X- Apparitions
A peine ai-je éteint la lumière,
Arrangé mon épais couvert,
Jeté un dernier regard à la lune,
Seule témoin de mes frasques nocturnes ;
Posé la tête sur mon oreiller,
Qu'immédiatement je me mets à rêver.
Mon esprit presque aussitôt vagabonde
Vers de lointains confins et d'autres mondes,
Emporté par de célestes courants,
Plongé dans des histoires d'un autre temps.
Histoire irrésistible et tentatrice,
Histoire de torture et cruauté,
Histoire grande et belle à en pleurer,
Histoire tendre, douce et protectrice ;
Voici une part des multiples nuances
Qui animent cette fantastique danse.
S'invitent alors des enfants merveilleux,
Adolescents au passé tortueux,
Femmes du monde aux multiples atours,
Gardant précieusement dagues et poignards
Sous les jupons de leur robe du soir.
Ombre et lumière jouant tour à tour
Sur les chapeaux haut-de-forme des gentlemen,
Sur les cous immaculés des grandes dames,
Éclairant au passage de jeunes amants
Se livrant à quelques jeux indécents,
Et deux ou trois dignitaires d'État importants,
Discutant complot allongés sur des divans.
Tous ces personnages m'entraînent dans leur course folle,
M'attirent dans leur inlassable farandole.
Je ne peux bien longtemps leur résister,
Car ils connaissent ma plus grande faiblesse,
Celle-là seule capable de m'appâter
Vers cette meute de fous en détresse.
Le sang qui coule dans mes veines
Irrigue leurs cœurs affolés
Et c'est pour ne point trépasser
Qu'ensemble ils réitèrent ma peine.
Car s'ils ne m'exploitaient point chaque nuit,
Mon dos fragile serait déjà brisé
Sous le poids de l'invincible obscurité
Qui sans cesse écrase, dévore et grandit. . .
Ainsi cette troupe de misérables
Pour leur vie chaque jour me mettent à table,
Me font goûter au vin de l'infini,
Qui fait vivre cent vies en une nuit.
Ils me soûlent avec ce breuvage fabuleux,
Et j'en réclame, comme un vulgaire pouilleux ;
Car tel est l'étonnant ichor,
L'or qui alimente mon corps,
L'opium combattant mon sort,
Le nectar étanchant ma mort.
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