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26. Une porte ouverte sur un songe (2/2)

Les pieds libérés par la piqûre de l'action, Florimond se déleste de son encombrant sac à dos, puis s'engouffre derrière Château-Renault. Sur un instant de vertige, il se rattrape au chambranle et cligne des yeux.

La pénombre de la vaste pièce tendue de velours s'illumine d'une cathédrale d'éclats chatoyants, qui se perdent dans les hauteurs des poutres de chêne. Au cœur de ce sacrement de lumières, devant la masse trapue d'un somptueux baldaquin, deux silhouettes aussi imposantes l'une que l'autre se tiennent face à face, immobiles, comme les deux côtés d'un miroir. Des myriades d'étincelles volettent tout autour, tournoient, les effleurent. Elles portent sur leurs ailes des bribes d'illusion, des reflets de visage, un souffle de songe.

Florimond s'arrête net, frappé d'insolite. Son exclamation meurt dans sa gorge. Il reconnaît le front haut, le nez droit, les épaules altières de François de France. Les yeux du roi se perdent dans les brumes, comme s'il suivait quelque pensée intérieure. Rien sur son visage ne trahit la moindre réaction à leur irruption. Il pourrait tout aussi bien être profondément endormi.

Quant à la seconde figure, Florimond ne la connaît que trop bien. Il l'a déjà contemplée sous une autre lune, en bordure d'une cité maudite, nimbée de la complainte d'un trône de pierre. Rien ne manque à l'appel entre le visage ciselé d'une beauté inhumaine, les épaisses cuisses velues et les sabots fourchus. Toutefois, son apparence vacille sous le tourbillon de rêve. Entre deux battements de cils, les pattes de sanglier se fondent dans un volumineux haut-de-chausses, la figure bascule sur les traits jumeaux de son vis-à-vis. Y a-t-il un ou deux rois ?

Florimond s'égare un instant sur les deux iris pâles, puis s'éclaircit l'esprit d'une volée de boucles. Ses genoux menacent de fléchir ; il se reprend d'une inspiration. Les charmes trompeurs d'Eochu ne l'envoûteront plus. Il sait où se trouve la vérité !

Comment cet ensorceleur a-t-il pénétré dans la chambre royale ?

Un surprenant effluve de saules, de clapot paisible et de terre grasse lui taquine les narines. Son regard remonte le long de cette brise jusqu'à un cadre ouvragé, accroché au fond de la pièce. L'austère château de Candé y émerge sur son roc baigné de rivière, en bordure de forêt. Est-ce une toile ou une fenêtre ouverte sur l'ailleurs ? La bordure de la peinture s'embrase de fils d'or, plus fins qu'un cheveu d'ange, qui s'élancent et s'entrelacent dans chaque interstice de la chambre. Sauf en leur centre. Florimond contemple, un nœud au ventre, ce trou béant dans la trame du monde.

Le seigneur de Château-Renault s'est immobilisé, lui aussi, le teint peut-être une nuance plus pâle. Guy les a rejoints et s'abrite derrière sa jambe. Le page a dégainé sa courte épée en brave chevalier, mais son regard désorienté balance entre les deux figures. Perce-t-il le mirage ou contemple-t-il deux souverains identiques ?

Florimond sent dans son dos la caresse d'une brise d'été au moment où Léonore se glisse jusqu'à eux. Comme à ce signal, Eochu tourne la tête. Ses lèvres s'étirent sur la ligne affûtée qui lui tient lieu de sourire. Les éclats suspendent leur vol et retombent en poussière irisée sur ses épaules. Ses iris glacés se posent sur la stature trapue vêtue de noir.

— Ah ! Jean d'Andigné, seigneur de Château-Renault, et Veilleur du sommeil des braves gens. Depuis le temps que je vous observe, enfin, nous nous rencontrons à visage découvert. J'espère que vous vous portez bien.

À son ton badin, il pourrait aussi bien accueillir des invités sur le seuil de son château. Pourtant, Florimond croit distinguer une ombre d'irritation à la commissure des lèvres. Il ne s'attendait sans doute pas à leur irruption. Peut-être peuvent-ils encore renverser la situation, arracher le roi à ses filets avant qu'il n'ait complété l'illusion ?

— J'ignore qui vous êtes, grogne le seigneur. Mais vous allez libérer cet homme immédiatement et repartir de l'Autre Côté. Ce monde n'est pas le vôtre.

Le sourire d'Eochu se recourbe sur une griffe.

— Oh, ma charmante épouse ne m'a donc pas présenté ? Veuillez lui pardonner ce terrible manquement d'étiquette. Elle voulait peut-être vous laisser la surprise de ma visite.

Il tend une main prévenante vers Léonore, comme pour l'inviter à entrer dans la danse. Le veilleur pivote d'un mouvement vif. Ses traits se déforment d'un sursaut de colère.

— Je savais bien que je ne pouvais pas vous faire confiance. Vous l'avez guidé jusqu'ici, vous avez ouvert le Voile !

La jeune femme recule d'un pas, une main en rempart sur la poitrine, une dénégation dans le regard.

Florimond ouvre des yeux interloqués avec l'impression que le sol se dérobe. Ce Jean d'Andigné se trompe de cible ! N'a-t-il donc rien écouté ? Il voudrait protester, argumenter, se porter garant, mais son esprit ne lui fournit qu'une bouillie de mots.

Le seigneur avance sur sa victime, l'œil mauvais. Il écarte les doigts. Un bouquet de brins brillants s'animent à son contact et se déploient comme autant de serpents prêts à mordre.

— Je vais vous empêcher de nuire, mugit-il.

Une lueur couve dans ses prunelles. Une haine ensorcelée. Florimond l'a déjà contemplée, une fois, dans les yeux de La Flèche. Sur un éclair de lucidité, il comprend ce qu'elle signifie. Il bondit au moment où le veilleur projette sa main.

— Non !

Ses doigts se referment sur le poignet. Son épaule emboutit la poitrine d'Andigné. L'assaut cueille le gaillard au dépourvu. Malgré la différence de poids, il bascule en arrière. Tous deux s'écroulent dans une embrassade originale. Un cri effaré retentit dans leur dos. Une corde trop tendue claque aux oreilles de Florimond, une sensation de brûlure lui chauffe la joue, les brins s'éteignent.

Il se redresse le premier, à moitié étourdi par l'audace de son geste, pendant que son amortisseur improvisé grogne une protestation. Léonore s'est collée contre le mur. Ses yeux sautent de leur enchevêtrement de membres à la main pernicieuse d'Eochu tendue en appel.

Guy hésite, bouche ouverte, sans savoir s'il doit embrocher le double néfaste de son souverain, la sœur de son ami, un seigneur ronchon ou un broyeur de couleurs boiteux.

À cinq pas de là, le roi maudit contemple le spectacle avec une satisfaction non dissimulée. Ils entrent dans son jeu à s'entre-tuer au lieu de le combattre ! Florimond serre le poing, ramène un genou sous lui. Au même instant, un grognement guttural lui dresse les cheveux sur la tête. Sur un signe d'Eochu, deux ombres se détachent, de part et d'autre du baldaquin, précédées d'un relent de vieille bouse macérée au soleil. D'où sortent-elles encore ? Pourquoi ne les avait-il pas vues ?

Un myope pourrait les confondre avec un couple de bûcherons mal léchés, qui ignore tout du peigne ou de ciseaux de barbier. Les yeux de Florimond, en revanche, fonctionnent parfaitement. Ils ne perdent rien des iris orangés, des pieds griffus ni des massues dans des poignes de la taille d'un chou. En soi, il n'a rien contre les choux – Mathurine les cuisine divinement bien – mais la vision de ceux-ci lui coupe tout appétit.

Un bras musclé le repousse sans ménagement. Le seigneur se relève sans détacher son regard de Léonore. S'il a repéré les deux exemplaires velus, il ne leur accorde aucune importance.

— Oui, c'est grâce à la prévenance de Brigit que je suis ici ce soir, suggère Eochu d'une voix caressante. Elle a drogué votre roi pour m'ouvrir le chemin de ses rêves. Il m'appartient, désormais.

Florimond frémit. Les mots s'enfoncent dans sa poitrine avec une chaleur malsaine. Il voudrait se boucher les oreilles, ne plus entendre, mais le timbre mélodieux s'infiltre par tous ses pores et répand une colère nauséeuse dans ses veines. Son cœur accélère. Il brûle de punir la coupable, celle qui menace le royaume tout entier. Pourtant, une voix au fond de son esprit connaît la vérité. Il a déjà lutté, il a déjà vaincu. Cette rage ne lui appartient pas.

Il la rejette dans un cri qui lui arrache les poumons :

— Mensonges ! Reprenez-vous, Messire ! C'est Eochu qu'il faut arrêter !

Le veilleur vacille, retenu par une incertitude. Le seigneur de Candé tourne le bleu glacé de son regard vers la source de l'interruption. Il esquisse une grimace chagrinée et aboie un ordre dans une langue inconnue, aussi râpeuse qu'une pile de pierres sèches. Les deux mastodontes s'ébranlent.

Florimond les regarde converger. Sur lui. Un instinct l'informe que ce n'est pas pour l'inviter à dîner. À moins qu'il ne représente le plat de résistance ? Un bien maigre gigot. Il ne peut combattre seul un seigneur envoûté, deux ours hirsutes et les sortilèges d'un ancien roi frustré. Il a besoin d'une idée de génie, assez rapidement même.

Ses yeux s'accrochent au tableau et à l'accroc béant. S'il détruit l'enchantement, referme le passage, les gardes se réveilleront-ils ? Se précipiteront-ils au secours de leur roi ? La piste mérite d'être explorée.

Un gourdin se lève au-dessus de sa tête. Il plonge de côté, joue des genoux sur le plancher ciré, et se redresse d'un pas bancal. Ce maudit cadre le nargue à l'autre bout de la pièce. Florimond s'élance. Si encore il disposait de deux jambes de même taille, mais la course n'a jamais été son fort !

— Attention aux trolls ! avertit une voix féminine charitable dans son dos.

Des heurts sourds pilonnent le plancher derrière lui. Un souffle à tourner du lait frais lui chatouille la nuque. Il puise un regain d'impulsion dans l'image d'une montagne de poils aux yeux affamés. Puis un choc dans ses côtes lui coupe la respiration. Ses pieds s'arrachent du sol ; sa rencontre avec un pan de tapisserie expulse l'air de ses poumons. Il s'écroule en tas hoquetant, avec l'impression d'avoir été broyé dans l'un de ses mortiers. Promis, s'il sort vivant de ce château, il ne martyrisera plus aucune pierre de couleur !

Une ronde de points lumineux s'ajoute à la protestation de son flanc. Dans une vision quelque peu chavirée, il voit le seigneur de Château-Renault reculer devant l'un des trolls. Des lassos de feu s'enroulent autour de la massue du monstre. Léonore s'échappe en direction du lit, du roi. Fuit-elle le tas de poils hideux ou le veilleur ? Les deux, peut-être.

Une ombre de la taille d'une armoire lui vole la suite du spectacle. Elle s'accompagne d'un borborygme répugnant juste sous son nez. Cette fois, c'est la fin.

— Arrière, engeance de démon !

Le défi vibrant pourrait apporter un soulagement appréciable s'il provenait d'un fier chevalier cuirassé, plutôt que d'une crevette d'une dizaine d'années en tenue de page. Toutefois, ce n'est pas le moment de faire la fine bouche. Guy s'interpose et pointe sa lame vers la bedaine pendante – une lame à peine plus longue qu'un des couteaux de Mathurine.

Florimond ne nie pas le courage du garçon, mais il risque de voir sa carrière de chevalier définitivement abrégée. Le troll abat le bras comme s'il écrasait un moustique. Il rencontre en chemin quelques pouces d'acier avec un carillon d'enclume. Le page, toujours accroché à son épée, vole deux pas plus loin.

Florimond tente de rassembler ses membres avec une grimace. Il se tord le cou. Le cadre est là-bas, à peut-être cinq enjambées. Hors de portée ! Ou pas ?

Il tend les doigts. Des fils s'illuminent sous son geste. Certains plongent sous ses pieds, d'autres s'élancent au-dessus du baldaquin, une grappe fuse vers sa cible. Il resserre la paume, tire. Une brève résistance. Le cadre vacille, puis chute sur le parquet avec un craquement distinct. L'étrange porte-tunnel palpite, se rétrécit.

Le rugissement d'Eochu interrompt le troll qui s'apprêtait à lui fendre le crâne d'un retour de balancier. Un flot d'imprécations incompréhensibles se déverse à la suite. La brute poilue pivote vers son maître et s'éloigne à grands ébranlements de plancher.

Florimond n'ose bouger un doigt. Non loin de lui, Guy s'assied et secoue la tête, toujours cramponné à son épée. Il semble en un seul morceau. Vive la souplesse de la jeunesse ! Léonore s'abrite contre un montant du lit, coincée entre deux feux contraires. Près de la porte, le veilleur affronte le barrage de la seconde créature. A-t-il repris ses esprits ? Son adversaire se débat dans une étrange toile d'araignée scintillante, une écume verdâtre aux lèvres. Le monstre s'arrache à ses liens avec un grondement indigné, puis recule.

Près du baldaquin, son compère charge Sa Majesté François sur son épaule comme un vulgaire sac de carottes. Le fier représentant du trône de France ne tressaille pas plus qu'une grosse racine.

Eochu lance un sourire tentateur vers la beauté aux cheveux d'or. Une fois de plus, il offre la main. L'appel galant d'un mari envers son épouse ; l'appel impérieux d'un roi envers sa reine.

Léonore hésite. Son regard glisse sur le seigneur de Château-Renault, puis vers Guy et enfin droit sur lui, Florimond, toujours affalé sur un coin de plancher. L'espace d'un battement de paupière, il a l'impression que la langueur distante de Brigit s'efface. Un mélange confus de regret, de compréhension et de résolution emporte les yeux vairons. Elle avance d'un pas et pose sa main dans celle offerte. Une curieuse étincelle réchauffe les prunelles d'Eochu tandis qu'il l'entraîne vers l'esquisse de son château.

Florimond se redresse dans un cri.

— Non, Léonore, Brigit !

Il démêle les nœuds de ses jambes, se lève, trébuche, se reprend.

— Je suis un danger pour vous. C'est mieux ainsi, souffle un ange à son intention.

Le premier troll saute à pieds joints dans le cadre du tableau renversé, au milieu des solides murailles, de l'eau sereine et des arbres centenaires. Il s'y dissout comme un mirage, bedaine et sac de souverain carotteux compris.

C'est le tour du roi maudit et de sa reine. Florimond s'élance, un feu dans la poitrine, une poigne nouée autour du cœur.

— Vous m'excuserez de ne pouvoir m'attarder plus longtemps en votre si charmante compagnie, fanfaronne l'ensorceleur. Une affaire pressante m'appelle à Candé. Je vous y recevrais avec plaisir, si d'aventure l'envie vous prenait d'une visite.

Il s'enfonce dans la toile entre les brins qui se resserrent, au bras de sa dulcinée, avec bien plus de classe et de dignité que son larbin poilu.

Le dernier mastodonte plonge à son tour dans le carré, comme un gros lapin dans son terrier. Derrière lui, les fils se rabattent sur une trame impeccablement lisse, puis s'effacent, comme si rien n'avait existé.

Florimond bondit et s'écrase sur une toile tout ce qu'il y a de plus solide, quoiqu'un peu chiffonnée.

Il ne reste dans la pièce qu'une terrible absence, de la taille d'un roi et d'une douce jeune femme aux cheveux d'ange.

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