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18. Une poignée de brins fragiles (3/3)

Au milieu des vestiges épars, de l'eau jusqu'à la taille, La Flèche se redresse, épée en main, chemise au vent, face à la montagne de pointes et à sa queue tout aussi acérée. Florimond hésite entre deux élans contraires. La vision du monstre suintant de poison lui broie les entrailles. Où sont repartis les fils mystérieux quand il a besoin d'eux ?

Le dard vengeur fond sur la silhouette prisonnière du fleuve, bien trop vulnérable.

— Attention ! lance-t-il inutilement.

La Flèche plonge dans l'entrelacs de racines. Le fouet de la queue s'y enfonce à sa suite. Il tranche bois et feuilles aussi aisément qu'une motte de beurre frais. Le claquement d'une lame évite à un cou trop fragile de subir le même sort. Florimond découvre que ses pieds, sans lui demander son avis, pataugent en direction du fouillis végétal désormais habité par une boule de varech furibonde, plantée d'épingles mortelles.

Comme sous le pinceau de quelque peintre divin, l'ensemble de ce tableau s'entrelace de fils dorés, toujours aussi déstabilisants. La magie !

Sur la rive, Léonore se redresse, plus étincelante que jamais dans sa robe de bal trempée, maculée, déchirée des épreuves traversées.

— La queue ! offre-t-elle. La queue est son point faible !

Empêtrée dans le rideau de racines, La Flèche se penche sous la tête écailleuse. Avec un rugissement à cailler les sangs, elle lève son arme vers la charge de l'extrémité effilée. Florimond empoigne les mailles du filet providentiel sous ses doigts. L'espace d'un battement de cœur, il retient une créature indomptée dans des fils imaginaires, puis tout s'arrache sous la traction dans un nuage d'étincelles. Dans cette fraction de répit, la mercenaire abat l'épée au ras du dard. Au lieu de rebondir comme les fois précédentes, la lame poursuit sa course avec un chuintement spongieux.

L'appendice tranché net se rétracte dans un sifflement de bête blessée et sème l'arc d'un fluide épais. La Velue se tord de soubresauts, lacère le reste de l'abri végétal en fins flocons. La mercenaire s'échappe d'un plongeon vers la rive.

La créature ouvre sa gueule vers la lune comme pour la prendre à témoin de cet assaut inique. Sa lamentation d'agonie roule sur les eaux, secoue le fond limoneux du fleuve et perce la toile du monde. Puis la colline d'épines s'enfonce lentement, suivie de la longue crête et des naseaux écailleux. Le monstre disparaît sous la surface. Le ruban sombre de sa perte se dissout dans les flots impassibles de la Loire.

La Flèche se relève, l'épée gluante à la main. Elle titube dans le clapot, repousse une mèche de cheveux d'un revers de manche et contemple le calme retombé sur les eaux.

— Je l'ai eue, cette saleté de boutefeu.

Florimond s'approche d'un pas bancal sur l'étroite berge plantée de chausse-trappes et lui tend la main pour l'aider à se hisser. Elle regarde les doigts terreux et retrousse la lèvre dans une de ses grimaces favorites. Il se raidit dans l'attente de la rebuffade, inévitable. Cependant, par quelque renversement improbable du cours du monde, La Flèche avance le bras en retour et saisit son poignet. Surpris, il se raccroche de justesse à une branche pour ne pas basculer sous la traction.

Elle le rejoint, les pieds dans la boue, prend une inspiration, comme pour dire quelque chose, puis la relâche en soupir muet. Leurs corps se frôlent, il sent les tremblements de son bras, entend le claquement étouffé de ses dents. Il tente d'accrocher son regard à la recherche d'un indice, mais elle détourne les yeux vers Léonore, toujours dressée en reine d'un royaume déchu.

— Comment vous saviez, pour la queue ? demande-t-elle, presque accusatrice.

La jeune femme secoue la tête, perplexe.

— Je l'ai su, c'est tout, comme si une voix me l'avait chuchoté à l'oreille.

Florimond serre les bras sur son torse dans un frisson. Chez lui aussi, les dents se lancent dans une ritournelle saccadée. Ils sont fins prêts pour un duo ! Si ses chausses trempées n'y sont sans doute pas étrangères, une appréhension lui glace également la moelle. Il a détruit le portrait et libéré Léonore de son envoûtement. Pourquoi le fantôme de Brigit persiste-t-il à la hanter ? À moins que... Il relève la tête sur un doute. Le seigneur de Candé aurait-il entrepris de réparer la fresque pour ramener son épouse au bercail ? Il n'avait pas l'air maladroit avec un pinceau, et il dispose d'un modèle au fusain, avec les compliments d'un certain broyeur de couleurs. Une grimace désabusée lui chiffonne le coin des lèvres. Au moins, il lui souhaite bon courage pour peindre les yeux ! Seul maître Leonardo les réussirait à la perfection.

Sans chercher à approfondir l'origine des connaissances de la jeune femme, La Flèche se dirige d'un pas zigzaguant vers un plan de fougère et entreprend d'essuyer la lame de son épée. Puis elle se laisse tomber avec un soupir et retrousse la manche de sa chemise. L'arrondi de lune lèche un carré de peau tuméfiée, liserée d'un gris peu engageant.

— Il me faudrait du millepertuis, marmonne-t-elle.

Florimond se dandine sur sa jambe bancale à la recherche d'un mot de soutien qu'elle ne prendrait pas de travers. Sa besace glisse le long de sa hanche. Sa main la rattrape avec un déclic : il n'a pas de millepertuis ni de parole miracle, mais il dispose du remède souverain de Mathurine en toutes circonstances.

— Qui veut manger un morceau ? offre-t-il à la cantonade.

Deux paires d'yeux interloquées se plantent sur son sourire. Sans plus de cérémonie, il s'accroupit et dévoile sa fortune. Les provisions substantielles de la brave cuisinière n'ont pas bougé du fond du sac, en dépit des sauts, courses, culbutes, glissades et plongeons qui ont ponctué ces dernières heures. Le pain a durci et s'est émietté, le poulet a un peu transpiré, le fromage parfume l'ensemble, mais il reste de quoi revigorer trois estomacs affamés.

Il distribue ses largesses à la ronde et savoure le plaisir indicible de deux superbes jeunes femmes qui lui mangent dans la main. La Flèche mord dans sa part avec entrain et relève le nez dans sa direction ; un subtil relâchement adoucit ses prunelles de spadassin intrépide. Elle secoue la tête.

— T'es vraiment pas croyable.

Il ne sait pas s'il doit se sentir vexé ou terriblement fier.

— Vous aussi, approuve Léonore avec son sérieux policé. Vous avez vaincu ce monstre. Je vous dois la vie une seconde fois.

— C'est grâce à votre tuyau. Et je sauvais ma peau autant que la vôtre.

Sous les dehors revêches de la réponse, Florimond perçoit une émotion larvée qui n'existait pas au début de leur escapade. Ils ne sont plus deux fardeaux encombrants sur les bras d'une mercenaire. Un lien fragile s'est noué cette nuit, quelque part entre une crypte effondrée et des eaux glacées. S'agit-il d'une solidarité transie devant des événements qui les dépassent ? De la complicité forgée par les épreuves surmontées ensemble ? Il ne saurait le dire. Le temps d'un modeste souper, vite englouti, il se berce de l'illusion de trois amis en pique-nique lunaire sur les bords de Loire.

Une vague de contentement remonte de son estomac et lui étire les lèvres. Ils ont déjoué les envoûtements du roi maudit, se sont enfuis du château, ont survécu à l'assaut d'un monstre aquatique. Quelques lieues seulement les séparent d'Amboise et du retour à une vie normale. Il observe les eaux placides de la Loire, vides de tout dragon sous-marin, la mince langue de terre boueuse sur laquelle ils ont échoué, et le talus juste au-dessus qui abrite les ombres dentelées de la forêt.

Comme si elle suivait ses pensées, La Flèche se lève et rengaine son épée.

— Bon, plus de barque, va falloir marcher. Je vais jeter un coup d'œil là-haut.

Pendant qu'elle entreprend l'escalade de la pente abrupte, Léonore s'approche au ras de l'eau, le regard perdu dans les filets de brumes à la surface du fleuve.

— Léonore ! appelle Florimond avec une pointe d'inquiétude.

Elle se retourne lentement. Un fragment de mélancolie scintille au fond de son iris bleu.

— Tout va bien ?

Elle hoche la tête dans une assurance un peu vacillante.

— Oui, je suis juste fatiguée, je crois.

Puis quelque chose attire son regard, elle se penche pour ramasser une veste dégoulinante, coincée entre deux racines.

— C'est le gambison de La Flèche, reconnaît-il. Elle sera sans doute contente de le retrouver ; elle avait froid, tout à l'heure.

Léonore secoue le vêtement et réussit l'exploit de froncer les sourcils avec grâce.

— Il y a un feuillet dans la doublure.

Elle l'extrait de la fente et le déplie avec précaution.

— Il n'a pas trop pris l'humidité, mais il faudrait le faire sécher où l'encre va s'effacer. Je...

Elle s'interrompt brutalement ; son regard parcourt les mots tracés sur le papier. La pénombre lunaire accentue la pâleur de son teint.

— Qu'y a-t-il ?

— C'est une lettre de Thomas Bohier, le général des finances du roi... adressée à Monsieur le Curé Besnard.

— Lâche ça, tout de suite !

Il pivote en sursaut. En haut du talus, une ombre courte se découpe sur la toile de la forêt. Elle dévale la pente dans un fracas de coulée pierreuse. La Flèche avance, droit sur Léonore, la main sur le pommeau de son épée, une lueur acérée au fond des prunelles.

Sur l'exhortation déraisonnable d'un battement de cœur, Florimond s'interpose entre elle et sa cible.

— Donnez-moi cette lettre, Mademoiselle, articule la mercenaire avec un simulacre de politesse à hérisser la nuque.

— D'où vient-elle ? Comment est-elle en votre possession ? accuse Léonore en retour.

Sa voix s'est dépouillée de son manteau de miel. Le ton d'une fille de seigneur.

— Ça vous concerne pas, c'est personnel. De quel droit fouillez-vous dans mes affaires ?

Les répliques fusent par-dessus la tête de Florimond. Ses yeux déconcertés hésitent entre les lèvres pincées de la blonde et les jointures blanchies de la brune. La moindre étincelle pourrait tout enflammer. Comment la situation a-t-elle dégénéré aussi vite ?

Il se racle la gorge.

— Hem, je suis sûr que mademoiselle Bérard ne pensait pas à mal. Elle a juste repêché ta veste.

Mais déjà Léonore le contourne d'un pas guindé de côté et tend le papier de la discorde. La Flèche s'en empare d'un geste vif, appuyé d'un regard assassin. Elle le glisse aussitôt sous sa chemise entre deux mamelons, gardiens de maints secrets. Florimond déglutit, l'attention aimantée malgré lui.

— J'ai pas vu de sentier là-haut, grince la mercenaire sans décolérer. Si on s'enfonce sous les frondaisons, on sera perdu en moins de deux. Il va falloir attendre l'aube.

Elle tourne les talons et repart à l'assaut du talus.

— Faites comme vous voulez, lance-t-elle. Moi, je vais me trouver un coin moins humide pour patienter.

Toujours à la même place, raidie d'affront ou de défiance, Léonore suit des yeux l'escalade de la mercenaire jusqu'au ruban obscur des ombrages. Puis toute sa tension se dénoue sur un soupir, comme l'un de ces ballons de baudruche qui se dégonfle. Florimond récupère la veste oubliée entre ses mains lasses et lui offre son bras.

— Elle a raison, autant en profiter pour se reposer. Je suppose que ça ne peut pas faire de mal.

Léonore le remercie de ce rayon de sourire qui illumine son cœur et ils partent ensemble à l'assaut de la pente, de ses cailloux et de ses racines.

— Que disait-elle donc de si spécial, cette lettre ? interroge-t-il, piqué de curiosité.

— Elle était adressée au curé, Florimond, chuchote-t-elle en retour. Elle parlait de la Nuit de la rédemption.

Il secoue la tête et se concentre sur ses pieds, trop fatigué pour examiner de près les implications et sous-entendus de la réponse. Ce qu'il comprend parfaitement, en revanche, c'est que les fragiles brins d'amitié, à peine tissés, pendent désormais d'un accroc béant, de part et d'autre d'un gouffre d'incompréhension.

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