Il pleut encore aujourd'hui (Angst)
Trigger warning important, ce chapitre est full angst et très cathartique donc lisez attentivement la liste de triggers ci-dessous et ne vous sentez pas obligés de lire.
TW Trauma, PTSD, sang, menstruations, self-hate, self-harm sous-entendu, milieu médical, mention de mort et de deuil, trouble alimentaire sous-entendu.
Contient de l'Au sans et avec tuerie. :)
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Ils sont là. Je les sens arriver, même si je ne peux pas les entendre. Ils vont revenir. Ils vont me montrer qu'ils avaient raison, que je suis juste stupide et bizarre et une débile mentale et que ma famille est pas normale et que je serais jamais normale de toute façon j'ai pas envie de l'être je veux pas être comme eux ils me font peur ils me font trop peur.
J'essaie de crier, mais personne ne m'entendra. Je suis coincé.e dans un espace immense, sans air, sans son, sans étoiles, juste des météorites, des comètes qui me brûlent, j'étouffe, ils m'étouffent, et je crie je crie je crie je me réveille.
J'entends.
Je ne les entend plus.
Mes larmes coulent et s'enfuient de mes yeux, ma vision se précise, Noelle est là, une main sur ma joue et l'autre sur le côté de ma tête. Sur mon appareil. Elle me caresse les cheveux, doucement, et je lis l'inquiétude dans son regard. C'est rare de voir cette émotion chez elle, et je suis pas fier.e de l'avoir provoquée.
Je hoquette.
Pardon.
Pardon pardon pardon.
Désolé.e d'être aussi pathétique pour des trucs qui appartiennent au passé.
Je veux qu'elle me prenne dans ses bras. Je veux dormir sur les genoux de Kinsue.
Je veux que Mika rentre vite de son voyage aux États-Unis.
Je veux parler de tout et n'importe quoi avec Judicaël.
Je veux aller faire ma gym avec Kiseki.
Je veux que cette nuit se termine.
Je veux que ma vie revienne à la normale.
Si elle l'a déjà été.
Dis, Noelle, pourquoi j'arrive jamais à être normale ?
***
Non.
Non non non non.
C'est pas censé couler. C'est pas censé couler. Y en a pas beaucoup mais c'est immonde. C'est rouge, si rouge, presque noir dans ma culotte grise.
Pas maintenant.
Pas à trois heures du mat.
Pas encore.
J'appelle maman.
Les urgences, il faut appeler les urgences, bordel, tout de suite, maintenant.
Elle se laisse pas démonter.
Quelques minutes plus tard, je suis dans sa voiture, mon manteau foutu par-dessus ma chemise de nuit. Je capte mon reflet dans le rétro. Mon maquillage a coulé de partout, je ressemble à une sorcière avec mes cheveux en bordel. Putain. Et voilà, c'est reparti. Je me permets quelques mois d'espoir et ça finit comme ça. J'aurais pas dû me projeter, j'aurais pas dû m'attacher, j'aurais pas dû-
– Il n'y a aucun problème, ça arrive de saigner un peu même dans ce genre de moment. Il ne faut pas en faire un tel drame, mademoiselle. Vous allez parfaitement bien, tous les deux.
L'interne aux urgences m'offre un sourire dégoulinant de bonnes intentions, complètement oblivious à mon regard de tueuse et à ma très forte envie de l'étrangler.
Pas de quoi en faire un drame ? Et si je te donnais mon expérience en la matière, hein ?
Connasse.
***
Je m'aime.
J'aime mes cheveux.
Même s'ils sont trop longs, trop filasses, trop gras, trop fins.
J'aime ma peau.
Même si elle est beaucoup trop pâle, beaucoup trop maladive, et que des boutons se pointent dessus parce que mes règles arrivent.
J'aime mes yeux.
Même si j'ai de nouveau des cernes et que mon liner est éclaté.
J'aime mes lèvres.
Même si j'ai caché les gerçures derrière une couche de rouge à lèvres noir qui me fait ressembler à un vampire.
J'aime mes mains.
Même si mes ongles sont de nouveau rongés, que le vernis s'écaille, qu'elles sont trop petites.
J'aime mes bras.
Même s'ils sont trop musclés, trop disproportionnés par rapport au reste de mon corps, qu'ils sont couverts de cicatrices.
J'aime mes jambes.
Même si elles sont squelettiques, inutiles, inertes, moches, qu'elles pendent comme des chiffons sales sur mon fauteuil.
J'aime mon corps.
Même si j'ai pris du poids. Et du gras. Du gras partout sauf là où je veux. Partout, du gras. Je suis gros, je suis énorme, je suis sûr que j'ai pris des seins, je devrais manger moins, mais je peux pas m'en empêcher, je sais que je mange équilibré en plus, je fais bien tous mes repas, je suis tous les conseils de ma psy, alors pourquoi je suis aussi énorme, et moche, et pourquoi j'ai aucun contrôle sur ce foutu corps que je ne fais que subir depuis le début, pourquoi je pourrais pas juste m'envoler au lieu de rester coincé là dedans, pourquoi je suis moi, pourquoi dès que je pense que ça va mieux je retombe au plus bas, pourquoi, pourquoi, POURQUOI !!
….
Je m'aime.
Je me déteste.
***
Je les ai revus.
Ils hurlent, tas de chair fondue indistincte, ils me supplient, n'oublie pas, n'oublie pas, souviens toi de nos visages si tu ne peux pas te souvenir de nos noms.
Mais je ne peux pas.
J'ai besoin de vous oublier, vous comprenez ? J'ai besoin de faire la paix avec vous. J'ai besoin que vous me pardonniez pour pouvoir me pardonner aussi…
Je ne suis plus là-bas. Arrêtez de me suivre, je ne veux plus vous voir, je vous ai assez vus, j'ai compris, j'ai appris la leçon, juré !
Je ne savais pas, promis, je ne savais rien, j'ai changé, vous devez me croire. Vous me croyez, pas vrai ?
Alors…
S'il vous plaît…
Arrêtez de pleurer….
***
Vassilios n'est pas rentré. Évidemment qu'il n'est pas rentré. Il est plus intelligent que moi, ce con-là. Il a mieux à faire que de revenir s'occuper des gosses et des chèvres pendant le peu de vacances qu'il peut s'octroyer.
Mais du coup je suis toute seule, et je sais pas comment dire à Kassandra que je suis fatiguée, qu'elle devrait demander à Janus si elle veut jouer, que je l'aime fort mais que j'aimerais bien avoir deux secondes pour me poser. Elias, dieu le bénisse, décide de la prendre en chasse, et les voilà partis pour une longue partie de chat dans le champ derrière la maison.
Je suis arrivée hier et maman et papa m'ont à peine dit bonjour avant de retourner au travail. J'ai fait la bouffe pour tout le monde, le midi et le soir. À peine un merci. Ils évitent la discussion, encore. Les enfants ont tous tellement grandi, on pourrait croire que les choses auraient changé, mais non.
Un chœur de hurlements stridents. Je plaque mon oreiller sur mes oreilles, ma migraine revient au galop et tape en rythme sur mon front.
Ah oui, parce que maman a réussi à pondre des jumelles il y a six mois. Hermione et Philomène. Et tout ce qu'elles font, depuis que je suis là, c'est crier, crier et crier encore.
J'attrape mon téléphone, pour appeler Humberto. Pas de réseau. Putain de campagne grecque de merde. Voilà pourquoi je voulais pas rentrer.
J'attends, comme quand j'étais petite, que ma mère vienne s'occuper d'endormir les bébés. Et tout comme quand j'étais petite, elle ne vient pas.
Alors je fais comme je faisais avant. Je me lève, je vais dans la chambre des bébés, je les berce, chacune leur tour, elles se rendorment, je les repose.
Elles se remettent à pleurer.
Moi aussi.
***
Je m'arrête avant de passer le portail du cimetière. Lisa l'a déjà franchi. Comme elle ne m'entend plus, elle se retourne vers moi.
– Hibiki, ça va ?
Les lys blancs pèsent lourd dans mes bras. Je tremble. Putain.
– … Je peux pas. Je peux vraiment pas, Lisa.
Elle revient vers moi, se met sur la pointe des pieds et prend son visage entre ses mains pour m'embrasser sur la joue.
– C'est pas grave, mon cœur. On va rentrer, et on retente l'année prochaine, ok ?
Je hoche la tête, mais je sais très bien que l'année prochaine, rien n'aura changé. Papa va encore devoir s'occuper de la tombe tout seul. Je suis vraiment une merde.
Je suis désolée, papa.
Je peux juste pas.
***
Je n'arrive pas à parler. Quelque chose écrase ma poitrine, l'air ne passe plus, ma bouche est entravée, pâteuse, pourtant je respire. Je porte la main à mon visage. Un masque à oxygène.
C'est blanc. Blanc partout.. Ça bipe.
Je suis à l'hôpital.
Je ne veux pas être à l'hôpital.
J'aperçois quelqu'un, un médecin. Enfin. Je l'entends plus que je ne le vois. Il parle à quelqu'un, à l'entrée de la chambre.
La personne s'en va.
Mon cœur qui avait bondi d'espoir retombe au fond de ma poitrine. Ce n'était qu'une infirmière. Ce n'était pas eux.
Le médecin s'approche, voit que je suis réveillé, retire prudemment mon masque. Mon masque. S'ils ont réussi à me le mettre, c'est qu'ils ont vu mon visage. Mon visage en entier. Mon visage que je n'ai osé montrer qu'à deux personnes, ils l'ont vu. J'ai envie de vomir.
Il me demande si j'ai besoin de boire quelque chose. Je secoue la tête. Mais au fond, je hurle.
Stefan. Eugénie. Wren
Je n'ai besoin de rien, je n'ai besoin que d'eux.
Où est-ce qu'ils sont ?
Stefan ne va pas bien en ce moment. Il faut que je sois là.
Eugénie ne peut pas tout gérer seule. Il faut que je sois là.
Wren a besoin de son père. Il faut que je sois là.
Laissez moi, il faut…
Il faut que je rentre chez moi.
Le médecin commence à m'abrutir de termes compliqués que je ne comprends pas. Un nom finit par émerger dans son charabia. Jiwon Goto. C'est familier. Il est à Hope's peak…. Non ?
Je n'ai pas le temps d'y réfléchir.
Deux personnes surgissent dans la pièce, échevelés, en larmes. Des yeux vairons et bleu translucide se posent sur moi, une fraction de seconde plus tard ils sont contre moi, ils me serrent fort, ils sont là. Ils sont là.
Et pour la première fois, je pleure presque de rage. Pas contre moi. Contre ceux qui m'ont ruiné, qui m'ont volé mon bonheur.
Qui, à travers moi, volent le leur.
Je les déteste.
Autant que je me déteste moi.
***
Parfois je la revois.
Je vois le visage ruiné, les yeux d'une personne qui est morte de nombreuses fois.
Je revois les traces sur le cou, je revois les pieds qui lévitent au-dessus du sol, je ressens la panique qui creuse un trou dans mon estomac. Je ne suis pas souvent paniquée.
Et puis je me souviens que je suis au travail. Que ce n'est pas elle que je regarde. Je touche du doigt une cicatrice qu'elle ne m'a pas faite. Elle ne faisait de mal à personne. Seulement à elle-même.
C'est ironique, comme une cicatrice physique peut être le seul soulagement d'une cicatrice mentale.
Assez d'elle.
Le travail.
Tu es au travail.
Concentre-toi.
…
Je n'arrive pas à oublier
Les traces sur son cou.
***
Il y a eu une coupure de courant dans tout le quartier. Pile quand je suis seul.e chez moi. Et que je me suis enfermé.e. Parfait.
Les ombres sont partout, même alors que les lumières sont revenues. Elles sont trop fortes maintenant, même derrière mes lunettes. J'ai mal aux yeux.
Quoique, ça, ça doit être à cause des larmes.
Lénine vient se frotter à moi, inquiète de me voir assis.e par terre à chialer. Je la caresse, et la serre un peu contre moi. Je pose ma tête contre son cou. C'est ce que je faisais aussi avec…
Elle n'est plus là.
Ils ne sont plus là, eux non plus. Je devrais être rassuré.e, maintenant, arrêter de réagir comme un gamin.
Mon tel est mort. J'ai pas la force de me lever pour le recharger. Je suis mort aussi. Aussi vide que ce foutu portable.
Je suis tout.e seul.e.
Je veux pas être tout.e seul.e…
***
J'ai mal au ventre. Si mal au ventre. C'est comme ça à chaque fois avec mes règles. Enfin. Quand j'oublie la pilule censée la stopper.
Je déteste voir le sang couler entre mes jambes. Ça me rappelle trop de choses. Trop d'horreurs que je voudrais oublier.
Je suis assise sur les toilettes, et je réprime mes sanglots comme je peux pour ne pas réveiller Tomyris qui dort dans la chambre d'à côté. Pas juste parce que je veux qu'elle puisse se reposer, juste parce que si elle me voit comme ça, je ne vais pas le supporter.
Ça saigne.
Ça saigne tellement.
J'ai l'impression qu'on m'enfonce un couteau dans le ventre.
J'ai l'impression que si j'ouvre les yeux, il sera de retour devant moi.
Ça va recommencer.
Je n'ai plus assez de voix pour appeler à l'aide.
La lumière de la chambre s'allume. Tomyris m'a entendue.
Je ne lui ai pas tout dit. Je veux lui faire confiance bien sûr, mais si jamais.
Si jamais elle me dit elle aussi
Que c'était
De ma faute
Je ne le supporterai pas.
Alors je ne dirai rien, encore cette fois.
Même si je sais que c'est ce qu'il voulait de moi.
****
Après une brève inspiration, je m'autorise à regarder dans le miroir. Pas longtemps, juste quelques minutes.
Je m'appelle Eulalie.
Enfin, Judeline Dyev de mon prénom complet.
J'ai quinze ans.
Je suis l'ultime Missionnaire, et même si je tente de porter humblement ce titre, j'en suis plutôt fière.
Je suis allée un peu partout dans le monde pour y discuter avec des peuples païens. C'était incroyablement enrichissant. Je pourrais nommer chaque pays, chaque tribu, chaque peuple que j'ai visités.
Alors…
…. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'oublier le plus important..?
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