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22. L'impossible à portée de pinceau (1/2)

Pétrifié, Florimond regarde le seigneur se précipiter vers la fragile forme effondrée au pied de la banquette dans un nuage de cheveux d'or. Il dégage le visage pâli d'épreuves, tâte le poignet inerte et secoue la tête sur un pincement de lèvres préoccupé.

— Elle a défailli. Si elle erre depuis quatre jours dans les bois, elle doit être épuisée, affamée.

Il retourne un regard courroucé vers la demoiselle qui a plaqué les deux mains sur sa bouche.

— Tu aurais dû me prévenir tout de suite, voyons ! À quoi pensais-tu !

La dénommée Isabeau agite sa calotte de cheveux bruns, les yeux brillants de détresse.

— Je ne savais pas... Je n'ai pas songé... Je suis désolée, père.

Le visage du seigneur se durcit sur une réprobation de nature à faire trembler dans ses chausses tout valet qui se respecte, baisser des cils honteux à une jeune fille et même frémir un apprenti innocent.

— Va faire atteler ma voiture. Je la conduis à Bléré.

Sa fille se retire, ou plutôt s'enfuit, sur un petit cri de souris qui signe sa diligente obéissance. Frappé d'angoisse, Florimond regarde le pan de robe cramoisi disparaître par l'encadrement. L'attention du notable pivote sur sa frimousse.

— Est-ce vous qui l'avez retrouvée ?

À court de mots, il se contente d'acquiescer du menton.

— Merci de l'avoir ramenée saine et sauve. Assurément, Urbain Bérard, le seigneur de Bléré, vous en sera profondément reconnaissant.

Le timbre intransigeant se déride sur ces quelques mots et Florimond parvient à retrouver l'usage de sa langue.

— Co... Comment va-t-elle ? croasse-t-il.

Le père d'Isabeau se penche une nouvelle fois sur l'ange inanimée et la soulève en douceur pour l'installer plus confortablement. Ainsi allongée, elle paraît dormir d'un sommeil paisible. Ses traits tourmentés se détendent. Le seigneur détache son pourpoint, en couvre le buste souillé par les épreuves et se redresse avec un soupir.

— Elle est à bout de forces, je le crains. Ma fille m'a raconté qu'elle tenait des propos incohérents. Votre inquiétude est tout à votre honneur, mais ne craignez rien. Je vais la ramener à sa famille qui prendra soin d'elle. Entre de bonnes mains, elle se remettra vite.

Ses sourcils se rejoignent sur une moue songeuse.

— Ne vous ai-je pas déjà vu ? Vous êtes l'apprenti de da Vinci, n'est-ce pas ? Celui qui est tombé dans la fontaine.

Florimond baisse le nez. Ce rappel de son exploit douteux plisse ses lèvres d'un soupçon d'amertume. Il se serait volontiers passé d'une telle célébrité. Est-il donc encore la risée de tous les nobles de la cour ?

— Oui... Enfin, je veux dire, je suis bien l'apprenti de maître Leonardo. Je m'appelle Florimond.

Le seigneur acquiesce comme pour se féliciter de sa mémoire à toute épreuve.

— Eh bien, monsieur Florimond, je ne vous retiens pas plus longtemps. Votre maître vous attend, sûrement. Je transmettrai votre nom à monsieur de Bléré, qui vous fera porter des nouvelles.

Après la surprenante invitation de Blaise Fayet, voici, pour la seconde fois en peu de temps, qu'un noble sire s'intéresse de près à son existence. Par complète opposition avec la première, il s'agit de lui signifier son congé, en toute élégance, mais de manière non équivoque.

Il bat des paupières, tiraillé entre deux impulsions contraires. Léonore insistait pour informer François de France au plus vite des machinations du seigneur de Candé. Mais que peut-il faire, lui, le broyeur de couleurs boiteux ? Il ne connaît personne dans l'enceinte de ce château. L'idée de réclamer audience au souverain lui paraît aussi ridicule que celle de se mettre à voler. Et ensuite ? Il ne saurait même pas que lui dire. « Sire, un roi vieux de deux millénaires, maudit par un barde pour ses mauvaises manières, amateur de peinture à ses heures perdues, convoite votre trône et a subverti l'un de vos sujets pour vous empoisonner. » Grotesque !

Son regard glisse vers le visage blême de Léonore et l'impuissance lui poigne le cœur. Il n'y avait pas qu'une simple fatigue dans l'égarement de la jeune femme. Elle entendait la voix de Brigit. Cela veut dire que l'envoûtement se referme sur son esprit à chaque coup de pinceau sur la fresque maudite. Rien que pour cette raison, il sait que le temps lui est compté. Jacques prendra soin de sa sœur, il n'a aucun doute. La figure du jeune homme, ravagée de culpabilité et de chagrin, reste peinte sur la toile de ses souvenirs. Cependant, c'est à lui d'agir pour sauver son âme. Pour cela, il doit parler à quelqu'un qui l'écoutera jusqu'au bout, sans juger. Quelqu'un dont le grain de génie l'aidera à accepter les élucubrations d'un broyeur de couleurs, aussi saugrenues soient-elles. Une résolution rassérénante enfle dans sa poitrine. Oui, maître Leonardo saura que faire !

Sa décision prise, il s'incline dans une courbette maladroite et se rétablit de justesse. Il sent lui aussi sur ses épaules la fatigue de la courte nuit, de la marche en forêt, de la course poursuite. Ce n'est pourtant pas le moment d'embrasser le tapis !

Le temps de ressortir du bâtiment, il croise quelques serviteurs affairés, des dames apprêtées comme pour un bal, des seigneurs en atours rutilants et discussion animée ; aucun membre de cette population choyée ne lui adresse un regard. Il traverse la cour en fantôme d'un autre monde, ressort sous les hallebardes indifférentes des gardes de la tour et redescend la rampe d'un pas bien plus esseulé qu'à son arrivée.

*

Florimond rase prudemment les murs en arrivant aux abords du Cloux, à l'affût d'une bande de malandrins avec quelques comptes à régler. Aucun barbu ne surgit au coin de la rue, aucune épée ne pointe le bout de son nez, aucun cri ne l'alpague au passage. Leurs agresseurs ont déguerpi, avec leur blessé. S'ils ont tué le coupe-jarret, ils se sont également débarrassés du corps. Seules quelques traînées brunes sur les pavés marquent encore le lieu de l'attaque.

Il se hâte, la tête rentrée dans les épaules, et accueille avec soulagement la vision du drap de briques roses liseré de ses broderies blanches, offert sur son tapis d'herbe tendre. Le crissement des gravillons sous ses galoches lui souhaite la bienvenue ; les hautes fenêtres à meneaux lui renvoient un clin d'œil ensoleillé. Il inspire une bouffée de retour à la maison qui lui allège le pas.

Il gravit le perron et pénètre dans le hall peuplé de marbre blanc et de courants d'air.

— Batista ? C'est moi, Florimond !

D'habitude, le serviteur se précipite au moindre frémissement d'un visiteur, mais seul le soupir du silence lui répond. Il doit être occupé dans les étages, ou sorti pour une course. Florimond délaisse l'escalier d'honneur et s'enfonce vers l'arrière du corps de logis. À cette heure, le maître doit se trouver à l'atelier, ou peut-être en train de dessiner sous les rayons joueurs du soleil, inspiré par la chanson mutine de la fontaine.

Il s'arrête devant la porte de chêne patinée par l'usage, gardienne des merveilles, seuil de l'imagination. Ses jambes vacillent un peu. Ses entrailles, vides de tout repas consistant, se contractent sur un doute. Il aurait dû rentrer deux jours plus tôt. Quel accueil va-t-il recevoir ?

Le battant s'écarte sur un grincement incertain.

— Maître ?

Personne. Les peintures somnolent dans la langueur d'une sieste digestive. Quelques rais de lumière jouent entre les volutes de poussière. Les ailes membraneuses de l'ornithoptère reposent en albatros indolent dans l'attente illusoire d'un souffle de vent. Même le chevalet de Francesco est dépouillé de la grimace perpétuelle de son propriétaire. Mais où diantre a disparu tout le monde ? Un cadencement plus fort contre ses côtes lui susurre un message qu'il se refuse à entendre.

— Florimond ! tonne une grosse caisse dans son dos.

Son cœur dérape. Il bat des mains, manque de s'écraser au sol et se raccroche au chambranle. Un peu vacillant, il pivote vers la vision improbable d'une montagne de chair lancée dans un croisement entre une course et d'étranges rebonds de baudruche.

Avant qu'il ait pu articuler un mot, deux bras se referment sur son torse et le serrent à l'étouffer entre d'imposants mamelons au parfum de farine.

— Oh, Florimond ! Tu es là ! réitère Mathurine d'une voix tremblante.

Il émet un râle étranglé et la pression se relâche sur ses côtes. Ses pieds retrouvent leur guingois familier sur les dalles. Il reprend sa respiration, un peu étourdi de cette exploration des replis féminins.

— Euh, oui, je suis rentré, marmonne-t-il dans une brillante démonstration d'évidence fracassante.

Elle fronce les sourcils devant le négligé boueux de sa tenue, lui coince les joues entre ses mains pour mieux le regarder et relâche un bruyant soupir.

— Tu étais si bouleversé quand tu es parti. J'ai cru que tu avais fait une grosse bêtise. Monsieur da Vinci aussi s'inquiétait pour toi. Ne recommence plus jamais une frayeur pareille ! As-tu seulement mangé ?

Il ouvre la bouche pour la rassurer sur son sort, mais son estomac choisit cet instant précis pour manifester sa propre opinion d'un gargouillement sonore.

— Tu dois être mort de faim ! se récrie-t-elle, horrifiée. Viens à la cuisine, je vais te confectionner un en-cas.

Sans attendre son assentiment, elle l'entraîne d'autorité vers son antre souverain, paradis des papilles et havre des apprentis jamais rassasiés.

— Cette pauvre enfant, noyée, si jeune, reprend-elle d'un ton désolé. C'est pitié. Je comprends que cela t'ait frappé, mais ce n'était pas une raison pour disparaître de la sorte sans prévenir. As-tu songé à ta pauvre mère ? Ça lui briserait le cœur s'il t'arrivait quoi que ce soit !

Florimond écarte la mention maternelle d'une grimace. Lors du compte-rendu qu'elle ne manquera pas de réclamer, il vaudra mieux passer sous un silence pudique les détails exacts de ces derniers jours. En revanche, une certaine nouvelle va se répandre plus vite que Filou n'avale un chapelet de saucisses.

— Elle n'est pas morte, Mathurine.

La déclaration coupe la cuisinière dans son oraison funèbre.

— Quoi ? Qui n'est pas morte ?

— Léonore Bérard, elle n'est pas morte. Je l'ai retrouvée et ramenée à Amboise.

Il plonge dans les yeux ronds comme des chaudrons de Mathurine et redresse les épaules avec l'aplomb de celui qui a déjoué un maléfice, franchi le voile entre les mondes, échappé à un dragon et sauvé une princesse en détresse. Tant pis pour l'en-cas, il y a plus urgent ! Il prend une inspiration :

— Un grand danger menace le roi, et même tout le royaume. Il faut que je parle à maître Leonardo, tout de suite. Où est-il ?

La brave femme bat des cils, comme si elle cherchait à réconcilier le jeune apprenti maladroit qu'elle réconfortait, encore une semaine auparavant, à coup de vin épicé et de tartines beurrées, avec la graine de chevalier qui bombe fièrement le torse devant elle.

Elle pose une main navrée sur ses lèvres.

— Oh, mon Dieu, bien sûr, tu ne sais pas.

Florimond a l'impression qu'un couple de serpents se niche dans son ventre.

— Je ne sais pas quoi ?

— Monsieur da Vinci a disparu.

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