2. L'enterrement
La pluie balayait le cimetière de ses gouttes gelées. Les stèles des tombes luisaient de pluie et le vent faisait tomber les pots de fleurs. La terre détrempée faisait s'enfoncer les chaussures cirées, tachant de bout les bas des pantalons de costard.
Edgar laissait ses larmes coulées, comme la plupart des gens présents. Le pasteur faisait son discours, la voix remplit d'une émotion qui semblait fausse à Edgar. Ce pasteur ne connaissait pas Evan comme lui le, l'avait connu.
Le blondinet n'écoutait plus le discours, sa tête tourbillonnait de milliers de questions sans réponses. Il avait lu le rapport de police, il savait qu'Evan ne s'était pas noyé. Il savait que quelqu'un l'avait tué, et cette pensée lui était insupportable.
La main chaude de Romain se glissa doucement dans la sienne et Edgar la pressa fort, lançant un appel à l'aide silencieux.
- Ça va aller, Romain marqua une pause, la police trouvera le criminel, je te le promets.
Inutile de faire des promesses impossibles à tenir, pensa-t-il.
Son regard se perdit sur la foule en deuil. Le noir profond de leurs vêtements le dérangeait. Il avait l'impression d'être dans un cauchemar.
Les gens ne s'étaient pas mélangés. À sa gauche se trouvait la famille d'Evan. Sa mère pleurait dans les bras de son mari alors que sa grande sœur retenait ses émotions entourées de ses grands-parents. Des cousins qu'Edgar n'avait jamais vus gardaient la tête baissée, le visage submergé par l'émotion.
Le regard d'Edgar revient malgré lui vers sa droite, où se trouvaient les élèves de sa classe, ceux qui étaient là le soir du meurtre. Ceux qui l'avaient peut-être tué.
Qui était responsable ?
C'était la question qu'il se posait depuis la seconde où il avait appris la terrible nouvelle.
Pourquoi le tuer ?
Un hoquet s'échappa des lèvres d'Edgar et Romain le prit délicatement dans ses bras. Lui aussi se posait beaucoup de questions. Mais il s'inquiétait bien plus pour son petit ami dévasté. Il restait en permanence muré dans le silence et cette situation était de plus en plus difficile à supporter pour Romain.
Il écouta la fin du discours du pasteur sans réellement chercher à déchiffrer les mots. Son regard s'était posé sur le cercueil et il fut parcouru d'un frisson de terreur. Son meilleur ami était là-dedans.
Le garçon leva la tête et croisa le regard d'Élie qui inclina d'un bref mouvement la tête dans sa direction. Romain devait bien reconnaître qu'Élie était plus qu'élégant dans son costume ébène. Il avait une carrure fine mais musclé. Ses cheveux ordinairement bouclés sur le haut de sa tête étaient devenus lisse avec la pluie et Élie passait régulièrement la main dans ses cheveux pour les remettre en place. Son visage tout en angle abordait un air grave qui tranchait avec sa nonchalance habituelle.
Sarah était debout à côté de lui, minuscule et frêle silhouette comparée à celle de son petit ami. Elle pleurait en silence, cachant son visage derrière le voile de ses cheveux bruns.
Le regard de Romain passait de visage en visage, mouillés par la pluie où les larmes. Quand il vit Arthur, il fronça les sourcils.
Le garçon avait les bras croisés sur sa poitrine et semblait s'ennuyer ferme. Il tapait du pied sur le sol détrempé, faisait voler quelques gouttes de pluies et des morceaux de terre. La pluie ruisselait sur son visage et il l'essuyait avec énervement. Ses yeux bruns fixaient le ciel et ses cheveux de la même couleur collaient à ses cheveux. Son attitude n'avait rien de celle d'une personne pleurant la disparition de son ami.
Quelques phrases plus fortes que tout a l'heure retentirent. Romain détourna le regard d'Arthur et regarda les personnes proches du cercueil jeter une rose à l'intérieur avant que celui-ci ne disparaisse sous terre.
La procession suivit ensuite le pasteur en silence jusqu'à la salle des fêtes du village.
Le blanc des murs tranchait avec la masse noir fourmillante des invités. Une scène était située tout au fond, fermée par de longs et épais rideaux rouges. Un buffet trônait à gauche de l'entrée. Même les plats semblaient tristes.
Une fois tout le monde dans la salle, la mère d'Evan monta sur la scène et se racla la gorge. Tous se turent et leurs regards se tournèrent vers elle. Elle entama son discours la voix emplit de larmes.
- Bonjour et merci d'être venu aujourd'hui. Je voulais rendre un dernier hommage à mon fils avant de vous laisser partir où prendre l'apéro. Je n'arrive toujours pas à croire ce qu'il s'est passé. J'ai l'impression qu'Evan va ouvrir cette porte et entrer ici en souriant. Evan, peu importe où tu es à présent, je tiens à te dire que je t'aime. Je me rappelle de ta bouille d'ange en étant enfant. Tu étais si espiègle et rayonnant. Tes souvenirs sont douloureux pour moi à cet instant mais sache que je les chérirais pour toujours. Je t'aime mon fils.
Elle essuya d'un revers de main ses larmes et descendit de la scène sous les regards d'empathie des invités. Son mari la prit dans ses bras et les gens commencèrent à s'éparpiller et discuter par petits groupes. Le malheur de la famille était évidemment au centre des discussions.
Les lycéens se regroupèrent entre eux dans un coin. Edgar ne lâchait pas Romain d'une semelle. Il était celui, avec la famille d'Evan, qui était le plus affecté par sa mort. On essayait partout de le réconforter à coup de phrases bateau et de tapes amicales dans le dos, parfois sincèrement, plus souvent pour se donner bonne conscience.
La menace du meurtre et la présence policière qui faisait passer des interrogatoires minaient et stressaient les élèves de la seconde quatre, dont le moral n'était clairement pas au beau fixe.
Lisa se rendit aux toilettes pour échapper à cette atmosphère étouffante. Elle de souvenait très bien du cadavre d'Evan, pâle et terrifiant, qui hantait ses nuits depuis la soirée.
Lisa se regarda dans le miroir et soupira. Elle était encore plus pâle que d'habitude et ses cernes violets, preuves flagrantes de ses innombrables insomnies, faisaient ressortir ses yeux verts d'eau gonflés et rougis par les larmes.
Bien qu'elle ne fût pas proche d'Evan, cela la perturbait plus qu'elle ne voulait bien se l'avouer d'enterrer un garçon de son âge avec qui elle discutait encore gaiement quelques semaines auparavant.
La petite blonde défroissa sa jupe de ses mains tremblantes et entre ouvrit la porte des toilettes. Elle suspendus cependant son geste quand un éclat de voix retentit dans le couloir. Elle glissa son œil dans l'interstice de la porte et fronça les sourcils quand elle reconnut la silhouette de Romain qui tenait Arthur par le bras.
- Ça te fait chier d'être là ?
- Lâche-moi, grogna Arthur pour seule réponse.
- Comment tu peux te comporter aussi mal devant la famille d'Evan ?
Arthur laissa échapper un rire ironique.
- Et c'est toi qui me dis ça ? Tu joues la vierge éplorée alors que tu détestais Evan ! Tu traînais avec lui comme un gros hypocrite.
- Toi aussi non ? Pourtant je me comporte pas aussi mal que toi.
Arthur tira son bras vers lui et Romain n'eût d'autre choix que de le lâcher.
- Parce que tu crois que j'ai eu le choix de venir ici ? répliqua froidement Arthur. Et qu'est-ce que j'en ai à foutre de bien me comporter ? Pour honorer sa mémoire ? Je détestais ce connard tu m'entends ? Vous pouvez faire semblant de pleurer sa mort si vous voulez mais moi je me casse d'ici.
Arthur planta pour la première fois depuis le début de la discussion ses yeux noisette dans le regard chocolat de Romain. Immédiatement, l'espagnol perdit des couleurs.
Le fauteur de trouble bouscula le petit ami d'Edgar d'un coup d'épaule et s'en alla sans se retourner, sans avoir remarqué le changement d'attitude de son interlocuteur. Romain s'appuya contre le mur et des larmes dévalèrent rapidement ses joues.
Lisa se redressa et sortie des toilettes, faisant comme si elle n'avait rien entendu. Quand son regard croisa celui du petit ami d'Edgar, elle détourna les yeux et partit rejoindre ses amies, encore surprise par ce qu'elle venait d'apprendre. Trop de questions se bousculaient dans sa tête, et si Arthur avait tué Evan ?
Lisa tourna à l'angle du mur et heurta Edgar. Son nez s'enfonça douloureusement dans son épaule et elle grimaça.
- Oh je suis désolé ! s'excusa Edgar. Tu n'aurais pas vue Romain par hasard ?
- Si, il est aux toilettes.
Edgar remercia sa camarade de classe et suivit son indication. Il trouva son petit ami assis contre le mur du couloir, la tête cachée dans ses bras.
- Romain ?
Edgar s'accroupit devant lui et posa ses mains sur ses épaules. Le garçon en pleurs n'eût aucune réaction et le blondinet inquiet tira ses bras pour voir son visage. Il sursauta quand il vit l'expression de son petit ami. On aurait dit qu'il venait de voir un fantôme. Romain avait pâli et il tremblait sans pouvoir s'arrêter.
- Eh, doucement.
Il le prit dans ses bras et ils ne bougèrent pas jusqu'à ce que la mère d'Edgar apparaisse au bout du couloir.
- Edgar ? Il faut y aller, on a rendez-vous dans une demi-heure au poste de police.
Audrey s'approcha de son fils et se pencha vers les deux garçons. Ses cheveux avaient la même couleur paille que ceux de son fils et son visage rond transpirait la bienveillance. Son regarde s'assombrit quand elle aperçut les adolescents.
- Romain tout va bien ? s'inquiéta-t-elle. Il faut appeler tes parents ?
- Ça va aller... Ne vous inquiétez pas.
Ils se relevèrent doucement et Edgar garda Romain contre lui.
- Vas-y, chuchota-t-il en essuyant ses larmes, tu vas être en retard.
Edgar embrassa une dernière fois son petit ami pour lui donner de la force avant de suivre sa mère en dehors de la salle des fêtes. Ils s'arrêtèrent quelques secondes pour présenter leurs condoléances aux parents d'Evan avant de quitter les lieux. Ils s'installèrent dans la voiture et Audrey démarra immédiatement.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro