Faustine
Je vis durement les jours suivants qui durent plus longtemps qu'un mois entier. Je reste quasiment tout mon temps avec mon père. Mes sœurs m'évitent. J'ai cependant senti que Faustine mourrait d'envie de me parler. Je leur laisse du temps mais elles attendent peut-être que je vienne m'excuser.
Je me dirige vers la rivière pour les y retrouver. Faustine ne m'accorde pas un regard, donc je vais parler à Gaëlle en premier.
- Je suis désolée, chérie, de t'avoir crié dessus, l'autre jour. Excuse-moi.
- C'est bon, dit Gaëlle. Tout va bien. J'attendais juste de voir quand est-ce que tu viendrais.
Je passe le reste de la journée avec elle, mais Faustine m'ignore encore. Elle a peur de moi maintenant? Elle sait pourtant que lorsqu'on se dispute, on se calme quelques instants après. Je finis par penser qu'elle ne m'adressera pas la parole de l'été. En fait, elle attend simplement l'occasion.
Une nuit, je l'entends qui me réveille.
- Olga!
J'ouvre mes yeux avec peine. Je distingue sa silhouette se tenant devant moi.
- Quelle heure est-il?
- Deux heures.
Faustine attrape ma main et me relève.
- Que se passe-t-il ?
- J'ai besoin que tu me fasses confiance, Olga.
Malgré ma fatigue et l'obscurité profonde, je parviens à voir son visage. Elle semble bouleversée.
- Je dois vérifier quelque chose, et j'ai besoin de toi.
Sans trop comprendre ce qu'il se passe, je la suis à travers ma chambre, et enfile mes chaussures comme elle me le demande. Elle met son doigt devant sa bouche. Je comprends qu'elle veut que nous soyons silencieuses. Nous traversons la salle à manger, puis sortons, en prenant garde à ne pas claquer la porte.
- Explique-moi, dis-je, encore dans la lune. Qu'y-a-t-il ?
- Je n'ai pas le temps de t'expliquer maintenant, on doit filer.
Je lui obéis aveuglément, mais je suis confuse. Nous ouvrons le portail, et marchons dans l'allée. Il fait si froid.. Faustine allume une lampe torche. J'entends les hululements des hiboux et le vent frais sonne comme une mélodie inquiétante à mes oreilles. On voit les astres dans le ciel.
- On va se geler, là.
- Je suis désolée si j'ai été distante, dit-elle, sans vraiment me répondre, comme si elle s'adressait à sa propre conscience. Vraiment. J'ai mal réagit ces derniers temps. Mais .. J'ai juste eu une.. théorie qui m'est passée par la tête.. Ça m'a perturbée. Mais je voulais prouver qu'elle était fausse. Et, plus j'ai cherché, plus je n'arrivais pas à la sortir de ma tête...Ça m'a occupée l'esprit pendant si longtemps que je n'en étais que plus sûre.
Avant que je n'ouvre la bouche, elle s'empresse de rajouter :
- J-Je t'expliquerai seulement si ma supposition est vraie... Sinon, tu pourras me faire interner. P..P-Parce que j'ai l'impression d'être juste complètement.. paranoïaque.
Elle est complètement hystérique. Ce n'est pas la Faustine que je connais, mais je décide de lui faire confiance et de l'aider. Nous continuons de marcher, non pas vers la rivière, comme je m'y attendais, mais par le chemin de randonnée. Je ne vois absolument pas venir Faustine. Pourtant, je la comprends d'habitude. La vérité est-elle si inattendue?
- Ton souvenir, Olga... Ton souvenir...
- Quoi, mon souvenir ?
- Je me suis souvenue aussi. Et c'est là que je me suis décidée à vérifier, c'était l'élément de trop qui m' a poussée à vérifier ce dont j'ai peur.. Oh, mon dieu ! Oh, mon Dieu ! Olga...
Elle est complètement hystérique mais semble sincèrement affolée. Son sentiment commence à être contagieux. Je tremble sans même savoir pourquoi, tandis que nous marchons toujours plus vite. Je n'ai jamais vu ma sœur dans un tel état. Si elle réagit de cette façon, je n'ose imaginer ce qui nous attend. Pendant une heure, elle me répète constamment qu'elle est désolée, qu'elle a été stupide, et pourtant j'ai l'impression qu'elle connait la vérité sur tout. Nous faisons deux fois demi-tour, avant, finalement, de continuer le chemin de randonnée. Quand elle arrête de s'excuser, de changer d'avis, de vouloir rebrousser chemin, Faustine prononce ces mots qui me font, malgré leur simplicité, frissonner de la tête aux pieds:
- L'herbe, Olga. L'herbe...
Je ne comprends toujours pas ce qu'elle veut dire, je commence sincèrement à la croire folle. Si elle avait prononcé ces mots dans le calme et sans céder à la panique, je pense que j'aurais, peut-être, compris de quoi elle parlait. Mais je ne pense pas clair. Je suis encore à moitié endormie. Nous courrons presque. Cela doit faire une heure que nous marchons, mais le temps passe incroyablement vite. Nous arrivons bientôt à l'intersection, et nous tournons, comme nous l'avions fait lors de la balade, sur la droite.
- Où..Où allons-nous? F-Faustine.. Je ne comprends pas...
Ma voix tremble par le froid. Je claque presque des dents. Nous sommes en haute altitude. Il fait très chaud pendant les journées d'été, mais les nuits sont froides. Je suis encore en pyjama. Cette situation est digne d'un rêve qui ne va pas tarder à tourner au cauchemar.
- Suis-moi, Olga. Ne réfléchis pas.
Nous nous mettons à courir pour de bon. Faustine s'empresse comme si un démon la suivait. Nous arrivons bientôt à la clairière, l'endroit où nous nous étions arrêtés pour pique-niquer, tous les quatre. Faustine s'arrête. Nous sommes toutes les deux haletantes.
- Olga. Écoute-moi. Si on ne trouve rien, je veux qu'on oublie cette nuit. Et.. fais-moi consulter par un professionnel, d'accord?
Je hoche la tête, trop essoufflée pour pouvoir dire quoi que ce soit. Mais, au milieu de cette étrangeté et de cette agitation, j'ai l'impression que Faustine est en fait plus dans la réalité que moi.
- L'herbe, Olga... L'herbe... Elle est différente, ici. Elle est plus fine. La terre est plus fraîche, plus molle, plus agréable... Nous l'avons vu tout de suite..
Faustine regarde de droite à gauche la clairière. Elle se met en position accroupie et me demande de la suivre. Elle place sa main sur l'herbe, et frappe trois coups sur le sol. Un bruit résonne en dessous.
- Ça sonne creux, dis-je..
Je suis étourdie. Qu'allons-nous découvrir ? Et pourquoi Faustine savait cela ?
- Tiens, prends la lampe, et éclaire-moi.
Faustine se déplace vers la bordure de la clairière. L'herbe est différente. Elle pose ses mains sur l'extrémité, et arrache l'herbe et la terre en dessous. Elle passe une main sous la terre d'une vingtaine de centimètres, puis tire de toutes ses forces. Un morceau de terre s'arrache du sol. Sans vraiment réfléchir, je pose la lampe et me joins à elle. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Dans un bruit semblable à celui d'un tissu qui se déchire, nous tirons d'un seul coup.
Plusieurs mètres carrés de terre se retirent. La couche de terre et d'herbe n'est pas naturelle. Nous répétons ce geste durant une dizaine de minutes, puis, je vois, au sol, un objet que je m'apprête à ramasser.
- O-Olga... N...N'y.. N'y touche pas..
- Quoi ?
Je reconnais la forme de cet objet. C'est une main humaine. Je hurle. Faustine semble dégoutée, mais n'a pas l'air surprise. Son visage se décompose.
- Olga... C'est elle, murmure-t-elle.... C'est tante Elena.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro