler, elle devait être bien mal en point. Parfois, il avait la sensation de capter une autre odeur, faible pratiquement entièrement recouverte par celle de la femelle. Jeongin n’avait pas la sensation que l’inconnue représentait une menace, bien au contraire, il avait plutôt l’impression qu’elle avait besoin d’aide, c’était d’ailleurs pour cela qu’il suivait sa trace d’aussi près.
Son pelage épais le protégeait du froid glacial de l’hiver mais l’importante couche de neige ralentissait sa progression. Pourtant il sentait qu’il n'était plus très loin, qu’il se rapprochait de sa cible. Il slalomait entre les arbres nus et les pins encore verts, il évitait les crevasses et les obstacles cachés par la poudreuse. Depuis le temps, et à force de rondes quotidiennes, Jeongin connaissait désormais le terrain comme le dos de sa patte. Il leva soudain le museau et renifla attentivement. Il était proche. Il bifurqua sur la droite, sauta par-dessus un large tronc couché et accéléra le pas, ses foulées souples le conduisant bientôt près de la rivière, dans un coin ou plusieurs vieux arbres avaient été déracinés lors d’une récente tempête. Là, ce fut là qu’il la trouva au beau milieu des souches déracinées dans un abri de fortune. Une frêle louve blanche, presque invisible dans la neige. Elle avait trouvé refuge dans un tronc creux pour se protéger du vent et du froid polaire. Jeongin s’approcha lentement pour ne pas lui faire peur.
La louve eut un mouvement de recul lorsqu’elle aperçut l’alpha mais un couinement de douleur l’arrêta aussitôt. Son flanc était en sang, le rouge carmin s’imposait sur sa fourrure immaculée. Jeongin n’était pas spécialiste mais il pouvait dire que la blessure était laide et probablement fatale. Il essaya de se faire petit pour ne pas lui faire peur et tenta de nettoyer la blessure à grands renforts de coups de langue. Dans la manœuvre, un léger bruit l’arrêta.
Un bébé, un louveteau était là, caché sous sa mère, il tétait le lait qu’elle arrivait encore à produire malgré son état.
Jeongin resta figé, s’il voulait les aider, il devait aller chercher du renfort, mais retourner à la maison lui prendrait des heures, la louve ne tiendrait pas jusque là et il ne pouvait pas les emmener ensemble. Il s’assit donc et continua à nettoyer la plaie tout en réfléchissant.
Le louveteau, une fois rassasié, se blottit en boule contre sa mère. Il était minuscule, âgé de quelques jours tout au plus. La louve se redressa et, à la grande surprise de Jeongin, elle reprit forme humaine. L’alpha s’affola aussitôt, elle allait mourir de froid par ce temps. Il s’enroula autour d’elle pour tenter de lui tenir chaud. Sa peau était pâle, trop pâle, et ses lèvres d’un bleu qui ne présageait rien de bon.
— Je vais mourir, dit-elle dans un murmure, sauve ma fille, par pitié.
Jeongin jeta un œil au bébé puis à la mère, non il ne pouvait pas en abandonner une. Il tenta de nettoyer à nouveau la plaie, dont le sang s’écoulait bien trop. La jeune femme l’empêcha de continuer.
— Arrête, tu ne peux rien faire pour me sauver mais je t’en supplie, sauve mon bébé. Je veux… Je veux qu’elle vive, qu’elle soit aimée et heureuse… pitié.
Elle planta ses yeux vitreux dans ceux de Jeongin. Elle ne lui laissait pas vraiment le choix. Il fut obligé d’accepter mais lui jura de revenir la chercher dès que possible. Elle lui sourit, quelques larmes gelées venant perler ses joues.
— Merci…
Elle eut la force de se métamorphoser une dernière fois avant de perdre connaissance. Jeongin resta là, sous le choc, incapable de réagir pendant plusieurs minutes mais les couinements de la petite louve le ramenèrent à la dure réalité. Il n’y avait pas de temps à perdre. Il saisit le louveteau gris par la peau du cou comme il avait déjà vu les mères faire avec leurs petits et détala à toute allure en direction de la maison. Il devait faire vite et une fois qu’il aurait mis la petite en sécurité, il reviendrait sauver la mère.
***
Hyunjin observait la cour par la fenêtre. Changbin et Jinyoung étaient partis équiper les pneus du pick-up de chaînes à neige tandis que Jihyo et Irene préparaient des provisions pour le trajet.
— Tout devrait être prêt pour demain.
L’oméga releva la tête, Chan se tenait à ses côtés et lui tendait une tasse de thé qu’il accepta volontiers.
— Merci.
L’alpha esquissa un léger sourire et s’assit contre son lié.
— Même si c’est beaucoup de préparatifs, Jihyo a raison, cette visite à la clinique ne pourra être que bénéfique.
— Hm, j’espère…
— Comment est-ce que tu te sens ?
Hyunjin termina d’avaler la gorgée qu’il avait dans la bouche et profita de ces quelques secondes pour faire le point sur son état. Il soupira.
— Je me sens terriblement vide, comme si on m’avait ôté une partie de moi.
Chan déposa sa large main sur sa cuisse et la caressa doucement.
— Je suis désolé.
— Moi aussi.
— Hyunjin, ça vaut ce que ça vaut mais j’espère que toi et moi on arrivera à retrouver un certain équilibre.
L’oméga se contenta d’hocher la tête, il doutait que ça puisse arriver un jour, mais pourquoi pas…
Du bruit provenant de l’extérieur attira soudain leur attention. Jeongin venait de débarquer à toute allure, le pelage sable partiellement recouvert de sang et quelque chose dans la gueule. Il ne prêta pas attention aux alphas dans le garage et se précipita vers le salon. Chan se leva aussitôt et lui ouvrit la porte. Jeongin bondit à l’intérieur, il scruta les alentours et lorsque son regard se posa sur Hyunjin, il sut à qui revenait la tâche de prendre soin de son chargement. Il s’approcha de l’oméga et déposa le louveteau sur ses genoux.
— Jeongin mais qu’est-ce que…
Le louveteau renifla et sembla attiré par l’odeur de Hyunjin, il se blottit contre lui et tomba de sommeil.
— Jeongin, appela Chan par derrière, mais qu’est-ce qui se passe ?
Jeongin s’ébroua avant de reprendre forme humaine pour s’expliquer.
— Je dois y retourner, avec de l’aide.
— Mais de quoi tu parles ? Et c’est quoi ce bébé ?
— J’ai suivi la trace d’une alpha, elle était blessée avec ce bébé, elle m’a dit de le prendre, de le sauver. Il faut qu’on retourne l’aider sinon elle va mourir.
— Attends quoi ? Mais c’est…
— On peut en parler plus tard ? le coupa le cadet de la meute. Il faut que j’y retourne.
Chan jeta un regard à Hyunjin, celui-ci semblait en transe, il berçait tendrement la petit louve dans ses bras.
— Chan, s’il te plait on a pas le temps.
Le chef de meute secoua la tête.
— Laisse-moi emmener Jihyo, au cas où.
— Bien.
Il expliqua rapidement la situation à la jeune femme qui accepta aussitôt de les suivre. Les trois prirent forme animale et disparurent dans les bois. Encore sous le choc, Hyunjin ne réalisait pas encore bien qu’il avait un bébé dans les bras. Sans vraiment y réfléchir, il se leva et se dirigea vers la chambre qu’il partageait avec Chan. Là, il déposa le bébé sur le matelas, retira ses vêtements et se métamorphosa. Il s’installa sur le lit, s’enroulant autour du louveteau pour s’assurer qu’elle n’ait pas froid. La petite chercha à téter et Hyunjin la laissa faire, lui-même surpris de se découvrir un soudain instinct maternel pour un bébé qui n’était même pas le sien. Il se mit à lécher son pelage gris avec grand soin, pour la nettoyer mais aussi pour chercher à la recouvrir de son odeur.
Peut-être que c’était le destin qui les avait fait se rencontrer, Hyunjin venait de perdre son bébé, et cette petite-là semblait avoir perdu sa mère, c’était tout de même une sacrée coïncidence. Et dans leur malheur à tous les deux, une petite lueur d’espoir semblait s’être allumée. Hyunjin laissa échapper un long soupir en regardant le louveteau tomber progressivement de sommeil et, pour la première fois depuis sa fausse couche, l’oméga se sentit apaisé, serein. Il se dit que Jihyo avait finalement peut-être raison, il allait peut-être finir par aller mieux.
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