Mauvaise nouvelle
La randonnée a donné un second souffle à l'humeur joyeuse de notre famille. Cela fait une semaine que nous avons quitté Grenoble; mon père doit déjà y retourner. Je lui promets que je ferai attention et le préviendrai si l'on reçoit une nouvelle lettre de maman. Quand sa voiture disparait dans le lointain, il me manque déjà.
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On se rend à la rivière plusieurs fois par jour. Notre quotidien est bien plus agréable et confortable que celui de Grenoble. Vivre dans un appartement après la période des vacances où tout cet espace s'offre à nous est à la fois une épreuve et le prix de nos séjours ici. Il n'y a aucun endroit où l'on a passé de meilleurs moments. Parfois, il vient à Gaëlle l'envie de rentrer à Grenoble avec papa, et je la comprends. Nos vies en ville sont différentes mais ont leurs avantages. En plus de voir nos plus de monde, il y a des loisirs inaccessibles dans les bois. Je crois que la chose que Gaëlle regrette le plus, c'est les cafés et ses amis. Faustine, quant à elle, réclame souvent une représentation au théâtre, ou d'aller à une exposition. Je suis probablement celle à qui la proximité de la ville et ce qu'elle implique ne constitue presque aucune attache. J'aime la nature et son contact, plus que celui avec les gens.
Notre père économise chaque année le plus d'argent possible pour nos études. La gestion raisonnablement des finances d'une famille monoparentale est difficile. Notre père se donne du mal pour nous. Il travaille même parfois de nuit. Toutes les trois, nous avons eu à nous autonomiser très vite, et à se répartir les tâches quotidiennes. On essaie d'alléger notre père, ce qui est difficile, parfois. Il veut souvent trop en faire. Faustine et moi n'avons qu'un an d'écart, on s'est donc toujours entraidées pour nos devoirs, tout en suivant de près Gaëlle. Parfois, c'était difficile de se concentrer sur nos études, et d'aider notre petite sœur. Mais Gaëlle s'est très vite débrouillée toute seule.
Scolairement, je suis moins douée que mes sœurs, mais j'essaie toujours de faire de mon mieux et d'obtenir les meilleurs résultats possibles. On veut mutuellement se rendre fiers et agissons pour. Faustine a toujours eu des facilités, et, même si elle n'a pas la rigueur à laquelle je me contrains, elle a d'excellents résultats, surtout en histoire. Gaëlle est en cinquième, elle se débrouille très bien et est à l'aise dans toutes les matières. Malgré mon mépris pour la poésie que vénère Faustine, nous lisons beaucoup, toutes les deux, et avons incité Gaëlle à le faire dès son plus jeune âge. C'est en partie pour cette raison que je suis à l'aise à l'écrit, même si je suis assez mauvaise pour retenir mes cours.
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Notre vie se poursuit, sans lettres, ni prises de tête. Notre père nous appelle tous les jours. Pendant près d'une semaine, nos vies rentrent dans l'ordre. Sauf le samedi suivant, où j'entends dans la voix qu'il a quelque chose à nous annoncer, et ne sait pas comment s'y prendre.
- Les filles, dit-il.. Votre tante est portée disparue depuis avant-hier.
Je n'arrive pas à y croire. Complètement abasourdie, je demande aussitôt des explications.
- Elle ne s'est pas rendue sur son lieu de travail, c'est ce qui a mis la puce à l'oreille de l'une de ses collègues, qui a essayé de l'appeler, mais qui n'a eu aucune réponse. En allant chez elle, elle a remarqué qu'Elena n'y était pas. Elle a donc tout de suite alerté la police.
Je raccroche. Je regarde mes sœurs. Gaëlle ne semble pas vraiment comprendre ce qu'il se passe, contrairement à Faustine qui se ronge les ongles et balance son regard perdu. J'essaie tout de suite de les rassurer:
- Ce n'est probablement rien, les filles. Je suis sûre qu'il y a une explication.
Alors que Gaëlle attrape ma main, Faustine retourne à l'intérieur. Son comportement est inhabituel. Je préfère lui laisser son espace et l'ignorer pour le moment. Quand elle voudra parler, nous le ferons.
- On va à la rivière?
J'acquiesce. Je ne propose pas à Faustine. La connaissant, elle veut juste être seule pour le moment. On prend le chemin habituel. Un nombre incalculable de questions affluent dans mon esprit. Est-ce une coïncidence que notre tante disparaisse quelques jours après qu'on lui ait rendu visite? Et si.. Et si maman... Non.. C'est impossible.. Papa m'a dit qu'elle était instable, mais.. Elle ne ferait pas de mal à sa sœur, si?
Soudain, je me rends compte que ma main ne tient pas celle de Gaëlle. Je reprends mes esprits. Elle ne marche plus à côtés de moi. Je m'arrête. Je regarde derrière moi. Non, c'est pas possible. Je m'arrête et écoute.. Je n'entends pas ses pas à proximité. Subitement, je crains le pire.
- Gaëlle? Gaëlle!!
Aucune réponse. Je me mets à courir aussi vite que je peux dans la direction de la rivière.
- Où es-tu? Gaëlle!! Répond-moi!
J'arrive à notre endroit. Je ne la vois pas. Mes yeux montent vers l'arbre. Je la remarque, assise, se demandant pourquoi je l'appelais.
- Qu'est-ce qu'il y a?
- Je.. Je ne t'ai pas vu partir.. Ne me refais plus jamais ça, s'il-te-plait.
Elle descend de l'arbre. Même s'il ne s'est rien passé, je ne peux m'empêcher de la serrer dans mes bras.
- J'ai eu peur, dis-je, toujours essoufflée.
- Désolée.. Je ne le ferai plus.
Soudain, une image apparait dans mon esprit.
Je vois ma mère, tenant Gaëlle, encore bébé, part la main. Gaëlle avait.. Elle avait une marque sur la joue. Ma mère criait sur quelqu'un. C'était Faustine. Faustine avait frappé Gaëlle. Mais.. Pourquoi? Je revois encore ma mère crier:
- Tu ne vas pas bien de l'avoir frappée?! Qu'est-ce qu'il t'a pris?!
Et je revois Faustine s'enfoncer dans son siège.
Pourquoi avait-elle frappé Gaëlle?
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