Chapitre 5
- April -
Toujours ce même sentiment. Celui d'être observée, épiée. Celui de le sentir près de moi alors que je ne le vois pas.
C'est irréel, complètement bizarre et stupide... mais je n'arrive pas à croire que c'est simplement le fruit de mon imagination. Je n'arrive pas à me raisonner et à accepter que c'est uniquement la trentaine qui me travaille intérieurement.
Non, c'est plus que ça.
J'en suis certaine, même si je ne comprends pas encore de quoi il s'agit. Peut-être parce qu'il n'y a rien à comprendre ?
Peu importe.
Je secoue la tête et remercie la vendeuse du magasin avant de retourner à ma voiture. Je regarde autour de moi, mais aucune tête connue n'est dans le coin. Cette sensation étrange n'est plus là.
Mon esprit peut être à nouveau tranquille.
Je retrouve ma petite citadine et rentre chez moi. Il est bientôt 19h passées, à présent. Les kilomètres vers mon domicile défilent rapidement et en moins d'une quinzaine de minutes, je rejoins ma porte. Je pose mon sac de lingerie à côté du guéridon de l'entrée. Le silence m'accueille et m'enferme dans ma solitude. Pas une mouche ne vole. Rien ne dépasse. Je détaille avec un poids sur le cœur mon appartement.
Une nouvelle fois, j'écarte mes pensées moroses et irrationnelles en secouant la tête.
Je crois que je suis en manque d'attention. J'ai besoin de mon fiancé, nous nous sommes éloignés ces derniers jours à cause de malentendus stupides. J'ai envie de ses bras rassurants.
Je dois arrêter de penser à ces yeux de motard qui me hantent, et me reconcentrer sur mon futur mari. C'est lui qui devrait habiter mes nuits et combler mes pensées le jour.
Je vais me reprendre en main.
Je vais nous créer une ambiance bien sympa et enfiler l'un de ces ensembles neufs qui attendent encore dans leur sac.
Nous retrouver autour d'un bon dîner et d'une fin de soirée sous les draps, c'est tout ce dont j'ai besoin.
Je nous prépare un bon repas et mets l'ensemble en dentelle noir pailleté sous une robe fluide de la même couleur. Je surveille une dernière fois la cuisson de ma sauce avant de filer vers la salle de bain.
J'ébouriffe légèrement mes cheveux en me regardant dans le miroir. Je souris et apprécie l'image que je renvoie. Puis, sachant que mon fiancé aime me voir les cheveux bien lisses, je les replace correctement et donne un coup de fer pour un rendu parfait. J'applique un rouge à lèvres éclatant et mat sur mes lèvres légèrement pulpeuses.
Je regarde ma montre. Bientôt 20h30. J'espère qu'il ne tardera pas trop.
Cela lui arrive de faire des heures supplémentaires. Warren adore son travail. Mais la plupart du temps, il ne finit jamais au-delà de 21h.
Ne tenant plus, je lui envoie un petit message, tentant de le motiver à rentrer le plus tôt possible.
April :
[Le dîner est prêt... Et moi aussi. Je t'attends avec impatience. Je t'ai réservé une petite surprise. Ne rentre pas trop tard...]
Je souris en envoyant mon message. Je suis une femme qui aime cajoler son homme. J'aime les petites attentions, celles que personne ne remarque sauf celle qui est concernée. Ça peut aller du simple post-it accroché à son écran pour lui souhaiter une bonne journée quand je sais que celle-ci est chargée, ou simplement lui déposer un café noir fumant avec un sucre sur son bureau après l'une de ses réunions. Des petites attentions, rien de plus.
J'adore faire ça pour mon fiancé. Je prends soin de lui à ma manière. Je ne suis pas sûre qu'il le remarque, d'ailleurs. Peu importe, cela me fait du bien, à moi. Je cultive notre amour, dans un sens. C'est comme ça qu'un couple fonctionne, n'est-ce pas ?
J'apprécierais encore plus si ces attentions étaient à double sens... malheureusement, ce n'est pas le genre de Warren.
Les minutes défilent. Je fais les cent pas dans le salon. Je coupe le feu et l'attends. En vain. Le repas est froid, tout comme ma libido.
Je suis lasse de l'attendre.
À 23h passées, je lui renvoie un message.
April :
[Tu es encore au boulot ? Le dîner est complètement froid... Je mange, tant pis pour toi.]
Je suis énervée, blasée même.
Je me faisais un plaisir à l'idée de passer ces quelques heures avec lui. Je m'imaginais déjà aux creux de ses bras, transcendée par ses caresses. Mais non, rien. Je suis comme une conne, à attendre qu'il rentre.
Je n'ai même pas de réponse à mes messages.
C'est le bide total.
Je me sers une assiette rapidement et l'engloutis sans aucun plaisir. Mes papilles sont anesthésiées par ma colère et ma frustration.
En moins de cinq minutes, le repas est bouclé. Je n'ai même pas pris le temps de le réchauffer. Raté pour raté, de toute manière.
Je débarrasse en quelques minutes et mets les restes au frigo. D'un pas las, je rejoins notre chambre. Je retire ma robe, mais garde ma lingerie. Autant qu'il se rende compte de ce qu'il a loupé.
Je pousse les draps et m'allonge sur le dos. Je surfe sur les réseaux sociaux quelques minutes avant d'entendre la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer lentement. Je souffle. Enfin ! C'est pas trop tôt !
Je reste allongée dans mon lit, attendant son excuse avec impatience.
Qu'il ait du boulot, je veux bien, mais qu'il n'ait pas dix secondes pour répondre à mes messages, faut pas abuser.
Il met un moment avant de rejoindre notre chambre. Plongé dans la pénombre de la pièce, il ne se rend même pas compte que je suis encore éveillée.
Je prends le temps de le détailler de haut de bas. Sa chemise est entièrement débraillée. Ses cheveux sont encore plus décoiffés que cette après-midi. La ceinture de son pantalon est mal refermée, tenant par l'opération du Saint-Esprit. Le pire ? Son sourire niais et complètement illogique.
Non, mais, c'est quoi ça ?
Je pose mon téléphone silencieusement et me surélève sur mes coudes, mon regard ne le lâchant pas une microseconde.
– C'est quoi cette tenue ? attaqué-je d'une voix dure.
Ses yeux se braquent immédiatement dans les miens, comme s'il n'avait pas remarqué ma présence avant. Son sourire disparaît à la seconde. Il analyse mon corps avant de revenir se plonger dans mes yeux. Je n'ai pas changé de position, attendant une explication qui tarde à venir.
– De quoi ?
– T'es sérieux, Warren ?
– Arrête de toujours t'énerver, t'es chiante aujourd'hui ! T'as tes règles ou quoi ?
Pardon ? Je crois que j'ai mal compris, là.
Mes yeux s'écarquillent. Il ose retourner la situation contre moi, en plus ? Monsieur se pointe à plus de minuit, sans répondre à mes messages, débraillé, et c'est moi qui fais chier ?
– Tu ne réponds pas à mes messages, rentres dans un état déplorable, et c'est moi qui devrais me remettre en question ? lui asséné-je en haussant le ton.
Mon sang bouillonne.
– Regarde-toi, ose-t-il me dire. Tu parles de ma tenue, mais franchement... C'est quoi cette allure de strip-teaseuse ?
Excusez-moi ? Non, je crois que j'ai vraiment un problème d'audition, là. Ce n'est pas possible que mon fiancé me parle de cette manière sans aucune honte !
– Tu t'entends ? Si tu avais pris trois secondes pour regarder ton téléphone, tu aurais vu que je nous avais préparé une super soirée. Je crois que ma tenue est assez parlante pour deviner comment j'avais prévu qu'on la termine. En tout cas, je ne pensais pas avoir ce genre de réaction de ta part, Warren.
– Excuse-moi, mais je n'ai pas eu le temps pour tes bêtises, ce soir.
– Mes bêtises ? Tu déconnes, putain ?!
– Surveille ton langage, April. Je suis ton fiancé.
– Et moi ta future femme ! Je crois que je mérite autre chose que tes mots déplacés, tu ne crois pas ? J'hallucine, là...
Je m'assois et passe la main dans mes cheveux. Warren me tourne le dos et commence à se déshabiller. Tout simplement. Il croit qu'on en a fini ou je rêve ?
J'attends de vraies explications. C'est trop facile.
– Pourquoi tu reviens dans cet état, Warren ?
Je l'entends souffler avant de quitter sa chemise et d'enfiler un tee-shirt bleu.
– La journée a été longue, je suis fatigué, ça ne se voit pas ?
– On dirait plutôt que tu sors d'une partie de jambes en l'air. Pas d'une journée de travail.
Il ne me répond pas. J'enchaîne avec une question qui me brûle les lèvres et me pique immédiatement les yeux :
– Tu me trompes, Warren ? dis-je d'une voix plus fébrile.
Il se retourne. Ses épaules s'affaissent.
– Pas du tout, dit-il en me rejoignant sous les draps. C'était simplement une longue journée. Je n'ai pas vu tes messages, j'étais à fond sur un gros dossier. Tu sais comme je suis, quand je suis concentré. Le dossier est compliqué, je ne me suis même pas rendu compte de ma tenue, c'est pour dire, ajoute-t-il d'une voix plus douce.
Il me tire doucement le bras et attire mon corps vers le sien. Il passe ses bras autour de mon buste et pose un baiser contre mon front. Je ne sais pas qui croire : lui et ses belles paroles, ou mon cœur et sa fierté malmenée.
– Excuse-moi de m'être énervé contre toi, je suis épuisé. Je ne voulais pas dire ça... ajoute-t-il avant de chercher à poser ses lèvres sur les miennes.
Ses doigts soulèvent mon menton. Mes yeux rencontrent les siens. Je le pense sincère. Si je ne lui faisais plus confiance, où irait notre couple... ?
Je n'ai pas de raisons de douter.
J'oublie les dernières minutes et range l'affaire comme classée dans ma petite tête. Je lui donne le baiser qu'il cherche et me couche à ses côtés.
Il s'allonge et pose sa tête sur le coussin avant de souffler de soulagement. Je me rapproche subtilement de lui. Je pose délicatement mes doigts contre son torse dénudé et les descends vers son caleçon.
Sa main m'attrape lorsque je frôle le tissu de son sous-vêtement. Il repousse mon bras loin de son corps.
– Pas ce soir, April.
Rapidement, il s'endort. De mon côté, je tourne. Je suis frustrée, putain ! Et pas qu'un peu ! Il y a trop de choses : cette soirée pourrie, notre dispute, ses mots, encore une fois blessants, et même mon cœur qui l'imagine avec une autre femme.
Le sommeil ne vient pas. Je n'aime pas cette situation. Quelque chose en moi n'arrive pas à le croire et je me maudis de remettre sa parole en cause.
Il ne m'a jamais menti. Pourquoi cela commencerait ?
Mon téléphone vibre à plus d'une heure du matin, me coupant de mes pensées moroses et pessimistes.
Kelly :
[Désolée d'envoyer un message si tard... Mais je n'arrive pas à dormir. Je suis le genre de meuf qui pense beaucoup trop ! Et j'ai envie de me changer les idées. Ça te dit une sortie toutes les deux, vendredi soir ? Un moment entre nanas ne fait jamais de mal et je crois que j'en ai bien besoin...]
Warren détesterait cette idée. Moi avec Kelly ? Une fois lui a suffi, je crois. Pourtant, notre dispute me reste encore en travers de la gorge. J'ai envie de lui faire payer mon inquiétude et ma frustration de le voir rentrer ainsi ce soir.
D'habitude, je lui aurais demandé si cela ne le dérangeait pas que je passe une soirée entre filles, mais les choses changent, il faut croire. À son tour de se rendre compte de ce que ça fait de se sentir con, le temps de quelques heures.
Ça lui fera les pieds.
Un petit sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je tape ma réponse.
April :
[Avec plaisir !]
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