Encore un matin (Partie 1)
Je suis réveillé.e par Never gonna give you up à fond sur mon téléphone. Évidemment que Sora a encore changé ma sonnerie pendant que je dormais. Vraiment, la façon la plus productive possible d'occuper ses insomnies. Et cet imbécile dort étalé en étoile de mer sur le lit, son bras étalé en plein milieu de mon torse. Il ronfle comme un bébé. Évidemment, c'est pratique d'éteindre son implant auditif pour pas entendre cette foutue sonnerie de mes deux ou les ronflements très bruyants de son partenaire, hein…
Je me redresse et émet un grognement aussi bruyant que possible en la poussant sans ménagement. Pas de quartier pour les pranksters. Il fait encore nuit dehors, parce qu'on est début décembre, ce mois maudit où madame la Terre a décidé de ne pas s'aligner correctement et de nous infliger la météo la plus vache qu'elle a en stock. Chier.
Sora gigote et s'agrippe à mon bras avec une moue boudeuse, ses yeux obstinément fermés. Allons bon.
– Miiiikaaa…. Reste encore un peu… Siteuplé…
Iel a sa voix encore rauque du matin et sa tête de bébé chat, pas maquillé et plein de petites saletés, mais iel est quand même adorable, putain. Je l'embrasse rapidement sur le front avant de me détacher de luel en vitesse. Il faudrait pas que je sois tenté de rester au lit pour la prochaine demi-heure. Sora proteste mollement en entrouvrant les yeux.
– Désolé.e, chéri.e, je signe rapidement avec mon sourire de connard. Tu réfléchiras à deux fois avant de me rickroll dès 6 h du mat, la prochaine fois.
Je sors en vitesse par peur de me prendre un oreiller dans la figure. Noelle doit déjà être en bas, même si elle s'est encore couchée à pas d'heure. Être un trouple d'insomniaques, ou comment critiquer les sleep schedule des deux autres alors que la nôtre est pas mieux. Ha.
En effet, elle est là, assise en tailleur sur le canapé dans une chemise qu'elle a volontairement achetée trop grande, et ses cheveux bruns tombent sur ses épaules, à peine ébouriffés. Sérieusement, ça devrait être interdit, d'avoir l'air aussi parfaite dès le matin. Moi je ressemble à un brocoli.
Et évidemment, elle boit du thé comme toute anglaise qui se respecte.
Elle lève les yeux de sa tasse. Ne sourit pas. Elle ne sourit pas beaucoup, mais je m'en fous. Ses yeux parlent pour elle et là ils me réclament un câlin. Je viens m'asseoir à côté d'elle, pose ma tête contre son épaule. Elle délaisse sa tasse pour m'entourer de ses bras. Je ferme les yeux, et à peine cinq minutes plus tard, je sens des bras se glisser autour de ma taille et un corps se coller contre mon dos. Je respire une odeur de chocolat. Sora.
Il n'y a pas besoin de mots. Il suffit d'un contact. Il suffit de quelques minutes, chaque matin, pour que le monde s'arrange de lui-même. Quelques minutes suffisent pour que je retrouve ma place, dans ce grand cahos. Et elle est là, entre leurs bras.
****
Appuyé contre mon oreiller, j'observe avec délectation mon homme en train de boutonner sa chemise. Damn, regardez moi ces abdos, on pourrait y faire cuire des steaks - on pourrait y faire cuire beaaaucoup de choses en fait.
Il doit sentir mon regard sur lui, parce qu'il baisse les yeux et me sourit. Damn c'est ce sourire qui me fait cuire.
– Tiens donc, tu es réveillé depuis longtemps, Judi ?
– Pas assez pour te voir en tenue d'Adam, mais assez pour avoir une plutôt bonne vue quand même, je réponds du tac au tac avec un petit fingerguns.
Ça a beau être un flirt monster, je le vois qui rougit un peu malgré tout. Eh eh. Oui, je commence tôt le matin, moi. Pas de repos pour les héros, ni pour les simps.
Je remarque que le lit de Daniel (Aka mon coloc d'amour) est vide. Tu m'étonnes. Le pauvre a dû flipper en voyant Humberto dans mon lit. Ça arrive souvent mais ça le rend un peu plus cardiaque à chaque fois. Mais il peut rien dire parce que Chesu fait la même. Donc voilà hein.
Je sais que Baihya aimerait bien venir dormir avec moi aussi, mais c'est pas vraiment possible parce que l'internat ne le permet pas. Pas grave. Un jour on aura notre propre maison, on y vivra tous les trois, avec Theodosia aussi, et on pourra dormir dans un lit géant. Je sonne comme un gamin qui veut devenir astronaute sans avoir fait spé maths mais je m'en bats les couilles que je n'ai pas. Sous ce corps d'athlète se cache un cœur sensible, mesdemoiselles.
Je me hisse dans mon fauteuil à la force des bras. Ça, c'est fait. Maintenant plus qu'à passer les fringues que Humberto a pris soin d'enlever lui-même la nuit dernière. Wink wink.
Il m'attend patiemment, appuyé contre la porte, avec son sourire charmeur et ses cheveux "délibérément décoiffés". Mon cul, oui, ils sont juste impossible à peigner. Le pire c'est que ça lui va bien.
Trop parfait pour être honnête, mon copain, je vous jure.
Il me regarde, et son regard est rempli d'amour. Comme celui de Baihya. Et de Theodosia, même si ce n'est pas le même type d'amour.
Raaaah.
Je les aime.
****
Je suis de mauvaise humeur. J'aime pas devoir sortir alors qu'il fait encore nuit dehors et zéro degré. La seule chose sympa en décembre c'est Noël, et encore à Noël tu vois du monde donc c'est chiant quand même. Tout est chiant, un lundi de décembre à 7 h. Greuh.
J'arrive au réfectoire, où d'autres internes sont déjà en train d'engloutir leur petit dej. J'en reconnais certains. Des ultimes. Ça me semble incroyable qu'un.e quidam dans mon genre – sans mauvais jeu de mot – soit là à la même table qu'eux. Bon, on dirait que Lan Yue est pas réveillé.e, donc je vais devoir manger seul.e. Super. D'habitude la solitude me dérange pas, mais comme je l'ai dit, je suis de mauvaise humeur.
C'est là que je l'aperçois. Elle me tourne le dos, ses cheveux blonds sont noués ensemble et retombent sur son épaule. Elle porte toujours des vêtements incroyablement soignés. Ils lui vont bien, en plus. Après c'est peut-être juste mon âme de simp qui parle, mais bon sang qu'elle est belle cette fille. Beaucoup trop pour moi.
Et pourtant, quand je m'approche, elle me regarde. Elle me sourit, et d'un seul coup, je n'ai plus aussi froid. Je suis en train de tomber amoureux à tous les coups. Mais honnêtement je m'en fous.
Je pose mon plateau en face du sien. Super. J'ai rien fait tomber. Manquerait plus que je m'embarasse devant elle. C'est littéralement la perfection incarnée. Je suis sûr.e qu'elle ne réalise même pas à quel point elle est belle et je suis pas assez dégourdi.e pour lui dire. La vie c'est du pain comme qui dirait.
– Je… S-Salut Teodora, je… peux m'asseoir ?
– Bien sûr... Noa.
Damn son sourire. Damn son petit accent quand elle parle anglais. Damn son accent quand elle prononce mon nom. … Mon nom. Elle a retenu mon nom.
Je rougis, et je m'assois. Elle est dans ma classe. Je peux littéralement la voir tous les jours. Et lui parler un peu plus tous les jours. Ça me suffit pas, bien sûr. Mais il faut être patient.e, j'imagine.
En tout cas, elle me sourit.
On est un lundi en décembre, et d'un seul coup, je suis de bonne humeur.
****
J'ouvre la porte de l'internat des garçons, et à peine ai-je posé un pied dans la cour que mon regard est attiré par lui. Il a quelque chose de magnétique, et mon regard est un aimant. Dans tous les sens du terme "aimant".
Je vois comment il rit à leurs côtés, le regard qu'il porte sur eux. C'est incroyable, qu'il puisse aimer autant de personnes à la fois. Moi, je ne peux voir que lui.
Notre relation est pour le moins complexe. Elle n'a jamais été facile, mais au moins, lorsqu'il me remarque et me salue de la main, je ne vois plus d'hostilité dans son regard. Peut-être même qu'il s'y trouve une forme… d'affection. Mais peut-être que je prends mes désirs pour la réalité.
Parce qu'il a beau être capable d'aimer plusieurs personnes, je sais qu'il ne ressentira jamais ce que je ressens. C'est un fait avec lequel je dois encore faire la paix.
– C'est ton ancien amoureux ? me demande Katja, qui a le chic pour mettre le doigt là où ça fait mal.
Si seulement, ai-je envie de répondre. Au lieu de quoi, je me contente de hausser les épaules. Ça ne la trompe pas.
– Ne prends pas cet air sinistre. Il n'y a pas que l'amour, dans la vie.
C'est facile, venant de celle qui passe ses intercours à lécher la glotte de Louis Vanberg. Mais je divague.
Je ne suis pas malheureux. Parce que lui ne l'est pas. Et je veux qu'il continue de rire de la même manière, qu'un sourire apparaisse chaque jour sur son visage.
Tant pis si ce n'est pas grâce à moi.
****
Techniquement, nous ne sommes pas encore en hiver, mais il me semble déjà bien installé. Non pas que ça me dérange, je suis habituée au froid. Les températures ne sont jamais très élevées là où je travaille.
Avant, je passais mes journées dans la solitude, du matin au soir. Je ne pensais qu'à mon travail, je ne savais rien du reste…
Ledit reste, m'attend appuyé contre la grille, et mangeant des bonbons d'un paquet déjà à moitié englouti. Comme d'habitude.
Je l'appelle. Elle relève les yeux, et ils s'éclairent lorsqu'ils me remarquent. Je sens mon cœur se réchauffer au fond de ma poitrine lorsqu'elle me sourit et braille mon nom en me faisant de grands gestes. Un sourire se dessine involontairement sur mes lèvres, pour répondre au sien.
C'est la personne que j'aime le plus au monde.
C'est mon rayon de soleil, qui brille même au plus froid des hivers.
Ma Giula.
****
Mika n'a visiblement pas apprécié mon petit rickroll. Iel pourrait donner plus de crédit aux stratégies incroyables dont j'ai dû faire preuve pour sortir du lit sans lae réveiller et régler le réveil. Même si bon. Son visage avait l'air plus amusé qu'énervé ? Je crois ? J'espère ? Enfin bon je suis sûre qu'iel est pas fâché.e.
Je me redresse. Mon implant est éteint, le monde est silencieux. C'est pas négatif. J'aime bien, en fait. Comme mon ouïe déjà pas folle est désactivée, je ressens tout le reste puissance mille, et la maison n'est pas sur-stimulante donc j'en profite à fond. La douceur du tissu du drap, le parquet glacé que rencontrent mes orteils, la lumière qui vient d'en bas, les escaliers tapissés d'une moquette de fort mauvais goût mais plutôt pratique pour étouffer mes pas d'éléphant.
Mika et Noelle se font leur câlin d'introverts du matin sur le canapé. Je peux presque voir leur petite batterie sociale se recharger au dessus de leurs têtes, zouiiip. Trop mignons.
Je m'approche doucement. Enfin, aussi doucement que possible, et me glisse contre le dos de Mika en passant mes bras autour de sa taille. Je sens sa chaleur au travers de son pyjama, le chatouillis de ses boucles contre mon nez, et la main de Noelle qui vient se poser à l'arrière de mon crâne, et caresse les cheveux en prenant grand soin de ne pas déplacer mon implant.
Tout ça, dans le silence le plus total..
Parce que je n'ai pas besoin de mots pour savoir qu'iels m'aiment. Et que c'est réciproque.
****
J'arrive dans la cour en nage, malgré le froid polaire qui règne. Aller courir avec Kiseki tous les deux matins va finir par me tuer. Je ne suis pas mauvaise coureuse, en plus ; elle est juste trop rapide pour moi, cette gosse.
Me voilà donc en t-shirt par zéro degrés dehors, et un t-shirt qui doit me coller à la peau à cause de la sueur au vu du regard qu'un certain mexicain voyeur porte sur mes abdominaux en me voyant arriver. Mate donc, Humberto Flores. Mate tout ce que tu peux, mais je te rappelle qu'on touche avec les yeux.
– Putain mais vous avez décidé de tous me tuer avec vos abdos ce matin, c'est un coup monté ou bien ?
… Merci, Judicaël, je suis désormais au courant que tu as vu Humberto à poil ce matin. Seigneur, je ne m'attendais à rien et je suis quand même déçue.
Baihya semble soulagée de me voir arriver. Tu m'étonnes, gérer ces deux idiots toute seule n'a pas dû être une partie de plaisir. Pas d'inquiétude, ma sœur de lutte, super Theodosia est de ret- HUMBERTO FLORES N'ESSAIE PAS DE ME BÉCOTER JE SUIS TOUTE POISSEUSE. Tu vas finir glué à moi pour le reste de la jour- minute papillon. C'est son but à tous les coups. Mais quel fourbe, c'est bien un ricain tiens.
Je suis amoureuse d'un imbécile, ma sœur de cœur flirte avec le burn-out amoureux et mon meilleur ami est une libido ambulante qui se fringue chez Hot Topic.
Et le pire c'est que c'est la vie qui me rend heureuse et que j'ai choisi de mener.
Ah là là, quel enfer.
****
S'il y existe un Oscar de la connerie, je demande à ce qu'il me soit décerné. Il n'y a qu'à me regarder pour savoir que je mérite amplement le titre de plus gros.se abruti.e de tous les temps.
Regardez moi tomber amoureux.se du mec le plus gay après Altaïr mais aussi le plus oblivious de la planète après Noa. Sur votre droite vous pouvez admirer ma dernière parcelle de bon sens qui s'envole rejoindre mon ego.
En plus les gens autour de moi m'aident pas des masses. Altaïr est aux anges avec Shun, Noa et Teodora se rapprochent comme des moustiques hypnotisés par un lampadaire et Stefan passe son temps à bisouiller Hibari et Eugénie quand Quechua regarde pas – ou même quand il regarde d'ailleurs, pour ce qu'il en a à carrer. C'est moi qui suis censé pécho normalement, c'est censé être écrit par l'Univers, mais nooon, j'ai "célibataire" gravé sur le front et je chiale mes grands morts à trois heures du matin parce que le mec que j'aime en aime un autre et m'accorde même pas un regard. Et non Hibiki c'est pas un joint qui va me réconforter, j'ai déjà essayé et ça m'a juste fait pleurer encore plus.
Enfin. Cela dit il y a bien un moment où il m'a regardé. Le spectacle de fin d'année dernière. Y avait beaucoup d'artistes, et je passais en dernier. Le meilleur pour la fin.
Il m'a regardé. Nos regards se sont croisés pendant que j'avais la tête à l'envers, j'ai rougi comme une ado en crush. Maudit soit le random qui l'a placé au premier rang. Il a pas rougi, mais il m'a regardé tout du long, et c'était déjà ça. Surtout venant du type qui dormait à moitié pendant le reste du spectacle.
Tout ce que je demande, c'est qu'il me regarde comme ça encore une fois. Hors de la scène.
Merde, y a genre pas plus voyant que moi, et pourtant ton regard reste fixé sur lui.
Soudain la fille à côté de toi me lance un regard en biais, et te tapote l'épaule en me montrant du doigt. Tu te retournes.
Tes yeux se posent sur moi.
Et mon cœur s'envole comme un con rejoindre mon bon sens.
****
J'ai reçu un appel de Mika hier.
Et un SMS ce matin.
Ça a suffi pour que je roule de gauche à droite dans mon lit comme un chat dans la poussière.
Mika déteste les coups de téléphone, mais pour moi iel fait un effort. Je m'en veux, un peu, mais c'est gentil… Iel est tellement gentil. Iel sait que j'ai du mal à m'intégrer, mais ne m'a pas posé une seule question sur le pourquoi du comment. Hayat aussi est gentille avec moi, mais… Ce n'est pas pareil, avec Mika. Le fait que quelqu'un fasse des efforts juste pour que je me sente mieux, c'est nouveau. Et pas désagréable. Ça change… de plus être obligée de faire plaisir aux autres même quand on a pas envie.
Je lae vois souvent crier, Mika. Mais avec moi, jamais iel n'a élevé la voix. Iel s'est agacé au tout début, mais très vite, iel s'est calmé. Ça a été le meilleur professeur que j'aurais pu avoir… Sans luel, je serais restée murée dans mon mutisme.
Hibiki m'embête. Elle arrête pas de répéter que je suis amoureuse. Je sais pas trop ce que c'est, j'ai regardé la traduction en anglais. In love. C'est joli. C'est un mot qu'iel ne m'a pas encore appris.
Mais peut-être que je peux essayer de lui demander, demain, ce que ça veut dire.
****
Je peux me reconnaître de nombreuses qualités. L'une d'entre elles est ma connaissance de moi-même, de mes fonctionnements, de mes mécanismes. Évidemment, il est impossible pour quiconque de posséder un savoir complet et détaillé sur la schématique de sa propre pensée. Je suis humaine, et donc faillible.
Je sais que lorsque je tombe amoureuse, je ne tombe pas ; je chute de plusieurs étages, pour employer une métaphore parlante. Cependant, j'ai toujours évité de m'approcher du bord. Je me disais, comment pourrais-je continuer à étudier le fonctionnement des cellules cérébrales si les miennes sont parasitées par cette réaction chimique futile que l'on nomme "amour" ? J'avais le vertige. Il est plus facile de se plonger dans des recherches plutôt que dans le vide, sans savoir ce qui nous attend en bas.
Le vent ne m'a pas laissé le choix, et m'a poussée hors du toit. La chute a été longue. Mais j'ai fini par atterrir dans leurs bras, et ce matin, c'est moi qui les garde entre les miens.
Deux personnes au cœur bien plus grand et accueillant que le vide qui me terrifiait tant, malgré les capacités mentales limitées de l'une et la taille toute aussi limitée de l'autre.
Je sais que je ne suis pas la femme la plus expressive qui existe, ni la plus affectueuse au quotidien.
Mais je peux leur transmettre, à toustes les deux, ce câlin chaque matin.
Même si ça ne suffira sûrement pas à leur exprimer à quel point je les aime.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro