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34. Le sourire d'une couturière (1/2)

Dans la fraîcheur relative de l'office, Florimond soulève le baluchon taché de peinture, raffermit sa prise sur les précieux feuillets du Codex Atlanticus et réajuste le bras lâche par-dessus son épaule valide avec une grimace. Depuis la chute de la Pierre du destin, Léonore trébuche en plein rêve, psalmodiant des bribes de phrases dans une langue incompréhensible. Chaque fois qu'il croise son regard égaré, son cœur se serre d'un nouveau tour de vis. Que reste-t-il, derrière ce tourbillon enfiévré, de l'âme de la douce femme qui lui récitait une poésie sous la caresse du soleil ? A-t-elle définitivement sombré ?

Maître Leonardo se porte aux côtés du roi et l'entraîne avec bien plus de respect que n'en déployait Rachel : le peintre et son monarque, aux bras l'un de l'autre, comme s'ils partaient dans l'une de leur promenade le long des allées du Cloux. Florimond n'a même pas eu besoin d'explications en atteignant le réduit domestique avec ses deux pèlerins titubants et un korrigan sur les talons. L'inventeur a tout saisi d'un seul regard.

Par la grâce de Dieu, le feu n'a pas encore gagné cette partie du château. Il leur suffit de retraverser le hall pour quitter le brasier. Pourvu que les combats aient cessé dans la cour ; il ne manquerait plus qu'ils se fassent embrocher en fuyant les flammes !

Florimond hâte le pas vers le seuil. Une lueur rougeoyante filtre par le battant entrebâillé. Une vraie gueule de dragon assoupi ! Elle s'écarte sur une poussée brutale et un rugissement, dégorgeant trois silhouettes ventrues, hirsutes, velues. Ce ne sont, indubitablement, pas des soldats. L'estomac de Florimond plonge dans ses talons. Les trolls retroussent leurs babines sur des crocs jaunis et chargent, tête baissée.

Un cri fend l'air. Le sien ?

Il s'interpose devant Léonore, redresse le torse, tend la main. Dans quel but futile ? Repousser le déferlement de deux cents livres de muscles et de sauvagerie ? Invoquer la miséricorde divine ? Saisir une poignée de rêve ? Son geste relance la morsure de son épaule blessée. Toute concentration ou sensation de plénitude le fuit. Une vision fugace d'un entrelacs lumineux le nargue, mais le secret des fils se dérobe, comme dans la chambre. Il n'arrive à rien. Des larmes trop sèches lui piquent les yeux. Le monstre arme son bras.

Une boule cagneuse saute au visage hideux avec un cri de guerre – enfin, plutôt le jappement affamé d'un Filou devant un chapelet de saucisses. Le troll se débat, écume, arrache le gnome gigotant. Karadeg s'écrase à terre avec un hoquet plaintif. Son adversaire ébroue son groin ravagé, dénude ses crocs sur un grognement nauséabond et plonge sa courte lame dans le nœud gesticulant à ses pieds. Le korrigan s'immobilise dans un dernier sursaut, un fluide sombre s'étale sur le marbre blanc.

Florimond vacille comme si le fer s'enfonçait dans son propre cœur.

— Non !

Sa vision se rétrécit sur la tâche qui s'élargit, sur l'épée souillée qui s'extrait du corps. Il sent la main de Léonore sur son épaule ; son sang bat à ses tempes ; une révulsion lui soulève l'estomac.

Ses pensées s'égarent, dans une vaine tentative pour échapper au destin identique qui l'attend, le temps d'une volte-face, d'un moulinet de lame. Il va mourir. Ils vont tous mourir. Un pincement. Où est Rachel ? Elle combat ses propres démons. Une lueur assassine a traversé ses prunelles lorsqu'elle s'est jetée sur le bandit. Elle est trop loin. C'est trop tard. Il s'en ira sans lui avoir jamais vraiment parlé.

Les yeux jaunes se braquent sur lui, sur sa carcasse trop maigre. Il ne peut s'échapper, pas sans abandonner Léonore, le roi, son maître. Hors de question ! Ses doigts se resserrent sur le ballot de peinture et la poignée de parchemins. Un bouclier risible. Le troll lève son épée. Un bûcheron devant un jeune noisetier. Florimond se raidit.

Le coup ne retombe pas.

À la place, le monstre roule des yeux comme s'il méditait sur la nature du monde et la sagesse d'abattre un si frêle arbrisseau. Ses membres s'agitent de tremblements incongrus. Florimond remarque alors la pointe de lame qui dépasse du cou. Le fer s'extrait avec un chuintement. Comment perçoit-il un simple chuintement par-dessus le tumulte ? Ses sens lui jouent des tours. Divague-t-il ?

Le troll bascule en avant dans une lenteur irréelle. Une courte silhouette se profile derrière lui, nimbée d'un halo d'incendie, armée d'une grimace inimitable. Les prunelles de Rachel l'effleurent un instant, sans qu'il pénètre les pensées qu'elles abritent, puis se détournent vers les deux autres adversaires.

Florimond s'attendait à l'horreur d'un spectacle sanglant, mais le roi et le peintre sont debout, bien vivants. Maître Leonardo s'est placé en rempart du souverain, à l'image d'un certain apprenti et d'une jeune femme aux cheveux d'or. Les doigts de sa main gauche dansent avec la légèreté d'une plume sur quelque métier à tisser invisible.

Comme si une porte dérobée s'ouvrait enfin à lui, la vision de Florimond bascule sur une œuvre d'art d'une beauté inégalée. Des fils dorés s'épousent, se coulent, s'enroulent dans des mailles plus fines que la soie, qui perdent le regard. Un chant très doux émane de la trame du monde et résonne dans son âme. Il contemple un fragment de divin.

Toute intention belliqueuse semble avoir déserté les deux mastodontes velus. Les épées pendent mollement dans leur main. Leurs têtes oscillent comme s'ils marquaient la cadence d'un rythme langoureux. Sans s'arrêter à ce comportement insolite, Rachel plonge dans la mêlée, toute rage et dents dehors. Sa lame perce torses, voile et chant d'une même vindicte. La broderie inégalée se dissout dans une dernière note. Les deux trolls s'effondrent à ses pieds.

Elle bondit déjà vers le perron, avec un appel du bras.

— Venez !

Florimond se ressaisit d'une inspiration et entraîne Léonore. Maître Leonardo et le roi s'enfilent derrière lui. Ils débouchent dans la cour au milieu d'une clameur assourdissante et d'une confusion inextricable.

Les dos hirsutes de trolls s'égaient en tous sens sous les lances, piques et épées de soldats humains en armure. Des bannières claquent leurs couleurs. Des cris de ralliement se renvoient d'un bord à l'autre. Des chevaux terrorisés hennissent. En face, une ossature de pierres noircies, vestige des écuries, achève de se consumer, tandis que toute l'aile droite du château flambe comme les feux de la Saint-Jean.

Un îlot de résistance ennemie se regroupe autour de la volée de marche. Rachel s'y enfonce à revers. Devant cette saillie, une poignée de combattants se rallie en face et se porte à sa rencontre dans une brillante démonstration de tenaille.

Un cri de guerre vibrant tranche la cacophonie :

— Oncques ne faillis !

Le rang des trolls s'écarte sous la pression comme un fruit mûr à point. Les plus futés gonflent la débandade générale, les plus obtus basculent sous le jeu des lames. Bientôt, tout le flanc cède. La percée de l'armée royale rejoint celle, plus modeste, de la mercenaire, puis poursuit sa route jusqu'aux premières marches du perron, où les attendent quatre silhouettes rescapées des Enfers, échevelées, plus ou moins vacillantes, couvertes de suie, mais en un seul morceau.

Un combattant en cuirasse luisante s'arrête face à Florimond sous un tourbillon d'escarbilles enflammées. Devant le reflux de la menace, il abaisse son arme et retire son casque, dévoilant une masse de cheveux bruns semblable à quelque hallier sauvage du fond des bois. Un mélange de suie et de sueur souligne les contours de son visage juvénile d'un masque guerrier.

— Léonore !

L'apprenti s'écarte avec diplomatie devant ces retrouvailles. Jacques engloutit sa sœur contre son plastron, sans aucune considération pour les taches qui le maculent ou le risque de l'étouffer. Elle s'anime sous cette étreinte et semble reprendre contact avec la réalité.

— Jacques ? balbutie-t-elle comme au sortir d'un rêve.

L'adolescent la serre de plus belle.

— La merci Dieu ! Tu vas bien, j'ai eu si peur de te perdre une seconde fois.

Les paupières de Léonore s'abaissent ; elle s'abandonne à ce contact tant martial que fraternel. Il la porte presque.

— Comment es-tu là ? murmure-t-elle dans un soupir.

— J'ai mené l'assaut à la tête de nos hommes. Rien n'aurait pu me retenir !

Un sourire espiègle s'étire d'une oreille indisciplinée à l'autre. Il écarte une mèche d'or égarée sur le visage pâle et enfouit sa tignasse au creux du cou.

Florimond détourne le regard, gêné de leur intimité, et prend conscience du nœud de défenseurs qui les entoure et les protège de la mêlée. Autour du roi et de maître Leonardo, d'autres guerriers caparaçonnés s'agitent, s'agenouillent, pointent.

Il fronce les sourcils. Quelqu'un manque à l'appel.

Hameçonné par un instinct, il pivote vers le seuil qu'ils viennent de quitter. Une courte silhouette, toute de cuir vêtue, natte au dos, monte les degrés d'un pas décidé. Elle atteint les battants, elle va pénétrer à l'intérieur.

— Rachel !

L'interpellée se fige, tourne la tête et lui renvoie sa grimace favorite. Il esquisse un pas dans sa direction.

— Où vas-tu ? Tout va brûler !

— Ce foimenteor de Caleb est là-dedans. J'en ai pas terminé avec lui. T'en fais pas, Florimond, je reviens.

Elle avale la dernière marche d'un roulement d'épaules et franchit le cadre de la fournaise. Il la regarde disparaître, la gorge trop serrée pour répliquer.

Florimond. Elle l'a appelé Florimond. Pas le boiteux ou le barbouilleur. Juste son nom.

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