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3. Un mot envolé par la fenêtre (2/2)

Léonore gonfle ses poumons de l'air vivifiant de ce mois de mars et des fragrances plus discrètes des sous-bois. Le ciel radieux a offert une belle journée, mais un parfum d'humidité annonce la prochaine ondée. Elle s'enfonce à l'ombre des allées du parc, au gré de ses pas. La rumeur de la fête reflue dans son dos. Après le bouleversement de la conversation espionnée et la frayeur de son exploration, elle avait besoin de se vider l'esprit.

Sur les branches des chênes, les premiers bourgeons se languissent du printemps. Les rayons de soleil rasants jouent entre les doigts dénudés dans une explosion de brun, ocre, vermillon et or. Un saule pleure ses rameaux pendants au ras des lentilles d'eau. Tout en savourant cette ode paisible à la nature, elle traverse l'étang sur un petit pont moussu. Le rideau des frondaisons avale les derniers ronronnements des conversations.

Une brise secoue les feuillages ; d'anciennes brindilles épargnées par l'hiver craquent sous ses pas. Au milieu de ce silence bruissant, Léonore tend l'oreille sur une note incongrue. Un tintement métallique brise l'harmonie végétale. Le son se répète, encore, sur un rythme saccadé. On se bat, là-bas ! Sans prendre le temps de réfléchir, elle retrousse sa robe et se précipite.

Elle débouche dans une clairière dégagée devant un spectacle qui lui retourne le ventre. Un adolescent en pourpoint débraillé assène un coup d'épée sur la lame bien plus fine d'un garçon une tête plus court. Le gamin recule sous le choc, bute sur une racine et bascule en arrière dans un lit d'herbes folles. Sûr de sa victoire, le plus grand bondit avec un cri de guerre :

— Oncques ne faillis !

Le hurlement de Léonore retentit en contrepoint du tintement de parade du freluquet.

— Jacques, non !

L'action se fige. D'un même ensemble, les deux combattants tournent une tête étonnée. Le spécialiste des frasques en tout genre redresse les épaules avec une moue contrariée. Ses cheveux tombent en pagaille sur ses yeux bruns, encore pétillants de l'excitation de la joute.

— Léonore, que fais-tu ici ?

— Ne serait-ce pas plutôt à moi de te poser cette question ? s'indigne-t-elle. Je te cherchais, figure-toi ! Père m'envoie, nous rentrons. Et je te trouve comment ? Occupé à rosser un pauvre garçon deux fois moins lourd que toi !

Son cadet n'a vraiment aucun sens des convenances. Il rengaine son épée de toute la nonchalance de ses quatorze ans, puis tend une main à son adversaire encore à terre. Le petit s'en saisit et saute sur ses pieds. Au moins, il ne s'est pas meurtri dans sa chute ! D'un éclat de rire, il secoue sa tignasse semée de brindilles.

— Il faudra que tu me remontres les mouvements, Jacques. Je n'ai pas tout suivi. Tu allais trop vite.

Léonore a du mal à en croire ses oreilles. Que veut-il dire par là ?

— Une prochaine fois, peut-être, glisse le maître d'armes improvisé avec un coup d'œil circonspect dans sa direction.

— Tu as promis que tu m'apprendrais à être chevalier, n'oublie pas !

Le regard de Léonore oscille de l'un à l'autre des deux bruns ébouriffés. Les deux chenapans se livraient donc à quelque jeu guerrier ? Le soulagement menace de s'afficher en sourire sur ses lèvres. Elle le cadenasse et tente de maintenir un air sévère, calqué sur son père. Si son frère devine qu'elle n'est pas fâchée, il sera intenable.

Elle observe l'apprenti chevalier de plus près. À sa carrure maigrichonne et ses joues encore rondes de l'enfance, elle lui donne une dizaine d'années. Puis, elle prend note de la qualité de sa vêture, du coupé du tissu, de l'élégance du haut-de-chausses – en dépit de son aspect froissé. La lame qu'il rengaine dans un fourreau ouvragé n'est pas un jouet de pacotille, mais du bel acier de Tolède, forgé sur mesure. Une vraie graine de courtisan.

La conclusion de cet examen se loge au creux de son ventre en un nœud consterné.

— Un page du roi ! Mais tu es tombé sur la tête ! C'est sûrement un fils d'une grande famille. Te rends-tu compte si tu l'avais blessé ?

— Il voulait que je lui apprenne quelques tours, se récrie Jacques.

— Il dit vrai, Damoiselle, intervient leur sujet de discorde. Ne vous fâchez point contre lui, mea culpa, mea maxima culpa.

Interdite par le ton sérieux et la politesse lissée, elle ne sait que répondre. Des yeux d'un pâle bleu ardoise la contemplent sans ciller. Le sacripant affiche l'assurance confiante de celui à qui l'on ne refuse rien. Dans le doute, elle plie le genou :

— Pardonnez-moi, je m'inquiétais pour vous. Mon frère peut se montrer parfois un peu trop enthousiaste dans ses joutes.

Jacques se racle bruyamment la gorge. Vexé, peut-être ? Que cela lui serve de leçon ! Si seulement il pouvait se mettre quelques grains de sagesse dans la tête !

Le page plonge dans une révérence.

— Votre inquiétude est tout à votre honneur, Damoiselle, mais soyez assurée que je me porte à merveille.

Pour couper court à la tournure de la conversation, Jacques s'avance avec un moulinet théâtral.

— Bien, puisque rien de fâcheux n'est advenu : Guy, permets-moi de te présenter ma sœur, Léonore, modèle de beauté et de vertu ! Toujours soucieuse de me remettre sur le droit chemin.

Ledit modèle foudroie l'insolent plaisantin du regard. Loin d'afficher la moindre contrition, celui-ci lui renvoie un clin d'œil espiègle.

— Léonore, poursuit-il, je te présente Guy de Lorraine, page du roi et, à n'en pas douter, futur chevalier.

— J'espère me montrer un jour digne de cet honneur, comme notre roi, adoubé après sa victoire à Marignan par le seigneur de Bayard.

La déclaration pourrait prêter à sourire de la part d'un gringalet à la voix fluette, mais le ton posé écarte toute notion d'hilarité. Le nom bien connu éveille chez Léonore un pincement d'inconfort. Elle renouvelle sa génuflexion, plus appuyée.

— Je suis honorée de faire votre connaissance, Monsieur. Maintenant, si vous le permettez, notre père nous réclame.

Il s'incline en retour avec une galanterie bien huilée.

— Dans ce cas, je ne saurais vous retenir plus longtemps. Je vais même vous escorter.

Sur ces mots, tous trois retracent leur chemin à travers la chênaie assombrie par le déclin du jour. Guy ouvre la marche, pénétré de son sérieux de page royal. Léonore ne peut s'empêcher de l'observer d'un branle de la tête. Jacques lui donne le bras sur le sentier traître, dans un sursaut de galanterie inusité, peut-être inspiré par l'exemple du garçon.

— Alors, que penses-tu de mon nouvel ami ? lui glisse-t-il à l'oreille. Je t'assure qu'il se défend plutôt bien avec une lame entre les mains.

Léonore observe les yeux candides de son frère, pétillants de bonne humeur. Un an à peine les sépare. Ils ont toujours été très proches, elle couvrant ses frasques, et lui la couvrant de prévenance. Le départ de leur mère pour le prieuré et le retrait ombrageux de leur père ont encore renforcé cette connivence. Pourtant, elle a parfois l'impression d'être bien plus âgée que lui, comme en cet instant, sous les ramures drapées de pénombre.

Elle secoue la tête.

— Tu ne peux pas être ami avec lui, Jacques.

Il hausse un sourcil.

— Ah non ? Et pourquoi pas ?

— Un trop grand fossé vous sépare. C'est le fils du duc de Lorraine, tu es le fils d'un petit seigneur de Touraine. Il sera amené à de hautes fonctions pendant que tu géreras ton domaine.

— Je ne vois pas le problème. Il veut que je lui apprenne à se battre et, ça, je sais faire.

Léonore relâche un soupir.

— Il est encore jeune, mais en grandissant, il t'utilisera à ses propres fins et te tournera le dos le moment venu.

— Tu dis ça, mais tu es bien l'amie d'une fille de baron, toi ! s'insurge Jacques.

Ils retraversent le petit pont qui enjambe le cours paresseux du marigot et sa collerette de nénuphars. Léonore ouvre la bouche pour expliquer à son entêté de frère la subtile différence entre un baron et un duc lorsque son regard s'arrête sur deux empreintes profondes imprimées sur la rive boueuse. Deux marques improbables. Impossible de les manquer : presque sur leur trajet. Elle est persuadée qu'elles ne s'y trouvaient pas à l'aller.

Saisie d'un frisson du fond de l'âme, elle s'accroupit sans même prendre garde à sa robe. Ses doigts écartent quelques brins d'herbe terreux. Deux cercles, fendus en leur milieu. Des pieds fourchus se sont tenus au ras de l'eau. Elle relève le menton sur un battement plus appuyé dans sa poitrine. Juste en face, de l'autre côté de la mare, elle devine une trouée clairsemée. Sa nuque se hérisse. La clairière où ils étaient tous les trois.

Jacques penche son nez par-dessus son épaule.

— Et bien quoi ? Qu'est-ce que tu regardes ? interroge-t-il, perplexe. Ce ne sont que des traces de pas.

Léonore rabaisse la tête, se frotte les yeux. Impossible ! Les demi-cercles caractéristiques ont disparu. Elle contemple le bout arrondi d'une empreinte de souliers, parfaitement normale. Un quelconque promeneur sera passé par là.

Elle se redresse, prise d'un léger vertige. Voilà qu'elle se met à halluciner, maintenant ! L'eau clapote à ses pieds ; les arbres inclinent leur ramure ; les sous-bois se fondent sur un voile trouble. La journée a été trop longue, trop intense, trop riche en émotions. Elle porte une main à son front.

— Vous allez bien, Mademoiselle ? s'enquiert une voix enfantine.

Les yeux bleu-gris du page la dévisagent. Jacques lui attrape le bras. Sur son visage mobile, l'inquiétude a chassé toute espièglerie.

— Léonore ? Je te ramène à père. Tu es toute pâle.

Elle acquiesce de la tête sans oser parler. Rentrer, oui. Elle a besoin de faire le tri dans les événements.

Depuis les ramées, une volée de corneilles s'égaie dans un graillement criard.

*

Le cocher claque les rênes avec un « hue ! » d'encouragement. L'attelage s'ébranle. Les serviteurs du château s'inclinent au départ des hôtes.

Dans l'habitacle, Léonore bringuebale de droite et de gauche sur les cahots des graviers, l'esprit perdu dans des méandres bourbeux. Elle ne cherche pas particulièrement à se retenir ; les coussins molletonnés amortissent une partie des heurts. À ses côtés, Jacques lui glisse des regards perplexes. En face, son père se mure dans une froide désapprobation.

Pour expliquer leur retard, elle a avancé une excuse au sujet d'Isabeau qui les aurait longuement entretenus. Le mensonge a désarmé en partie la colère paternelle. Thomas Bohier est un voisin, riche, influent et respecté, qu'il serait imprudent de mécontenter.

Le regard de Léonore s'envole par la fenêtre au travers du rideau de velours bordeaux. Il oscille à l'abandon, sans autre but qu'une rêverie un peu lasse. Puis, comme par mégarde, il accroche une silhouette martiale, qui traverse la chaussée d'un pas décidé. Léonore sursaute devant le visage tailladé, la bouche tordue sur un rictus sinistre, le cache de cuir : le coupe-jarret de tantôt !

Elle se raidit sur son siège, tétanisée à l'idée qu'il élève la voix, se précipite, ouvre la portière. Mais non, le spadassin ne prête aucune attention à la voiture qui pivote dans la rue et s'élance sur les pavés. Que fait-il, alors ?

Léonore écarte le rideau et penche le nez par la fenêtre.

Le lascar s'arrête devant un petit gars adossé au mur d'une ferme. Ce nouveau quidam porte un gambison de cuir, serré par le ceinturon d'une épée. Un comparse, peut-être ? Elle croit d'abord qu'il s'agit d'un adolescent avant de remarquer la natte brune lovée sur l'épaule, la finesse du visage, la rondeur des hanches. Une femme ? Les yeux écarquillés de Léonore s'attardent sur les outrageuses chausses moulantes et la position d'une nonchalance indécente.

La voix paternelle la rappelle à l'ordre.

— Léonore !

Sur un soupir, elle relâche le rideau et se redresse, bien droite, mains jointes, face à son père, un sourire de fille obéissante plaqué sur les lèvres.

Toutefois, une pensée s'égare vers la scène surprenante. Qui est cette guerrière ? Que lui voulait le coupe-jarret ? Quelle drôle de vie, tout de même ! Qu'est-ce qui peut conduire une femme à une telle extrémité ?

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