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24. Une graine déjà plantée (1/3)

— Laisse-nous, Jacques, ordonne Urbain Bérard.

Debout près de la cheminée, mains jointes dans le dos, il ne se retourne pas.

Léonore sent les doigts de son frère se crisper sur les siens. Depuis qu'elle a franchi le seuil du château dans les bras du baron de Saint-Cirgues, il ne l'a pas quittée un seul instant, comme si elle risquait de s'effacer en poussière de rêve dès qu'il détournerait la tête.

Elle observe les épis en pagaille qui semblent n'avoir connu aucun peigne depuis leur séparation, le visage hâve encore couturé de fines lignes rouges, les reflets brillants d'un soulagement hébété sur ses joues. À le voir, on pourrait croire que c'est lui qui a erré pendant des jours en forêt.

Elle répond d'un sourire au voile de désarroi dans son regard.

— Je vais mieux, maintenant, Jacques.

Il déglutit et opine du menton avec une réticence engourdie. Elle ne l'avait jamais vu bouleversé au point d'en perdre toute taquinerie. Cette constatation, plus que toute déclaration grandiloquente, l'imprègne des affres dans lesquels il a vécu ces derniers jours. Thomas Bohier n'avait pas tort, elle se devait de rassurer les siens sur son sort.

Son frère abandonne ses doigts à regret, lisse les plis chiffonnés de son haut-de-chausses et lui renvoie un rictus torve. Après un coup d'œil vers l'austère silhouette paternelle léchée des flammes de l'âtre, il se dirige vers le battant d'un pas de condamné. La porte lambrissée du salon se referme derrière lui dans un cliquetis feutré.

Léonore pousse un profond soupir du fond de son fauteuil. Elle n'a pas menti. Restaurée, une tisane fumante à portée de main, pieds bandés de frais, épaules drapées dans un châle douillet sur ses restes de robe, elle se sent en bien meilleure forme. Le bourdonnement qui ouatait ses sens s'est résorbé. Elle entend toujours la voix de Brigit en compagne indissociable, mais parvient à la tenir à l'écart de ses propres réflexions. Elle s'estime prête à endurer une pluie de reproches. Celle-ci ne devrait plus tarder, si elle en juge les nuages d'orage qui s'entrecroisent sur le visage tourné vers la danse du feu.

Le père masque mieux son ébranlement que le fils, mais elle a senti la fêlure de sa contenance policée à l'instant où il l'a prise dans ses bras, des mains du baron. Il l'a portée lui-même à l'étage, malgré les offres des serviteurs, dans ce salon dont il n'a plus bougé, pas même pour raccompagner un ami jusqu'à la porte.

Elle sait que sa réaction n'en sera que plus vive, et il aura raison. C'est son acte irréfléchi qui a tout précipité et l'a placée à la merci d'Eochu. Maintenant, les événements se bousculent, le temps leur est compté. Elle a repris connaissance dans la calèche qui fonçait à vive allure vers Bléré, bien trop tard pour faire demi-tour. Si le chemin du roi lui est désormais barré, reste l'oreille de son père. Il dispose de ses entrées à la cour, tout n'est peut-être pas encore perdu. Elle doit le convaincre d'agir à sa place.

Urbain Bérard n'a toujours rien dit, aussi indéchiffrable qu'un mannequin de cire. Seul le crépitement de l'âtre trouble le silence des lourdes tentures de velours. Pense-t-il à sa femme, égarée pendant trois jours dans la même forêt ? À l'enfant différent dont elle a accouché ? Au couvent dans lequel elle s'est réfugiée pour fuir ses péchés ?

Finalement, sa voix s'élève, ciselée de réprobation, tourmentée d'un fantôme de chagrin.

— Léonore, te rends-tu compte de ton imprudence ?

— Oui, père. Mais je...

Il pivote et la considère d'un regard trahi.

— Je te croyais raisonnable. Je croyais pouvoir compter sur toi. Je te faisais confiance.

Elle s'humecte les lèvres sans trouver de réponse. La déception blessée muselle ses protestations plus efficacement que tout éclat de colère.

Devant son silence coupable, il secoue la tête.

— J'espère que ton mari aura plus de succès pour faire de toi une bonne épouse.

Elle se saisit de la branche offerte et saute à l'eau en espérant ne pas s'y noyer.

— Père, Hugues de Wied n'existe pas.

Ses yeux s'écarquillent. Il prend une inspiration, se ravise. Elle aura au moins réussi à couper net le flot de son sermon. Il la dévisage un instant comme si elle avait perdu l'esprit, puis une vague de compréhension chagrinée submerge ses prunelles.

— Écoute, Léonore, se ressaisit-il d'un ton plus doux. Je peux comprendre que cette union te préoccupe, comme toute pucelle avant toi, surtout par la distance qu'elle implique avec ce que tu connais ici. Mais tu te feras de nouvelles amies en Flandre. J'ai échangé de nombreuses lettres avec Hugues et pris mes renseignements. Je t'assure qu'il est un homme très bien à tous égards. Il appartient à une puissante lignée et ce lien renforcera la position de notre famille à la cour, d'autant plus avec l'élection à venir.

Une note particulière vibre dans sa voix sur ces derniers mots, qu'elle ne parvient pas à interpréter. Elle dresse l'oreille, l'estomac barbouillé par une étrange prémonition.

Il se méprend sur son inquiétude et avance d'un pas, sourcils froncés de suspicion.

— Est-ce donc pour fuir ce mariage que tu as disparu ?

La question la pique dans son amour-propre. A-t-elle sombré si bas dans l'estime de son père ?

— Non, loin de moi l'idée d'échapper à mon devoir. Je n'étais pas perdue dans les bois. Je me trouvais tout ce temps au château de Candé, terrassée par une mauvaise fièvre après ma chute dans la Loire.

Elle joue avec un nœud du châle, cherchant les mots suivants. Comment convaincre ? Les demi-mesures n'y suffiront pas. Mais jusqu'où ose-t-elle aller dans ses révélations ?

— Père, l'homme que j'ai entendu comploter lors de la fête au Cloux, celui dont je vous ai rapporté les paroles, c'était ce Blaise Fayet.

Il se fige dans une parfaite imitation de statue ; plus un cheveu ne bouge, pas un cil ne frémit. Sans la danse du feu, elle pourrait croire que le temps s'est suspendu à ses lèvres. Elle en profite pour débiter tout ce qu'elle sait avant qu'il ne la coupe.

— Dans la cour de son château, il construit les machines de guerre de monsieur da Vinci. C'est lui qui a fait dérober les notes du peintre royal ! Il convoite le trône du Saint-Empire. Je crois qu'il veut s'en prendre au roi. Je suis parvenue à m'enfuir grâce à Florimond. Il faut avertir Sa Majesté François, le plus vite possible !

Dans les yeux d'Urbain, la stupeur vole en éclat sous une vague d'irritation.

— Ridicule ! s'étrangle-t-il. Entends-tu tes paroles ? Léonore, tu as été malade, tu viens de le dire. Tu confonds tes délires fiévreux avec la réalité ! Ce que tu racontes n'a aucun sens.

Lancé dans sa diatribe, il arpente le salon de long en large, en proie à la plus grande agitation. Une main calée dans le dos, il réfute les affirmations d'un moulinet de bras. Léonore observe le manège, un brin déconcertée. Elle n'avait encore jamais vu le seigneur de Bléré, aux colères plutôt froides et rentrées, perdre à ce point le contrôle de lui-même. Elle se redresse dans le fauteuil, secouée d'un léger frisson. Qu'a-t-elle déclenché ?

Son père se plante devant l'un des tableaux accrochés au mur – une quelconque scène de banquet où un monarque porte un toast au bras de sa reine. Il inspire profondément et semble recouvrer contenance. Sans se retourner, il poursuit son raisonnement d'un timbre affermi.

— Je connais bien le seigneur de Candé. J'ai eu l'occasion de traiter quelques affaires avec lui, dont l'acquisition de cette toile, par exemple. C'est un original, certes, mais pas le comploteur que tu décris. Il m'a même suggéré le nom d'Hugues de Wied, quand il a appris que je réfléchissais à un époux pour toi, et s'est offert en intermédiaire. S'il t'a recueillie après ta chute de cheval, je lui suis doublement redevable.

Rassurée par le ton plus posé, Léonore jette toute sa conviction dans une dernière plaidoirie.

— Je ne confonds pas, père. Je sais que mes paroles peuvent paraître rocambolesques, mais vous devez me croire ! Il en va du sort du royaume. Avertissez le roi, je vous en conjure !

— Ça suffit ! tranche Urbain d'un couperet de bourreau.

Il pivote sur les talons pour la foudroyer d'un regard dépouillé de toute compréhension paternelle. Une colère malsaine couve dans ses prunelles.

— La fièvre ou le choc t'a bouleversé l'esprit, assène-t-il. Je n'écouterai pas plus d'élucubrations. Tu as besoin de repos.

Elle frémit, l'espace d'un battement de cœur, puis relève le menton sur un pincement de fierté. Elle a déjoué des maléfices et affonté ses peurs. Elle ne se laissera pas intimider ; elle sait ce qu'elle a vu ; elle sait qu'elle n'est pas folle. Florimond l'a aidée à percevoir la vérité.

Léonore s'attend à ce que son père la fustige pour sa posture insolente, mais il continue sur sa lancée, plongé dans quelque tourbillon intérieur, sans même se rendre compte du défi filial.

— Tu mésinterprètes les quelques mots entendus. Qui pourrait en vouloir au bon roi François ? Une si noble figure, drapée de la majesté de la couronne de France, armée de l'insolence de la jeunesse. Une prestance à tourner la tête de toutes ces dames de la cour, qu'elles soient mariées ou non...

Sa voix dérape sur la dernière phrase, plus tourmentée, ténébreuse. Léonore s'immobilise, prisonnière d'un cauchemar, enserrée des pieds à la tête dans un écrin de glace. Elle n'ose même plus respirer. Ce timbre dégoulinant de ressentiment ne lui est pas inconnu. Elle l'a déjà entendu une fois, par un carreau ouvert, en grande discussion avec une voix enjôleuse.

Son père ?

Son père serait le comploteur, celui qui veut empoisonner le roi ?

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