Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

24. Une graine déjà plantée (3/3)

Léonore pousse un léger cri. Sur une tapisserie terriblement lointaine, les mailles claires des allées du parc s'interrompent sur l'arc austère du mur d'enceinte. Au-delà, le serpent de la rivière frôle de ses écailles miroitantes le troupeau des toits endormis. Vers l'est, au-dessus du moutonnement hirsute de la forêt, la lune hisse un œil impavide. Elle semble attendre sa visite.

Les doigts crispés sur le manche de bois ciré attrapé au dernier moment, Léonore a cessé de s'agiter. Elle ne bat même plus d'un cil. Ose-t-elle utiliser son arme ? Les serres qui lui rentrent dans les côtes paraissent soudain un rempart bien précaire face à une chute mortelle. Un à-coup puissant l'aspire vers des hauteurs étourdissantes.

Une seconde forme ailée se découpe à leur rencontre sur les langes indigo du crépuscule. Léonore gémit. Son cœur sombre dans le bourbier de ses entrailles. Un autre de ces monstres arrive pour l'escorter jusqu'à son royal époux. La créature se rapproche, tournoie autour d'eux. Au lieu de plumes, elle déploie des ailes membraneuses de chauve-souris. Une chauve-souris de la taille d'un carrosse !

Une voix bravache vibre dans la nuit, une voix aussi improbable qu'inespérée, une voix qui la soulève d'un parfum d'espoir.

— Léonore !

— Florimond ?

Comment est-ce possible ? Elle suit d'yeux encore incrédules les virevoltes aériennes de la machine volante – elle la reconnaît maintenant. Par rapport à ses souvenirs, le cuir est peint de motifs chatoyants qui évoquent le duvet enflammé d'un phénix. Sanglé sous la structure en bois, l'apprenti de da Vinci tire sur des grappes de fils avec la virtuosité d'un organiste.

Podarge pousse un cri strident et plonge sur l'importun.

— Attention !

Florimond vire au dernier instant. Les deux ailes, de cuir et de plumes, se frôlent dans un ballet audacieux. Léonore entraperçoit un rictus guerrier sous une toison de boucles. Cependant, malgré toute sa dextérité aérienne, la machine volante n'est pas de taille à lutter avec la souplesse prédatrice de la harpie. Prisonnière de l'écrin des griffes, Léonore est emportée dans un piqué qui lui retourne le ventre. Podarge repart déjà à l'attaque, sa serre libre tendue pour lacérer l'insolent. Elle va réduire le fragile assemblage en petit bois ! Le moindre accroc dans la toile précipitera le pilote dans une chute mortelle.

Pas question de regarder l'affrontement sans réagir ! Il reste un espoir de prévenir l'inévitable, un atout toujours pressé dans sa paume moite. Elle se tortille, se hausse, tend le bras. Un doute la tiraille, ainsi suspendue au-dessus du vide dans un numéro de voltige acrobatique. Pourvu qu'elle ait bien interprété les paroles sibyllines de Brigit !

Elle oriente l'ovale du miroir portatif vers la figure de vieux parchemin jauni.

— Contemple-toi, Podarge !

La harpie détourne brièvement les yeux de son objectif et plonge dans ses propres prunelles. Un hurlement écœurant s'échappe de ses lèvres noires. Les ailes se replient en protection, comme pour cacher cette vision d'horreur ; le monde bascule en vrille.

Léonore ne sent plus de pression sur ses côtes, ni le battement puissant du vol. Elle ne sent plus que le vent qui l'avale et son estomac qui menace de ressortir par sa bouche ouverte. Un coin mesquin de son esprit l'informe qu'elle a lâché le miroir, un autre qu'elle a réussi à se débarrasser de la harpie.

Elle tombe, comme une pierre, vers une mort certaine.

Une ombre grossit. Une secousse interrompt brutalement sa trajectoire pour l'emporter derechef dans les airs sous un claquement de cuir. Deux bras humains la maintiennent contre un corps chaud. Son estomac retrouve avec bénédiction sa place habituelle.

— Je vous tiens ! triomphe une voix sous son oreille.

Elle crispe les mains sur celles de l'apprenti. Dans sa poitrine, son cœur martèle un soulagement hébété. Le sol cesse de se rapprocher au galop et se stabilise sous ses pieds suspendus. L'aile volante descend dans une vrille alanguie. Léonore reconnaît le pavé sombre du château, les silhouettes tourmentées des aulnes, l'arrondi plus pâle de l'esplanade.

Plus haut dans le ciel, la harpie réduite à la taille trompeuse d'une corneille hésite, tournoie devant la lune, puis disparaît dans l'œil pâle au-dessus des bois. Craint-elle à ce point de se retrouver face à son reflet ? Elle abandonne la lutte, pour l'instant. Sans doute va-t-elle rendre compte à son souverain de l'échec de sa mission.

Un rire joyeux monte vers les premières étoiles.

— C'est merveilleux, n'est-ce pas ? Nous volons !

Léonore est loin, bien loin, de partager sa débauche d'enthousiasme, mais le plaisir contagieux d'être en vie, d'avoir échappé à la harpie, de la présence précieuse d'un compagnon d'aventures lui déride les lèvres d'un sourire incertain.

— Florimond, pouvez-vous vous poser dans le parc ?

— Bien sûr ! Attention, paré à l'atterrissage !

Le fil argenté de la rivière disparaît derrière les toits. Les frondaisons ramifiées des arbres se rapprochent. L'allée d'honneur déroule son tapis de gravillons sous leurs pieds pour accueillir le retour de la fille de la maison sur son destrier ailé. La machine ralentit, se cabre, puis se pose avec un dernier heurt et un grincement de labour.

Léonore sent la familière solidité du sol sous ses fins bandages. Les bras anguleux la relâchent. Elle esquisse quelques pas balbutiants de nouveau-né comme si la marche représentait la plus merveilleuse invention au monde, puis pivote vers l'apprenti en train de se débattre avec les sangles de son harnais.

Un élan spontané parle à sa place. Elle se jette à son cou.

— Merci, merci, souffle-t-elle.

Elle le serre un bref instant contre sa poitrine, se recule. Il la regarde, bouche ouverte, bras ballants, comme un chevalier devant une princesse transformée en grenouille – ou l'inverse. Elle n'est pas bien certaine dans l'obscurité, mais elle jurerait que sa carnation a adopté un teint plus vif.

— Par quel miracle êtes-vous là ? s'étonne-t-elle, encore tout étourdie par ce retournement de situation.

Il se ressaisit d'un ballottement de boucles, termine de se désengager de la machine et réajuste les bretelles de son volumineux sac à dos.

— Je voulais tester l'ornithoptère sur un vol d'essai, et prendre de vos nouvelles par la même occasion. Je craignais que Brigit ne soit revenue vous tourmenter.

Il relève la tête, brusquement bien plus sérieux.

— Léonore, c'est affreux ! Eochu s'est emparé de maître Leonardo, la nuit dernière. Avec des monstres ailés. Sans doute comme celui qui vous a assaillie.

« Il va terminer le portrait pour réunir nos deux âmes dans un même corps, et ouvrir le passage entre votre monde et le nôtre. D'autres créatures viendront. Les humains ne sont pas prêts pour cela, ou ne le sont plus. Ils ont oublié les faés, les korrigans et les dryades. Le temps des Anciennes Alliances est révolu, » soupire un fantôme déchu.

— Et il a envoûté mon père, comme La Flèche, rapporte Léonore dans une bouffée d'angoisse. Florimond, François de France est en danger. Pourvu qu'il ne soit pas déjà trop tard !

Maintenant que la menace de la harpie est écartée, son esprit se remet à fonctionner. L'évidence la frappe en pleine figure. Comment n'y a-t-elle pas songé plus tôt ? Elle sait ce qu'elle doit faire !

Elle s'élance vers l'entrée du château, sans aucun égard pour ses plantes de pied traumatisées.

— Léonore, où allez-vous ?

— Sauver le roi !

— Mais ? Le roi est à Amboise ! appelle-t-il sans comprendre.

Des lumières brillent aux fenêtres. Des exclamations étouffées filtrent dans la nuit. Les serviteurs ont sans doute découvert le massacre de sa chambre.

Elle gravit les marches du perron quatre à quatre à l'instant où le battant s'ouvre sur la stature élancée du portier. Elle se faufile sous son nez médusé.

— Mademoiselle Léonore, que s'est-il passé ?

— Un bandit s'était introduit dans ma chambre, par la fenêtre, jette-t-elle sans se retourner.

Le reste des explications attendra ! Elle s'engouffre dans l'escalier sans ralentir sa course. Ses pieds volent presque au-dessus des degrés. Un claquement de pas bancal la suit, porté par une respiration haletante.

Sur le palier du premier étage, elle pivote autour du pilastre. Gilbert émerge de ses appartements avec le regard halluciné de celui qui contemple un fantôme. Elle file sous sa mine blême. Derrière lui, l'une des femmes de chambre se lamente, horrifiée du désastre.

Léonore fonce dans le salon baigné du rougeoiement des dernières braises. Elle plonge sur le cadre doré, juste à côté de la cheminée frappée des armoiries familiales, l'arrache de son crochet. Acheté par l'entremise de Blaise Fayet a dit Urbain. Sur la peinture, le monarque lève son calice dans un sourire bienveillant, devant la tablée expectative. « Et quand il aura bu, que devrais-je faire ? » a interrogé la voix haineuse de son père. « Oh, rassurez-vous, le moment venu, tout s'éclaircira » a répondu le Seigneur de Candé.

Elle brandit la toile et l'abat de toutes ses forces sur le fauteuil voisin. Le bois éclate dans une détonation d'arquebuse. Les montants sculptés perforent roi, reine, banquet. Elle tombe à genoux au milieu de ces ruines, la respiration hachée de sa course.

Pourquoi ? Pourquoi cette haine de son père envers François ?

« Eochu ancre ses glamours dans la colère, le ressentiment, le dégoût. Les sombres pulsions des hommes. Il attise, cultive et utilise à ses fins, mais il ne fait pas naître. La graine était déjà plantée, » explique une voix désolée.

D'autres mots, prononcés ce soir dans cette même pièce, apportent un début de réponse. Les conquêtes royales. Léonore se souvient des commérages ravis d'Isabeau sur la dernière maîtresse en date du souverain, paradée au vu et au su de toute la cour. Une compréhension se noue dans sa gorge.

— Mère, quel est donc ce péché pour lequel tu t'es enfermée au couvent ? souffle-t-elle pour ses seules oreilles.

Florimond la rejoint, suivi de toute une cohorte de serviteurs alarmés. Son regard oscille des mains encore tremblantes à la toile ravagée.

Il se penche et l'aide à se relever avec une douceur bien moins empruntée que lors de leurs premières interactions.

— Une des œuvres d'Eochu ?

Elle confirme de la tête. Décidément, l'apprenti de da Vinci est loin d'être un idiot. Elle est contente qu'il soit là, à ses côtés. En sa compagnie, elle se sent plus forte, capable d'affronter les prochains événements. Qu'elle ait ou non agi à temps, sa route est claire.

Elle pivote vers une rangée de regards s'étageant de la stupéfaction consternée à l'affolement galopant. Gilbert vacille derrière, les yeux dilatés. A-t-il vu la harpie ?

Elle prend une profonde inspiration, relève le menton et déclare d'une voix forte, en parfaite imitation de l'intransigeance paternelle.

— Des bandits ont tenté de m'enlever. Un complot menace la couronne de France. Mon père, mon frère sont en danger. Faites seller ma jument, je pars sur l'heure pour Amboise.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro