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35. Tout une question de savoir-faire (2/2)

Florimond laisse son regard errer dans l'infinité du ciel, cette immensité qu'il rêvait conquérir, qu'il n'a fait qu'effleurer. Il n'est plus qu'une coquille vide. Ses pensées se sont perdues, dispersées entre les arbres, sur les eaux scintillantes, par-delà l'horizon, vers un paradis inaccessible. Même ses yeux ont cessé de couler.

Un bras se pose sur son épaule. Un contact. Une chaleur. Une amitié.

— Viens, Florimond. Tu ne peux plus rien faire.

Il tourne la tête vers un regard chargé de sollicitude, deux iris, différents, couronnés d'or par un soleil radieux.

— Léonore ?

Sa voix sonne rauque, étrangère, à ses oreilles. Il a trop crié.

Elle lui dédie ce sourire qui n'appartient qu'à elle, celui avec lequel elle l'a réchauffé à sa sortie frissonnante de la fontaine, cette louchée de miel qui lui fond le cœur.

Il se secoue de sa torpeur et l'observe de plus près. Le visage pâle porte les stigmates de leurs aventures, mais s'est libéré de ce voile d'un autre monde, si déstabilisant. Elle n'est plus qu'une jeune femme fatiguée, quoique toujours aussi rayonnante dans ses habits de chasseresse maculés de noir. Il lui saisit les mains.

— Comment vas-tu ? Pardon... Comment allez-vous ? bredouille-t-il.

L'embarras lui brûle les pommettes. Voilà encore qu'il parle à tort et à travers !

Loin de se moquer de son impolitesse, elle accentue son sourire d'ange.

— Tu peux me tutoyer. Cela ne m'offusque pas. J'en serais même honorée. Entre amis.

Le petit mot se niche au creux de son ventre avec un cocon de chaleur. Amis, ils sont amis. Sa tête opine d'elle-même.

— Brigit ? insiste-t-il.

— Elle est partie, soufflée par un vent de rêve lorsque le château s'est effondré. La fresque est brisée ; le passage, refermé. Je suis moi.

Léonore prend une longue inspiration. Un reflet de pierres moussues brille un instant dans le bleu de son œil, puis s'efface. Elle le tire par la manche.

— Allons, viens, rejoignons le campement.

Il la suit en compagnon docile, main dans la main sur le chaos de pierres brûlantes.

Dans la cour, les combats ont cessé. Les soldats ramassent les armes, transportent les blessés, empilent les carcasses des trolls à côté du brasier. Ils se signent avec une ferveur nerveuse devant les faciès inhumains. Peu se hasardent près des ruines maudites encore fumantes. Les illusions tissées par Eochu ont définitivement disparu. Que pensent ces fiers guerriers de ceux qu'ils ont affrontés ? Oseront-ils seulement raconter ce qu'ils ont vu, même en bonne compagnie autour d'un pichet d'un vin ? Finiront-ils par croire à un rêve – ou à un cauchemar ?

Deux silhouettes en armure les regardent approcher – une jeune aux cheveux noirs hérissés en véritable champ de bataille, une autre plus âgée à la sévérité adoucie de compréhension.

Florimond descend du dernier bloc. Ses galoches retrouvent le plat de la terre battue. Un nouveau tremblement retentit derrière lui, accompagné d'entrechocs. Que se passe-t-il encore ? Il pivote sur lui-même.

En bordure de falaise, un rocher se soulève, roule dans un claquement, bascule dans le vide. Un autre le suit. Une forme émerge des ruines, un chaudron muni d'anses en forme d'oreilles. La marmite incongrue se dresse sur un pilier aux épaules trapues, prolongé par tout un torse et deux jambes épaisses comme des troncs. Deux braises luisent dans l'ombre d'un visage d'argile. L'apparition tient, blotti au creux de ses bras, un paquet immobile.

Florimond esquisse un pas. Un nom se coince dans sa gorge. Une étincelle se rallume, trop fragile pour qu'il la laisse s'exprimer. La main de Léonore se serre autour de ses doigts. Une amie.

La géante de glaise s'ébranle dans leur direction. Ses pieds enjambent ou repoussent les obstacles avec la lente énergie d'un bœuf à la charrue. Il ne la quitte pas des yeux. Dans sa poitrine, des coups sourds marquent chacun des pas.

La Protectrice s'arrête devant lui, se penche et dépose son fardeau dans la cour avec une infinie délicatesse. Une natte brune glisse au sol et libère un obstacle dans la gorge nouée.

— Rachel.

Florimond tombe à genou, les doigts tremblants d'impuissance. Le visage familier se réduit à un masque de suie, tranché d'une ligne mince, dépourvue de toute grimace. Il ne l'a jamais vu si immobile. Même lorsqu'elle s'est endormie dans la forêt et qu'il l'a recouverte de son gambison, elle s'agitait dans son sommeil.

Une ombre empressée le rejoint et l'écarte avec douceur. Une couronne de cheveux dégarnis se penche sur le fantôme de lèvres.

— Elle respire encore.

Le seigneur de Château-Renault pose la main sur la veste maculée.

— Le cuir est brûlant. Aide-moi à le retirer.

Florimond sent une cadence plus marquée contre ses côtes. Les quelques mots l'irriguent d'un sursaut d'espoir. Rachel vit. Ses doigts s'affairent sur les attaches sans se préoccuper de la chaleur. Il tire sur la manche, avec mille précautions, met à nu une chemise brunie, partiellement délacée, une poitrine soutenue d'une bande de lin, l'amorce d'une épaule. Son souffle se bloque.

D'une main tremblante, il écarte le tissu. Sur tout le bras, la peau se boursoufle de cloques écarlates, liserées d'un gris putréfié.

— Le venin de la Velue, murmure la voix navrée de Léonore au-dessus de lui. Il s'étend.

Le seigneur de Château-Renault se relève et secoue la tête d'un air désolé.

— Cela dépasse les compétences de mon chirurgien de campagne. Il faudrait la conduire au médecin royal, à Amboise. J'ignore si elle supportera le trajet.

Florimond s'affaisse. Chaque mot prononcé l'alourdit de fatalité. Le médecin du roi. Que sait-il du poison d'une créature de l'Autre Côté ? Rachel s'y connaissait en plantes – elle a soigné Léonore –, mais le vestige de cataplasme encore bandé sur son bras n'a manifestement pas suffi à contenir le mal. Et, que dire de lui, Florimond le boiteux ? Il n'est pas mire ; il est peintre, même pas complètement, un simple apprenti.

Son regard glisse vers un baluchon abandonné, taché de couleurs. Léonore y a rassemblé les coupelles de peinture ensorcelée avec lesquelles maître Leonardo terminait son portrait. Une peinture capable d'éveiller l'âme d'un fantôme perdu ou de faire voler un assemblage de bambou et de cuir. Une peinture capable d'exaucer les rêves un peu fous.

Florimond se relève d'un pas vacillant. Il ignore si l'idée qui germe dans son esprit a un sens. Cela n'a pas d'importance. Peindre est encore ce qu'il sait faire de mieux.

*

Il repose le pinceau avec un soupir d'ouvrage accompli. Une lassitude s'installe avec ce reflux, dénoue ses muscles, embrume son esprit maintenu aiguisé tout au long de son labeur.

Sous la toile de tente, les ombres dansent une valse langoureuse à la lumière des chandelles. La nuit est tombée. Il ignore depuis quand. L'heure n'a pas d'importance. Le temps se mesure au souffle toujours présent qui franchit les lèvres pâles, nettoyées de leur coque de suie, de la jeune femme allongée sur le lit de camp.

Il est arrivé au bout de la tâche qu'il s'était fixée. Il ne peut rien accomplir de plus. D'autres mains que les siennes tiennent les fils du destin.

Un voile de fatigue retombe sur ses yeux. Au cours de la journée, un aide de camp est venu et a insisté pour panser sa blessure. Il ne sentait rien. Maintenant, le bandage le tiraille un peu. Il se laisse glisser au sol, sur le tapis râpé jeté par-dessus l'herbe rase, sur un éperon rocheux, au bord d'une rivière placide, non loin d'un château en ruines. Un hibou en chasse hulule dehors. Aucune corneille ne croasse.

Le roi François est reparti depuis longtemps. Il a repris ses esprits, le commandement de son armée et s'est replié sur Amboise, sans vraiment comprendre comment ou pourquoi il avait ordonné cet assaut sur le fief de Candé. Le jeune page, Guy de Lorraine, a suivi son souverain. Maître Leonardo les a accompagnés, dans un chariot loué au village voisin. Dans un coin fourbu de son esprit, Florimond s'inquiète. Le vieux peintre lui a paru très affaibli par cette épreuve ; il a besoin de se reposer dans sa chambre du Cloux, bercé par la chanson de la fontaine, sous les repas attentionnés de Mathurine.

Léonore aussi est rentrée, avec Jacques. Florimond comprend, bien sûr. Elle voulait retourner au chevet de son père. Quant à la Protectrice, Rosemonde, elle a disparu. Lorsque Jean d'Andigné s'est mis en tête de la chercher, la géante de glaise n'était plus près des pierres fumantes.

Il reste seul, en compagnie d'un seigneur un peu bougon. Deux Veilleurs pour une veillée.

Un souffle de vent frais chatouille ses boucles. Des bottes s'avancent à pas de loup. Les paupières mi-closes, il ne tressaille même pas. Il ne craint pas ce loup, bourru peut-être, mais attentionné.

Une ombre se penche. Des bras le soulèvent avec un effort et le déposent sur une surface confortable, près d'un corps immobile. Dort-il déjà ? Rêve-t-il ? En face de lui, sur une toile improvisée, une jeune femme brune le contemple, d'un regard franc et solide. Parfaitement réussi.

Un portrait plus vrai que nature, à l'exception d'un petit détail qu'il s'est autorisé. N'a-t-il pas droit à un morceau de songe, lui aussi, une fantaisie de peintre ?

Parce qu'il faut quand même l'avouer, Rachel est bien plus jolie avec un sourire qu'avec une grimace.


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