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Chapitre 35 : & Mat

Cinq mois plus tôt...

Courir. Jamais s'arrêter. Courir encore. Oublier la douleur, et fuir.

Ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne découvrent le corps du Mangemort assommé. Ensuite, ils le traqueraient, où qu'il aille, sans relâche. Ils étaient même probablement déjà en route, suivant les traces de ses nombreux transplanages qui lui ôtaient chaque fois un peu plus de force. Les bois devenaient de plus en plus sombres au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans l'épaisse forêt, et les branches griffaient son visage déjà abîmé.

« Tu as entendu ça, Weasley ? Ils vont tuer la fille, cette fois... ». Les paroles du Mangemort résonnaient inlassablement dans sa tête, ainsi que son rire glacial, juste avant qu'il ne se retrouve au sol, rué de coups auxquels il ne s'attendait sûrement pas vu l'état pitoyable de son prisonnier.

Ronald continua de courir, son visage déformé par la douleur de son corps meurtri. Il ne devait plus être très loin, maintenant. Il avait entendu les adeptes discuter, alors qu'ils le croyaient tous inconscient : Drago Malefoy se cachait en France, dans cette forêt exactement. Ils n'allaient pas tarder à lui rendre visite, pour une énième tentative de ralliement à Voldemort. Et, comme toujours, il refuserait.

Le sol devint soudain boueux et Ron glissa parmi les feuilles mortes, sa chute ressemblant à celle d'un pauvre pantin sans vie. Il était si dur de se relever. Il aurait tellement aimé resté là, allongé, attendant que la mort vienne le soulager. Mais l'image d'Hermione vint brûler ses paupières fermées, et il puisa toute la force qui lui restait pour se relever, ses blessures à présent mélangées de sang et de boue.

Il fallait qu'il le trouve avant eux, vite. Il était son dernier espoir, le seul qui puisse encore la sauver.

Enfin, apparut une toute petite chaumière parmi les arbres, vieille et délabrée. Les vitres étaient sales et brisées, et des champignons dévoraient le bois miteux. Elle semblait complètement abandonnée, mais Ron savait qu'il y avait de la vie à l'intérieur. C'est alors que, tandis qu'il s'approchait de la porte d'entrée, il fut expulsé par un champ de protection. Il aurait dû se douter que Malefoy protégerait sa cachette. Il sentit ensuite quelque chose serpenter le long de ses jambes, avant de brusquement s'enrouler autour et de le soulever haut dans les airs. Pendu la tête en bas par des lianes vivantes, Ron se mit à crier :

- Malefoy ! Libère-moi, c'est Ronald Weasley ! Il faut qu'on parle, c'est urgent !

Il vit alors la porte en bois s'ouvrir, et en sortir un homme qu'il n'aurait jamais reconnu être Drago Malefoy s'il ne savait pas qu'il vivait ici ; il ressemblait à un mort vivant avec sa peau blafarde, ses yeux fatigués par les insomnies et sa barbe naissante. Ce n'était plus du tout le garçon à l'allure irréprochable, mais un homme détruit, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Ses yeux gris détaillèrent l'état sanglant de son visiteur : son visage était tailladé de toutes parts, ses jambes couvertes de sang à n'en plus voir la couleur de la peau, et, de toute évidence, son bras gauche était brisé vu que seul l'autre bras s'agitait.

- Tu t'es échappé ? demanda-t-il de sa voix rouée, comme s'il avait perdu l'habitude de parler.

- Oui, répondit Ron. Laisse-moi descendre !

Une fois de plus, il le toisa de son regard glacial, mais ne bougea pas.

- Tu n'aurais pas dû venir ici, Weasley, dit-il alors. Ils sont sur tes traces, et tu vas les amener jusqu'à moi.

Ron utilisa la baguette du Mangemort pour trancher la liane qui lui entaillait les chevilles, et retomba au sol sur son bras déjà cassé. Incapable de bouger davantage, il cracha la terre qui s'était infiltrée dans sa bouche, et murmura les yeux fermés :

- Il faut que tu rejoignes Voldemort...

- Ils envoient les prisonniers, maintenant ? ricana froidement Drago. Il connait ma réponse, et elle ne changera jamais. Je n'ai plus rien à perdre. S'il me veut tant que ça, il n'a qu'à venir me chercher lui-même.

Alors qu'il s'apprêtait à rentrer à l'intérieur, Ron réussit à relever légèrement la tête et articuler :

- Tu dois te rallier à lui, Malefoy. Autrement...

- Autrement quoi ? explosa alors le jeune homme en venant vers lui à grands pas.

Une fois à sa hauteur, il s'accroupit à côté du corps allongé et saisit une poignée de cheveux roux, avant de tirer la tête en arrière, de façon à ce que ses yeux bleus croisent ses yeux gris et en comprennent le message une bonne fois pour toutes.

- Ça fait un an qu'ils me traquent, Weasley, murmura-t-il, sa voix emplie de haine. Ça fait un an que je fuis en permanence. Ils ont tué ma mère pour me faire changer d'avis, tu savais ça ? Eh ouais, ils m'ont envoyé sa tête par hibou. Charmant, n'est-ce pas ? J'ai voulu céder, mais Blaise était à mes côtés pour me soutenir, et m'a fait juré de ne jamais me soumettre à Voldemort. Il disait toujours que je valais mieux. Puis, un jour où c'était son tour d'aller chercher la nourriture, il a été plus long que d'habitude. Je ne l'ai revu que le lendemain, étendu sur le seuil de cette cabane, raide et froid comme un cadavre. Son état était à peu près comme le tien, sauf qu'on lui avait crevé les yeux à lui. Bah oui, parce qu'il me rendait « aveugle sur le chemin à prendre », selon le message sanglant gravé sur son torse. Alors tu vois, Weasley, je n'ai absolument plus rien à perdre, parce que Voldemort m'a tout pris. Quelle que soit la raison pour laquelle tu veux que je le rejoigne, qui est sûrement dans le seul but de sauver ta pauvre petite vie, tu peux aller te faire voir. Je mourrais plutôt que de servir ce serpent !

Il relâcha sa tête rousse et s'éloigna de nouveau.

- Il ne t'a pas tout pris, souffla la voix faible de Ron. Pas encore...

Drago se figea.

- Elle est la prochaine sur la liste, Malefoy...

Ce dernier écarquilla les yeux d'horreur, et dut plaquer une main contre le vieux mur de planches de bois pour ne pas flancher. Il garda le silence, tandis que Ron, toujours à terre, poursuivait d'une voix éteinte :

- Ils ne s'arrêteront pas à ta mère et à Blaise. Je les ai entendus. Voldemort va s'en prendre au dernier être cher qu'il te reste. Et il se trouve que, pour celui-là, je suis tout aussi concerné. Ils vont trouver Hermione, et je te laisse imaginer ce qu'ils lui feront une fois qu'ils l'auront trouvée.

- Je ne vois pas en quoi ça devrait m'affecter, mentit Drago, la gorge serrée.

- On n'a pas le temps de jouer la carte de la fierté, Malefoy, pressa Ron d'un ton énervé. Je sais que tu l'aimes, peu importe ce qu'il s'est passé. La preuve, ton état pitoyable témoigne bien à quel point elle est encore présente dans tes pensées, même après un an. Tu dois la sauver, Malefoy. Tu es le seul qui puisse le faire. Il faut que tu rejoignes Voldemort avant qu'il ne la tue, et que tu lui fasses croire que tu désire être à ses côtés, pour qu'il n'y ait aucun risque qu'il utilise Hermione comme chantage.

Le cœur battant, Ron écouta le silence du jeune homme. Il ne leur restait pas beaucoup de temps, les Mangemorts seraient là d'un instant à l'autre.

- Voldemort ne croira jamais à mon retour...souffla enfin Drago, le dos toujours tourné.

- Il le faut, insista Ron en tentant de se relever. Si tu te rends sous la menace, il comprendra que tu as deviné pour Hermione, et continuera à se servir d'elle pour te garder à ses côtés. En revanche, si tu le convins de ton dévouement, tu peux réussir à réclamer ta propre vengeance, et il te laissera Hermione. Profites-en pour la protéger, pour l'éloigner le plus possible, car elle reste une cible permanente.

- Je viens de te le dire ! s'énerva Drago en se retournant, la voix trahie par la panique. Il ne me croira jamais ! On ne ment pas à Voldemort !

Le corps tremblant, les jambes frêles, Ron se tenait à présent debout, et faisait face à son ancien ennemi de Poudlard.

- Ils vont débarquer dans quelques secondes, dit-il alors d'un air grave. Lorsqu'ils seront là, Malefoy, tue-moi.

Drago eut un mouvement de recul.

- Je serai une preuve de ton désir de te racheter, poursuivit-il. Tu diras que je suis venu ici pour réclamer ton aide, et que tu as refusé. J'insiste, tu en as assez, tu me tues sans aucun ménagement. C'est l'acte qu'elle supporterait le moins au monde, et Voldemort le sait.

- Weasley, dit Drago en secouant la tête, encore plus blanc qu'il ne l'était déjà. Ne me demande pas ça...

- Par ma mort, poursuivit-il comme s'il n'avait pas parlé, tu prouves ta haine envers Hermione, ainsi que ton côté sombre qui a finalement pris le dessus. Protège-là, Malefoy. C'est la seule et unique chose que je ne t'ai jamais demandé, et je sais que toi mieux que quiconque peut y parvenir. Débrouille-toi pour trouver des mensonges crédibles, et sois convaincant. Tu peux le faire. Moi, ça fait des mois que je me bats pour survivre à la torture qu'ils m'infligent chaque jour. Je n'en peux plus. Je suis déjà à moitié mort, et je n'ai plus la force de me battre. Ils continueront de me traquer, car je sais trop de choses. Rends-moi ce service, s'il te plaît.

Drago respirait très mal. La tête lui tournait et son cœur se mit à battre après un an de sommeil. Mentir à Lord Voldemort relevait de la pure folie. Jamais il n'y parviendrait.

Il eut alors une soudaine vision d'un corps froid et abîmé étendu sur le seuil de la cabane, sauf que ce n'était plus celui de Blaise, mais celui d'Hermione. Il secoua la tête pour reprendre ses esprits. Il la détestait, mais l'aimait plus encore. Aucun doute là-dessus.

Drago serra sa baguette un peu plus fort entre ses doigts, comme pour se donner du courage. Il avait déjà enlever tant de vies, par le passé, mais n'avait jamais envisagé de prendre celle de Ronald Weasley.

Lentement, il releva la tête et fixa l'ancien Gryffondor dans les yeux.

- Je veillerai sur elle plus que sur ma propre vie, promit-il alors.

- Je sais que tu le feras.

Drago ignorait pourquoi Weasley plaçait en lui une telle confiance, pourquoi il semblait si persuadé qu'il prendrait soin d'elle malgré la blessure qu'elle lui avait infligée, et se demanda s'il ne savait pas quelque chose qu'il ignorait.

Il n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage, car le bruit familier de transplanages s'éleva à quelques mètres de là. Tout à coup, Ron s'écria :

- Bon sang, Malefoy ! Tu ne comprends pas qu'ils vont la tuer ? Je croyais que tu l'aimais !

Drago leva sa baguette magique, respiration retenue. Il savait ce qui lui restait à faire, mais sa main tenant la baguette refusait le moindre mouvement. Les bruits de pas se rapprochèrent, et les voix des Mangemorts se firent entendre :

- Il est là !

Voyant que Drago ne réagissait pas, Ron fit un mouvement sec de sa baguette et l'envoya s'écraser contre le mur derrière lui, sa tête blonde cognant contre le rebord de la fenêtre.

- Tu n'es qu'un lâche ! lui hurla-t-il en boitant vers lui. Tu ne comptes pas la sauver, hein ? Tu vas la laisser mourir, ordure !

Quatre Mangemorts encapuchonnés émergèrent des bois, baguette en avant. Drago regarda le rouquin se jeter sur lui, puis, les yeux fermés, prononça la formule qui lui brûla les lèvres. L'éclair vert transperça la poitrine du jeune homme qui s'écroula aux pieds de Drago, et c'est avec les lèvres étirées en un sourire de soulagement qu'il rendit son dernier souffle.

Drago se releva, puis toisa un par un les Mangemorts restés silencieux. D'un coup de pied, il poussa le corps de Ron qui lui barrait le passage, et s'adressa à eux d'une voix autoritaire :

- Allez prévenir vôtre Maître que je souhaite lui parler.

Les Mangemorts mirent un long moment avant de réagir, puis décidèrent d'obéir. Une fois seul, Drago s'accroupit auprès du corps de Ron et lui ferma délicatement les paupières.

- Repose en paix, la belette, murmura-t-il.

Quelques minutes plus tard, un Mangemort réapparut et trouva Drago négligemment appuyé contre l'encadrement de la porte, l'air ennuyé.

- Enfin, pas trop tôt, lança-t-il sèchement.

Drago sourit intérieurement. Ça y était, il avait remis un nouveau masque qu'il allait devoir porter pendant longtemps. Redevenir l'ancien Malefoy se révélait étrangement plus facile qu'il ne le redoutait. Ce côté supérieur et arrogant face aux adeptes ne lui était pas inconnu, puisque c'est ce qu'il avait été, fut un temps. Maintenant, c'était comme retrouver une vieille habitude jamais vraiment disparue, et il suffisait de faire appel à tout ce qu'il avait de plus mauvais en lui, ainsi qu'à sa haine sans précédent envers le Lord, pour parvenir à penser et agir comme l'aurait fait l'ancien Drago de l'époque, celui qui ne laissait jamais passer une occasion de se venger après avoir été humilié.

Sentiment de vengeance qu'il n'avait en aucun cas ressenti envers Hermione, d'ailleurs, et dont la raison lui échappait. Comment, dans ce cas, transmettre à Voldemort toute la haine et tout la colère dont il avait besoin pour faire croire à un désir de revanche, s'il ne ressentait rien de tel envers elle ? C'était simple : cette haine était bel et bien là, mais dirigée contre le Lord lui-même. La seule chose qu'il restait à faire, c'était prier pour que ce dernier ne fasse pas la différence...

- Viens avec moi, dit le Mangemort en tendant une main. Je t'emmène au manoir du Maître.

Drago inspira profondément, puis accepta la main tendue, prêt à prendre le plus gros risque jamais pris auparavant. Ils durent transplaner cinq ou six fois avant de pouvoir rejoindre Londres, et Drago respira à nouveau l'air pollué du désespoir et de la guerre.

Une fois arrivé devant le manoir de Lord Voldemort, il ne put empêcher un frisson de le parcourir, retrouvant le lieu qui avait été le rêve de son enfance. Étant petit, il n'aurait jamais cru se retrouver un jour ici dans le but de trahir celui qu'il vénérait. Son père avait tort ; son avenir n'avait jamais été tout tracé.

- Il est là-haut, informa le Mangemort, une fois dans le hall.

Drago prit quelques secondes pour chasser sa peur et son angoisse du mieux qu'il pouvait, avant de monter les escaliers en tant que Drago Malefoy, mauvais et rancunier.

Il poussa la vieille porte du salon qui émit un grincement presque aussi aigu que la voix qui s'éleva au même moment :

- Tu as cinq secondes pour me donner une raison de ne pas te tuer maintenant.

Drago regarda la silhouette noire, assise dans un fauteuil usé qui devenait trône royal aussitôt que Voldemort y prenait place.

- Vous me voulez, répondit simplement Drago, confiant.

Le Lord lâcha un rire glacial face à des paroles qui pourtant ne l'amusaient guère.

- Je t'ai voulu, rectifia-t-il alors. Sais-tu ce que j'ai ressenti, Drago, le jour de tes seize ans ? Tu te souviens de ce jour ? J'avais organisé toute une réception pour accueillir mon nouveau Mangemort que j'attendais avec impatience, celui que j'étais censé tatouer de ma marque, le soir-même. Mais tu n'es jamais venu. Tu m'as fait attendre indéfiniment, et devant tous mes fidèles. Tu n'as même pas pris la peine de m'annoncer un quelconque refus, tu as juste disparu. C'est une humiliation qui aurait dû te couter la vie.

- Vous avez pris celle de mon père, ce soir-là.

- C'est exact. Ma bonté a voulu te donner une seconde chance.

Drago ricana.

- Ce n'était pas de la bonté, répliqua-t-il, tentant de calmer le flot de colère qui s'emparait de lui. Vous aviez besoin de moi, car j'étais un Mangemort bien plus prometteur que tous les autres.

Drago sentit alors comme une lame lui trancher l'estomac en deux, et ses genoux s'affaissèrent sous la douleur.

- Tu parleras quand je t'en donnerai l'autorisation, entendit-il la voix posée de Voldemort. Tu es trop prétentieux, Drago. Je te l'ai déjà dit. Tu me crois réellement dépendant d'un pauvre idiot de ton âge ? Lord Voldemort n'a besoin de personne pour construire son nouveau monde, et il n'y a que toi pour te penser indispensable à ses projets !

- Pourquoi continuer de me traquer pour vous rejoindre, dans ce cas ? siffla Drago entre ses dents serrées par la douleur.

- Comme je te l'ai dit, je t'ai donné une seconde chance, après ton comportement intolérable. Je t'ai donné jusqu'à la fin de l'année scolaire pour prendre une décision : me rejoindre, ou mourir. Je t'ai même sauvé la vie, alors que tu allais recevoir le baiser du Détraqueur au ministère. Générosité que tu as refusée, une fois de plus. Cette insulte à la dette que tu avais envers moi m'a mis dans une colère noire, Drago. Jusqu'à ce que j'apprenne la raison de cet entêtement...

La porte s'ouvrit, et Drago vit avec horreur Lisa Scrimgeour venir se tenir aux côtés du Lord. Il savait qu'elle était un Mangemort, mais s'était toujours demandé comment Voldemort avait été mis au courant de son histoire avec Hermione. La peste ! Elle lui avait juré ne pas être une espionne, à l'époque, et avait sûrement menti dans le seul but de rester sa petite amie.

- Cette chère Lisa m'a conté ta petite aventure avec cette Sang-de-Bourbe, continua-t-il. J'avoue ne pas y avoir cru une seconde, au début. Cependant, l'amour est quelque chose dont je connaissais la force pour avoir été jadis détruit par celui de la famille Potter, et il se trouvait donc possible que ce soit cette folie passagère qui t'empêchait de retrouver ta raison. Mais, avant même que je ne puisse y mettre un terme, ton histoire s'est envolée d'elle-même. J'ai presque eu pitié de toi, en apprenant que la petit sotte t'avait joué un tour. J'espérais même récolter ta haine pour pouvoir te récupérer mais, malgré tout cela, tu as tout de même fait le choix de t'enfuir à la fin de l'année. Ton message insolent est bien passé, ce jour-là ; tu m'as ouvertement défié d'essayer de t'attraper.

- Ce qui revient à ma question initiale, s'impatienta Drago, à nouveau debout. Pourquoi continuer de m'envoyer vos stupides messagers qui me demandent de revenir et que je tue un par un ?

- Parce que je savais que la souffrance infligée par Granger entraînerait forcément une haine destructrice à un moment ou à un autre, et que, ce jour-là, je serais prêt à l'accueillir et la mettre au profit de meurtres qui soulageraient et apaiseraient ta douleur. Mais j'ai trouvé le temps long. Trop long. J'avais beau attendre, tu ne venais pas, comme si tu ne ressentais pas le besoin de te venger. J'ai alors pris la décision d'accélérer les choses, et ai commencé à te transmettre mon impatience.

Drago serra les poings.

- J'ai reçu le message, dit-il froidement en essayant de chasser de sa tête les images de sa mère et de Blaise.

- J'avais ordonné que Narcissa ne souffre pas, dit-il alors, mais les Mangemorts ont voulu être créatifs.

Drago se mordit les joues jusqu'à sentir le goût du sang dans sa bouche. Ça allait être beaucoup plus dur que prévu.

- Je sais pourquoi tu es là, Drago... souffla alors sa voix de glace.

Ce dernier leva les yeux vers les profondeurs infinies de la large cagoule noire qui s'adressait à lui, le cœur battant.

- Tu sais que je m'apprête à tuer Hermione Granger, et tu es là pour m'en empêcher.

Un silence d'angoisse s'installa quelques secondes, avant que Drago, le visage aussi impassible que possible, réponde enfin :

- C'est exact.

Voldemort ne dit rien et attendit, signe qu'il était autorisé à poursuivre. Ce qu'il fit :

- J'avoue avoir envisagé de nombreuses fois me venger de Granger, mais n'ai jamais trouvé le courage de le faire... jusqu'à ce que cet abruti de Weasley vienne m'apprendre que vous comptiez la tuer. Qu'elle vive m'est égale, mais qu'elle meure par une autre baguette que la mienne est tout simplement inconcevable. Alors, oui, je suis là pour vous empêcher de la tuer. Et, si je le pouvais, je vous demanderais même de la laisser en vie. Mais, bien sûr, vous la tuerez quand même, quoi que je dise. C'est pourquoi, si cette fille de moldus doit mourir, c'est à moi que revient cette tâche. Je ne prendrai aucun plaisir à le faire, mais je n'ai pas d'autre choix si c'est le seul moyen de faire ce qui doit être fait : elle m'a humilié, et être celui qui mettra fin à ses jours est un rôle qui me revient de droit.

- Pourquoi t'accorderais-je ce privilège, dit Voldemort d'un ton dangereux, toi qui ne mérite rien d'autre que l'enfer pour ton insolence ?

- Parce que je suis ici, répondit fermement Drago. Pour vous, avec vous. C'est ce pourquoi vous avez tué tous ceux qui m'empêchaient de vous rejoindre, non ? Vous continuez de me désirer à vos côtés, et je viens m'offrir.

- Trop généreux, ironisa Voldemort, l'air irrité. Que dois-je faire pour te remercier d'un tel cadeau inespéré ? M'agenouiller devant toi ?

Drago sentit alors un début de panique briser son assurance lorsque le Mage Noir se leva de son trône, se redressant de toute sa hauteur.

- Ma baguette me démange les doigts, dit-il alors. Je devrais te tuer sur le champ pour autant d'insultes de ta part ! Me parler comme si l'on était égaux, toi et moi ! Comme si ta venue était un présent inestimable ! Il est temps que je te remette à ta place, Drago Malefoy.

Ce dernier se sentit alors incapable de bouger, paralysé. Son cœur bondit soudain dans sa poitrine, et Drago le sentit battre de façon atrocement douloureuse, comme s'il essayait de trouer son torse pour s'échapper. Son corps figé s'écroula contre le tapis poussiéreux, tandis que sa respiration s'arrêtait et que ses veines tentèrent de se déraciner à leur tour.

- Arrêtez, Maître, s'il vous plaît ! s'était alors élevée la voix suppliante de Lisa.

- Pardon ? demanda Voldemort en tournant ses pupilles rouges sang vers elle. J'ai cru t'entendre me donner un ordre ?

Lisa baissa ses yeux humides.

- Non, souffla-t-elle. Non, je n'ai rien dit.

Voldemort reporta son attention sur le garçon agonisant, et dit :

- Tu as pris un risque immense en venant ici, Drago. Tu as beaucoup trop confiance en toi. Mais c'est une qualité que j'encourage. Voilà comment ça va se passer, maintenant. Écoute bien...

Les yeux exorbités de souffrance, Drago retrouva alors sa mobilité et plaqua aussitôt ses deux mains contre sa poitrine, empoignant son cœur qu'il croyait échappé. La respiration bruyamment saccadée, il resta allongé, tandis que son nouveau Maître poursuivait :

- Je vais t'accorder ce que tu désires, Drago. Et cela, par pure bonté. N'est-ce pas que c'est de la bonté ?

Il se tut, et attendait donc une réponse. Drago n'eut d'autre choix que de souffler un « oui » d'une voix faible.

- Bien. Je suis ravi que tu le penses aussi, reprit Voldemort. C'est toi, qui tuera la Sang-de-Bourbe. En échange, tu vas me ramener ce que je désire, et que toi seul est en mesure de me rapporter. Eh bien oui, mon cher Drago, si je m'acharne à te récupérer, ce n'est pas parce que tu vaux de l'or, comme tu sembles le croire avec prétention. C'est parce que tu es le propriétaire d'un cœur de Bulborbus, et que seul ta main, ainsi que celle de la fille, ont le pouvoir de s'en emparer.

Drago ferma les yeux, confus. De quoi parlait-il ? Le cœur de Bulborbus... N'était-ce pas la petite chose violette qu'il avait retirée d'une plante, il y a fort longtemps ? Pourquoi diable est-ce que Voldemort parlait de ça ?

- Mes sources du ministère m'ont récemment appris que mes fréquentes visites chez un peuple de vampires ont été repérées, et que le ministère compte bien s'y pencher de près. J'ai ordonné à ce qu'elles s'arrangent pour que Granger soit placée sur cette affaire, et qu'elles glissent la proposition d'un garde du corps : toi. Tu vas faire ta réapparition, Drago. Tu prétendra vouloir te racheter, et le ministère t'accordera ta libération ; ils sont bien trop désespérés pour refuser une aide telle que la tienne, quelle qu'en soient les risques. Tu auras donc Granger à tes côtés en permanence, et tu te débrouilleras pour qu'elle accepte de te donner le cœur de Bulborbus. Mets ton charme à l'épreuve, ça ne serait que justice, après tout. Une fois cela fait, remets-moi le cœur en personne, et tu auras alors tout le loisir de savourer ta propre vengeance.

- Je lui ai fait cadeau de ce cœur il y a très longtemps, dit Drago en se relevant. Il y a peu de chance qu'elle l'ait gardé.

- Elle ne s'est jamais séparée de son collier, assura Voldemort.

Cette nouvelle le perturba légèrement, mais il n'en laissa rien paraître.

- Pourquoi ce cœur là ? demanda-t-il alors. Il en existe sûrement des centaines d'autres.

- Non. Ils sont rares, et tu en détiens un. Pourquoi chercher plus loin ? Je le veux, et tu vas me le rapporter. Je t'interdis de poser la moindre question à ce sujet, désormais.

Drago fit signe qu'il avait compris. Cette histoire était bizarre, mais ne l'intéressait pas. Ce cœur de Bulborbus dont il avait oublié l'existence avait probablement des propriétés magiques utiles au règne de Voldemort, et ce n'était pas du tout ses préoccupations premières. Ce sur quoi il devait se concentrer, c'était la sécurité d'Hermione, et il avait là une occasion en or de se trouver à ses côtés pour la protéger.

Malheureusement, il avait crié victoire trop tôt.

- Une dernière chose, Drago, dit la voix froide du Seigneur des Ténèbres. On m'a rapporté l'assassinat de mon propre prisonnier, Ronald Weasley. Mes fidèles m'ont décri la scène, et la façon dont tu as négligemment tué le jeune homme de sang froid. Et cela, parce qu'il t'avais demandé de l'aide, je me trompe ?

- Non. Il a eu l'impudence d'exiger de moi que je sauve Granger. C'est insultant de penser que je puisse faire une telle chose après qu'elle m'ait fait souffrir. Je pense qu'il a compris ma réponse.

- Je suis impressionné...

Drago devina le sourire qui étirait ses lèvres de serpent.

- Je ne pensais pas que tu aurais le cran de tuer un être si cher aux yeux de Granger. Cependant, même si cet acte m'apporte la preuve de ta colère envers la fille, laisse-moi prendre mes précautions...

Il s'avança si près de lui que Drago sentit son souffle rauque et chaud érafler ses joues.

- Une fois que tu m'auras rapporté ce que je désire, si je n'ai pas la preuve de la mort de notre petite Sang-de-Bourbe dans les heures qui suivent, c'est moi, qui me chargerait de la tuer. Est-ce clair ?

- Oui, répondit Drago d'un ton indifférent malgré les tambourinements soudains de son cœur. Mais cela ne sera pas nécessaire ; je ne manquerai mon occasion de la tuer pour rien au monde.

- Eh bien, espérons-le pour toi...

Drago put enfin se relever, et faire de nouveau face à l'imposante forme noire dont les pupilles scintillaient de cruauté.

- Je veux que tu me tienne au courant, ordonna le Seigneur des Ténèbres. J'enverrai fréquemment des fidèles pour que tu leur fasse un rapport de ce qu'il se passe, sans oublier les détails de l'avancée de la mission de Granger, car cela m'intéresse fortement. Il vaut mieux pour toi que tu ne tentes rien de stupide, Drago, parce que tu ne seras jamais seul. Je garderai constamment un œil sur toi, quoi que tu fasses. J'espère que tu as bien compris.

- Oui.

- Bien. Lorsque tu auras mis la main sur le cœur de Bulborbus, rapporte-le moi directement au château, sixième étage.

- Je ne peux pas transplaner à Poudlard, répliqua sombrement Drago, sachant très bien où le Lord souhaitait en venir.

- Tu le pourrais, si tu portais la marque...

Drago eut un rictus mauvais.

- Vous avez fait tuer ma propre mère, cita-t-il alors, une boule en travers de la gorge. Vous avez fait tuer mon meilleur ami, et tué vous-même mon père. Tout ça, pour me punir moi. Et vous désirez me voir porter une marque d'adoration ? De respect ? Je crois qu'il va me falloir refuser votre généreuse offre. Je suis ici parce que je n'ai pas le choix, non par volonté de vous servir, et vous le savez.

- Oui, je le sais, répondit Voldemort d'une voix étrangement posée. Je n'en attendais pas moins de ta franchise. Cependant, ne commets pas l'erreur de croire que nous passons un marché. Nous ne sommes pas ici d'égal à égal, je te l'ai dit. Je pourrais te tuer à n'importe quel moment, alors considère bien ta chance.

- Je connaissais les risques en venant ici. Vous ne m'entendrez jamais vous appeler « Maître », parce que vous ne l'êtes pas. J'ai fait le choix d'être indépendant il y a maintenant deux ans, et c'est la même personne qui se tient devant vous. Si cela n'est pas concevable, autant me tuer sur le champ, car je ne jouerais pas l'hypocrite sur la colère que je ressens à votre égard.

- Tout comme je ne cache pas mépriser la petite personne que tu es, Drago Malefoy. Malgré tout, je ferai en sorte que tu puisses transplaner à Poudlard, car tu ne peux me donner le collier que directement. Apporte-moi le corps d'Hermione Granger, par la même occasion.

Drago déglutit, puis hocha la tête, avant de dire :

- Je crains que votre plan contienne une faille, Lord...

- Surprend-moi.

- Comment pourrais-je vous donner ce que vous ne pourrez toucher ?

- Une fois de plus, tu fais l'erreur de me sous-estimer. Sache simplement que je compte sur la Sang-de-Bourbe pour faire le travail à ma place, et c'est pourquoi elle doit rester en vie jusque là.

Drago ne comprit absolument rien, mais n'insista pas. Il demanda ensuite à se retirer, ce que Voldemort permit après lui avoir répété de ne pas s'essayer à un jeu qui n'était pas de son niveau.

Il franchit donc la porte avec un regard encore plus gris que l'acier, et une aversion si profonde envers le Lord qu'elle n'en était même plus supportable. Il aurait voulu le tuer de ses propres mains, lui hurler à quel point ils le répugnaient, lui et ses maudits fidèles complètement soumis, assassins et fiers.

- Drago ! appela Lisa, courant derrière lui.

En entendant cette voix qui lui saignait presque les oreilles, Drago pressa le pas, sentant une envie de meurtre incontrôlable et dangereuse s'emparer de lui. Mais elle le rattrapa, et se posta devant lui. Drago recula aussitôt, serrant ses poings pour s'empêcher de prendre sa baguette. Il allait la tuer, Merlin il allait la tuer.

- Tu ferais mieux de t'en aller, réussit-il à articuler, plus sincère que jamais.

- Ne m'en veux pas, Drago, supplia-t-elle alors, ses grands yeux bleus plongés dans son regard de glace. Tout ce que j'ai fais, je l'ai fait uniquement pour toi ! Il fallait que je t'ouvre les yeux sur cette peste de Sa...

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouva plaquée contre le mur, un bras sous le cou lui coupant la respiration.

Drago appuyait de plus en plus fort. Il voulait qu'elle meure. Il voulait voir ses yeux océan s'éteindre à jamais, il voulait défigurer son expression de petite fille innocente, il voulait ne plus jamais sentir ce parfum qui lui donnait envie de vomir, il voulait la tuer.

Après un effort plus difficile que tout ce qu'il n'avait jamais eu à faire, il desserra son étreinte. Lisa s'écroula à ses pieds, toussant et luttant pour faire à nouveau entrer de l'air dans ses poumons.

Il avait besoin de cette fille, il le savait. Elle serait un argument de plus pour prouver à Voldemort sa croix définitive sur Hermione. Et puis, cette idiote sans cervelle serait facile à manipuler si besoin était. Le plus dur, ce serait de la laisser en vie durant tout ce temps.

Drago s'agenouilla auprès de ce corps si frêle et si bien entretenu. Il dégagea lentement les mèches noires de son beau visage trempé de larmes, et attendit qu'elle reprenne son souffle. Elle tourna ensuite ses yeux vers lui ; une expression de peur peignait ses traits fins. Drago sourit.

- Excuse-moi, souffla-t-il.

Le visage de Lisa changea littéralement, comme rassuré.

- Je ne digère pas que tu m'aies ainsi trahi, expliqua-t-il.

- Pardonne-moi, murmura-t-elle.

- Cependant, il faut reconnaître que tu m'as sauvé de ma folie en m'éloignant de Granger. Alors, oui, je vais te pardonner. Mais il y a une chose qu'il faut que tu saches.

La jeune femme le dévorait des yeux, se nourrissant de ses paroles et de leurs souffles qui caressaient ses joues humides.

- Voldemort et moi sommes du même côté, dit-il, mais pas côte à côte, tu comprends ? Il va falloir que tu choisisses à qui tu dévoues ta fidélité, Lisa.

Recroquevillée contre le mur, elle semblait hésiter. Se mettre le Maître à dos était la chose la plus risquée et la plus stupide qu'elle puisse faire.

Drago prit alors délicatement son menton entre son pouce et son index, puis se pencha et posa ses lèvres sur les siennes. Lorsqu'il se retira, il savait qu'il avait gagné. Lisa l'aimait plus que sa propre vie, c'était certain.

- Je ne te trahirai plus jamais, souffla-t-elle alors. Demande-moi ce que tu veux.

- Commence par cesser de prononcer le nom de « Sang de Bourbe ». Et ne me pose aucune question, contente-toi de me faire confiance. Tu me fais confiance, n'est-ce pas ?

Cette dernière hocha vigoureusement la tête. Drago sourit devant tant de facilité, puis l'aida à se relever. Il plongea ensuite ses yeux dans ceux de la jeune femme, et demanda d'un air sérieux :

- Lisa, sais-tu de quel peuple de vampires parlait Voldemort ?

Malgré sa surprise, elle se contenta de répondre, comme il le lui avait ordonné :

- Oui.

- Très bien. Je veux tout savoir.

***

Voldemort leva sa baguette. Ses lèvres de serpent commencèrent à prononcer la formule de mort. Drago sentait son cœur se débattre pour s'arracher à sa poitrine, pour voler au secours de son autre moitié qui, immobile, les yeux clos, attendait la sentence.

- Hermione ! s'entendit-il hurler.

Les Mangemorts qui le tenaient fermement étaient bien trop attentifs à ses moindres gestes pour qu'il tente d'attraper sa baguette restée dans sa poche. Tandis que Voldemort articulait les derniers sons, Drago sentait déjà son âme abandonner son corps, sa vie s'éteindre en même temps que celle d'Hermione.

C'est alors qu'il vit Harry Potter. Il crut d'abord à une illusion, mais il était bel et bien réel. Une fraction de seconde plus tard, un feu géant s'échappait de sa baguette magique. Aucun doute, c'était un Feudeymon.

Ses yeux se tournèrent aussitôt vers celle qui occupait instinctivement ses pensées lorsqu'il y avait un danger. Le Dragon de flammes embrasait déjà le couloir entier, et son souffle brûlant ne mettrait que quelques secondes à les atteindre. Il vit Potter se jeter sur Hermione, comme si la couvrir pouvait la protéger des flammes ! Il fallait qu'il leur vienne en aide. Profitant de leur distraction, Drago repoussa violemment les Mangemorts qui avaient de toute façon cessé de le maintenir, et plongea vers les deux Gryffondors. Ses yeux s'attardèrent un instant sur le serpent qui sifflait à la mort, se tortillant dans tous les sens tandis que sa peau écaillée calcinait dans un crachat de feu.

Puis, tenant l'épaule de Potter, il transplana. Mais, au même moment une autre main dont la peau était aussi froide qu'un glaçon lui agrippa la cheville. Voldemort le tenait. Drago se concentra de toutes ses forces pour que son transplanage aboutisse malgré la poigne gelée qui le tirait en arrière. Il fallait qu'il soit plus fort, il fallait absolument qu'il la transporte ailleurs. Avec toute la volonté du monde, Drago parvint à s'extirper du château ; il pouvait sentir l'air de dehors refroidir sa peau dont le sang semblait bouillir de l'intérieur. Néanmoins, il subissait toujours la prise crochue de la main qui le tenait vigoureusement, rendant son transplanage impossible. Il dut se résigner à lâcher prise, mais s'empressa de balancer les deux Gryffondors hors de sa magie, juste avant de se faire aspirer en l'arrière dans son propre transplanage.

Drago retrouva aussitôt la chaleur ardente qui l'empêchait de respirer correctement. A sa grande surprise, le couloir était simplement en feu, alors qu'un Feudeymon aurait dû tout emporter sur son passage, réduisant cette partie du château en cendre. Drago ne put s'empêcher d'admirer la puissance de Voldemort, car lui seul détenait une telle magie capable de réduire un Dragon de feu en simple étoile filante. Lui seul n'avait pas transplané.

La douleur du Doloris que le Seigneur des Ténèbres fit subir à Drago se révéla toute aussi destructrice que sa colère, et le jeune homme n'eut pas le souvenir d'avoir un jour autant souffert qu'à ce moment-là.

- Donne-le moi ! siffla alors Voldemort, hors de lui. Donne-le moi !

La douleur cessa. Drago sentit un liquide chaud, probablement du sang, s'écouler lentement de son oreille. S'il subissait encore une fois ce genre de Doloris, il n'était pas sûr de tenir le coup. Il tenait toujours fermement sa baguette magique, mais sentait malheureusement la présence du Lord dans son esprit, attentive à la moindre tentative de fuite. Drago était d'ordinaire plutôt doué en occlumancie, et avait réussi à fermer son esprit lors de son entretient avec Voldemort, quelques mois auparavant. Seulement, cette fois, il se sentait trop faible pour y parvenir et se retrouvait donc mis à nu devant son adversaire qui pouvait anticiper chacune de ses intentions.

- Donne-le moi, maintenant ! hurla Voldemort, perdant toute patience.

Tout à coup, alors que Drago s'apprêtait à céder, Voldemort sembla prendre conscience de quelque chose, car il se figea avant de souffler :

- Où est le serpent ? Nagini !

Ses pupilles déjà rouges se réduisirent à la taille de deux fentes presque invisibles, réalisant qu'il venait de perdre l'animal dans les flammes. Drago sentit alors l'esprit du Lord se retirer de ses pensées l'espace d'une courte seconde, et saisit sa chance.

Il transplana à l'extérieur, tandis qu'un hurlement de rage résonnait dans le château. Drago atterrit dans les jardins de Poudlard, et vint s'écraser dans un drôle de buisson en forme carrée. Recrachant vivement les quelques feuilles qui s'étaient incrustées dans bouche, il s'immobilisa lorsqu'il perçut la voix d'Hermione, non loin de là. En regardant par dessus le buisson qui lui servait de cachette, il l'aperçut avec Potter, plantés au même endroit où ils les avaient lâchés, un peu plus tôt.

- Je croyais que c'était toi qui t'étais jeté sur moi ! disait-elle.

- Oui, c'était bien moi ! Mais je ne sais pas comment j'ai réussi à transplaner. Je l'ai juste désiré très fort à ce moment-là, et ça s'est réalisé !

Drago leva les yeux au ciel ; décidément, Potter avait la fâcheuse manie de se croire exceptionnel. C'est alors qu'il vit les yeux d'Hermione s'illuminer.

- C'est lui... souffla-t-elle, pleine d'espoir. C'est Drago qui nous a sauvés, ça ne peut être que lui ! Je savais qu'il ne pouvait pas être mort ! Je le sens au fond de moi, Harry, il est encore en vie !

- Tant mieux, comme ça je pourrai me charger de l'étriper de mes propres mains ! cracha Potter.

- Il n'a pas tué Ron, déclara fermement Hermione, contre toute attente.

- Quoi ? s'étrangla-t-il. Enfin, Hermione ! Tu n'as pas entendu ce...

- J'ai parfaitement bien entendu, Harry ! le coupa-t-elle. Mais je connais Drago, et il n'aurait jamais fait une chose pareille, jamais.

Le jeune homme semblait retenir une colère qui ne demandait qu'à exploser, et parvint à articuler :

- « Tu connais Drago » ? Tu le connais, Hermione ? Arrête-moi si je me trompe, mais il me semble qu'il a réussi à te duper pendant plusieurs jours sur ses intentions ! Je rajouterais même que ce sale type, en plus d'être un Malefoy, est un Mangemort qui n'aurait absolument pas hésité à tuer un ancien ennemi pour arriver à ses fins !

- Je refuse d'y croire ! s'obstina-t-elle.

Harry explosa alors :

- Je n'arrive pas à croire que tu sois encore aussi aveugle, Hermione ! Arrête de le prendre pour l'être parfait, et ouvre les yeux ! Ce n'est qu'un homme comme les autres, avec ses faiblesses et ses défauts ! Non ! Que dis-je ? Ce n'est même pas un homme, c'est une ordure ! Un assassin !

- Arrête ! cria-t-elle à son tour.

- RON EST MORT PAR SA FAUTE ! rugit alors Harry, hors de lui. Comment peux-tu encore prendre sa défense, par Merlin ! Il est le mal, Hermione ! Quand vas-tu enfin te faire une raison ?

C'est ce moment que Drago choisit pour sortir de sa cachette. En l'apercevant se diriger vers eux, les deux Gryffondor ne réagirent pas tout de suite, comme s'ils regardaient un mort revenir de l'au-delà. Puis, Hermione courut vers lui et vint lui agripper le tee-shirt.

- Dis-lui, Drago ! ordonna-t-elle alors. Dis-lui que tu ne l'as pas tué ! Dis-lui que ce n'est pas ta baguette qui...

Les yeux suppliants, elle dut s'interrompre car une boule d'angoisse lui nouait la gorge. Il ressentait la détresse dans sa voix, et savait très bien que ce n'était pas réellement Harry qui attendait une confirmation, mais bien elle.

- Hermione, hésita-t-il, ne sachant comment aborder les choses. Il faut que tu saches que je n'ai jamais voulu le tuer, mais...

Il ne put achever sa phrase, interrompu par le cri de souffrance de la jeune femme qui venait d'entendre ce qu'elle redoutait tant, et qui était maintenant en train de reculer le plus loin possible de lui, les deux mains plaquées contre la bouche.

- Attends, laisse-moi t'expliquer ! dit-il en s'avançant vers elle.

Mais Harry lui barra aussitôt le passage, baguette pointée contre sa poitrine.

- Tu la laisse tranquille ! ordonna-t-il. Tu ne l'approches plus jamais, Malefoy !

Ce dernier allait répliquer, mais du mouvement en provenance de la forêt interdite interpella son regard, et ses yeux vrillèrent un instant au dessus de l'épaule de Potter. Il sortit alors brusquement sa baguette magique. Harry dut interpréter son geste comme une menace, car il se prépara à se battre en duel.

- Courez, ordonna Drago d'une voix grave.

- Si tu crois me faire peur ! ricana le Survivant.

- Et d'elles, t'en as peur ? répondit-t-il en désignant quelque chose derrière lui.

Avec prudence, Harry se retourna, et Hermione suivit son regard. Les deux Gryffondor se figèrent d'horreur à leur tour ; une vague noire d'araignées géantes déferlaient vers eux, sortant par centaines des profondeurs de la forêt interdite.

- Au risque de me répéter, courez ! dit Drago en prenant lui-même ses jambes à son cou.

Tous trois cavalèrent alors à travers les jardins, poursuivis par la marrée à huit pattes qui les rattrapait à une vitesse terrifiante. Tout en fuyant, les sorciers jetèrent des stupefix par dessus leurs épaules, bien que ce ne se révèle pas vraiment efficace face au nombre infini d'araignées dont la forêt déversait des flots perpétuels.

- Elle nous rattrapent ! paniqua Hermione. Il faut qu'on transplane !

- Non ! contredit Harry. On ne part pas d'ici sans la coupe ! Il est hors de question d'affronter un nouvel Horcruxe, pas après tous nos efforts !

Drago, qui courait un peu plus loin devant eux, vira tout à coup sur la droite, puis courut en sens inverse.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? s'arrêta aussitôt Hermione. Tu es fou !

- J'ai une idée ! leur cria-t-il. Suivez-moi !

Hermione s'apprêtait à le rejoindre, mais Harry lui saisit le poignet.

- On ne te suivra nulle part ! déclara-t-il fermement. C'est chacun de son côté, Malefoy !

Celui-ci revint sur ses pas et saisit alors l'autre poignet de la Gryffondor.

- Tu crèves ici si tu veux, Potter, mais pas elle.

Et il repartit en emmenant si fermement Hermione par la main qu'elle n'eut même pas le temps de protester. Fou de rage, Harry se lança à leur suite.

- Lâche-moi ! cria Hermione en tentant de l'arrêter.

Mais Drago n'écoutait pas, et l'emmenait en direction du Saule Cogneur, tandis que les arachnides n'étaient plus qu'à quelques mètres, faisant claquer leurs pinces d'impatience. Il savait parfaitement qu'il devait la tirer par la force, car elle ne l'aurait pas écouté, et il n'y avait pas de temps à perdre.

- Grimpe ! lui ordonna-t-il, une fois au pied de l'arbre gigantesque.

- T'es complètement malade ! dit-elle en jetant un œil aux branches qui commençaient déjà à s'agiter face à leurs visiteurs non désirés.

- Fais-moi conf...

Une violente claque l'interrompit. Rouge de colère, Hermione le fusillait du regard.

- Ne me demande plus jamais, jamais de te faire confiance, Malefoy.

Malgré son visage impassible, Drago supportait de plus en plus mal la haine de la jeune femme envers lui, mais n'avait malheureusement pas le temps de tout lui raconter maintenant. Comme elle ne semblait pas décidée à l'écouter malgré le danger, il n'eut d'autre choix que de la faire léviter contre son gré. Ignorant ses cris d'indignation, il la posta sur l'une des branches, avant de lui-même escalader le Saule Cogneur.

L'arbre se mit alors à déambuler de plus en plus fort et de plus en plus vite. Hermione planta ses griffes dans l'écorce à la façon d'un chat terrorisé, et cria à Harry de se dépêcher. Ce dernier arriva en même temps que le flux d'araignées affamées, et sauta sur la première branche qui passa devant lui, évitant de justesse les pinces tranchantes qui claquèrent le vide.

- Accrochez-vous bien ! les prévint Drago.

Dérangé par des intrus qui ne manquaient pas de culot, le Saule Cogneur agita alors ses immenses bras feuillus, fouettant l'air avec violence. Les quelques araignées qui se risquèrent à monter se firent aussitôt propulsées au loin dans un claquement sec et douloureux.

Drago entendit Hermione pousser de longs hurlements aigus tandis que la branche sur laquelle elle se trouvait balayait une dizaine d'araignées d'un seul revers. Il avait oublié à quel point elle ne maîtrisait pas son vertige, et n'aurait pas hésité à sauter pour la rejoindre si sa propre branche n'était pas elle aussi atteinte de la même folie, tournoyant dans toutes les directions inimaginables. Il jeta un œil à Potter, et retint un juron en le découvrant en difficulté : il avait glissé de sa branche et se trouvait maintenant suspendue à elle par la seule force de ses bras. Par chance, la sienne était en train de passer au dessus de lui et il profita de ce rapprochement pour sauter sur celle du Gryffondor, avant de tendre un bras secourable.

- Attrape ma main, Potter !

Ce dernier leva la tête vers lui et, tandis qu'il glissait encore un peu plus vers le vide où des dizaines de pince tentaient de l'attraper chaque fois qu'il frôlait le sol, se contenta de crier :

- Va te faire foutre, ordure !

- C'est Weasley qui m'a demandé de le tuer, ok ? Attrape ma main, maintenant !

- Comment oses-tu profiter de sa mort pour l'accuser ! rugit-il.

- Harry...attrape sa main...je t'en prie ! lui hurla alors Hermione entre deux hoquets, trimbalée haut dans airs par le Saule Cogneur qui n'était apparemment pas décidé à se laisser envahir.

Tout à coup, une araignée parvint à se faufiler à travers les fouets de l'arbre et sauta sur les jambes pendues du garçon, avant de lui planter ses grosses pinces dans la cuisse. Harry cria de douleur et lâcha prise, mais Drago eut un réflexe rapide et chopa son bras de justesse. Son autre main libre s'empara de sa baguette laissée dans sa poche arrière, et stupéfixia la bête qui retomba au sol, les pattes recroquevillées sur elles-mêmes. Non sans mal, il réussit ensuite le hisser sur la branche, prenant toujours soin de bien rester accroché grâce à la force de ses jambes enserrant le bois.

- Il faut qu'on atteigne le sommet du tronc ! s'écria alors Drago. Les branches du haut sont immobiles !

- Ma jambe est blessée, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué ! rétorqua Harry. Où est Hermione ?

- Je suis là ! cria celle-ci depuis le haut.

Les garçon levèrent la tête et l'aperçurent perchée au sommet de l'arbre, saine et sauve. N'ignorant pas les faiblesses de cet arbre hors du commun, elle avait déjà eu l'idée de se réfugier en hauteur, et leur faisait à présent signe de la rejoindre.

Le Saule Cogneur devait sûrement commencer à fatiguer, parce que la vitesse des branches se mit à ralentir de façon considérable, ce qui n'était pas forcément une bonne chose si l'on jetait à un œil à la nuée noire de pattes velues qui s'empressèrent de grimper. Du mieux qu'il put, Drago aida Harry à se hisser au sommet, le laissant piétiner ses épaules sans ménagement. Une fois en haut avec Hermione, il mit deux doigts dans la bouche et émit un long sifflement aigu.

- Je ne suis pas venu seul, expliqua-t-il avec un sourire devant le regard interrogateur de son amie.

En effet, quelques secondes plus tard, un aigle au corps de cheval traversait le ciel en leur direction.

- Buck ! s'éxclama-t-elle avec joie.

L'oiseau arriva rapidement à leur hauteur, battant ses majestueuses ailes de façon hachée pour pouvoir rester en place, attendant d'être monté.

- Bien joué, Potter, avoua Drago qui arriva à son tour.

Une fois en selle avec Hermione le tenant fermement par la taille, Harry tendit à sa main à Drago. Celui-ci la saisit, et ne vit malheureusement pas le coup arriver de l'autre main. Déstabilisé par la violence du poing directement adressé dans la mâchoire, le Serpentard dégringola de plusieurs étages, avant que son dos ne s'écrase contre le bois d'une branche qui passait là au bon moment.

- Ça, c'est pour Ron ! entendit-il Potter s'écrier.

Il cru également entendre les protestations d'Hermione envers Harry, mais il n'en était pas sûr. Tout comme il n'était pas sûr de sortir d'ici vivant.

- Ça m'apprendra à faire confiance à un Gryffondor... grogna Drago en s'essuyant rageusement le filet de sang qui s'échappait du coin de sa bouche. Baguette en main, il défiait à présent les araignées d'approcher. Ces dernières recouvraient les branches alentours, et sautillaient vivement dans les airs jusqu'à atteindre leur proie.

- Approchez, saletés... menaça-t-il entre ses dents.

Et les premières qui s'y risquèrent finirent aussitôt réduites en cendre. Malheureusement, cela n'empêcha pas toute une armée de revenir à l'attaque quelques secondes après, et Drago eut alors un flash d'une situation à peu près semblable : Hermione et lui, entourés par une cohorte de vampires assoiffés qui s'était ensuite sauvagement jetée sur eux. Il se souvint de l'intelligence avec laquelle la jeune femme avait temporairement réglé le problème, et agit de même :

- Deprimo ! Protego !

L'explosion pulvérisa une grande partie de ses assaillants, tandis que la bulle protectrice lui évitait les retombées de flammes et de morceaux de bois brisés qui voltigeaient dans les airs.

- Actio balai de la réserve ! s'écria-t-il ensuite.

Le terrain de Quidditch se trouvant à proximité, l'un des balai d'entrainement ne mit que peu de temps à fendre l'air en direction de l'arbre, ce dernier secouant de nouveau avec vivacité son branchage en feu. Drago sauta sur le vieux balai et s'échappa aussitôt dans les airs, laissant derrière lui la horde d'araignées agitées par la chaleur des flammes.

Le balai était si vieux qu'il en crachait presque de la poussière, et une chouette en vol aurait rapidement dépassé Drago.

- Allez, avance ! pesta-t-il en tapant sur le manche.

Mais, alors qu'il commençait à désespérer de rattraper l'hyppogryffe un jour, quelle ne fut pas sa surprise de le voir voler un peu plus loin...à contre sens. L'oiseau devenait de plus en plus visible au fur et à mesure qu'il se rapprochait de l'endroit où Drago se trouvait, et ce dernier stoppa son balai en l'air, les sourcils froncés. Avaient-ils l'intention de lui rentrer dedans ? De le pourchasser ? Il y avait pourtant plus important que de régler les comptes avec Potter maintenant.

Malgré la vitesse à laquelle l'hyppogriffe fonçait droit sur lui, Drago resta sur place. Il voulut interpeller Hermione une fois celle-ci assez proche, mais Buck traça alors son chemin sans lui prêter aucune attention, manquant de le renverser de son balai. Drago tourna la tête de l'autre côté et, seulement, il comprit que les deux Gryffondors n'étaient pas en train d'attaquer, mais bel et bien en train de fuir.

Une autre armée de créature venait de surgir par la voie des airs, et, à côté d'elle, les araignées se révélaient presque une compagnie plaisante.

- Merde, ne put s'empêcher de lâcher Drago dans un souffle, sentant la panique prendre le dessus.

Échapper aux araignées était un jeu d'enfant, mais échapper aux harpies était illusoire. Ces femmes au corps d'oiseau étaient dotées d'une force et d'une vitesse redoutable, et ne fatiguaient jamais... Une fois devenu la proie de l'une de ces créatures, courir ne servait à rien, car elles étaient nées pour chasser et n'auraient de repos que la mort.

Drago vira soudainement le manche à gauche, et s'élança derrière l'hyppogriffe.

- La forêt interdite ! leur hurla-t-il du mieux qu'il put. Elles ne s'aventurent pas dans l'obscurité !

Il ne sut s'ils l'avaient entendu ou si Hermione l'avait lu dans l'un de ses nombreux bouquins, mais l'oiseau piqua du nez vers la forêt et disparu sous la couche de feuillage épais. Drago espérait en faire de même, mais son maudit balai préférait prendre le temps d'admirer le paysage, voletant tranquillement et ignorant les gesticulations désespérées de son conducteur.

- Tu vas avancer oui ? s'énervait-il en martelant inutilement le bois de claques sèches. Ou je te jure que j'arrache tous tes poils un par un !

Contre toute attente, le vieux balai sembla comprendre la menace, car il prit soudain un élan de vitesse, toujours pitoyable, certes, mais déjà plus rapide qu'auparavant. Drago fonça vers la forêt interdite à son tour, perdant le peu d'altitude qu'il avait pour s'engouffrer dans l'obscurité que permettait la dense végétation.

Le balai ne fut cette fois pas réceptif à l'atterrissage en douceur que souhait Drago, et le manche vint se fracasser contre le tronc d'un arbre, éjectant le pilote comme une vieille chaussette. Il se releva et constata avec satisfaction que les harpies survolaient la forêt à la façon de vautours affamés, n'osant cependant pas s'y hasarder. Un peu plus loin, il aperçut alors Potter qui, la jambe en sang, boitait vers lui d'un pas rageur, suivi de près par Hermione qui semblait lutter pour le retenir. Arrivé près de lui, il saisit son col des deux mains et le plaqua contre le tronc de l'arbre, les traits déformés par la haine.

- Tu vas cesser de nous suivre maintenant ou je jure que je te tue Malefoy ! prévint-il, les dents serrées.

Loin d'être impressionné, Drago saisit également le col du Gryffondor et se décolla du tronc avec force pour venir le plaquer à son tour contre un autre arbre derrière eux.

- J'ai des choses à dire à Hermione et je te conseille d'arrêter d'essayer de m'en empêcher, Potter, menaça-t-il.

- Des choses à dire ? répéta-t-il avec un sourire froid. Comme lui dire que tu l'aimes, c'est ça ? Ou bien encore, la convaincre de ton innocence concernant Ron ?

- Je n'ai rien à d'autre à dire que la vérité, cette fois.

- On la connait la vérité, rétorqua-t-il, tenant toujours fermement le col du Serpentard. Tu es celui qui a pris la vie de notre meilleur ami, et tu vas payer pour ça !

Ne pouvant retenir sa colère une seconde de plus, Harry dégaina sa baguette à la vitesse de la lumière et envoya son ennemi valser à travers les bois. Drago ne prit pas le temps de s'en remettre et sortit sa baguette à son tour.

- Tu commences sérieusement à m'agacer, Potter ! cracha-t-il en s'avançant vers lui.

- Je crois qu'on a un combat à terminer, Malefoy ! lui lança Harry en marchant également vers lui. Il est temps d'en finir !

- Évite de t'en prendre à Hermione, cette fois ! ricana Drago d'un ton glacial.

Cette réplique agit comme une vive brûlure, et le Gryffondor lança la première attaque.

- Everté Stati !

Mais Drago repoussa le sortilège d'un coup de baguette. Il allait répondre avec un autre sort lorsqu'il fut soudain désarmé par une baguette à laquelle il ne s'attendait pas. Potter ne devait pas l'avoir prévu non plus, car il regardait bêtement ses mains vides.

- Hermione, rends-la moi s'il te plait, dit-il d'un air énervé, la main tendue. Il faut qu'on en finisse, lui et moi !

- Hors de question ! trancha celle-ci en le fusillant du regard. Comment osez-vous vous battre maintenant, alors que les sorciers ont besoin de notre aide ? Vous n'avez rien trouvé de mieux à faire ?

- Il me semble que tu n'es pas la mieux placée pour parler, répliqua-t-il alors. Je peux savoir ce qui t'as pris de donner la coupe à Voldemort pour cet abruti ?

Drago frissonna de colère. Il n'avait jamais supporté être insulté, ni ignoré de la sorte, surtout lorsque ça venait de Potter. Il se serait fait un plaisir de l'étrangler sur place s'il n'avait pas été si proche d'Hermione. De plus, il fallait avouer que, aussi stupide et insupportable soit-il, Harry Potter restait sûrement le seul capable de tuer Voldemort.

- Je...j'ignorais...bredouilla-t-elle en perdant soudain ses couleurs.

- Ça ne te ressemble tellement pas de sacrifier les autres au profit de tes envies ! enchaînait Harry, de plus en plus dépassé par les évènements. Tu es celle qui pense toujours au bien d'autrui, celle qui me remet dans le droit chemin quand je m'égare ! Mais je ne te reconnais plus depuis que tu voues ta vie à cet homme ! Comment je vais m'en sortir moi, sans ton aide ? Sans la Hermione que je connais, lucide et responsable ? Combien de fois encore vas-t-on subir les conséquences de tes élans de...d'amour !

- Ça suffit, coupa Drago qui en avait assez de le voir la rabaisser. Elle a fait plus pour le monde magique ces derniers jours que toi en plusieurs mois de dépression, Potter. Elle a risqué sa vie à mainte reprises dans le seul but d'anéantir Voldemort, ce qui est normalement ta tâche, si je ne m'abuse. Alors garde tes sermons pour toi, et remercie Merlin d'avoir quelqu'un comme Hermione dans ta vie, pour assurer là où tu échoues !

- Arrête ! ordonna Hermione en s'avançant. Ne le blâme pas pour avoir perdu espoir après qu'un être cher nous ait été arraché.

Une fois de plus, Drago reçut le pic lancé en plein cœur. Elle se tourna vers Potter et lui murmura quelque chose qu'il eut du mal à entendre, mais réussit tout même à saisir des bribes de phrases :

- ...vraiment désolée, mais tu sais pourquoi j'agis...il arrive parfois que je ne contrôle pas le...comme si je n'avais pas le choix...

- Tu te reposes souvent sur cette excuse, entendit-il Potter maugréer.

- Une excuse ? répéta-t-elle plus fort. Tu crois que c'est facile pour moi, Harry ? Tu crois que j'ai choisi d'être son...

Elle s'interrompit, comme si elle allait trop loin, mais continuait de dévisager Potter. Comme à chaque fois qu'elle disait des choses étranges, Drago restait silencieux, mais s'assurait qu'il mémorisait chacun des mots prononcés, espérant que ça l'aiderait un jour à compléter le puzzle qu'elle avait crée, un an plus tôt. Il savait qu'elle avait un secret, c'était sûr, elle-même le lui avait avoué lors du bal des vampires, et Drago avait toujours l'impression d'en frôler la vérité, sans pour autant parvenir à mettre la main dessus.

Le cri affamé des harpies les fit tout trois sortirent de leurs pensées.

- Il faut qu'on...

Mais Potter n'eut pas le temps d'achever sa phrase qu'une flèche sortie de nulle part fendit l'air et se planta dans le tronc d'arbre, là où Drago s'était tenu une seconde plus tôt. Hermione rendit aussitôt les baguettes à leurs propriétaires, et tous trois eurent le même réflexe : ils créèrent une immense bulle protectrice, tandis qu'une nuée de flèches suivaient la précédente. Elles ricochèrent contre leur protego, mais le bruit des galops se rapprochaient dangereusement.

- Des centaures ! dit Potter.

- Vraiment ? ironisa Drago. On avait du mal à deviner ce que c'était !

- Tais-toi, Drago ! intervint Hermione avant qu'Harry puisse le faire.

- Je dis simplement qu'on serait perdus sans Potter ! continua-t-il, agacé par les personnes qui ne parlaient pour rien dire. C'est ce qu'il adore entendre, non ?

- Ferme-là, Malefoy, prévint le jeune homme qui ne maitrisait plus sa colère.

- J'aurais dû te laisser te faire bouffer par les araignées...

- Pourquoi tu ne me lâche pas un peu, hein ?

- Alors cesse de te penser le meilleur d'entre nous !

- Je reconnais bien là le petit gamin de Poudlard qui voit de la compétition partout ! ricana Potter. Ton père n'a pas raté l'éducation à son image, hein ?

A peine eut-il fini sa phrase que Drago avait pivoté sa baguette vers lui. Une seconde plus tard, le Gryffondor s'écroulait au sol sous les cris horrifiés d'Hermione. Les centaures étaient là, tout près, mais ne semblaient pas vouloir rencontrer leurs adversaires, se contentant de lancer leurs flèches à distance.

- Arrête ! entendit-il Hermione lui hurler, tandis qu'il regardait patiemment Potter se tortiller de douleur.

Il n'avait pas le droit de parler de son père, et le savait. Cet imbécile été allé trop loin, et il devait payer. Merlin qu'il prenait plaisir à contempler Potter impuissant ! Il haïssait tellement tout, chez lui. Ses airs supérieurs, sa façon de parler à Hermione, de se croire toujours plus intelligent, de se plaindre sans arrêt du poids qui pesait sur ses épaules, alors qu'il refusait toute aide, et surtout sa manie de repousser sa célébrité alors qu'il n'hésitait pas à s'en servir pour arriver à ses fins.

Oui, Harry Potter n'était qu'un garçon prétentieux et faux. Mais il était également tout ce qui restait à Hermione, et il ne le lui enlèverait jamais, malgré son intime conviction d'une vie meilleure sans lui. Lorsque Drago leva la tête vers elle, il vit ses yeux trempés de larmes le supplier d'arrêter. Étant désormais la seule à les protéger des ribambelles de flèches qui ne cessaient de les assaillir, elle regardait son ami à terre, impuissante.

- Drago, stop ! hurlait-elle. Pitié !

Ce dernier leva sa baguette, sortant enfin de sa torpeur. Il s'était une fois de plus laissé emporté par ses émotions, et c'était chacun de ces comportements là qu'elle détestait et qui renforçait le doute en elle. Il fallait qu'il se maîtrise, ou il la perdrait définitivement, il le savait.

La respiration saccadée, Potter tenta de se relever. Drago voulut l'aider, mais il dégagea vivement son bras.

- Laisse-nous, murmura-t-il contre toute attente. Si tu l'aimes comme tu le prétends, alors laisse-là s'en aller, Malefoy. Ta présence ne lui fait que du mal, et je ne suis pas sûr que tuer son autre meilleur ami te rapproche d'elle...

Il lui lança un dernier regard, puis vint à la rescousse d'Hermione. Drago resta immobile un instant, écoutant les paroles du jeune homme qui résonnaient encore dans sa tête. Il n'avait jamais envisagé l'idée qu'Hermione puisse être plus heureuse sans lui, et il était étrange que ce soit Potter qui insère un tel doute. Était-il possible qu'il ait raison ? Se pouvait-il qu'Hermione cesse de souffrir s'il sortait de sa vie pour toujours ?

Non ! Non, et non ! Drago reprit ses esprits. Ils étaient faits l'un pour l'autre, ça avait toujours été une évidence pour lui, et Potter ne gâcherait pas ça ! Il n'avait tué Weasley que pour son bien, et elle devait connaître la vérité ! Ensuite, seulement, elle ferait le choix de le pardonner ou pas. Il en avait assez de passer pour le méchant. Chaque jour où il avait dû lui mentir et subir ses regards méfiants l'avait profondément blessé, mais il avait malgré tout réussi à ne rien laisser paraître. Il avait tenu son rôle jusqu'au bout, mais il était fatigué de jouer, maintenant.

- Hermione ! s'avança-t-il alors d'un pas déterminé.

Cette dernière protégeait Harry qui envoyait des stuféfix à travers les bois.

- Hermione, répéta-t-il en joignant son protego au sien. Il faut que je te...

- Vas-t-en, le coupa-t-elle sans même le regarder. Vas-t-en avant que tu ne t'en prenne encore à ceux que j'aime.

- Je n'allais pas tuer Potter, se défendit-il. Et Weasley m'a...

- T'a quoi ? cria-t-elle alors en tournant un regard assassin vers lui. Il t'a fait quoi pour mériter la mort, Drago ?

Hermione sembla exploser en cet instant, et ce fut comme si elle réagissait seulement maintenant à l'annonce de Ron tué par celui qu'elle aimait. Tremblante de rage et de chagrin, elle en vint même à oublier son protego et se tourna vers lui, ignorant les avertissements de Potter qui devait désormais prendre en charge leur protection. Les centaures les encerclaient, mais restaient probablement trop craintifs pour se montrer. Harry espérait les voir être bientôt à court de flèches, mais se doutait bien au fond que leur magie était inépuisable.

- Qu'attends-tu de moi, Malefoy ? s'écriait à présent la jeune femme en levant les bras en l'air. Que je te pardonne ? Que j'oublie ? Tu m'as pris ce que j'avais de plus précieux au monde, Drago !

- Je ne voulais...ce n'était pas...tenta-t-il d'expliquer.

Mais Hermione était entrée dans une sorte de folie où toute la colère et la tristesse contenue depuis la révélation de Voldemort ressurgissait de façon volcanique.

- Tais-toi ! cria-t-elle. Tais-toi, tais-toi ! Plus un mot de ta bouche, Malefoy ! Fini les mystères, fini les mensonges, je sais la vérité maintenant ! Je me trouve si... bête ! Idiote ! Naïve de t'avoir accordé ma confiance ! Et même lorsque la vérité était glissée sous mes yeux, j'ai refusé de la voir ! J'ai tellement espéré, tellement espéré de toi, Drago Malefoy !

Sa voix se brisa un instant, et elle reprit plus difficilement.

- Comment puis-je t'aimer encore ? Je veux mourir pour que mes sentiments cessent, mais ils sont toujours là ! Et je me maudis, je me hais un peu plus chaque seconde d'avoir tout cet amour en moi dont je ne veux plus...

Drago essaya d'approcher, mais ce mouvement sembla déclencher une colère nouvelle et elle le repoussa brusquement de ses deux mains, avant d'elle-même revenir vers lui pour le ruer de coups sur la poitrine.

- Tu-n'a-vais-pas-le-droit-de-te-ven-ger-sur-lui ! pleura-t-elle, articulant une syllabe à chaque coup donné. C'est moi qui t'ai fait souffrir, pas lui ! Cette histoire ne le concernait en rien, et c'est moi que t'aurais dû punir !

Drago n'avait jamais eu plus mal au cœur qu'en cet instant. Les coups qui s'enchainaient contre sa poitrine ne lui provoquaient aucune douleur, mais les mots de la jeune femme, comme toujours, lui étaient insupportables.

- Je t'en prie, Hermione, dit-il en saisissant ses poignets agités. Je n'ai jamais cherché à me venger de toi, jamais !

- Bien sûr que si ! rugit-elle en récupérant vivement ses mains. Tu n'as jamais eu que ça en tête depuis que c'est arrivé ! Toi-même me l'a dit ; ça te tuait jour après jour ! Tu me dégoûtes ! Et je me dégoûte pour avoir embrassé tant de fois les lèvres qui ont prononcé la formule de mort... Je peux difficilement vivre sans toi, Drago, mais je ne peux définitivement pas vivre avec toi ...

Joignant le geste à la parole, Hermione porta la main à son cou et tira un coup sec sur la fine chaîne en argent.

- Ne fais pas ça, demanda Drago qui accordait une grande importance à sa promesse d'être toujours à ses côtés.

Comme si elle venait d'arracher une partie de son cœur, Hermione tira une grimace de douleur, puis laissa tomber à terre le collier au pendentif en forme de serpent. Elle s'effondra à genoux, avant d'éclater en sanglots. Harry luttait pour les protéger de toutes les flèches, mais n'osait cependant pas interrompre son amie, trop heureux qu'elle mette enfin un terme à ce qui touchait de près ou de loin à Malefoy.

Ce dernier s'abaissa à son tour, et réussit à l'enlacer lorsqu'elle eut enfin abandonner ses efforts pour le repousser. Elle se laissa alors bercée dans le creux de ses bras, tandis que Drago s'était mis à lui murmurer des choses à l'oreille pour la calmer. Et, alors qu'elle continuait d'être agitée par de violents spasmes, Drago continuait de murmurer, encore et encore. Les mots se déversaient de plus en plus vite, tandis que les souvenirs défilaient dans sa tête comme un vieux film. Il sentit enfin le corps de la jeune femme se calmer sous l'effet des paroles prononcées, et n'arrêta pas de lui conter l'histoire même quand il entendit Potter lui ordonner de la lâcher. Mais, comme Hermione un peu plus tôt, il était coincé par son rôle de protecteur face à l'attaque des centaures, et Drago en profita pour rester près d'elle, sans cesser de parler.

La vérité était en marche. Au fur et à mesure qu'il décrivait les moindres détails de son histoire, le corps de la Gryffondor se détendait contre lui, ses larmes s'atténuaient et sa respiration s'apaisait. Il la sentait se loger un peu plus à l'intérieur de ses bras à chaque mot soufflé à son oreille, comme si elle écrasait enfin la barrière entre eux qui les empêchait d'être ensemble. Drago se libérait d'un poids énorme en lui avouant la source de son comportement, et la remerciait intérieurement de ne pas l'interrompre une seule fois, se contentant d'écouter à quel point il était désolé et à quel point il l'aimait.

Son récit terminé, Drago se rendit compte avec horreur qu'il avait les yeux humides, et passa vivement un coup de manche sur la larme qui avait eu l'audace d'essayer de s'échapper.

- Je t'aime... lui répéta-t-il pour la centième fois. Je n'ai jamais voulu que ton bien, Hermione. Tu sais que je dis la vérité, n'est-ce pas ? Tu le sens au fond de toi combien je t'aime, je sais que tu le sens. Tout ce que je t'ai raconté sur mon passé est vrai. Les insomnies, les envies de rejoindre le mal, le soutient de Blaise...

Hermione se décolla lentement de lui, quelques mèches de cheveux collées à son visage trempé de larmes. Elle planta son regard noisette dans ses yeux bleus, et fit la plus belle chose que Drago puisse espérer : elle sourit.

- Pourquoi ne m'as-tu rien dit plus tôt ? lui souffla-t-elle de sa voix cassée. J'aurais pu comprendre que tu voulais me protéger.

- Ils étaient partout, Hermione ! répondit-il avec force. Où qu'on aille, quoi qu'on fasse, les Mangemorts étaient là, en train de nous surveiller ! Voldemort m'avait bien mis en garde que je ne serai jamais seul. Je ne pouvais pas prendre le risque de révéler la vérité sur mes intentions, car cela revenait à le dire à Voldemort ! Pour être crédible, mieux valait que tu ne saches rien. Ainsi, ton comportement envers moi restait méfiant et ton rôle était joué à la perfection ; les adeptes n'auraient rien à rapporter à leur Maitre. A la moindre attitude suspecte, ils avaient l'ordre de te tuer. Pourquoi crois-tu que je me sois acharné à t'entrainer pendant des heures, alors que ton niveau était déjà bon ? Les Mangemorts espions étaient de loin les meilleurs atouts de Voldemort.

- Et tes absences fréquentes ? questionna-t-elle, son esprit essayant probablement d'assimiler toutes les informations.

- Je devais constamment faire des rapports de ma mission, ainsi que de la tienne, auprès des messagers. J'essayais également de traquer les stupides Mangemorts qui ne travaillaient pas pour le Maître, et n'avaient qu'une seule idée : t'arracher à moi pour que ma peine me trahisse. Ces crétins de Yaxley et William avaient parfaitement deviné dès le départ que je tentais de te protéger, et non de te piéger, comme les ordres l'exigeaient. C'est pourquoi, avant même de te rencontrer au ministère pour la nouvelle mission, j'ai passé les quelques mois libres donnés par le Lord pour trouver le repère des vampires. A l'instant même où Voldemort les a mentionnés, j'ai tout de suite eu la conviction qu'elles étaient les créatures parfaites pour assurer ta protection. Tout seul, je n'avais aucune chance de te garder en vie si les choses tournaient mal, mais avec un peuple de vampires à mes côtés, l'une des seules espèces encore indépendante du mal, je me sentais plus rassuré. Ça n'a pas été facile de les approcher, mais j'avais trouvé un arrangement qu'ils ne pouvaient refuser : la capture de leur ennemi juré. J'étais en contact fréquent avec Greyback, et ça ne paraissait donc pas difficile. Les vampires ont ensuite suggérer une potion de liaison, dont ils avaient le secret grâce à leurs inventions magiques, et, de ce fait, seraient en mesure de sentir ta détresse chaque fois que tu serais en danger.

- Je crois qu'ils partent ! leur cria alors Harry, à bout de souffle. Prenez votre temps, surtout ! On n'a que ça à faire !

- Deux minutes, Harry ! lui lança Hermione sans lâcher Drago des yeux.

- Ne te laisse pas embobiner par ses mensonges ! la prévint-il.

Hermione l'ignora, et murmura à Drago :

- Tu aurais tout de même pu essayer de me dire la vérité, lui reprocha-t-elle. Me glisser des indices, par exemple !

- J'y ai passé mon temps, Hermione ! ne put-il s'empêcher de s'exclamer. J'ai tellement essayé de te faire comprendre ! Pas avec des mots, car c'était trop risqué, mais chacun de mes regards, de mes gestes, de mes sourires étaient sincères ! J'ai passé ces trois jours à t'offrir tout l'amour dont j'étais capable, espérant que ce serait assez pour t'ôter toutes tes incertitudes ! Tant de fois je t'ai demandé de me faire confiance, car je savais qu'un moment arriverait où tu apprendrais mon alliance avec le Lord ! Et ce moment venu, je priais de tout cœur pour que tu te rappelles combien je t'aimais. Je t'ai même offert ce collier pour que tu n'oublies pas, pour que tu ne doutes pas de moi, quoi qu'il risque d'arriver !

- Tu parles de l'attaque des loups-garous ? chuchota-t-elle, les yeux dans les vagues du passé.

- Bien sûr, que je parle de ça. Agir comme si je ne t'aimais pas a été la chose la plus horrible que j'ai eu à faire de toute ma vie. Ils étaient là pour toi, ce soir là, Hermione. J'avais juré ta mort quelques heures après le vol du collier, c'était l'engagement promis à Voldemort. Au départ, mon plan était de donner le collier au Lord, et de prétendre qu'un accident avec un vampire avait causé ta mort, donc aucune trace du corps. Bien évidemment, il ne m'aurait jamais cru, mais, d'ici là, les vampires auraient eu le temps de te cacher loin, le plus loin possible. C'était tout ce qui m'importait, que tu sois définitivement hors d'atteinte. Mais les choses ont mal tourné...

- Le mariage... devina Hermione en continuant de reconstituer le puzzle.

- Cet idiot de vampire a tout fait foiré ! pesta Drago. Je n'avais pas prévu qu'on se fasse attraper, cette nuit-là. Souviens-toi, j'étais réticent à l'idée d'une visite nocturne chez les vampires, car le temps m'était compté. J'avais déjà prévenu le Lord que j'avais le collier, et il était temps maintenant de te mettre à l'abri. Mais tu as vraiment tenu à y aller et, à partir de ce moment, j'ai complètement perdu le contrôle des évènements. La poursuite, le mariage, Soane qui t'enlève... Le temps s'écoulait, et Voldemort a tenu parole ; n'ayant aucune preuve de ta mort, il a envoyé son armée s'en charger. J'ai réellement essayé de te protéger, quand j'ai su que les loups garous étaient là. Mais j'aurais dû me douter que tu ne tiendrais pas en place sans rien faire. Je me suis empressé d'informer les loups que ce n'était pas la peine de te chercher, que tu étais morte, mais ils ne m'ont pas cru. Puis, je t'ai aperçue courir vers la forêt. J'ai compris qu'Inaya avait échoué à ta protection et me suis dépêché de te rejoindre. Quand je t'ai trouvée, ce que je redoutais s'étendait sous mes yeux : toi et Greyback. J'aurais voulu le tuer à ce moment là, mais il devait rester vivant pour ma part du marché avec les vampires. J'ai donc dû agir comme son allié pour qu'il me fasse confiance et te laisse en vie. J'avais tellement espoir que tu vois plus loin que le rôle que je devais jouer, ce soir-là ! Mais tu es tombée dans le piège si facilement... Je dois avouer ne même pas avoir eu à me forcer pour être énervé, car je l'étais réellement ! Je t'en voulais tant de me croire ainsi capable de te trahir après toutes les preuves de mon amour pour toi !

Drago s'interrompit, se rendant compte qu'il était en train de s'énerver après elle. Il voulut s'excuser, mais elle ne lui en laissa pas le temps.

- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ensuite ? s'effara-t-elle. Tu as livré Greyback, et puis quoi ? Tu m'as laissée là-bas, aux mains de tous les vampires !

Drago la fixa intensément, puis demanda d'un air sérieux :

- Si je t'avais dit la vérité, Hermione, aurais-tu accepté de rester chez les vampires pour ton bien ? Honnêtement ?

- Bien sûr que non !

- Bien sûr que non, voilà pourquoi. Tu serais venue avec moi, et ça quoi que je dise pour t'en empêcher. Or, mon but premier était de te garder loin de Londres, loin de Voldemort. En continuant de passer pour un traître, j'avais toutes les chances que tu ne me suives pas, et je comptais sur les vampires pour s'en assurer. Je devais être sûr que Voldemort ne te pourchasse plus en allant lui rendre le collier et en lui expliquant que les évènements avaient fait que je n'avais pas trouvé le temps de te tuer. Je lui aurais ensuite dit que Greyback s'était chargée de toi, avant d'être tué par les vampires. Mais quand je suis atterri à Londres, j'ai très vite compris que Voldemort avait été prévenu par les loups de ma trahison, et il était trop tard pour tenter une quelconque ruse. Tout ce qu'il me restait à faire, c'était retourner auprès de toi et fuir le plus loin possible. Peu importe que l'on nous traque jusqu'à la fin de nos jours, tant qu'on était ensemble. Je suis donc retourné au ministère pour trouver les seuls portoloins encore disponibles et non surveillés. Et c'est là que je t'ai vue... J'ai aussitôt deviné qui étaient les trois capuches noires encore dissimulées, et j'ai profité de ma réputation pour te sortir de là. Tu connais la suite...

Une flèche perdue frôla soudain son oreille, les sortant tous deux de leur conversation. Drago fixa Hermione, puis, sans prévenir, passa une main derrière sa nuque et approcha son visage au sien pour pouvoir presser avec force ses lèvres sur celles de la jeune femme. Il ferma les yeux de bonheur lorsqu'il constata qu'elle ne chercha pas à se dégager, et mit fin au contact avec un sourire.

- Tu m'as manqué, lâcha-t-il. Je suis désolé pour Weasley, Hermione. Il faut que tu me croies. Je n'avais pas l'intention de le tuer, mais le temps nous manquait, et il savait ce qu'il voulait. J'aurais aimé que ça se passe autrement, mais Weasley ne m'a même pas laissé le choix, il s'est rué sur moi et...

Drago s'interrompit, trouvant chacun de ses mots de toute façon inutile pour la réconforter. Il posa sa main sur la joue de la jeune femme, et essuya la larme qui venait de naître.

- Je lui dois ta vie, souffla-t-il alors. Je n'oublierai jamais ça.

Hermione se contenta de se forcer à sourire, apparemment incapable de sortir le moindre son. Drago ne résista pas à la tentation de lui redonner un long baiser sur le front, tandis qu'il lui promettait de ne plus jamais mentir.

Étrangement, elle parut mal à l'aise, et étrangement, il s'y était attendu. Il aurait pensé le moment idéal pour elle de lui avouer à son tour ce qui la tourmentait, mais elle n'en fit rien. Pour la première fois, Drago se dit que, peut-être, il ne voulait pas savoir, finalement. Si elle-même refusait de lui dire la vérité même après tout ce qu'ils venaient de traverser, c'était que ses raisons étaient suffisantes pour qu'elle garde le silence, et il se devait de respecter son choix. Ça promettait d'être dur, et parfois sûrement insoutenable, mais il allait effacer tous ses indices de sa mémoire et cesser de s'acharner à comprendre. Pour elle.

Il se releva pour venir joindre son protego à celui du Gryffondor, et vit Hermione l'imiter quelques secondes plus tard... le collier de nouveau autour du cou.

- Je croyais qu'ils s'en allaient ? ricana Drago en constatant que le nombre de centaures avait non seulement doublé, mais qu'ils avaient en plus réussi à les encercler aux trois quarts.

Tous les trois dos à dos, il devenait de plus en plus difficile d'attaquer et ils se contentèrent de maintenir leurs bulles protectrices aussi efficacement que possible, espérant qu'aucune flèche ne parvienne à les traverser.

- Ils étaient partis pour revenir avec du renfort ! grogna Harry.

- Bien vu, Potter ! Un plan, peut-être ?

- Oui, et tu en fais même parti, Malefoy !

Il avait dit ça avec un drôle de petit sourire en coin, et Drago pressentait déjà que son rôle n'allait pas lui plaire.

- Et je fais quoi, exactement ? demanda-t-il, redoutant la réponse.

- Tu restes ici et tu occupes les centaures, pendant qu'Hermione et moi s'échappont en douce par derrière !

- Évidemment... maugréa Drago, peu surpris.

- Quand je te donnerai le signal, continua-t-il contre toute attente, tu t'enfuis pour venir nous rejoindre, et débrouille-toi pour qu'ils te suivent. Je sais comment les piéger.

Drago éclata d'un rire froid.

- Qu'est-ce qui m'assure que ce n'est pas un sale tour pour que je me fasse piétiner par leurs sabot, pendant que vous prenez la fuite, hein ?

- Rien ! répondit honnêtement Harry. Mais je désire me débarrasser d'eux autant que toi ! Et il faut que l'un d'entre nous les empêche d'avancer plus loin !

- Je suis touché de me voir attribuer ce rôle, Potter ! lança Drago d'une voix chargée de mépris.

- Crois-moi, tout le plaisir me revient ! Et, avec un peu de chance, tu te feras vraiment piétiner avant de nous atteindre !

- Harry, ça suffit ! intervint Hermione qui semblait s'être retenue jusque là. Il y a intérêt que ton plan marche, parce qu'avec toute cette pluie de flèches, on n'a pas le droit à l'erreur.

- Allez-y à trois, dit alors Drago en se plaçant devant eux, agrandissant au maximum son protego. Un... Deux...

- Fais attention à toi... entendit-il la voix d'Hermione lui souffler.

- Trois ! clama-t-il avec un sourire non retenu.

Il vit les deux protego s'annuler en même temps qu'ils prenaient la fuite, tandis que lui-même en profitait pour reculer à petits pas derrière le tronc d'un arbre, sans cesser de maintenir sa bulle protectrice. Lorsqu'il fut sûr que Potter et Hermione étaient hors de danger, il put enfin attaquer à son aise, temporairement protégé par le tronc d'arbre, qui, d'ailleurs, se trouvait déjà décoré d'une ribambelle de flèche. Il stupefixia aussitôt les quelques centaures qui tentèrent de poursuivre les deux échappés, avant de faire jaillir de sa baguette toute une flopée de serpents venimeux en direction de l'ennemi. Personne n'ignorait la panique que les reptiles engendraient chez les chevaux, et Drago se fit un grand plaisir d'en balancer par dizaines, écoutant la symphonie terrifiante des sifflements dangereux et les bruits de sabots affolés qui tentaient vainement d'écraser les intrus.

- Alors comme ça on a peur de mes petites bêtes ? leur lança Drago d'un ton victorieux. Ça tombe bien, j'en ai encore plein pour vous !

Et il projeta un nouvel arrivage de serpents rouge et noir, ses préférés. Comme il l'avait prévu, les centaures dirigeaient désormais leurs arcs en direction des reptiles qui serpentaient par dizaines entre leurs sabots.

Drago se rendit alors compte que son cœur battait à une vitesse impressionnante, et que son corps était parcouru d'une énergie nouvelle, ne demandant qu'à s'extérioriser. Ses pieds ne cessaient de s'agiter, ne pouvant rester en place, et sa respiration était saccadée par l'excitation du combat. Que lui arrivait-il ? D'où venait cette soudaine énergie qu'il n'arrivait pas à maîtriser ? En cet instant, il n'avait peur de rien, car il se sentait immortel. Sa tête réfléchissait à toute allure, tandis que son sourire restaient inexplicablement étiré d'une oreille à l'autre. Rien n'avait plus d'importance, tout lui était égal.

Drago réalisa qu'il était heureux. Heureux et amoureux.

Depuis combien de temps n'avait-il plus ressenti cette sensation de liberté ? Il s'était tellement enfermé dans son rôle à jouer, dans ses mensonges, que de savoir tout ça terminé lui donnait envie de crier de joie. Elle ne lui en voulait plus ! En dépit de tout ce qu'il lui avait fait subir, et en dépit d'être celui qui avait tué son meilleur ami, Hermione l'avait pardonné. Mieux encore, elle l'aimait toujours. Et pour toujours. Oui, elle avait ramassé le collier, et cela signifiait qu'elle lui promettait de rester à ses côtés.

Le fait de savoir qu'ils pouvaient à nouveau être ensemble, sans aucune barrière, cette fois, lui redonnait le goût à la vie, car il n'avait besoin de rien d'autre que sa présence pour être heureux.

Drago se retrouvait tout bêtement aussi amoureux qu'au premier jour. Et c'était une sensation vivifiante.

- Maintenant, Malefoy ! entendit-il alors la voix de Potter lui crier.

S'en tenant au plan du petit génie à lunette, Drago fit disparaître tous ses serpents d'un coup de baguette magique, avant de bondir de derrière l'arbre pour se retrouver à nouveau dans le champ de tire des centaures. Il attira ensuite leur attention pour s'assurer qu'il serait poursuivi :

- Eh, les mecs ! leur cria-t-il. Vachement viril, d'avoir des fesses de poney ! Sérieusement, je ne sais pas ce qui a pris à Merlin de vous ridiculiser comme ça, mais sachez que je compatis, les gars !

Et il éclata de rire. Les centaures étaient devenus silencieux, et tous étaient maintenant en train d'observer cet humain se moquer d'eux. Les sabots se mirent alors à frotter la terre de façon menaçante, tandis que les torse se gonflaient de haine.

Drago tira un petit sourire en coin. Il avait toujours été le meilleur pour toucher là où ça faisait mal, et mettre l'ennemi hors de lui avant d'attaquer restait le domaine où il excellait. Poudlard avait été son terrain d'entrainement, et Hermione son punching-ball préféré.

La horde de centaures galopa brusquement hors des bois sombres, chargeant à toute allure vers le misérable petit homme qui avait osé les injurier de poney. Ce dernier avait déjà pris ses jambes à son cou, et se dirigeait droit vers les deux Gryffondors, guidé par leurs appels. Drago n'avait pas prévu que se faire courser par les demi-hommes soient si risqué, et il n'allait effectivement pas tarder à se faire écraser s'ils continuaient à le rattraper si rapidement.

- Ton plan a plutôt intérêt à fonctionner, Potter ! cria-t-il, tandis qu'il s'enfonçait encore un peu plus dans les bois.

Enfin, il aperçut les deux sorciers au loin, plantés à l'autre bout d'un champ de feuilles mortes et de branches sèches, mais dénué d'arbre.

- Viens par là ! lui hurla Harry en lui faisant signe d'approcher.

Drago s'apprêta à courir vers eux, mais Hermione lui fit de grands gestes des deux bras.

- Non ! Ne fais pas un pas de plus ! criait-elle du mieux qu'elle pouvait. Utilise le sortilège d'Enjambée !

Sans perdre une seconde, Drago pointa sa baguette sur ses pieds et prononça :

- Elasticus !

Ses pieds décollèrent alors du sol en un gigantesque bond, et Drago survola le pré entier, ses bras gigotant dans tous les sens. Au moment où il s'écrasait aux pieds des Gryffondors, le clan de centaures émergeait à son tour, et galopa à travers champ. C'est alors que la terre s'écroula sous leurs sabots, et les créatures dégringolèrent le long d'un fossé profondément creusé. La vitesse de la poursuite ne permit pas aux suivants de freiner à temps, et, à leur tour, ils s'effondrèrent misérablement à l'intérieur du trou géant, poussant des hennissements désespérés. Beaucoup parvinrent éviter le piège, cependant, mais ne cherchèrent pas à aller plus loin, et abandonnèrent la poursuite.

Drago se releva péniblement et, après s'être épousseter pour retrouver un minimum d'honneur, jeta un coup d'œil au véritable ravin qui emprisonnait les centaures. Ces derniers avaient fini entassés les uns contre les autres à cause de la chute, et tentaient maintenant de se dégager à coups de sabot, hurlant leur indignation aux trois sorciers.

- Vous avez creusé ce truc immense avec vos baguettes ? s'étonna Drago, impressionné.

- Non, avec nos mains, idiot ! ironisa Potter.

- Oui, on a fait aussi vite qu'on a pu, répondit aussitôt Hermione avant qu'il ne s'énerve. Ensuite, Harry a parfaitement réalisé le sortilège d'illusion que je lui ai enseigné.

Elle lui fit un clin d'œil. Drago devinait qu'elle faisait référence à leur entraînement, près de la cabane, lorsqu'il lui avait montré à quel point les mirages pouvaient se révéler incroyablement dangereux. La colère que Potter venait de réinstaller se dissipa aussitôt après qu'Hermione lui ait souris, et Drago se retint de dire au balafré à quel point il était chanceux d'avoir une fille aussi belle comme meilleure amie.

- Allons-nous en, suggéra-t-elle.

- Transplanons jusqu'à Poudlard, renchérit Potter.

- Les transplanages portent la trace, les prévint Drago. Si on transplane, il faut s'attendre à ce qu'un groupe de Mangemorts nous rejoigne la seconde d'après.

- T'as pas encore compris qu'il n'y a pas de « on » ? cracha Potter en le poussant violemment. Toi et Hermione, ça s'est arrêté à Poudlard ! Tu te souviens ? Le jour où elle t'as clairement fait comprendre que tu n'étais rien pour elle !

- Ferme-là, Potter ! rétorqua Drago en le poussant à son tour. Hermione et moi on s'aime, va falloir que tu t'y fasses !

- Elle ne t'aime pas ! rugit-il. Tu as tué son meilleur ami, comment veux-tu qu'elle puisse ne serait-ce que...

- Je l'aime, Harry.

La voix douce d'Hermione l'avait coupé dans son élan, et il la regardait à présent d'un air incompris.

- Je l'aime, répéta-t-elle d'un air désolé.

- Mais...mais...bredouilla-t-il. Non...Tu ne l'aime pas ? Tu... tu ne peux pas ! Je croyais que... Enfin, 'mione, il a tué Ron ! Cet enfoiré est l'assassin qu'on cherche depuis tout ce temps ! Celui qu'on s'est promis de retrouver pour notre vengeance !

- C'est Ron qui est venu le trouver. Il a demandé à Drago de le tuer pour que Voldemort croit à son retour parmi eux, et l'empêche ainsi de me traquer, comme il en avait l'intention. Drago n'a fait que me protéger depuis le début.

- Quoi ? Hermione, tu ne peux pas croire à ces conneries ! rit-il froidement. Pas toi ! Dis-moi que tu es bien trop intelligente pour tomber dans ce piège !

- C'est la vérité, Harry ! s'exclama-t-elle en s'approchant de lui.

Mais il se recula vivement, la dévisageant de la tête aux pieds.

- Je croyais que tous ses mensonges durant ta mission t'auraient appris qu'on ne pouvait pas lui faire confiance ! Comment peux-tu affirmer qu'il n'est pas encore en train de t'embobiner, hein ?

- Parce qu'il ne me mentait pas, justement ! Harry, je t'en supplie, arrête de me regarder comme ça !

Mais ce dernier continuait d'hocher la tête, incapable d'écouter. La haine et le chagrin semblaient le rendre incontrôlable.

- J'ai perdu Ron par sa faute, dit-il alors d'une voix nouée. Il est hors de question que je te perde toi aussi. Je ne le laisserai pas te faire du mal, désolé. Tu ne peux pas voir son mauvais côté parce que...enfin, tu sais très bien à cause de quoi. C'est la seule raison qui puisse expliquer un tel aveuglement. Mais ne t'en fais pas, je te protégerai.

Et il la tira vers lui pour l'enlacer, jetant un regard noir à Drago. Ce dernier leva les yeux ciel. Cependant, il ne chercha pas à répondre. Il ne comprenait que trop bien la douleur et la fureur qu'entraînait la perte d'un être cher, et, si ça avait été Potter l'assassin de Blaise, il l'aurait probablement déjà tué. Il devinait qu'Harry se retenait de l'attaquer pour la même raison que lui-même se contrôlait du mieux qu'il pouvait ; Hermione. Car tous deux étaient conscients que, si elle perdait l'un ou l'autre, elle ne serait plus jamais la même, détruite par une douleur trop dure à surmonter, cette fois. Alors il encaissait les accusations, bien plus faciles à accepter lorsqu'elles venaient de quelqu'un comme Potter, dont l'opinion ne lui importait pas le moins du monde. Néanmoins, il ne put s'empêcher de faire remarquer à Potter que, s'il avait été du côté de Voldemort, il l'aurait probablement déjà tué ou capturé, au lieu de passer son temps à essayer de les aider. Ce à quoi le Gryffondor ne répondit pas, bien que peu convaincu.

- On règlera tout ça plus tard, d'accord ? dit alors Hermione à l'adresse de son ami en se dégageant gentiment de son étreinte. Pour le moment, concentrons-nous sur les Horcruxes. Il faut qu'on sorte de cette forêt, mais les harpies sont toujours aux aguets. Qu'est-ce qu'il leur prend à toutes ces créatures de nous poursuivre ainsi, d'ailleurs ? D'où sortent-elles ?

Drago se racla la gorge d'un air quelque peu mal à l'aise, attirant aussitôt le regard des deux fauves.

- Heu... hésita-t-il. Je crois que c'est moi qu'ils veulent. Voldemort les a envoyés à mes trousses, parce que j'ai quelque chose qu'il désire récupérer...

Il plongea la main dans sa poche, et en ressortit le petit cœur violet, pendu au bout d'un longue chaîne en argent. Hermione écarquilla les yeux de stupeur, avant de se jeter à son cou, oubliant la réticence d'Harry.

- Tu l'as gardé ! s'écria-t-elle, folle de joie. Tu ne lui a pas encore donné ! Oh, Drago, c'est merveilleux ! Je croyais qu'il avait la coupe et le collier réunis !

Elle lâcha Drago, qui se remettait de sa surprise face au comportement de la jeune femme, et se retourna vivement vers Harry.

- Tu entends ça ? Rien n'est perdu ! Sans le collier, la coupe lui est totalement inutile !

- Pourquoi désire-t-il tant ce collier, à la fin ? demanda Drago.

- C'est compliqué, répondit-elle simplement. Tout ce que tu dois savoir, c'est que s'il s'empare du pendentif, il sera impossible d'anéantir Voldemort.

- Bon, eh bien, nous n'avons qu'à détruire le collier pour être sûr, proposa Drago.

Hermione parut une fois de plus mal à l'aise, et ce fut Harry qui les surprit à répondre :

- On ne peut pas. Les cœurs de Bulborbus sont indestructibles, quelle que soit la magie utilisée contre eux. C'est pourquoi Voldemort veut s'en faire un Horcruxe ; une fois crée, on ne pourra plus rien pour l'arrêter...

Drago s'apprêtait à demander ce qu'était un Hoxcruque, lorsqu'un énorme beuglement pareil à celui d'un Troll s'éleva.

- Qu'est-ce que c'était ? s'effara Hermione.

- Ça ressemblait au cri d'un géant, répondit Drago, peu sûr. Vous croyez que c'est la prochaine créature à affronter ?

- Non, dit alors Harry en affichant un sourire joyeux. Ce n'est pas le cri de n'importe quel géant... C'est celui de Graup !

- De qui ? s'étonna Drago.

- Graup ? répéta Hermione qui avait soudain pâli. Tu en es sûr ?

- Oh oui ! assura-t-il. Et il est de notre côté ! Tu sais ce que ça veut dire ?

Drago regarda Hermione réfléchir un instant, puis vit son visage s'éclairer, comme celui de Potter juste avant.

- Du renfort ? espéra-t-elle.

- Mieux que ça, 'mione. Notre armée au complet ! La vraie guerre vient juste de commencer...

***

A peine eut-il achevé sa phrase qu'il s'élança à travers les bois, prenant soin de contourner le fossé géant. Hermione s'empressa de courir après lui, et Drago se retrouva seul au milieu de la forêt interdite, se retenant de crier sa présence. Qu'est-ce qu'il détestait être ignoré de la sorte ! Ils s'en allaient, et puis lui, alors ? Personne ne le consultait pour avoir son avis ? On hésitait pas à réclamer son aide lorsqu'il s'agissait de retenir tout un clan de centaures, mais quand on n'avait plus besoin de lui, on le plantait là comme un idiot !

Drago soupira et finit par avancer à son tour. Quel sentiment insupportable que d'être le dernier de la file, celui qui suit parce qu'il ne sait pas quoi faire d'autre ! Ce n'était pas son rôle, ça. C'est lui qui prenait les initiatives, d'habitude, et c'est lui qu'on suivait, pas l'inverse !

Potter avait toujours été un leader également, il fallait le reconnaître. Un idiot, mais un leader. Le leader du camp ennemi. Suivi par un tas d'ennemis idiots, d'ailleurs.

C'était Drago qui s'inclinait et écoutait, cette fois. Mais que l'on ne s'y habitue pas...

Quelques minutes plus tard, Drago rejoignait donc les deux Gryffondor qu'il trouva arrêtés juste à la lisière de la forêt. Tout comme eux, il leva les yeux vers Poudlard, et, tout comme eux, resta immobile et sans voix face au spectacle.

Une véritable guerre magique venait de prendre vie, née pour réveiller la mort...

Les deux camps s'affrontaient de façon spectaculaire : l'armée de L'Ordre du Phoenix, et l'armée de Voldemort. Géants contre Trolls, aurors contre Mangemorts, patronus contre Détraqueurs, sorciers contre loup-garous, Elfes de Maison contre Gobelins...

Mêmes les créatures aquatiques du Lac participaient, et usaient de leurs voix aigüe pour tenir les harpies à distances. Il y avaient également les fantômes qui, en dépit d'être impuissants, hurlaient leur encouragement à l'Ordre, et tentaient de distraire l'ennemi. Les araignées s'en prenaient aux Elfes de Maison également, redoutables. Les sortilèges de mort fusaient dans tous les sens, les loups grognaient, les sirènes criaient, les Géants et les Trolls beuglaient, les sorciers hurlaient... C'était un véritable chaos qui rappelait la première guerre, l'été où Voldemort avait tué Dumbledore, installant alors le véritable règne du mal. Seulement, cette fois, le cœur de cette guerre n'était pas une prise de pouvoir, mais la conquête d'une liberté définitive...

- Par Merlin... lâcha Hermione dans un souffle.

- Quand j'ai su que Malefoy était aux côtés de Voldemort et que tu étais coincée là-bas avec lui, expliqua alors Harry, j'ai aussitôt avancer les plans de l'Ordre. Tu n'ignorais pas que, depuis plusieurs mois, les objectifs de l'Ordre étaient de rassembler un maximum de résistants et de recueillir et cacher ceux qui fuyaient ? Eh bien, nous en avons trouvé beaucoup plus qu'on ne s'y attendait. Professeurs de chaque école, venant de chaque pays, ancien aurors retraités, ministres de la magie, familles bénévoles, infirmières et médecins de St Mangouste... et tellement plus ! Nous avions une véritable armée, et elle était prête à se battre ! L'attaque était prévue dans un mois seulement, mais, en te sachant en danger, j'ai compris que les choses risquaient de tourner très mal, et que plus tôt on agirait, mieux ce serait... Alors, juste avant d'envoyer Luna et Neville au ministère pour m'aider, j'ai intimé à l'Ordre d'envoyer son armée à Poudlard dans les deux heures qui suivraient mon départ, le temps que j'essaie de mettre la main sur l'Horcruxe caché au château. Comme ça, même si je me faisais attraper, je savais que du renfort viendrait pour me sauver dans tous les cas...

- Harry, c'est... brillant ! sourit-elle.

Drago serra les mâchoires, mais, comme à son habitude, réussit à dissimuler toute émotion qui révélerait son agacement. Il n'aimait pas qu'elle complimente Potter, il n'aimait pas qu'elle lui sourit, il n'aimait pas qu'elle l'admire, et il n'aimait pas qu'elle fasse tout ça devant lui. Si Hermione avait pu lire dans ses pensées, elle lui aurait dit que ce qu'il ressentait là n'était rien d'autre que de la jalousie, et il lui aurait rit au nez en assurant qu'il n'avait absolument rien à envier à Potter. Oui, mais voilà. C'était faux. Et s'il arrivait à le cacher aux autres, il était difficile de se le cacher à soi-même. Potter détenait une seule chose qu'il n'aurait jamais, et dont Drago donnerait tout l'or du monde pour obtenir : la certitude qu'Hermione serait toujours à ses côtés. Potter, lui, n'aurait pas besoin de lui prouver son amour tous les jours pour la garder, il n'aurait jamais besoin de s'inquiéter de la perdre, il ne se réveillerait pas en sursaut le matin pour s'assurer qu'elle était toujours là. Parce qu'Hermione l'aimait d'un amour qui ne fanait jamais ; l'amitié.

Mais lui ? Tant de fois il avait failli la perdre à cause de ses erreurs ! Elle l'aimait, mais pour combien de temps encore ? Comment avoir la certitude qu'elle serait à ses côtés chaque nouveau matin que Merlin faisait ?

Alors, oui, il était jaloux d'Harry Potter. Jaloux qu'Hermione lui appartienne quoi qu'il arrive, tandis que lui devrait se battre éternellement pour qu'elle désire rester à ses côtés ; engagement qui ne tenait qu'au collier de sa mère.

Une tornade rousse qui transplana à leurs côtés le sortit de ses pensées.

- Harry ! s'écria-t-elle en se jetant sur lui.

- Ginny ? sourit celui-ci en la serrant de toutes ses forces. Merci Merlin, tu vas bien ! J'étais si inquiet !

Lorsqu'elle se décolla de lui, le jeune homme retint un cri d'exclamation.

- Ginny ! Ta...ta joue ! Elle est brûlée ! s'inquiéta-t-il en avançant ses doigts pour toucher.

Mais elle lui prit doucement la main et la ramena contre elle.

- Ne t'en fais pas, ce n'est rien. On savait que s'emparer d'un Horcruxe ne serait pas sans conséquences, n'est-ce pas ? Et puis, Tonk et Remus étaient là pour m'aider.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et se tourna vers Hermione, débordante de joie.

- Oh toi ! s'exclama-t-elle en l'enlaçant. Tu ne pars plus jamais en mission toute seule ! Je me suis fais un sang d'encre ! Si je mets la main sur cet abruti de Malefoy, je...

Elle s'interrompit, tandis que ses yeux se posaient sur Drago, juste derrière. Ce dernier tirait un petit sourire amusé.

- Tu feras quoi, Weasley ?

La jeune femme devint aussi rouge qu'une pivoine, avant de s'adresser à Hermione d'un ton outré :

- Mais qu'est-ce qu'il fait là, lui ? Harry ne pas t'a dit que cette ordure était un traître ?

Hermione s'apprêta à la détromper, mais Drago prit les devants, plus du tout amusé par la situation.

- Eh dis-donc, miss grande-gueule, je commence sérieusement à en avoir assez de me faire insulter de tous les côtés, c'est clair ? Alors que toi et ton petit copain ne m'aimiez pas, c'est une chose que j'accepte parce que c'est réciproque, mais moi je fais l'effort de vous ignorer et il serait juste que vous fassiez de même !

Ginny resta interdite un moment, peu habituée à se faire refermer le bec de la sorte.

- Fais attention à ta façon de lui parler, Malefoy, menaça Potter.

Hermione s'interposa une fois de plus, énervée :

- Est-ce qu'on pourrait cesser un instant cette fichue guerre des clans et se concentrer sur celle qui se déroule en ce moment ? Nous sommes tous ici du même côté, que vous le croyiez ou non. Drago n'est pas un Mangemort, comme il n'est pas au service de Voldemort ! Je veux qu'on arrête de débattre autour de ça, maintenant !

Le silence suivit ses paroles, mais les regards noirs s'échangèrent en masse.

- Harry ! Hermione !

Ceux-ci se tournèrent vers Neville qui courait vers eux, suivi de près par Luna. Comme Ginny précédemment, ils se jetèrent sur Harry et Hermione.

- C'est bon de vous voir ! sourit Harry. Hermione m'a rapporté votre réussite au ministère, bravo ! Je savais que vous y arriveriez !

- Oui, voici le médaillon, dit alors Neville en sortant de sa poche l'Horcruxe.

Harry saisit l'objet avec des mains tremblantes, dévorant des yeux le pendentif représentant un « S » ouvragé en forme de serpent.

- Et en voici un autre, sourit fièrement Ginny en sortant une coupe à deux hanses de sous sa robe.

Le Gryffondor s'en saisit également, au comble de la joie.

- Une coupe ? s'étonna-t-il.

- Par n'importe laquelle, répondit sa petite amie. Elle a appartenu à Helga Poufsouffle.

- Vous êtes géniaux ! sourit Harry en regardant ses amis tour à tour.

Drago vit Hermione qui souriait également, mais était sûr être le seul à percevoir un sentiment de malaise derrière ses yeux rieurs. Sûrement se sentait-elle coupable, comme toujours ? Il aurait voulu lui dire qu'elle aussi avait fait beaucoup de son côté, mais se retint d'ouvrir la bouche. Il était entouré de lions, et ne se sentait pas dans son élément. Alors, il se contentait de regarder ces retrouvailles ennuyantes et qui leur faisaient perdre un temps précieux, sans rien comprendre à ce qui se tramait. Apparemment, ils étaient après des « Hoxcruques », où peut importe comment ça s'appelait, et semblaient même les considérer plus importants que la guerre elle-même.

- Plus que deux ! s'exclama Harry, ravi. L'Horcruxe ayant appartenu à Serdaigle, et le serpent de Voldemort !

- Nagini ? s'étonna alors Drago, attirant tous les regards vers lui. Il a brûlé dans les flammes du Feudeymon.

- Qu'est-ce qu'il fiche ici ? cracha Neville qui parut seulement remarquer la présence du Serpentard.

- Quoi ? lancèrent Harry et Hermione en même temps. Tu es sûr de ce que tu as vu, Drago ? rajouta Hermione.

- Oui, certain. Le reptile a cramé devant devant mes yeux.

Drago regarda les quatre Gryffondor et la Serdaigle sauter de joie. Pathétique.

- Que fait-on, maintenant, Harry ? demanda alors Luna.

- Il faut détruire les Horcruxes au plus tôt, répondit Hermione à sa place. L'épée de Gryffondor doit être dans le bureau de Rogue. Nous devons nous en emparer.

- Le dernier Horcruxe se trouve également au château, rappela Harry. Et je sais où il est...

- Parfait ! conclut Ginny. Objectif : Poudlard !

- Non, Gin', dit alors Hermione. Détruire les Horcruxes est quelque chose qu'Harry doit faire tout seul. C'est la tâche que Dumbledore lui a confiée, et vous trois serez beaucoup plus utiles à vous battre.

- Hors de question ! protesta la rousse.

- Elle a raison, renchérit Harry. Vous avez déjà fait beaucoup, et je vous en remercie, mais c'est à mon tour, à présent.

- Mais...mais...

Ginny chercha de l'aide en se retournant vers Neville et Luna, mais ces derniers restèrent silencieux.

- Bon, très bien, grogna-t-elle. Et pourquoi est-ce qu'Hermione t'accompagne ?

- J'ai besoin d'elle, répondit-il simplement. C'est notre tâche à nous deux, depuis le début.

Hermione lui sourit, puis se tourna vers le château, baguette à la main.

Tous l'imitèrent, se postant face à la guerre sanglante qui continuait de faire rage. Neville inspira profondément, puis déclara :

- C'est le moment, les amis. C'est le combat que nous attendions tous. Notre combat.

Et il prit la main de Ginny avant de la serrer fortement.

- Et on va le gagner, assura celle-ci en prenant à son tour la main d'Harry.

- Tout se termine aujourd'hui... renchérit-il en donnant la sienne à Hermione.

- Pour la liberté, murmura-t-elle avec un sourire.

Luna accepta la main qu'elle lui tendait, et dit à son tour d'un air très solennel :

- Que l'esprit vengeur des Gnomes nous accompagne.

Tout le monde grimaça, avant de lui lancer des regards incertains, mais personne ne releva, respectant sa façon particulière de souhaiter bonne chance à ses amis. Contre toute attente, la jeune blonde prit alors la main de Drago, et lui sourit. Ce dernier, pris au dépourvu, ne sut que rajouter à toutes ces mièvreries de Gryffondor, et lâcha d'un air idiot :

- Heu... Bonne chance.

Potter leva les yeux au ciel.

- Il n'est pas avec nous, Luna, informa-t-il.

- Je sais, sourit-elle, fixant Drago de ses grands yeux bleus enfantins. Mais j'ai toujours voulu lui tenir la main.

Drago se dégagea vivement de cette Serdaigle complètement cinglée, et adressa un regard interrogateur à Hermione. Cette dernière lui fit signe de ne pas faire attention.

- Allons-y, dit-elle fermement.

Ils avancèrent alors tous ensemble, pénétrant pas à pas dans la gueule ouverte de la guerre qui les attendait avec impatience. Alors qu'ils n'étaient qu'à quelques mètres du champ de bataille, Harry s'arrêta pour faire face à Drago.

- Une dernière chose, Malefoy, dit-il. Reste loin de moi, car une fois qu'on aura pris part au combat, sache que tu appartiendra au camp adverse. J'ai trop de respect pour Hermione pour te tuer devant elle, mais je ne retiendrai pas mes sortilèges si tu as le malheur de croiser mon chemin durant la bataille...

- Là où Hermione va, je serai, répliqua-t-il, pas impressionné le moins du monde.

Il fut alors surpris de voir cette dernière avancer vers lui et lui poser les deux mains sur les joues, avant de murmurer :

- Fais ce qu'il dit, s'il te plaît...

- Quoi ? Si tu crois que je vais te laisser...

- Je ne crains rien, le coupa-t-elle. Cesse de vouloir sans arrêt me protéger, Drago. Je suis une grande fille, je peux me débrouiller toute seule. Harry sera là, avec moi. Et puis, pourquoi m'as-tu tant entrainée, hein ? N'était-ce pas pour ce jour-là ? Ce jour où tu savais que tu ne pourrais pas me protéger éternellement contre la guerre ?

- Je n'ai pas fait tout ce chemin pour te perdre, Hermione. Je veux rester avec toi.

- C'est moi qui te perdrais si tu continus à être dans le champ de vision d'Harry. Il est sérieux, Drago. Sa colère le rendrait capable de te tuer.

- Mais je n'ai pas peur de ce crétin ! se défendit-il.

- Drago ! S'il te plaît...

Il hésita. Il n'aimait pas quand elle utilisait ces yeux-là pour obtenir une faveur.

- Bon d'accord, grogna-t-il finalement.

Hermione sourit.

- Merci. Tu seras une aide bien plus utile à l'Ordre.

- Est-ce que je suis au moins autorisé à vous embrasser, miss Granger ? soupira-t-il.

- N'y pense même pas ! prévint Harry qui avait entendu.

Drago passa une main derrière le bas du dos de la jeune femme avant de l'amener doucement à lui.

- Cette fois tu vas te faire voir, Potter, murmura-t-il tandis qu'il posait ses lèvres sur celle d'Hermione.

Ignorant les injures du Gryffondor, Drago apprécia plus que jamais ce baiser qu'elle lui rendit, échangeant à la fois de l'amour, mais aussi une demande de grande prudence. Lorsqu'elle se détacha de lui à son plus grand regret, il fut heureux de la voir sourire ainsi. Ce n'était pas Potter qui pouvait se vanter de lui faire apparaître ce visage rayonnant. Alors qu'elle s'éloignait de lui, il la retint pas le bras et planta ses yeux bleus dans les siens.

- Je ne serai jamais très loin, informa-t-il.

- Oh je le sais bien... sourit-elle.

Et elle partit rejoindre Harry qui l'attendait en tapant du pied d'un air énervé.

- Eh, Potter ! lança alors Drago avec un petit sourire en coin. Prendre garde à toi, en me déclarant la guerre. Ce serait bête que, une fois dans la bataille, je t'aperçoive le premier...

***

A peine eut-il échappé aux serres de la femme-oiseau qu'une araignée profita qu'il soit au sol pour lui bondir dessus, pinces en avant. Drago la stupefixia de justesse, et la créature vint terminer sa chute sur lui. Il s'en dégagea d'un air dégoûté, et se releva en vitesse, tandis qu'une nouvelle marée d'arachnides se ruait déjà sur lui, attaquant toujours par groupe.

- Sales bêtes ! pesta Drago entre ses dents, enchainant les sortilèges.

Il parvint tout de même à se débarrasser de ses attaquants, et put enfin se concentrer sur les cibles qui méritaient toute son attention...

- Endoloris ! cria-t-il au Mangemort qui ne l'avait pas vu venir.

L'homme s'écroula au sol, hurlant sa douleur. Drago lui retira sa capuche d'un geste brusque, puis tira un sourire glacial :

- Tiens, tiens, regardez qui nous avons là... Dolohov !

- Malefoy ! réussit-il à articuler. Traître ! Tu...

Un coup de pied dans la mâchoire fit violemment chavirer sa tête et l'empêcha de finir sa phrase.

- Alors, mon cher Dolohov, dit Drago en s'abaissant vers le corps du Mangemort. Tu as pris ton pied à le tuer ?

- Qu...Qui ? souffla-t-il, tandis que la douleur du doloris lui tordait les entrailles comme de la vieille éponge.

- Zabini Blaise, ça te parle ? dit Drago en contenant de moins en moins bien sa haine. Tu sais ? Le garçon que vous avez torturé à mort, avant de me l'offrir sur le pas de ma porte !

- C'était un traitre, lui aussi ! s'écria Dolohov.

- C'était un homme bien, et c'était mon ami, rétorqua Drago dont les yeux gris se confondaient avec l'acier.

Il planta sa baguette droit sur le cœur du Mangemort, et effectua une légère pression. Dolohov poussa un cri de souffrance, tandis qu'une tâche rouge commençait déjà à transparaitre sous sa robe, à l'endroit même où le bout de la baguette continuait d'appuyer.

- Est-ce qu'il a eu mal, Dolohov ? demanda alors Drago en approchant son visage si près que sa victime ferma les yeux.

- N...non ! On l'a tué d'abord !

- Menteur... Je repose ma question autrement : a-t-il souffert pendant que vous vous amusiez avec lui ?

Le sang s'écoulait en abondance de sa poitrine, maintenant, et la sueur dégoulinait de son front.

- Oui...oui ! lâcha-t-il, désespéré. Arrête ça, Malefoy ! Pitié !

- Ils vous a supplié d'arrêter, lui aussi, devina-t-il. Je me trompe ?

- C'étaient les ordres ! Arrête, retire ta baguette ! Je me sens tout drôle !

- C'est normal, je suis en train de te vider de ton sang. Mais reprenons où nous en étions, d'accord ? Je crois que Blaise mérite des excuses.

- Qu...quoi ? Et puis quoi encore !

Drago haussa un sourcil.

- Très bien. Alors je vais te regarder mourir lentement. J'ai tout mon temps.

Il vit le Mangemort rouler de l'œil, de plus en en plus faible.

- D...d'accord ! lâcha-t-il dans un souffle. Excuse-moi, Blaise... Excuse-moi pour ce qu'on t'a infligé...

- Dis-lui qu'il ne méritait pas ça, et que tu regrettes profondément.

- Je...je regrette...tu ne méritais pas... Voilà, je l'ai fait... Arrête, maintenant, Malefoy...

- Qui étaient les autres avec toi ? demanda Drago, imperturbable.

- Pitié, arrête...

- Leurs noms ?

- Be...Bella, et Avery...

Drago le regarda fixement et, au bout d'une minute infinie, retira sa baguette. Dolohov toussa, cracha du sang, puis regarda le jeune homme droit dans les yeux.

- Tu ressembles beaucoup plus à ton père que tu ne le voudrais, Drago, ricana-t-il alors. Ce même besoin de vengeance, ce même regard, ce...

- Avada Kedavra.

Drago se redressa lentement, adressant un dernier regard à l'homme étendu mort dans la marre de son propre sang, la bouche et les yeux grands ouverts.

- Je te laisse aller lui dire tout ça toi-même, dit-il sombrement.

Un frisson glacial le parcourut alors, et ses membres se raidirent de froid, tandis qu'un sentiment de profonde solitude s'emparait de lui. Drago se retourna pour faire face au Détraqueur qui se trouvait derrière lui, et tendit sa baguette. Le souvenir des lèvres d'Hermione sur les siennes jaillit en une fraction de seconde, et son corps avait déjà retrouvé sa chaleur avant même qu'il ne s'écrit :

- Espero Patronum !

Un puma argenté bondit de sa baguette et chassa aussitôt le Détraqueur.

- Désolé, sourit Drago. Je suis trop heureux pour être une bonne cible.

Son patronus revint vers lui à petits pas.

- Continu de chasser tous ceux que tu trouves sur ton chemin, lui ordonna-t-il.

L'animal argenté obéit et fila à la vitesse de la lumière. Drago regarda ensuite autour de lui ; bien que la bataille soit sanglante des deux côtés, il fallait reconnaître que l'Ordre se faisait nettement devancé, pour ne pas dire massacrer. Les Géants n'étaient que trop peu nombreux pour marquer une différence, et deux d'entre eux avaient déjà été mis à terre par les Mangemorts. Ces derniers, en revanche, voyaient leur nombre se réduire de minute en minute grâce aux aurors entraînés de l'Ordre. L'armée des loups-garous étant ressortie très affaiblie de leur bataille contre les vampires, elle n'était constituée que d'une dizaine, mais leurs crocs et leur rapidité éliminaient les sorciers un par un. Quant aux êtres de l'eau, leur impossibilité de sortir de leur milieu réduisait leur efficacité à néant. De plus, les centaures venaient d'émerger de la forêt, galopant à la rescousse des Mangemorts. Cependant, Drago fut ravi d'apercevoir un groupe de révolutionnaires qui se battait contre leurs propres frères.

Mais tout cela n'était rien comparé à la pire créature de toutes ; Drago aurait même espérer voir l'Ordre l'emporter si la présence de ces femmes ailées ne jouait pas autant sur la balance. Les harpies, nombreuses, rapides, et dangereuses, dévoraient tout sur leur passage. Déployant leurs immenses ailes, elles effectuaient sans cesse des plongeons à ras du sol et chopaient deux ou trois sorciers au passage, plantant leurs griffes acérées dans la chair de leur dos, avant de les laisser retomber de haut dans un craquement d'os.

Tout à coup, un éclair rouge le manqua de peu, et Drago fit volte face. Il ne put malheureusement pas éviter le deuxième qui suivit, et sa baguette lui échappa des mains.

- Alors, Malefoy Junior ! On fait moins le malin sans son papa, hein ?

Drago tira une grimace en reconnaissant Weasley père. Cet homme avait longtemps été l'ennemi juré de Lucius, et Drago s'apprêtait maintenant à subir la vengeance de leurs conflits.

- Écoutez, monsieur Weasley, tenta-t-il précipitamment. Je suis avec l'Ordre, je le jure ! Je n'ai rien à voir avec l'armée de Voldemort, je ne suis pas un Mangemort !

- Oui, c'est ça ! ricana-t-il. Tu mens aussi mal que ton père ! Lui aussi, prétendait n'avoir rien à faire avec les Mangemorts ! Lui aussi, a réussi à duper tout un ministère ! C'est à cause de gens comme toi que mon fils est mort, et vous devez payer !

Il brandit sa baguette magique, et alors que Drago s'apprêtait à se jeter sur lui pour cause de désespoir, deux serres sorties de nulle part refermèrent leur puissante prise sur les épaules d'Arthur Weasley, lui arrachant un cri de douleur. Drago regarda avec horreur la harpie l'enlever du sol et l'emmener au loin dans les airs. En temps normal, Drago se serait simplement trouvé chanceux et aurait poursuivi son chemin sans trop prêter attention à ce qui arrivait au pauvre homme. Mais voilà, ce n'était pas n'importe quel homme. C'était le père de Ronald Weasley, le garçon à qui il avait pris la vie.

Sans réfléchir d'avantage, Drago récupéra sa baguette éjectée un peu plus loin, et courut le plus vite possible vers la lisière de la forêt, stupéfixiant trois Gobelins et un loup-garou au passage. Une fois qu'il se jugea assez près pour être entendu, il porta deux doigts à la bouche et émit un long sifflement aigu. Comme il l'avait espéré, l'hyppogriffe jusque là abandonné dans les bois, émergea gracieusement de la forêt pour venir aider celui qui réclamait son aide. Seulement, lorsque l'oiseau reconnut Drago, il claqua dangereusement son bec et fit demi-tour.

- Non attends ! lança-t-il, pris au dépourvu. Buck !

Probablement surpris qu'il connaisse son nom, la créature s'arrêta et attendit. Drago s'approcha très lentement, les mains tendues en avant en signe de paix.

- Je sais qu'on a eu des petits différents, toi et moi, dit-il sans cesser d'avancer. J'ai pas été très sympa, lors de notre première rencontre, et, apparemment, tu t'en souviens ! Mais c'était en troisième année, et j'en avais pas beaucoup dans le crâne, à l'époque. Je regrette de t'avoir insulté, d'accord ?

Pour prouver ses dires, Drago s'inclina légèrement, tirant ainsi une révérence. Cependant, l'oiseau ne bougea pas.

- Allez, quoi ! s'énerva Drago, peu patient avec les animaux. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le au moins pour l'homme qui ne va pas tarder à se faire larguer de haut ! A moins que tu ne sois pas à la hauteur de ces femmes-oiseaux ?

Enfin, l'hypogriffe sembla réagir à ce qu'il devait considérer comme un défi, car il s'agenouilla de façon à pouvoir être monté. Avec une extrême prudence, Drago enjamba le corps ailé et saisit les plumes du cou pour s'accrocher, prenant garde de n'en arracher aucune. La créature s'éleva dans les airs, et il dut admettre que la sensation en était extraordinaire. Il repéra très vite la harpie qui maintenait toujours fermement Arthur Weasley, et qui n'allait pas tarder à aller le jeter dans le lac. Elle était vraiment très haute dans les airs, et Drago préféra ne pas imaginer le bruit que ferait le corps de sa victime au contact de l'eau.

Il n'eut besoin de crier aucune instruction à Buck qui fonçait déjà droit sur la harpie, et Drago se prépara à attraper le sorcier au vol. Mais la créature avait senti le danger arriver, et c'est avec un ricanement strident qu'elle balança sa proie dans le vide, avant de se ruer sur Buck et de l'attaquer à coup de griffes. Drago, qui n'avait pas lâché Weasley père des yeux, eut le réflexe de se tortiller en arrière pour pointer sa baguette vers le corps en chute en libre et crier :

- Levicorpus !

Il pria pour que son sortilège atteigne sa cible, et souffla de soulagement lorsqu'il la vit pendue par la cheville, le nez à quelques centimètres seulement de la surface noire du lac. Pendant ce temps, l'hypogriffe était parvenu à chasser la harpie, mais il ne devait pas être ressorti de la lutte sans séquelles si on en jugeait sa difficulté à voler correctement. Le combat avait attiré l'attention du clan, et quelques harpies volaient déjà en leur direction. Toutefois, Drago stupéfixia chacune d'entre elles, et leurs sœurs regardèrent les corps tomber au sol un par un, avant de finalement reporter leur attention sur des cibles moins dangereuses.

A bout de force, l'oiseau vint s'écrouler misérablement dans l'herbe, atterrissant juste à côté du lac. Drago constata avec satisfaction que les sirènes s'étaient chargées de monsieur Weasley, et l'allongeaient à présent au bord de l'eau.

- Bien joué, Bucky, souffla Drago à l'animal étendu à ses côtés.

L'une de ses ailes était sérieusement abîmée, et du sang soulignait les contours du bec, mais Drago n'avait pas le temps de s'en préoccuper. Il s'approcha du sorcier qui le dévisageait depuis tout à l'heure. Ses deux épaules étaient ensanglantées par les trous profonds des serres, mais il ne semblait pas s'en soucier plus que ça.

- Ça va aller ? s'assura Drago.

- Oui...répondit-il, encore sous le choc. Je...je crois, oui. Grâce à toi.

- Bien. Restez caché dans ce cas. Je vous enverrai des secours.

Drago se releva, mais l'homme le retint par le poignet.

- Merci, Drago, dit-il sincèrement.

- Je ne l'ai pas fait pour vous, répondit-il. Je dois la vie d'Hermione à votre fils, monsieur Weasley. Il est juste que je sauve celle de son père en retour.

Puis, il se releva pour de bon et repartit vers le champ de bataille sans un regard en arrière, tandis que la nuit commençait à couvrir la guerre de son gros manteau noir.

« Aider l'Ordre, aider l'Ordre, facile à dire, Hermione ! Faudrait déjà qu'il arrête de m'attaquer ! », pensa Drago tandis qu'il repoussait l'énième attaque de l'un de ses anciens professeurs.

Il commençait à en avoir assez de se faire agresser des deux côtés de la bataille, étant pris pour un traître par chacun des clans. Il était temps que l'Ordre remarque le paquet de Mangemorts qu'il avait éliminé à lui tout seul, et cesse un bonne fois pour toutes d'essayer de l'assassiner ! C'est alors qu'il l'eut l'idée de faire appel à l'aide des fantômes ; ces derniers étant en train de survoler la mêlée, ils seraient capables de transmettre une information à la vitesse de la lumière.

- Eh, toi ! cria-t-il au premier qu'il vit.

Mauvaise pioche. Le Baron Sanglant ne ferait pas l'affaire, lui qui donnait ses encouragements aux Mangemorts et insultaient les Sang-de-Bourbes. Drago s'éloigna donc, et interpella le suivant. Parfait, Nick Quasi Sans Tête était le fantôme des Gryffondors et serait un bon messager.

- Puis-je savoir ce qu'il vous prend de me héler ainsi, jeune homme ? s'offusqua-t-il, sa tête penchant dangereusement sur le côté.

- J'ai un service à vous demander, répondit-il en vitesse. Il faut que vous informiez l'Ordre que Drago Malefoy est officiellement de leur côté, et qu'il faut arrêter de s'en prendre à lui parce qu'il va finir par craquer !

Le fantôme parut surpris, et répondit d'une voix si posée qu'elle en était presque irritante :

- Et en quel honneur ferais-je une telle chose, monsieur ?

- Parce que c'est la vérité, enfin !

- Je reconnais votre visage, figurez-vous. Vous étiez à Serpentard, n'est-ce pas ? Oui, cette petite tête blonde que je voyais souvent embêter les plus jeunes...

- C'était avant, ça ! s'emporta Drago, fatigué d'être jugé sur son passé. Allez prévenir l'Ordre !

- Et cette façon de parler, poursuivit-il en haussant les sourcils, toujours aussi insolente, n'est-il pas ? Veuillez excuser mes prudences quant à votre appartenance au bien, monsieur, mais il va de soi que je ne peux me confier à vos dires...

Sans prévenir, Drago envoya le sortilège de mort au travers du fantôme. L'éclair atteignit le loup qui s'écroula. Il en envoya trois de plus autour de lui, touchant chaque fois un partisan de Voldemort. Il reporta ensuite son attention sur Nick Quasi Sans Tête, ce dernier devenu soudain hésitant.

Mais, tout à coup, un sortilège le frappa de plein fouet, et le jeune homme se sentit valser dans les airs, jusqu'à ce que son corps aille cogner contre un mur de briques et ne s'effondre à terre. Les membres douloureux, Drago resserra ses doigts autour de sa baguette, s'apprêtant à faire face à son nouvel attaquant.

Ce n'était qu'un Mangemort imprudent, et il allait rapidement lui régler son compte. Cependant, avant même d'avoir pu se relever, ce qu'il avait pris pour un mur de briques se révéla en fait être un Troll gigantesque, et Drago se vit soudain décollé du sol à une hauteur vertigineuse, lâchant sa baguette sous le coup de la stupeur. Il regarda avec horreur le bâton de bois retomber par terre, tandis que le Troll le ramenait à hauteur de ses petits yeux stupides.

- Tue-le ! cria la voix du Mangemort depuis le bas.

La main du monstre solidement refermée autour de lui, Drago n'allait pas tarder à se faire broyer les os s'il n'agissait pas très vite. Heureusement, la faiblesse d'une telle créature n'était pas bien dure à trouver, et il joua donc sur son talent d'acteur.

- Qu'est-ce que tu fais, idiot ? lança-t-il au Troll. T'es même pas capable de reconnaître ton propre camp ? Repose-moi tout de suite, espèce d'abruti ! Et occupe-toi plutôt de l'ennemi !

Comme il s'y attendait, le géant parut complètement déboussolé devant une telle attitude, et lâcha un long « huh... » incertain, diffusant une haleine abominable. Les Trolls étaient aussi bêtes que leurs pieds et, avec un peu de chance, Drago parviendrait à l'embrouiller assez pour être relâché. Seulement, ayant compris son manège, le Mangemort s'empressa de le détromper :

- Ne l'écoute pas ! C'est un traître ! Il ne porte pas même pas notre robe noire ! Tue-le, par Merlin !

Les broussailles qu'il avait en guise de sourcils se froncèrent en signe de confusion, et le Troll sembla partir dans une grande et profonde réflexion.

- Tu ne veux pas tuer l'un des adeptes de Voldemort, n'est-ce pas ? enchainait Drago. Tu ne veux tout de même pas qu'il se mette en colère et tue encore beaucoup de tes frères pour se faire obéir ? Parce que c'est ce qu'il fera si tu t'en prends à moi !

Le visage du monstre se déforma en une affreuse grimace, et Drago sentit avec satisfaction perdre de l'altitude, avant de finalement être reposé au sol dans une délicatesse insoupçonnée. Hors de lui, le Mangemort tenta de le stupéfixier, mais Drago se jeta aussitôt sur le côté et le sortilège vint s'exploser contre la jambe du Troll. Poussant un rugissement de colère, ce dernier envoya son gros pied taper avec puissance le corps du Mangemort qui partit voltiger dans les airs à la façon d'un souafle de Quidditch.

Drago ne put s'empêcher de tirer un sourire devant sa belle réussite. Sourire qui disparut lorsqu'il vit le fantôme Nick Quasi Sans Tête qui n'avait pas loupé une miette de la scène, et le dévisageait à présent en hochant la tête.

- Pourquoi ne pas demander à ce cher Troll de transmettre votre message, monsieur l'adepte de Voldemort ? lui dit-il d'un ton hautain.

Comme si cela n'était pas assez, il vit le fantôme des Gryffondor s'en aller crier à qui voulait l'entendre que Drago Malefoy était bel et bien un Mangemort, essayant de se faire passer pour un membre de l'Ordre. Puisqu'il n'allait pas tarder à devenir la cible de son propre camp, Drago préféra abandonner la bataille, fatigué de risquer sa vie pour si peu de reconnaissance. Son esprit se tourna aussitôt vers Hermione, et il courut en direction du château pour la retrouver, quoi qu'elle en dise.

La guerre faisait à rage à l'intérieur de Poudlard, également. Néanmoins, Drago ne s'y attarda pas cette fois, se contentant d'éliminer des Gobelins quand l'occasion se présentait. Ces derniers se révélaient bien plus peureux qu'ils ne le laissaient croire, car la plupart menait leur combat au château, là où les risques de se faire toucher par un sortilège perdu étaient moindres.

Drago se dirigea vers l'étage du bureau de Rogue, probablement le lieu où Potter et Hermione étaient en train de détruire leurs Hoxcruques.

Tout à coup, la voix glaciale et terrifiante de Lord Voldemort lui-même résonna dans le château, et les duels s'immobilisèrent pour écouter :

- « Vous avez combattu. Vaillamment. Lord Voldemort sait reconnaître la bravoure. Pourtant, vous avez subi de grandes pertes. Si vous continuez à me résister, vous mourrez tous, un par un. Et je ne souhaite pas que cela arrive. Chaque goutte de sang magique écoulée est une perte précieuse et un gâchis. Lord Voldemort est clément. Je demande à mes troupes de se retirer immédiatement. Vous avez une heure. Occupez-vous de vos morts avec dignité, et prenez soin de vos blessés.

Je m'adresse maintenant à toi, Harry Potter. Tu as laissé tes amis mourir pour toi plutôt que de venir me défier toi-même. J'attendrai une heure dans la Forêt Interdite. Si, à la fin de cette heure, tu n'es pas venu à moi de toi-même, la guerre recommencera. Cette fois, je viendrai en personne, Harry Potter, et je te trouverai, et je tuerai chacun des hommes, femmes et enfants qui tenteront de te protéger. Une heure ».

Les paroles résonnèrent encore en échos un instant. On aurait presque pu sentir le souffle froid du Seigneur des Ténèbres errer dans les couloirs, parmi les combattants paralysés de terreur. Quant à l'armée de Voldemort, elle obéit aux ordres et chaque Gobelin, Mangemort, Détraqueur, Loup, et créature du mal abandonnèrent leur victime pour battre en retraite. Drago, lui, se dit qu'il était temps de rejoindre les deux Gryffondors, au cas où Potter aurait la mauvaise idée de se rendre...

Il s'apprêtait à monter l'escalier de pierre en colimaçon, lorsqu'il le vit...

Ses yeux se tintèrent immédiatement de gris, ses doigts se resserrèrent autour de sa baguette, tandis que tous ses membres se crispaient, envahis par une soudaine vague d'agressivité.

- Avery... prononça-t-il d'une voix haineuse.

Le concerné se retourna vers lui, laissant tomber au sol le corps sans vie qu'il reconnut comme celui de Mme Bibine, l'ancienne professeur de Quidditch. Malheureusement pour lui, il n'avait pas encore déguerpi comme tous les autres, et c'était une erreur qui allait lui coûter la vie.

- Malefoy ? lâcha Avery dans un souffle de panique.

Contrairement au précédent Mangemort, celui-ci semblait parfaitement connaître la raison de ce regard vengeur, et, à en croire son expression de terreur, il avait dû trouver le corps sanglant de son confrère, gisant au milieu du champ de bataille.

- Écoute, Malefoy, bredouilla-t-il aussitôt, c'étaient les ordres, et si j'avais...

- Stranglaris !

Le Mangemort laissa tomber sa baguette, et s'effondra à genoux, les deux mains fermement serrées autour de son propre cou.

- Si tu avais pu quoi ? acheva Drago en s'avançant vers lui à pas lents. Si tu avais pu faire autrement ? Si tu avais pu l'épargner, tu l'aurais fait ? C'est ça, que tu essaies de me faire avaler, Avery ?

Ce dernier avait les yeux exorbités par la pression de ses mains tueuses, échappant à tout contrôle et étouffant un peu plus son propre corps à chaque secondes.

- Tu as de la chance, poursuivit-il, que je ne sois pas aussi sadique que vous l'avez été avec Blaise, et que je ne décide pas de vous faire subir les mêmes châtiments. Tout ce que je veux, Avery, ce sont tes sincères excuses à l'homme que tu as torturé et qui se trouvait être une personne à qui je tenais beaucoup.

Drago fit un petit mouvement de la baguette, et le Mangemort s'allongea à terre, récupérant la maîtrise de ses mains.

- Pardonne-moi... souffla-t-il, la respiration hachée par l'effort.

- Pas à moi, imbécile ! s'emporta Drago en saisissant brusquement le col du Mangemort. C'est Blaise que tu as tué au lieu de moi ! C'est moi que vous vouliez ! Pourquoi être passé par lui, hein ? Vous n'en aviez pas assez dans le pantalon pour venir me défier directement ?

Laissant la colère prendre le dessus sur ses émotions, il ne put retenir son poing qui vint frapper le visage de sa victime.

- Excuse-moi, Blaise ! Pardon ! suppliait-il en se protégeant la figure de ses mains.

- C'est trop tard pour regretter, maintenant, murmura alors Drago, la gorge nouée par le chagrin.

Il se redressa et pointa sa baguette sur l'homme resté à terre. Désespéré, celui-ci se raccrocha alors à l'infime espoir qui lui restait, et utilisa l'argument du cœur en tant que bouclier :

- Elle ne voudrait pas ça, Malefoy, lui dit-il. On m'a dit à quel point cette fille t'avait changé, et je le respecte !

- Ne t'avances pas sur ce terrain là, Avery... prévint Drago.

- Elle ne voudrait pas que tu me tues, n'est-ce pas ? continuait-il sans écouter. Tu n'es plus cet homme, Malefoy, et tu le sais !

Drago éclata d'un rire sans joie.

- Vous ne comprenez décidément pas, hein ? dit-il alors. C'est elle, qui me transforme. Chaque seconde passée en sa présence fait de moi quelqu'un d'autre, quelqu'un de meilleur, et c'est cet homme-là dont elle est amoureuse. Mais ce que je ressens envers vous, ce que je ressens envers toi, n'est rien d'autre que du dégoût que personne, ni même Hermione, pourrait changer. C'est avec elle, que je suis différent. Pas avec les autres, pas avec ceux que je méprise, Avery...

- S'il te plait, non ! bégaya-t-il en fixant avec angoisse le bout de la baguette de Drago devant son nez. C'est Bellatrix qui a insisté pour la torture, pas moi ! Malefoy ! Ne fais pas ça !

- C'est effrayant, n'est-ce pas ? s'amusa Drago avec un petit sourire en coin. De savoir que l'on va mourir quoi qu'il arrive ? Blaise se fera un plaisir d'en bavarder avec toi. Avada Kedavra !

Et voilà, encore un autre. Drago avait attendu ce moment des mois durant, et maintenant que c'était fait, il n'en tirait aucune satisfaction. Ce trou dans son cœur restait infiniment vide, pas même comblé un tout petit peu par la vengeance qu'il aurait pensée consolatrice. Pourtant, il restait une dernière personne à punir, et, pour celle-là, Drago n'envisageait même pas de la laisser vivre plus longtemps...

Il s'occuperait d'elle en temps voulu, et se concentra de nouveau sur le bureau du directeur, abandonnant derrière lui les restes d'une blessure destructrice et éternelle.

Arrivé en haut des escaliers en spirale, Drago perçut comme des voix qui se disputaient et se rua à l'intérieur du bureau, baguette en avant. Il eut alors un brusque mouvement de recul en apercevant Ronald Weasley dans la pièce. Il réalisa ensuite que ce n'était qu'une image, une illusion du jeune homme. En regardant mieux, il découvrit que le mirage provenait du médaillon rapporté par Londubat et la Serdaigle déséquilibrée. A côté, se tenait Potter, agité par le tremblement de ses pleurs, et Hermione, qui essayait de le calmer du mieux qu'elle pouvait. Les voix qu'ils avaient cru être en train de se disputer étaient en fait celle d'Hermione tentant vainement de couvrir l'écho terrifiant de celle de Weasley. En effet, ce dernier lançait à Harry d'un ton réprobateur et sévère :

- Tu aurais dû être là, Harry ! Les Dursley étaient ta famille, ça aurait dû être ton rôle de les protéger, pas le mien ! Ça aurait dû être toi, ce jour-là, qui se fasse enlever ! Tu n'as pas su me protéger ! Je me faisais torturer, et tu n'es même pas parvenu à me sauver ! Tout ça est ta faute ! Je n'ai toujours été que l'ami du grand Harry Potter, et qu'est-ce que ça m'a rapporté, hein ? La mort ! Et ça dans le seul but de t'atteindre toi, et encore toi ! Combien de gens vas-tu encore laisser mourir pour toi, hein Harry ? Alors cesse de blâmer Malefoy, parce que mon seul et unique assassin, c'est toi !

Désespérée, Hermione essayait de se faire entendre :

- Ne l'écoute pas, Harry ! Ron était très fier de mener cette tâche en tant qu'auror, et il en connaissait les risques ! Et cette maudite illusion n'est pas lui ! Reprend-toi, Harry, s'il te plaît ! Il faut que tu détruises le médaillon ! Tu peux le faire ! C'est ce pour quoi le vrai Ronald s'est battu !

Mais le jeune homme paraissait complètement ailleurs, comme emporté dans une folie de remords où les larmes jusqu'aujourd'hui retenues s'échappaient enfin, révélant la véritable nature d'un tel mal-être quotidien.

- Pardon, Ron, pardon, pardon, murmurait Potter en fixant le mirage plutôt réaliste de son ami.

Alors comme ça, Harry Potter savait pleurer ? Lui qui donnait toujours cette grande impression d'assurance, ce fort sentiment fraternel envers Hermione, cette volonté de réussir là où il craignait échouer... Il était tellement étrange de le trouver ainsi, recroquevillé sur lui-même comme un enfant. « Vulnérable et faible », aurait dit Lucius. Mais, à ce moment-là, Drago savait que son père aurait eu tort. Lui-même avait pleuré Blaise, peu après sa mort, et lui aussi était rongé par ce sentiment de culpabilité qui ne cessait de rappeler que le Serpentard serait encore en vie si Drago avait refusé son aide, ce fameux jour du départ de Poudlard. Potter et lui n'étaient pas si différents, en fin de compte ; tous deux avaient perdu leur meilleur ami, et tous deux tentaient de rester impassibles face à la culpabilité qui ne les quittait jamais.

Non seulement il trouva Harry Potter humain, en cet instant, mais il le trouva brave.

En le voyant débarquer, Hermione lança un regard de détresse à Drago. Celui-si hésita longuement, n'ayant aucune idée de comment réconforter, et encore moins réconforter Potter. Enfin, il décida d'agir, ne supportant plus les protestations bruyantes du faux Weasley. Puisque la douceur d'Hermione était visiblement inefficace, il allait tenter une méthode qui était plus de son ressort. Il s'avança vers le jeune homme et le saisit par les épaules, avant de le redresser brusquement.

- Potter ! appela-t-il sèchement.

Comme ce dernier refusait de lui prêter attention, Drago lui asséna une bonne claque, faisant tomber ses lunettes et tirant un cri de surprise à Hermione.

- Potter ! répéta-t-il plus fort.

Choqué, le Gryffondor parut enfin décidé à l'écouter et plongea ses yeux vert émeraude dans ceux de Drago.

- Retiens bien ceci, lui dit-il. Une fois devenu la cible de Lord Voldemort, il n'y a rien, ni personne qui est en mesure de la sauver. On n'échappe pas au Seigneur des Ténèbres, sauf si on s'appelle Harry Potter, dans lequel des cas un aura de chance incroyable est là pour nous tirer d'affaire. Ce que j'essaie de te dire, c'est qu'à partir du moment où ton ami Weasley a fait parti du plan de Voldemort, il n'était déjà plus de ton ressort de faire quoi que ce soit. Il serait parvenu à ses fins de quelque manière que ce soit, et tu n'es pas responsable. Si tu veux continuer à te reprocher sa mort, très bien ! Mais, dans ce cas, reproche-toi également la mort de ma mère, de Blaise, de Dumbledore, ainsi que celles de tous les êtres chers que Voldemort a pris à ce monde !

Harry le fixait intensément, à présent. Profitant du fait qu'il reprenait ses esprits, Hermione lui glissa l'épée de Gryffondor entre les mains, et lui souffla de détruire le médaillon. Ce qu'il fit. En un grand mouvement droit et résigné, l'épée fendit l'air en deux pour venir fracasser l'objet dans un bruit de pierre brisée. Pendant une minute entière ne s'entendit alors que le silence. Contre toute attente, ce fut Potter qui le rompit le premier.

- Il y a pourtant une cible que Voldemort n'est pas parvenu à éliminer, murmura-t-il à l'adresse de Drago. Et elle se tient là, juste à tes côtés. Même si j'ignore devoir le croire ou non, elle est encore en vie parce que tu as su la protéger.

- Ne prends pas exemple sur moi, assura Drago d'une voix grave. J'ai eu la chance d'être au courant qu'Hermione devenait la prochaine victime, et ça je le dois à Weasley. J'ai dû faire appel à tout un peuple de vampires pour m'assurer qu'elle ait une chance de s'échapper, et ça a pris du temps, ce que toi tu n'avais pas. Je peux t'assurer qu'il ne se passe pas une seule seconde depuis cinq mois où je ne redoute pas de la perdre à chaque instant.

Hermione lui souriait gentiment, tandis que Potter restait silencieux, ne sachant que croire. Le nouveau silence devenant gênant, Drago prit la parole :

- Vous avez entendu l'appel de Voldemort ?

- Difficile de le rater, maugréa Harry. Il résonne encore dans ma tête.

- Mais il ne vas pas se rendre, déclara Hermione d'un ton ferme. N'est-ce pas, Harry ?

Celui-ci ne répondit pas tout de suite, regardant autour de lui en soupirant.

- C'est si silencieux, murmura-t-il en fermant les yeux.

- Et ça le restera pour toujours si tu cèdes, ajouta Drago qui ressentait l'hésitation du jeune homme.

- Drago a raison ! renchérit Hermione d'une voix plus tranchante. Nous avons détruit tous les Horcruxes, Harry ! Te rends-tu compte ? C'est fini ! Tu ne peux pas abandonner maintenant ! Voldemort est le dernier morceau d'âme qu'il reste, et tu dois te battre !

- Je sais, Hermione, la rassura-t-il avec un petit sourire. Mais je ne veux plus voir personne mourir à cause de moi, et je compte me battre seul à seul avec lui.

- Un duel contre Voldemort ? ricana Drago. Même avec du Félix Felicis, tu n'y parviendrais pas !

- C'est pourtant à moi que revient cette tâche et... Arg !

Harry s'écroula soudain au sol, les deux mains plaquées contre sa cicatrice qui le brûlait.

- Harry ! Harry ! criait Hermione qui s'était précipitée vers lui.

Mais il ne semblait pas l'entendre, et continuait de gigoter de douleur. Drago regarda cette étrange phénomène sans rien faire. Apparemment, ce n'était pas la première fois que ça se produisait car, une fois que Potter eut recouvré ses esprits, Hermione devina :

- C'était une vision, c'est ça ? Qu'est-ce que tu as vu, Harry ?

- Il est en colère... répondit-il, la respiration saccadée. Toute son armée l'a rejoint, sauf une personne...Rogue. J'ai ressenti les doutes de Voldemort, et il a peur. Peur d'avoir été trahi. Rogue devrait se trouver à ses côtés comme il l'a ordonné à ses adeptes, mais lui n'est pas là...

- Qu'est-ce que ça veut dire, à ton avis ? questionna-t-elle.

- Je ne sais pas, avoua-t-il. Mais imagine un instant que...

Il s'interrompit, trop peu sûr de ce qu'il avançait.

- Qu'il soit l'un des nôtres ? acheva Hermione à sa place. Ce serait peu probable, Harry. Il s'est clairement rangé du côté de Voldemort, lors de sa prise de pouvoir. Il est même devenu le directeur de cette école !

- Je sais, je sais ! Mais imagine que ce soit dans le but de protéger les élèves ? Dumbledore m'avait presque ordonné de lui faire confiance, mais j'ai toujours refusé d'écouter, le trouvant trop naïf. Je ne peux m'empêcher de douter en cet instant.

- Désolé de vous ôter vos gentils espoirs, intervint alors Drago, mais Rogue était bel et bien un Mangemort, et ce depuis longtemps. Bien avant que la guerre commence, lorsqu'il était encore professeur de Potion, il participait déjà aux réunions des partisans. Il a toujours été du côté de Voldemort.

Harry tira un petit sourire mauvais :

- Se trouver d'un côté ou de l'autre n'a jamais rien prouvé en temps de guerre. Ce n'est tout de même pas à toi que je vais enseigner les qualités d'un traître, Malefoy ?

Drago soupira d'agacement. La précédente sympathie de Potter était forcément trop belle pour être vraie, et il aurait dû s'attendre au retour des accusations.

- Qu'est-que tu vas faire ? interrogea Hermione pour changer de sujet et éviter une nouvelle dispute.

- Aller à la Cabane Hurlante, répondit-il. C'est là où Rogue se trouve, d'après l'un des loups-garous de Voldemort. Il faut que je me dépêche d'arriver avant lui.

- Tu vas le rejoindre ? s'exclama-t-elle. Mais dans quel but, enfin, à part te faire tuer ?

- Je sais que ça a l'air fou, Hermione, soupira-t-il. Mais je n'arrête pas de me dire que c'est ce que Rogue veut. Tu te souviens qu'il a été mon professeur d'occlumancie en sixième année ? Il savait donc que j'étais lié aux émotions de Voldemort, comme il savait que son absence ce soir le mettrait en colère et me donnerait cette vision. Et si c'était un message pour me signaler qu'il était de mon côté ? Je sais que ça n'a peut-être aucun sens et que je me fais des idées, mais je dois vérifier. J'ai récupéré ma cape d'invisibilité, tout ira bien.

Et il se dirigea vers la sortie du bureau.

- On vient avec toi ! s'imposa Hermione.

Comme il fallait s'y attendre, il refusa.

- Non. Hors de question que je t'emmène là-dedans. Et puis, c'est une trêve à laquelle tu as droit, toi aussi. Tu la mérites, Hermione.

Il disparut à l'extérieur, et Drago retint la jeune femme qui tenta de le suivre. Elle se laissa finalement enlacée par son étreinte, évacuant la pression qui ne la quittait pas depuis plusieurs jours. Il resserra un peu plus ses bras autour d'elle, heureux de se retrouver enfin seul avec la Gryffondor, ce qui n'était pas arrivé depuis ce qui semblait être une éternité.

Ils restèrent ainsi enlacés durant un long moment, savourant le silence qui leur était malheureusement compté.

- Lavande est morte, l'entendit-il alors chuchoter contre lui. Je l'ai vu mourir... Madame Rosmerta aussi, et le petit Dennis Crivey, et...

Drago embrassa ses cheveux, lui intimant d'arrêter là. Mais, au fond, il savait qu'il ne lui demandait pas uniquement de se taire à cause du mal qu'elle se faisait ; c'était aussi dans son intérêt, car il n'était pas capable de consoler ce pour quoi il ne pouvait compatir... Qui avait-il perdu, lui ? A part Blaise et sa mère, il ne connaissait presque aucune des victimes personnellement, ayant toujours bien pris garde de mettre de la distance entre les élèves et lui. C'est ce que son père lui avait toujours recommandé, après tout : ne pas se faire d'amis qui peuvent vous trahir, mais uniquement des pions que l'on peut utiliser. Peut-être était-ce une bonne chose, finalement ? Il n'aurait pas à supporter la douleur d'une autre perte telle que Blaise...

Soudain, un « pop » retentit dans le bureau. Drago fit volte face, faisant automatiquement pivoter Hermione derrière son dos. Mais, à son grand regret, cette dernière revint se placer à sa hauteur, baguette tendue. C'est alors que son cœur loupa un battement quand il aperçut le Mangemort qui venait de transplaner.

- Ah... sourit-elle en les fixant. J'ai trouvé nos tourtereaux, les amis...

A peine eut-elle fini sa phrase que cinq autres Mangemort transplanèrent dans la pièce. Seulement, Drago ne s'attendait pas à ce que deux d'entre eux apparaissent dans le dos d'Hermione. Il eut tout juste le temps d'entendre son cri de surprise avant qu'elle ne s'évapore d'un seul coup, emmenée par les Mangemorts qui avaient de nouveau transplané.

- Où est-elle ? s'écria alors Drago, perdant soudain tout contrôle. Ramenez-là tout de suite !

- Doucement, mon mignon petit Drago, chantonna Bellatrix en s'approchant gracieusement.

Elle posa alors une main douce sur la joue du jeune homme dont la mâchoire ne cessait de se contracter de colère.

- Que tu es devenu beau, mon cher neveu, s'émerveilla-t-elle. Dommage que ce soit cette Sang-de-Bourbe qui en profite, par contre. Surtout quand on sait qu'elle a autrefois fait bobo à ton petit cœur, n'est-ce pas ?

Drago attrapa la main étrangère et ce fut à son tour d'approcher dangereusement.

- C'est moi qui ferais mal au tien si tu touches à un seul de ses cheveux, chère tante...

Celle-ci tira un rictus amusé. Drago savait qu'il ne pouvait rien tenter tant qu'ils détenaient Hermione, et ce sentiment d'impuissance le rendait malade.

- Je croyais qu'on était en trêve, dit-il alors.

- Pour les ennemis, oui, répondit-elle moins aimablement. Pas pour les traîtres. Apporte-nous le collier, Drago, et on te rend ta petite copine Granger.

- Vous n'obtiendrez absolument rien de moi tant que je ne serai pas sûr qu'elle est saine et sauve, trancha-t-il.

- Elle mourra si tu n'obéis pas, insista-t-elle en se regardant négligemment les ongles.

- Et je n'aurai alors plus aucune raison de vous donner le collier, répliqua-t-il sur le même ton.

Elle le toisa du regard un instant, puis tira un énième sourire.

- Ta mère faisait preuve de la même détermination lorsqu'il s'agissait de ta protection. Je regrette beaucoup sa mort, tu sais. Mais toi et moi savons parfaitement qui en est le coupable, n'est-ce pas ?

Une boule se coinça en travers de la gorge de Drago, tandis qu'il regardait sans un mot Bellatrix faire un signe au Mangemort. Ce dernier transplana, puis réapparut quelques secondes plus tard avec Hermione. Drago sentit aussitôt son cœur redémarrer à plein moteur, et il fit un pas en avant. Mais Bellatrix s'interposa.

- Non, non, non... chanta-t-elle en balançant sa tête de droite à gauche comme une enfant. Toi, tu viens avec tantine...

- Ne leur donne pas ! s'écria alors Hermione. Ne leur donne surtout pas, Drago !

Une forte gifle la fit taire, et Drago reçut le sortilège doloris aussitôt qu'il tenta d'approcher.

- Tu es si mignon ! s'extasia Bellatrix en lui adressant un regard doux. Dommage que tu n'aies pas attaché autant d'importance à la protection de ton ami Blaise...

Elle s'avança alors vers Hermione et lui sourit gentiment, avant de frôler son index le long de la joue de la jeune femme.

- Mais, une fois de plus, poursuivit-elle, nous savons tous deux à qui revient la faute...

- Ne la touche pas ! cracha-t-il malgré la douleur.

- Laissez-là s'en aller, dit alors Bellatrix.

Les Mangemorts obéirent, et lâchèrent Hermione qui s'empressa de courir vers Drago allongé au sol. Mais elle fut tirée en arrière au moment où elle allait toucher le jeune homme.

- Ne t'en fais pas pour lui, dit la voix grave du Mangemort qui la mit dehors. On va en prendre soin...

Elle cessa alors de se débattre, et, contre toute attente, s'enfuit même en courant.

- Mieux vaut pour elle qu'elle ne tente rien de stupide, la pauvre petite, soupira Bellatrix. Tu ne pourras pas nous reprocher de ne pas avoir essayer de la tenir à l'écart.

La douleur cessa, et Drago fut contraint de se relever. Il n'avait plus d'autres choix que de les suivre, à présent, car toute tentative de fuite mettrait aussitôt Hermione en danger, où qu'elle soit. Il fit donc tout ce qu'on lui ordonna de faire, en commençant par donner sa baguette magique. Quelques minutes plus tard, il transplanait avec Bellatrix à l'extérieur, entouré de trois autres Mangemorts. Ils avaient atterri près de la cabane d'Hagrid, et marchaient à présent en direction de la Forêt Interdite. La nuit était définitivement tombée, plus sombre que jamais, et il était maintenant difficile d'apercevoir les alentours.

Drago était bien conscient de ne jamais ressortir de cet forêt vivant, et aussi surprenant que cela pouvait paraître, il avait peur... Cinq nouveaux Mangemorts transplanèrent pour l'escorter jusque dans les bois, et Drago fut presque flatté de nécessiter autant de précaution.

Alors qu'ils allaient tous pénétrer la lisière de la forêt, une secousse fit trembler la terre. Puis une autre. Les Mangemorts se stoppèrent, prudents. Encore une vibration dans le sol, plus proche. C'est alors que des voix mélodieuses se mirent à chanter, promenant leur symphonie à travers l'immense enceinte de Poudlard. Tandis que les sirènes maintenait leur musique, les pas de Géants continuaient de marteler le sol comme des tremblement de terre, se rapprochant chaque fois un peu plus de la forêt.

- Mais qu'est-ce qu'il se passe, bon sang ! s'énerva un Mangemort dont la voix trahissait la panique naissante.

Apparut alors les trois énormes Géants de Russie survivants qui se dirigeaient vers eux. Tous les Mangemorts plissèrent les yeux pour mieux distinguer ce qu'était la longue et large masse noire qui marchait aux côtés des monstres. Le chant des sirènes devenait de plus en plus aigu à l'oreille au fur et à mesure que la distance entre les deux camps diminuait.

- Ce sont eux, souffla alors Bellatrix. C'est l'Ordre...

Drago les discerna à son tour : des centaines de sorciers et sorcières, tous survivants et combattants pour l'Ordre du Phoenix, avançaient aux côtés des Géants, leur patronus en éclaireur. La centaine d'animaux argentée qui entourait la véritable armée créait une lumière presque angélique dans la nuit noire, et laissait entrevoir les visages déterminés des sorciers. A leur tête, Hermione. Sa voix s'éleva, claire et ferme :

- Nous sommes prêts à nous battre !

Les Mangemorts s'échangèrent des regards incertains, puis l'un d'entre eux finit par répondre :

- Nos clans sont en paix pour une heure entière, et elle n'est pas terminée ! Si vous décidez de vous en prendre à l'un des nôtres, sachez que vous mettez fin à la trêve et que les combats reprendront !

Ce ne fut pas Hermione qui répondit, cette fois, mais une voix tout aussi familière.

- Oh, mais nous n'avons rien décidé du tout ! lança Arthur Weasley. Il se trouve que c'est vous qui avez mis fin à la trêve en vous en prenant à l'un des nôtres !

Drago sentit aussitôt les regard étonnés des Mangemorts se poser sur lui. Même Bellatrix ne cachait pas sa surprise. Quant à Drago, il était le plus le stupéfait de tous.

- Rendez-nous Drago Malefoy ! cria la voix sèche du professeur McGonagall. Ou bien c'est nous qui venons le chercher !

Drago comprit aisément l'embarras des Mangemorts ; leur Maitre avait ordonné une trêve, et eux, ses propres sujets, avaient raté l'enlèvement censé rester discret, entrainant non seulement la reprise de la guerre, mais aussi l'humiliation du Lord Noir qui s'était un peu plus tôt prétendu juste et clément.

- Que fait-on, Bella ? pressa l'un.

- Peut-être devrions-nous rendre le garçon ? proposa un autre.

- Bien sûr que non, pauvre abruti ! rétorqua Bellatrix. Ça ne ferait rien de plus que repousser la guerre de toute façon inévitable ! Et le Maitre doit connaître notre erreur ! N'as-tu donc aucun respect envers sa grande personne pour songer à lui mentir ainsi ? Non seulement nous allons nous battre, mais nous allons garder Drago et ramener le collier !

En même temps qu'elle prononçait ces paroles de guerre, des pairs d'yeux s'animèrent à l'orée des bois, et des grognements sourds s'élevèrent. L'armée de Voldemort, vraisemblablement impatiente de reprendre le combat, se tenait dans l'ombre, juste à la frontière de la Forêt Interdite, parée à bondir au moindre signal.

La tension entre des les deux armées étaient palpable. Seule la complainte aigüe des êtres de l'eau résonnait dans la nuit noire, tel un chant funèbre prédisant le retour proche de la Mort qui observait patiemment son œuvre se poursuivre.

Les Mangemorts n'eurent pas besoin d'annoncer leur refus de céder, tout comme l'Ordre n'eut pas besoin d'une réponse pour comprendre que la guerre venait d'être officiellement déclarée réouverte. Et c'est dans un même et grand mouvement d'ensemble que les deux légions chargèrent à l'ennemi ; les loups surgirent des fourrés dans un concert d'aboiements terrifiants, suivis de près par les centaures qui galopaient tout en brandissant leurs arcs aux flèches tranchantes. Les harpies jaillirent brusquement dans les airs, déployant leurs ailes de façon menaçante, prêtes à décimer tous ceux qui se trouveraient sur leur chemin. Quant aux Trolls, ils n'étaient plus que quatre survivants et ratatinaient le sol de leurs puissants pieds, marchant aux côtés des Gobelins et araignées qui avaient vite compris l'avantage de combattre aux côtés de tels monstres. Enfin, les Détraqueurs qui n'avaient pas pris la fuite fasse à l'armée de patronus survolaient lentement le sol en espérant installer un climat aussi froid que possible, leur lourde cagoule noire rabattue sur leur visage inexistant.

L'Ordre du Phoenix, principalement composé de sorciers, courait à toute allure vers la forêt, baguette tendue en avant, et poussant des cris de guerre. Ces créatures ne leur faisaient pas peur, ni même les Mangemorts, d'ailleurs. Oui, leur armée avait été littéralement anéantie, oui, ils n'avaient quasiment aucune chance de l'emporter sur l'ennemi, et oui, chacun savait parfaitement que ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne finissent par tomber. Oui, ils allaient mourir. Mais ils avaient leur fierté qui courait à leur côté, leur honneur ainsi que leur dignité qui les accompagnaient fidèlement jusque dans les antres de la mort. Et ça, c'étaient des valeurs qui méritaient qu'on se batte, qu'on sacrifie sa vie pour la conquête d'une liberté qui devenait accessible aussitôt qu'on réalisait que la prison n'était rien d'autre que sa propre peur. Même si la victoire du bien était ici illusoire, la tentative d'y parvenir restait elle, gravée à jamais dans l'histoire.

La rencontre des deux clans provoqua comme une onde de choc qui fit gronder la terre. Les griffes écorchèrent, les crocs se plantèrent, les sortilèges explosèrent, les coups s'échangèrent et la douce mélodie des sirène fissurait l'air froid de la nuit.

- Couvrez Drago ! hurla Bellatrix aux Mangemorts tandis qu'elle se faisait assaillir par les aurors.

Impuissant sans sa baguette magique, Drago tenta tout de même de repousser à coups de poings les deux Mangemorts qui s'approchèrent. Si le premier reçut une droite en pleine mâchoire, le second, en revanche, prit ses précautions et utilisa la pire des magies pour le maîtriser :

- Impero !

Aussitôt, le regard de Drago devint complètement vide. Attentif aux moindres instructions, il restait planté là, à peine conscient de ce qui se passait autour de lui.

- Approche !

Drago obéit sans réfléchir, ses jambes désormais à l'écoute d'un autre maître que lui.

- Maintenant suis-moi ! On va aller donner le collier au Maître, t'as compris ? Dépêche-toi !

Les pupilles du jeune homme vrillèrent l'espace d'une seconde presque imperceptible. Drago avança à pas lents vers le Mangemort, tel un zombi. C'est alors que la voix alarmante de Bellatrix s'écria :

- Aucune magie n'est possible sur le collier, sombre idiot ! Recule-toi, il joue la comédie !

Le visage du Mangemort se décomposa, et il eut tout juste le temps d'apercevoir un sourire en coin s'étirer avant de tomber sous la puissance du poing. Par chance, c'était ce Mangemort qui gardait sa baguette magique, et Drago la récupéra vivement. Bellatrix tenta de l'en empêcher, mais trop tard. Le Serpentard, qui avait repris le contrôle de ses pensées à l'instant même où le mot « collier » avait été prononcé, repoussa le stupefix qu'elle lui lança. Lorsqu'il voulu attaquer à son tour, elle avait transplané.

- Tu ne t'en tireras pas comme ça ! fulmina Drago, fermement décidé à la traquer.

Il s'enfonça dans les bois malgré les appels d'Hermione qu'il venait d'entendre. Bellatrix était quelque part, dans la forêt, et elle l'attendait. Il le savait. Drago continua de courir, sourd aux avertissements d'Hermione qui le suppliait de revenir. Il l'entendait même courir derrière lui, mais ne s'arrêta pas. Il avait quelque chose à terminer, et personne ne l'en empêcherait. Il fallait qu'elle arrête de le suivre, ce n'était pas son combat et c'était trop dangereux pour elle. Mais, évidemment, elle ne l'écouterait pas et il se contenta donc de continuer à courir en espérant la semer. Une fois qu'il se fut suffisamment enfoncé dans les bois, tant que la couche des arbres ne laissait même plus entrevoir la moindre étoile, Drago s'arrêta, la respiration courte. Il était difficile de percevoir autre chose que les ombres immenses des arbres, mais Drago comptait bien plus sur son sens de l'ouïe en cet instant. D'ailleurs, il constata avec satisfaction qu'Hermione ne le suivait plus. Il espérait qu'elle ne se soit pas perdue, bien que lui-même fut incapable d'évaluer la distance parcourue.

- Bellatrix ! rugit-il alors, sentant sa baguette lui démanger les doigts. Bellatrix ! Montre-toi ! Ou bien alors es-tu partie te réfugier sous la cape de ton cher Maître ?

Un rire excentrique résonna autour de lui. Drago pivotait sur lui-même, essayant de repérer précisément l'endroit d'où ça venait.

- Alors quoi, ma tante ? appela-t-il d'un ton froid. Tu as peur de te mesurer à ton neveu adoré ?

L'éclat de rire s'intensifia, terrifiant. La voix de Bellatrix s'éleva alors de nulle part, résonnant toujours en écho.

- Je crains plutôt de lui faire du mal... Ta mère n'aurait pas apprécié que je m'en prenne à son petit amour.

- Laisse-là en dehors de ça ! s'emporta Drago. Elle n'est plus là pour en juger, et ça à cause de vous tous ! Sors de ta cachette, à présent !

Il sentit soudain sa présence, et se retourna prudemment. Elle se tenait là, la peau blanche éclatante dans l'obscurité, et un sourire démoniaque étirant ses lèvres. Étrangement, elle ne tenait pas sa baguette ; les deux mains jointes derrière le dos, elle se balançait paresseusement de droite à gauche à la façon d'une petite fille timide.

- Je suis là, souffla-t-elle. Tue-moi.

Drago ne se le fit pas dire deux fois, et envoya un sortilège mortel sans attendre. L'éclair vert traversa sa cible et vint s'exploser contre l'arbre juste derrière. L'illusion de Bellatrix se mit à rire de plus bel avant de disparaître en fumée. Elle réapparut quelques mètres plus loin, mais le même phénomène se produisit lorsqu'il tenta de l'atteindre avec un nouveau sortilège.

- Arrête ce petit jeu, Bella ! vociféra Drago, hors de lui.

- Tu l'aimais bien pourtant, à l'époque, ce petit jeu... Tu ne te souviens pas ?

Drago se retourna pour la énième fois et fit face à une autre illusion.

- De quoi parles-tu ? cracha-t-il.

- Allons, creuse un peu ta mémoire, sourit-elle. Tu n'avais que cinq ans que tu étais déjà avide d'apprendre. Tu venais chez moi tous les dimanche, quand tu étais tout petit, pour voir Tata Bella. Mais je ne t'emmenais pas jouer au parc avec les autres enfants, comme le croyait naïvement ma chère sœur. Je t'emmenais jouer à un tout autre jeu, un jeu pour les plus grands. Comment crois-tu en connaître autant sur la magie noire, Drago ? Je te montrais tellement de choses, chaque nouvelle après midi que tu passais avec moi ! Et tu adorais ce jeu en particulier, celui où je faisais apparaître et disparaître des mirages. Oh oui, tu as très vite appris sur le sortilège de l'illusion. Mais tu as surtout très vite appris le pouvoir du mensonge...

La fausse Bellatrix, qui paraissait pourtant si réelle, s'avança lentement vers Drago dont les souvenirs déferlaient dans la mémoire.

- « Oui, maman, je me suis beaucoup amusé au parc, aujourd'hui », imita Bellatrix, empruntant une voix d'enfant. « J'aimerais y retourner la semaine prochaine ! ». Cinq ans, Drago. Cinq ans, et tu mentais déjà comme un vrai roi. A ta propre mère. Ton père et moi n'avions même pas besoin de te dicter tes paroles, tu comprenais déjà tout seul ce qu'il te restait à faire pour continuer nos après-midi magiques que tu aimais tant. Ton âme était déjà si noire... Tu es l'un des nôtres, Drago. Tu essais de te convaincre de ta différence parce que tu sais que c'est ce qu'elle veut de toi, mais, au fond, tu n'as jamais changé. Tu ne le peux pas, car c'est ce que tu es au plus profond de toi, ta nature véritable : un Malefoy, et un Mangemort.

Drago envoya valser un sortilège en poussant un cri de rage. L'illusion disparut de nouveau en un ricanement sonore. Fatigué de cette fuite permanente, il projeta une pluie d'éclairs verts à travers la forêt, espérant atteindre la véritable Bellatrix. Mais son rire insupportable et perçant ne cessait de s'intensifier à chaque nouvel effort qu'il faisait pour la faire taire.

Tout à coup, alors qu'il lançait un dernier sort, le rire s'interrompit subitement tandis que le bruit d'un corps qui tombe résonna avant l'arrivée angoissante du silence. Plein d'espoir, Drago avança prudemment vers la forme allongée au sol, un peu plus loin. Ses pieds écrasaient lentement les feuilles mortes, tandis que tous ses sens restaient consciencieusement en alerte. Il s'agenouilla près du corps, avant de le faire délicatement rouler vers lui.

Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur, et son cœur cessa tout bonnement de battre.

Hermione.

Le rire aigu de Bellatrix déchira le silence, pendant que Drago regardait, accablé, l'expression figée du visage qu'il aimait tant. Il approcha lentement ses doigts tremblants vers cette vision d'horreur, et traversa tristement la joue du mirage.

- C'est ce qui lui arrivera à elle aussi, souffla alors la voix de sa tante juste à son oreille.

Drago savait que c'était bel et bien Bellatrix cette fois, car il n'aurait pu sentir le souffle d'une illusion lui effleurer le cou. Toutefois, il ne bougea pas, trop absorbé par la vision d'Hermione étendue au sol, les yeux grands ouverts.

- Non, murmura-t-il avec force malgré la boule en travers de sa gorge. Je ne la perdrai pas. Pas elle. Je saurai la protéger.

- Oh, oui... Tu la protégeras. Comme tu as essayé de protéger ton ami Blaise des ennuis qui n'appartenaient pourtant qu'à toi. Elle finira comme lui et ta mère, et tu le sais. Parce que les gens que tu aimes meurent autour de toi, Drago. Ton père est mort à cause de ton égoïsme, mais cela t'importe bien peu tant toi tu es heureux, n'est-ce pas ?

Sentant une présence, Drago leva les yeux, et comprit alors le piège. Il comprit que sa tante le tenait immobile avec des paroles blessantes, pendant qu'il devenait sagement la cible de l'intrus, caché dans les bois.

En une fraction de seconde, Drago s'était vivement retourné et avait saisi Bellatrix par les épaules, avant de la faire pivoter devant lui en bouclier. La flèche vint donc achever sa course dans le dos de la mauvaise cible, mortelle. Pris de panique, le centaure s'enfuit au galop. Drago, le visage impassible, tenait le corps de sa tante dans les bras, celle-ci s'accrochant désespérément à son tee-shirt. Le poison des flèches des centaures était redoutable ; rapide et mortel, il infiltrait son venin noir dans les veines et arrêtait le cœur en quelques minutes.

- Ça ne t'es jamais venu à l'idée, dit alors Drago dont la voix glaciale était dénuée de toute émotion, que, peut-être, la Magie Noire ne m'avait jamais attiré pour son côté assassin ? Tu n'as jamais envisagé que, peut-être, j'étais fasciné par la porte de sortie que sa puissance m'offrait ? Je n'ai jamais voulu apprendre la Magie Noire pour une autre raison que celle d'être un jour assez fort pour m'éloigner de vous sans risque.

Les veines de Bellatrix étaient noires, à présent, et ressortaient visiblement comme si sa peau avait vieilli de plusieurs années. Drago allongea son corps, et croisa une dernière fois les yeux suppliants du dernier membre de sa famille, avant de tourner les talons.

***

Plus il se rapprochait de la lisière, plus les grondements de la guerre se faisaient entendre. Lorsqu'il émergea de la forêt, le spectacle restait le même entre les deux camps, à la seule différence que le nombre des membres de l'Ordre faiblissait à vue d'œil. Il survola le champ de bataille du regard avant que ses yeux ne se posent finalement sur celle qu'il cherchait. Sans même prendre garde à ce qu'il se passait autour de lui, Drago se dirigea d'un pas ferme vers Hermione, tua le loup-garou contre lequel elle luttait, puis la tira contre lui et la serra dans ses bras comme jamais il ne l'avait fait avant. Devant tant de force, Hermione n'aurait pu se dégager même si elle l'avait voulu.

- Je ne te perdrai pas, souffla-t-il alors, plus à lui même qu'à elle.

Hermione resserra son étreinte, inquiète.

- Bien sûr que non, répondit-elle sur le même ton.

Il la laissa enfin respirer, puis prit son visage entre les deux mains pour mieux la contempler, et sourit. Elle était sacrément belle.

- Je suis heureuse que tu l'ais remporté, devina-t-elle.

- J'ai vaincu, admit Drago, mais je reste le perdant. Bellatrix avait gagné depuis déjà bien longtemps, et elle le savait.

Hermione hocha la tête de droite à gauche.

- Oh que non, contredit-elle. C'est toi qui a triomphé d'eux tous depuis bien longtemps, crois-moi.

- Comment as-tu convaincu tout le monde de mon innocence ? demanda-t-il alors, se rappelant la mobilisation touchante de l'Ordre.

- J'ai clamé de l'aide où j'ai pu, et je suis tombée par chance sur monsieur Weasley qui m'a dit croire en toi, et a aussitôt demandé aux autres de le suivre. Les fantômes ont transmit l'appel à l'aide à une vitesse impressionnante, et beaucoup de sorciers ont alors avoué t'avoir vu tuer un grand nombre de Mangemorts, ce qui a fait pencher la balance en ta faveur.

- Content d'apprendre que je n'ai pas risqué ma vie pour rien, dit-il en tirant un petit sourire.

- Les mauvaises actions ont peut-être des conséquences, mais les bonnes actions ont elles aussi leurs répercussions. Il ne faut jamais penser qu'aider les autres est une perte de temps, car le résultat ne passe pas inaperçu. Tu en as la preuve, maintenant.

Drago essaya de sourire, mais ne parvint à afficher qu'une sorte de grimace gênée. Était-elle en train de tenter de le convertir à la secte des gens biens qui sauvent le monde ? Tout ce qu'il faisait, il le faisait pour elle, et en aucun cas pour entrer dans le club des héros inconnus qui se contentent de la paix comme trophée de gloire. Il n'était pas le fils prodigue de Merlin, il n'était pas un Gryffondor, et il était encore moins quelqu'un de bien. Pourvu qu'Hermione le sache, ça lui éviterait des déceptions.

Il vit alors les yeux de la jeune femme s'agrandir de stupeur, et comprit qu'un danger était derrière lui. Mais, avant même qu'il ne puisse réagir, Hermione avait déjà tracé un long trait horizontal avec sa baguette. Drago se retourna pour découvrir un Mangemort dont la tête coupée roulait à présent au sol pour disparaître dans l'obscurité de la nuit.

- Tu as réussi ! s'exclama-t-il.

- Je le désirais vraiment, cette fois, répondit-elle fièrement. Et je n'ai pas eu le temps de réfléchir.

Il s'apprêtait à la féliciter lorsqu'eux tous deux aperçurent Potter courir vers le château à la hâte.

- Harry ! appela-t-elle.

Celui-ci s'arrêta un instant. Drago remarqua qu'il tenait une petite fiole dans la main, dont le liquide blanchâtre était clairement reconnaissable comme un souvenir.

- Je n'ai pas le temps de t'expliquer, Hermione ! dit-il précipitamment. Ne t'en fais pas pour moi !

Et il repartit en direction du château avant de disparaître à l'intérieur des grandes portes de Poudlard.

- Laisse-le faire, prévint Drago qui la sentait hésitante. Il doit savoir ce qu'il fait.

Hermione tira un sourire avant de répondre :

- Tu apprendras qu'Harry est le genre de personne à t'assurer que tout va toujours très bien lorsque tout va mal, et ça dans le seul but de ne pas t'inquiéter ! Tiens, un peu comme toi, quand on y pense !

- Je t'ai déjà dit de ne pas me comparer à Potter, soupira-t-il.

- Il vous arrive pourtant d'agir de la même façon, constata-t-elle.

- Je n'ai absolument rien en commun avec lui, point final, mentit Drago.

Il y avait des comparaisons qui, en dépit de leur vérité, n'étaient pas à relever lorsqu'on avait un minimum d'honneur à conserver. Heureusement, la soudaine attaque d'un Mangemort mit fin à leur conversation, et tous deux repartirent au combat. Tout en lançant des sortilèges à droite à gauche, Drago ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil furtifs à Hermione, et fut heureux de voir qu'elle faisait de même. Leur attirance l'un vers l'autre restait magnétique, tandis que leurs deux sourires s'étiraient sans limite, ineffaçables.

- A ta gauche, ma petite lionne ! lança-t-il alors en abattant une araignée.

Hermione pivota à gauche et évita le sortilège d'un Mangemort, avant de lui renvoyer le même sort. Touché, l'homme s'effondra.

- Je l'avais vu, je te signale ! répliqua-t-elle ensuite.

- C'est ça ! ricana-t-il.

- Ne me cherche pas, Malefoy, sourit-elle.

Ce dernier stupefixia alors le Gobelin qui était devenu le nouvel adversaire de la jeune femme.

- Eh ! s'offusqua-t-elle en fronçant les sourcils. C'était le mien ! Occupe-toi de tes propres ennemis !

Il s'avança vers elle et lui déposa un rapide baiser sur la joue.

- Désolé, dit-il sans la moindre trace de regret. Et si je me faisais pardonner en partageant ma future cible avec toi ?

- Tuer des personnes est loin d'être un jeu, Drago, répliqua-t-elle plus sérieusement.

- Que dis-tu du Troll, là-bas ? enchaina-t-il en ignorant sa remarque.

Hermione jeta un coup d'œil au monstre énorme qui envoyait valser ses victimes à coups de massue. En voyant son regard s'assombrir devant tant un tel massacre, Drago sut qu'il avait gagné.

- Trop facile, dit-elle alors.

- Ne sois pas prétentieuse, Granger, lança-t-il en partant à la rencontre du Troll. Le premier qui le met à terre a gagné !

Hermione leva les yeux au ciel, puis finit par courir pour le rattraper.

- Si c'est moi qui l'emporte, dit-elle, une fois arrivée à sa hauteur, tu dois arrêter de me prendre mes adversaires et c'est chacun de son côté.

- D'accord, répondit-il, ravi qu'elle participe. En revanche, lorsque je gagnerai, ce qui va sans dire, tu auras le devoir de ne pas t'éloigner de moi à plus de cinq mètres !

- Quoi ? Je ne supporterai jamais pareille torture, Malefoy !

- Dans ce cas, mieux vaut pour toi que tu gagnes !

Et il s'élança vers le monstre, tandis qu'Hermione faisait de même. La faiblesse physique de la créature était, encore une fois, bien trop facile. Sa peau dure et sèche faisait bouclier aux sortilèges, mais la partie qui couvrait son crâne était, elle, fine et sensible. Un simple sort à travers le cerveau, et la bête s'écroulait. Du gâteau ! Drago ricana intérieurement en imaginant à l'avance la tête que ferait Hermione. Cette dernière s'était dirigée vers les pieds du Troll, ce qui était une tactique inutile et ridicule. Quant à lui, il pointa sa baguette vers ses propres pieds et, comme un peu plus tôt, lança le sortilège d'enjambée :

- Elasticus !

Il bondit en l'air et atterrit directement sur la tête du Troll. Une fois solidement accroché, Drago pointa sa baguette sur le crâne où quelques poils noirs se battaient en duel. Mais, alors qu'il s'apprêtait à prononcer la formule, le Troll poussa un rugissement, puis Drago se sentit soudain glisser sur le côté, tandis que l'énorme musculature vacillait dangereusement. En quelques secondes, la créature s'effondrait à terre dans un nuage de poussière. Drago, qui s'était jeté au sol juste avant, regardait, ahuri, l'œuvre d'Hermione.

Celle-ci s'avança vers lui, sourire aux lèvres.

- Alors, monsieur je-suis-le-plus-fort ? se moqua-t-elle.

- Simple coup de chance, je suppose, maugréa-t-il.

- Tu pourrais au moins reconnaître ta défaite ! s'indigna-t-elle.

- Comment être sûr que tu n'as pas triché ?

Elle le regarda avec des yeux ronds.

- Incroyable ! pouffa-t-elle de rire. Et, si tu veux tout savoir, je m'en suis prise à l'autre partie, beaucoup plus sensible, du Troll. Eh oui, mon cher Drago ! Ces créatures restent des mâles avant toute chose !

Drago ne put s'empêcher de rire à son tour.

- D'accord, championne, soupira-t-il enfin. C'est toi qui a gagné...

- Merci !

Elle prit alors le menton du jeune homme entre le pouce et l'index, et approcha son visage pour l'embrasser rapidement.

- Hors de ma vue, maintenant, souffla-t-elle ensuite.

Drago s'éloigna à contre cœur. Cependant, il attendit qu'elle ait tourné le dos pour se rapprocher discrètement. Si elle croyait vraiment qu'il allait respecter ce stupide pacte, elle le connaissait mal ! Il était hors de question qu'elle sorte de son champ de vision juste à cause d'un jeu minable ! Alors, en prenant bien soin de ne pas se faire voir, Drago reprit ses combats en s'assurant qu'il pouvait garder un œil sur Hermione.

Quelques minutes plus tard, alors que Drago achevait la dernière des araignées avec un immense sentiment de bonheur et de triomphe, il aperçut de nouveau Harry Potter. Il ne courait pas cette fois, il marchait. Il traversait le parc à pas lents, ignorant les massacres de la bataille autour de lui. Son visage était fermé, les traits inexpressifs. Son être entier ne semblait même pas marcher sur le même monde que les autres, complètement cloisonné dans une bulle où la guerre n'avait pas accès, désormais préoccupation des autres.

Avant même qu'Hermione ne le vît à son tour, Drago avait compris ce que le Gryffondor s'apprêtait à faire. Hermione n'allait pas tarder à deviner, elle aussi, et il se précipita vers elle pour la retenir à temps. Comme il l'avait pensé, la jeune femme se mit soudain à hurler le nom de son ami. Celui-ci, bien qu'il l'ait forcément entendue, ne répondit pas, cette fois, et continuait d'avancer vers la forêt interdite, le pas plus pressant.

- Harry ! cria Hermione qui voulut s'élancer à sa suite.

Mais deux mains bloquèrent fermement ses épaules.

- Si tu y vas, tu vas te faire tuer aussi ! lui dit Drago.

- Lâche-moi ! rugit-elle en se débattant, ses yeux exorbités suivant la marche de Potter, bientôt arrivé à la lisière des bois.

Toutefois, Drago résista. Il n'allait pas la lâcher, parce qu'il n'allait pas la perdre à cause de l'imprudence de Potter. Il allait se rendre, c'était une évidence. Quelques soient ses raisons, il n'en avait pas fait part à Hermione, et désirait donc qu'elle reste en dehors de ça. Tant mieux, parce que lui aussi. Potter ne ressortirait pas de cette forêt vivant, et Hermione non plus si elle faisait l'erreur de l'accompagner. Alors, il resserra sa prise autour d'elle malgré ses gesticulations enragées et ses cris hystériques.

- Harry ! Reviens ! Je t'en supplie ! Laisse-moi aller le rejoindre, Drago ! Il faut que je l'en empêche ! Harry !

Tout à coup, un sortilège les sépara en les expulsant tous deux loin l'un de l'autre. Drago redressa aussitôt sa tête vers Hermione, mais, comme il le redoutait, cette dernière s'était déjà relevée et se précipitait maintenant vers la forêt.

- Non ! lui hurla Drago en se relevant à son tour.

Mais un nouveau sortilège le remit à terre. Franchement agacé, il jeta un regard à son agresseur, et resta troublé l'espace d'un instant.

- Londubat ? s'étonna-t-il, tandis que celui-ci faisait apparaître des cordes de sa baguette magique.

Figé de surprise, Drago ne réalisa que trop tard son nouveau statu de prisonnier. Cependant, l'identité de son attaquant était bien différente, cette fois.

- Qu'est-ce que tu fiches ? lui lança-t-il, décontenancé.

- Je protège Hermione, répondit-il calmement.

- Tu la protège de quoi ? s'énerva-t-il, connaissant malheureusement la réponse.

- De toi. Harry m'a fait juré de te garder à distance d'Hermione après son départ.

Calme-toi, Drago. Respire un grand coup. Contrôle ta colère, c'est la meilleure façon pour qu'il t'écoute.

- Hermione est en danger, articula-t-il en choisissant ses mots avec soin. Si tu veux vraiment la protéger, libère-moi plutôt et j'irai l'aider !

- Harry m'a dit que tu dirais ça.

Respire encore, oui voilà, comme ça. Inspire, expire lentement. Non, tu ne veux pas insulter cet abruti de gros plein de soupe, ce serait mal et inutile.

- Ne comprends-tu donc pas qu'Hermione est sur le point de se faire tuer ? Je suis de ton côté, Londubat ! Je ne suis pas l'un de ces Mangemorts, combien de fois vais-je devoir le prouver ?

- Harry m'a dit que tu dirais ça aussi.

- Eh bien Potter a tort ! s'écria-t-il, essayant désespérément de se libérer de l'étreinte serrée des cordes.

C'était inutile de se fatiguer à convaincre cet imbécile ; il était l'un des grands fans de Potter et se jetterait dans la gueule d'un Dragon si son Dieu lui demandait. Alors qu'il commençait à perdre espoir, un sortilège de pétrification atteint Londubat en plein dans le dos, et son corps s'écroula lourdement dans l'herbe. Drago leva la tête vers son sauveur, et retint une exclamation de stupeur.

- Pansy ?

C'était la première fois de sa vie qu'il était heureux de la voir. La jeune brune s'approcha, mais ne le libéra pas. A la place, Drago reçut une gifle magistrale.

- Comment as-tu pu ? rugit-elle alors. Comment as-tu pu disparaître autant de temps sans donner de nouvelles après tout ce qu'on a vécu, toi et moi ?

Drago fouilla vaguement sa mémoire à la recherche de ce qu'ils avaient bien pu vivre un jour, avant de se souvenir que, oui, en effet, elle avait été sa distraction pendant une longue période. Cependant, quelque chose lui disait que lui remettre les idées à leur place ne se révèlerait pas le meilleur moyen de s'échapper. Non, s'il voulait avoir une chance qu'elle le libère, il allait devoir se mettre de son côté et la berner, ce qui n'avait jamais été une grande difficulté avec elle. Le seul problème restait de savoir de quel côté elle se trouvait. Il se contenta de lui demander, sachant très bien qu'elle n'y décèlerait pas la trace d'un piège :

- Avec qui te bas-tu, Parkin...Pansy ? se rattrapa-t-il.

- Avec l'Ordre du Phoenix, quelle question ! J'en ai assez de devoir dépendre de supérieurs ! Tu m'as fait comprendre à quel point s'acharner à servir pour faire plaisir ne rapportait pas un grain de gratitude en retour !

- Ravi de t'avoir enseigné la base de ma devise, dit-il sincèrement, mais sache que je n'ai jamais oublié tout ce que tu as fait pour moi !

L'expression de Pansy sembla soudain se radoucir.

- Ah oui ? espéra-t-elle.

- Bien sûr ! mentit Drago. Tu crois vraiment que j'oublierais toutes ces années durant lesquelles tu as toujours soutenu chacune de mes opinions ?

Simplement dû au fait qu'elle n'avait jamais aucune opinion si ce n'était la même que lui.

- Toutes ces fois tu as fait les devoirs à ma place, poursuivit-il, penses-tu vraiment que je n'appréciais pas la valeur de ce geste ?

Surtout lorsqu'il découvrait avec horreur la note de son devoir le lendemain !

- Je ne montrais pas ma reconnaissance parce que c'est ma nature, Pansy, voilà tout.

Cette dernière semblait être sur le point de fondre en larme devant une telle déclaration. Déclaration qui, au passage, était la pire que Drago ait jamais faite.

- Oh, mon Drago ! s'exclama-t-elle alors en s'abaissant vers lui. Je l'ai toujours su, au fond ! J'ai tellement attendu ces mots !

Et elle plongea son affreuse bouche vers lui, entamant un baiser qui était loin d'être partagé. Retenant son envie vomir, Drago jura à Merlin qu'il lui revaudrait sa cruelle persécution un jour. Il ne sut si ce dernier entendit la menace, mais Pansy lui fut soudain arrachée en arrière, poussant un cri de douleur. Apparemment, Merlin avait encore quelques surprises pour lui : tenant fermement Pansy par les cheveux, Lisa Scrimgeour la tirait vers l'arrière, furieuse.

- Pour qui tu te prends, espèce de grosse truie ! criait-elle à Pansy. Personne n'embrasse mon Drago !

Les yeux de Pansy lancèrent soudain des éclairs face à la concurrence, et elle s'extirpa de la poigne de Lisa.

- Comment ça, ton Drago ? s'indigna-t-elle.

Ce dernier regarda, désespéré, les deux filles se battre à coups de claques et de cheveux arrachés. Cependant, Lisa prit rapidement le dessus, et stupefixia Pansy qui tomba aux côtés de Neville. Après s'être brièvement recoiffée, Lisa s'avança à son tour vers Drago. Une deuxième gifle vint alors s'abattre sur sa joue déjà rouge.

- C'est qui, celle-là ? aboya-t-elle en désignant le corps de Parkinson d'un coup de tête.

Fatigué, Drago ne se sentit pas d'humeur à jouer encore la comédie, et déballa d'un coup :

- Qui elle est n'a pas d'importance, Lisa. Et tu n'en as pas plus à mes yeux. Hermione est la seule qui compte, et elle est danger à l'heure qu'il est. Si tu veux me tuer, fais-le, mais réfléchis bien à ce que t'y gagnes, parce que ça ne changera jamais rien à ce que j'éprouve pour elle. Quoi que tu fasses, de toute façon, n'y changera jamais rien.

La jeune femme demeura interdite un instant, digérant les paroles blessantes et humiliantes reçues en pleine figure. Elles durent faire vraiment mal, songea Drago, car Lisa ne parut même pas avoir la force de s'énerver, et se contenta d'hocher la tête pour dire qu'elle avait compris. Drago ne sut d'où lui vint cet élan de compassion, mais il souffla un léger « désolé ». Sûrement ne comprenait-il que trop bien la douleur qu'était de réaliser que la personne dont on croyait être aimé ne faisait en fait que vous utiliser.

- Tous ces moments passés ensemble, à Poudlard... commença-t-elle alors, la gorge serrée. Toutes ces affections, tous ces sourires...

- M'ont simplement fait réaliser que ce n'était pas avec toi que je voulais partager tout ça... acheva Drago.

Une fois de plus, elle hocha la tête en silence, écoutant le craquèlement de son cœur dont les fissures creusaient de profondes crevasses.

- Tu es monstrueux... murmura-t-elle alors.

Elle leva sa baguette et la pointa droit sur lui. Le cœur battant la chamade, Drago pria de toutes ses forces, refusant de mourir ainsi.

- Diffindo !

Le jeune homme sentit ses cordes se desserrer pour finalement disparaître complètement. Il regarda Lisa sans vraiment comprendre.

- Mais moi j'ai fait bien pire, ajouta-t-elle sans croiser son regard.

Un long cri strident retentit depuis la forêt interdite.

- Hermione ! lâcha Drago dans un souffle de panique.

- Tu devrais te dépêcher d'aller la sauver, dit alors Lisa d'un air absent. Elle n'en a plus pour longtemps.

Drago sortit sa baguette, fit quelques pas vers la jeune brune, puis lui déposa un doux baiser sur la joue. Cette dernière ferma les yeux à son contact, tandis qu'une larme de renoncement prenait naissance. Elle le regarda ensuite s'élancer vers la forêt, réalisant qu'elle n'était pas vraiment en train de le perdre, puisqu'il n'avait jamais été à elle...

***

Un éclair illumina le ciel. Le grondement sourd du tonnerre s'en suivit, tandis qu'une averse de pluie s'abattait sur le champ de bataille.

Drago éprouva un sentiment d'écœurement en retrouvant l'obscurité glaciale de la forêt ; il n'y était allé que trop de fois durant les dernières heures, et jamais rien de bon n'en ressortait. D'ailleurs, rien n'en ressortirait du tout, cette fois. Drago était pleinement conscient que chaque nouveau mètre avalé était un pas de plus vers les gorges de la mort, mais il ne ferait demi-tour pour rien au monde. Pas sans elle. S'il devait sortir de cette forêt vivant, ce serait avec Hermione. S'il devait y mourir, ce serait avec elle également.

Tandis qu'il courait toujours plus vite dans les profondeurs des bois, Drago essayait vainement de se concentrer sur sa trajectoire, car il n'y avait pas une seule autre pensée qui n'était pas dirigée vers Hermione, imaginant chaque fois le pire ; et s'il arrivait trop tard ? Et si Voldemort s'était déjà chargé d'elle ? Pourquoi n'entendait-il plus rien ?

A ce moment là, un rire s'éleva. Drago s'arrêta de courir, ses membres soudain paralysés de peur. Car il connaissait ce rire. Et il n'était autre que celui de Voldemort, froid et inquiétant. C'était un rire de joie, un rire de victoire...

La voix s'intensifia, jubilant de plus en plus fort. Drago sentit un frisson gelé lui parcourir l'échine, avant qu'il ne se mette à courir de nouveau, aussi rapidement que lui permettaient ses jambes exténuées. La pluie avait déjà transformé le sol en terre boueuse, et il avait l'impression que ses pieds s'y enfonçaient profondément, comme dans ce genre de mauvais rêve où la course est ralentie contre notre volonté.

Guidé par l'éclat de rire de Voldemort, il se dirigea vers l'ouest et arriva enfin à l'endroit où Hermione devait se trouver. Il implora Merlin pour ne pas y découvrir la vision qu'il redoutait tant : celle d'un corps sans vie.

C'était un autre champ, beaucoup plus petit, et les arbres y étaient dénués de feuilles, laissant ainsi pénétrer l'éclat de la lune à travers les branches mortes. Drago regarda aussitôt autour de lui, et retint sa respiration. Il y avait bel et bien un corps allongé et sans vie, mais ce n'était pas celui d'Hermione. Non, c'était celui de Potter. L'homme mort étendu au sol était Harry Potter. La lumière étincelante et maternelle de la lune l'enveloppait tout entier de son drap blanc, couvrant sa peau d'un voile encore plus pâle qu'elle ne l'était déjà.

Hermione, elle, se trouvait à ses côtés, toute tremblante et larmoyante, secouant le corps de son ami de toutes ses forces, espérant qu'il se réveille. Drago non plus, ne pouvait pas y croire. C'était impossible. Pas lui, pas Harry Potter, le survivant à la légende ancrée dans l'histoire, le héros qui avait autrefois anéanti Lord Voldemort. Mais, par dessus tout, celui qui était destiné à le vaincre définitivement. Car, bien que Drago n'ait jamais apprécié aucune des qualités sois-disant héroïques du jeune homme, il savait en revanche que lui seul était capable de se mesurer au Mage Noir. Il ignorait exactement quoi, mais quelque chose chez ce sorcier était spécial, une sorte de force protectrice qui lui avait permis maintes fois d'échapper à Voldemort, et qui lui donnait également la faculté de sortir vainqueur à jamais du combat censé les opposer.

C'est pourquoi, en cet instant, découvrir Harry Potter sans vie n'avait juste aucun sens. Où était passé le duel du bien contre le mal qui devait marquer un tournant dans l'histoire ? Que devenait la légende de la prophétie dont Voldemort avait expliqué les propriétés à ses adeptes, fut un temps ? Celle où l'un des deux devait mourir pour que l'autre vive ?

Malgré son peu de confiance envers Potter, Drago avait toujours eu ce petit fond d'espoir en lui, l'espoir de le voir l'emporter sur le Seigneur des Ténèbres, le jour venu. Mais voilà, ce jour était arrivé, et il lui rappelait à quel point il avait été illusoire de croire Potter capable de vaincre Voldemort. Le mal avait gagné, et il n'y avait désormais personne d'autre pour s'y opposer, car la seule étincelle d'espérance venait de s'éteindre aux pieds du nouveau Maître du monde.

Ce dernier, la capuche laissée en arrière pour la première fois depuis, savourait sa victoire, ignorant Hermione qui continuait désespérément d'appeler Harry, agenouillée auprès de lui. Drago sentait d'ici le souffle froid de son rire, devenu plus grave, lui traverser et lui geler les entrailles, empêchant son cœur figé de reprendre de la vitesse. Il remarqua alors que Voldemort tenait une coupe entre les mains. Cette coupe même qu'Hermione avait offerte en échange de sa vie à lui. Il avait compris que l'objet était en rapport avec le collier qui se trouvait en ce moment même dans sa poche, et savait également d'après Hermione que Voldemort ne devait jamais s'en emparer, au risque assuré de lui donner le pouvoir éternel. Ce dernier ne l'avait pas encore vu, pourtant planté à quelques mètres de lui, encore trop occupé à déguster le fruit de la vengeance.

La meilleure chose à faire aurait donc été de reculer discrètement, de mettre le plus de distance possible entre le cœur et la coupe, évitant ainsi de gâcher tous les efforts des Gryffondor pour nuire à Voldemort. Mais Hermione était là, et, en dépit de l'intérêt du monde magique, il ne partirait pas d'ici. Car son intérêt à lui, c'était elle. Rien d'autre. L'égoïsme était plus un trait de sa personnalité qu'un simple défaut ; il était né avec cet état d'esprit, et la culpabilité qui en découlait ne l'avait jamais vraiment affecté, quelles qu'en soient les circonstances. Depuis tout petit déjà, il faisait passer ses vœux avant ceux des autres, et bien que ceux d'Hermione étaient ensuite devenus prioritaires aux siens, il restait des désirs qu'il ne négligeait pas. Et son plus profond désir, en cet instant, était de voir Hermione s'en sortir saine et sauve. Et puis, le collier ne risquait rien, après tout, puisque personne d'autre que lui n'était en mesure de le toucher. Il n'y avait donc rien à craindre ?

C'est ainsi que Drago s'avança. Tandis qu'il approchait doucement d'Hermione, il nota le soudain silence de Voldemort, dont le rire avait stoppé. Cependant, il se remit à ricaner quelques secondes plus tard.

- Eh bien... mumura-t-il de sa voix aigüe. Pourquoi m'être donné tant d'efforts lorsque que mes convoitises viennent toutes se rendre d'elles-mêmes en quelques minutes ?

En entendant ces paroles, Hermione tourna soudain ses yeux rougis vers Drago. Seulement, alors, elle sembla reprendre conscience du danger. Pourtant, elle ne bougea pas. Drago devinait parfaitement ce qui se passait dans sa tête, ce sentiment d'abandon qui vous persuade que plus rien n'a d'importance, que, de toute façon, ceux qu'on aime finissent toujours par disparaître et que se battre n'apporte aucune victoire. Oui, Drago observait en silence la jeune femme baisser les bras. Mais lui ne pouvait pas se le permettre. Il avait beaucoup trop à perdre en renonçant, et Hermione allait devoir surmonter son chagrin pour l'aider un minimum, quelle que soit l'ampleur insurmontable des efforts à fournir.

Il se mit à réfléchir rapidement au meilleur moyen de la protéger, et ferma son esprit aussitôt qu'il sentit celui de Voldemort essayer de s'y incruster. Il était dur de se concentrer sur les deux choses à la fois, et la seule idée qui lui paraissait la plus réalisable pour éloigner Hermione d'ici était de l'expulser le plus loin possible, quitte à lui faire mal. Elle n'était pas en état de se battre, et transplaner n'était même pas envisageable, au risque de se faire tuer dans la seconde. De plus, il avait beau la chercher des yeux, la baguette magique de la jeune femme n'était pas là, probablement enlevée par les soins de Voldemort.

Cependant, l'idée de mettre Hermione hors de vue - tentative en elle-même déjà ridicule et sûrement peu efficace - venait d'être réduite à néant par l'arrivée silencieuse des Mangemorts aux abords du champ. Et ils n'étaient pas seuls ; l'armée entière s'approchait maintenant de la scène finale, avide de spectacle. Pire encore, l'armée de l'Ordre du Phoenix se trouvait là, elle aussi, mais en tant que prisonnière. Il fallait croire qu'ils étaient devenus trop faibles et trop peu nombreux pour pouvoir rivaliser avec les forces du mal, désormais, car les sorciers se laissaient guider à la façon d'esclaves soumis, un air de défaite ou de colère peint sur leur visage. Mais, par dessus tout, le nombre irréductible des harpies garantissait la victoire à Voldemort.

Devant si peu d'espoir, Drago tenta malgré tout d'adopter une posture assurée, ses traits ne laissant transparaitre rien d'autre que le défi. Il sentit alors une main douce se glisser dans la sienne, et constata qu'Hermione s'était maintenant redressée et se tenait à ses côtés, affichant le même air courageux. Drago ressentit comme une onde de force nouvelle le parcourir, et il releva un peu plus fièrement la tête, prêt à faire face au destin, peu importe ce qu'il lui réservait. Car il la sentait prête à affronter la mort également, et leur amour l'un pour l'autre réuni contre l'ennemi, aussi invulnérable soit-il, renforçait sa confiance en lui. En elle.

- Regardez donc ça... susurra Voldemort en penchant légèrement sa tête de serpent. Regardons tous cette jeunesse défier prétentieusement la mort du regard. Car c'est ce qu'ils veulent, n'est-ce pas ? Que l'on acclame leur bravoure jusqu'au bout ? Ça se croit fière, ça se croit fort, ça se croit invincible...

Il survola lentement le sol vers Drago et Hermione.

- ... Mais c'est si faible, acheva-t-il en arrachant l'étreinte de leurs mains d'un coup de baguette.

Malgré tous ses efforts, Drago ne parvint plus à toucher Hermione, bloqué par une sorte de mur invisible.

- La force protectrice que vous vous acharnez à voir en l'amour n'est rien d'autre que le poison qui prend avantage de votre aveuglement ! Et en voici la preuve !

Il fit léviter le corps d'Harry Potter dans les airs, et s'amusa à le faire tourner comme un vieux pantin, avant de le laisser retomber par terre. Des cris d'indignation s'élevèrent de part et d'autre des prisonniers, refusant de voir leur héros être traité ainsi, même après sa mort.

- Stupide et naïf, siffla Voldemort de sa voix menaçante en regardant tout autour de lui. Tous autant que vous êtes. Avoir cru possible de vaincre l'armée du puissant Lord Voldemort ! Avoir refusé sa clémence qui vous offrait une chance de se joindre à lui ! Vous payez désormais le prix de votre impertinence...

Et il se mit à rire de sa gloire, bientôt suivi par le ricanement des adeptes.

- Vous n'avez pas vaincu ! contredit alors Hermione avec force en s'avançant.

Drago voulut la retenir aussitôt, mais le champ invisible était toujours là et rendait impossible tout contact. Il dut se résoudre à observer l'une des fameuses impulsions justicières de la Gryffondor, ainsi que les pupilles du Seigneur des Ténèbres s'agrandir d'excitation devant l'opportunité d'exercer une fois de plus son autorité.

- Vous n'avez pas vaincu, répéta Hermione, le corps tremblotant mais la voix ferme. Tous ici, nous sommes encore debout. Stupides et naïfs, ce serait plutôt votre présomption à croire que tout est fini. Car c'est loin d'être le cas. Des milliers d'autres sorciers sur Terre sont encore debout également, face à vous. Prêts à se battre. Vous n'avez gagné qu'une petite bataille, Lord. Pas la guerre.

Le sourire tordu de Voldemort s'étira.

- Pauvre petite sotte que tu es, Hermione Granger, dit-il. Tu sembles avoir oublié que j'ai désormais en ma possession l'éternité, et cela grâce à toi. Car, oui, annonçons-le à tous ici, la brillante Sang-de-Bourbe m'a offert de plein gré cette coupe, objet qui rendra mon règne immortel !

L'Ordre du Phoenix regardait alternativement Voldemort et Hermione sans vouloir y croire. Cette dernière avait baissé les yeux, le teint empourpré. Drago, qui refusait de voir leur image être salie ainsi avant leur mort après tous les risques qu'ils avaient pris dans l'intérêt du monde magique, vint à son secours en s'en prenant à la fierté de Voldemort :

- Si vous êtes si puissant, nargua-t-il, sûr de le mettre en colère, comment se fait-il que vous ne soyez même pas capable de vous emparer d'un misérable collier ?

Sur ces paroles, Drago sortit de sa poche la longue chaîne en argent et brandit le cœur de Bulborbus devant ses yeux.

- Drago, non ! entendit-il Hermione s'horrifier.

Mais il tourna vers elle un regard rassurant. Il n'y avait aucun moyen que Voldemort s'en empare, ou bien alors il aurait déjà réussi depuis longtemps. Non, le collier était en sécurité entre ses mains, et c'était quelque chose qui rendrait fou le Seigneur des Ténèbres.

Curieusement, ce dernier n'éleva pas la voix, comme Drago s'y était attendu. Il n'envoya pas non plus des Mangemorts se charger de lui, comme il ne proféra aucune menace. Au contraire, le fente qui lui servait de bouche s'étira un peu plus. Tout le monde le regarda alors plonger sa main à l'intérieur de la coupe aux contours rectangulaires, puis la ressortir quelques secondes plus tard, couverte d'un liquide épais et argenté semblable au sang de Licorne. La substance avait formé comme un gant autour de sa main squelettique, et aucune goutte ne coula le long du poignet, ancrées dans la peau telle de la glu. Le Mage Noir approcha ensuite de Drago dont les traits avaient perdu de leur assurance, et c'est dans un silence où toutes les respirations étaient retenues, qu'il referma ses longs doigts argenté autour du petit cœur violet qui pendait au bout de la chaîne.

- Merci... souffla Voldemort en récupérant le bijoux devant les yeux épouvantés du jeune homme. A vous deux, vous venez de concrétiser mes projets. Pour des sorciers qui aiment à se prétendre des héros, vous iriez bien mieux dans le rôle des bouffons grotesques.

Les Mangemorts s'esclaffèrent. Encore sous le choque, Drago jeta un œil à Hermione. Celle-ci avait la tête enfouie entre les deux mains, affligée.

Soudain, une douleur le saisit à la poitrine, et Drago lutta pour rester debout malgré la brûlure intense qui semblait lui grignoter les côtes une par une.

- Qu'est-ce que vous lui faites ! entendit-il la voix d'Hermione s'affoler.

Mais elle reçut le même sortilège qui lui tira un cri de souffrance. Contrairement à Drago, ses genoux s'affaissèrent et cognèrent le sol.

- Et maintenant, s'amusa Voldemort, je vous laisse choisir lequel de vous deux verra l'autre mourir en premier...

Drago s'étonna d'avoir toujours sa baguette magique, mais elle s'envola vers Voldemort pile à ce moment-là.

- Et pas de triche, ajouta-t-il.

Drago pria de toute ses forces pour disparaître le premier, bien qu'il savait Hermione désirer partir avant.

- Pas de volontaire ? s'étonna faussement Voldemort. Je me vois donc obligé d'y intégrer l'opinion d'une tiers-personne... Tiens, qu'en dis la plus jeune des Weasley ?

Voldemort se tourna vers Ginny, cette dernière fermement maintenue par les griffes d'un loup-garou. Ses yeux étaient inondés de larmes, ne pouvant se détacher du corps allongé de son petit ami. En choisissant Weasley comme arbitre, la volonté de Voldemort était très bien transmise : Drago devait mourir le premier.

Drago vit les yeux de la jeune rousse croiser les siens, et une expression de haine défigura son visage. Potter avait dû lui dire qui était l'assassin de son frère, aucune doute là-dessus.

- Lui ! cracha-t-elle.

Drago aurait presque souris pour la remercier, mais l'interprétation qu'elle en ferait ne pourrait qu'être fausse en ces circonstances.

- Non ! s'écria alors la voix de Lisa.

Surgissant de nulle part, elle se jeta sur lui et l'enlaça de ses bras comme pour le protéger.

- Vous ne pouvez pas lui faire de mal ! dit-elle. Vous avez promis !

Pendant qu'elle parlait, Drago sentit quelque chose de dur et fin glisser à l'intérieur de sa poche arrière.

- Je t'aime, lui murmura-t-elle dans un ton d'adieu.

Puis, elle se retourna vers le Seigneur des Ténèbres.

- Je n'ai pas oublié notre petit arrangement, dit posément celui-ci. J'attendais justement ta venue, Lisa. De tous les fidèles que j'ai bien pu avoir, tu m'auras été le plus inutile de tous.

Et, d'un geste de main détaché, transmit sa volonté à l'un des Mangemorts présents. Celui-ci agita sa baguette, et un éclair vert atteignit la poitrine de Lisa qui s'écroula dans les bras de Drago. Horrifié, il déposa délicatement le corps au sol, avant de fermer les paupières du regard bleu azur à jamais éteint. Une exclamation de douleur le fit aussitôt lever la tête vers Hermione ; toujours agenouillée, elle se tenait le poignet d'où un filet de sang s'échappait. Plus étonnant encore, le même phénomène arriva à Voldemort, sauf que celui-ci sembla apprécier chaque goutte rouge échappée de sa peau grisâtre.

- Libre... murmura-t-il en inspirant profondément. Je n'ai plus aucune raison de résister à mon désir ardent de t'éliminer, Drago Malefoy.

Confus, le jeune homme ne cessait de virer son regard entre Hermione et Voldemort, tous deux lié au même phénomène dû à la mort de Lisa. La situation aurait pu faire penser aux conséquences d'un Serment Inviolable, principalement à cause d'une douleur à l'endroit du poignet, mais Drago chassa bien vite cette supposition ridicule et improbable.

- Ah, mon pauvre Drago, ricanait Voldemort. Si sûr de toi. Tu es trop prétentieux, ne te l'ais-je donc pas assez répété ? Mais tu n'apprends pas, non, tu n'apprends pas de tes erreurs. Et dire que tu as cru si longtemps que je ne te tuais pas parce que je te voulais... Insultant. Tellement insultant. J'avais besoin de toi pour que tu récupère le cœur de Bulborbus, comme je te l'ai dit, mais la principale raison pour laquelle tu restais en vie était à cause du Serment Inviolable que j'avais fait avec cette idiote de Scrimgeour. Je ne pouvais pas toucher à un seul de tes cheveux blonds, c'était la condition à ce qu'elle effectue ce qu'elle seule pouvait faire sans que tu ne te doutes de rien. Crois bien que ça été dur de te regarder vivre alors que mon seul sentiment envers toi se résumait à la mort pour m'avoir infligé une telle humiliation le jour de tes seize ans. Alors imagine l'outrage ressenti lorsque tu es venu me voir, quelques mois plutôt, prétendant désirer la mort de ton être aimé. Me mentir ainsi, de plein front, sans l'once de la moindre peur.

Drago ne parvint plus à rester impassible aux paroles du Lord. Était-ce possible qu'il ait toujours su qu'il était un traître ? Savait-il déjà qu'il mentait le jour même de leur entretient ? Mais comment aurait-il pu comprendre ? Son esprit était complètement fermé ce jour-là, il en était sûr.

- Oh oui... dit Voldemort qui lisait probablement dans ses pensées. Ton esprit était si cloisonné qu'il n'était pas difficile de comprendre à quel point tu désirais garder tes pensées traîtresses pour toi. Mais ceci n'est pas la raison qui fait que je connaissais tes intentions, car je les connaissais avant même que tu ne franchisse le pas du manoir.

Drago baissa les yeux vers le sol, le cerveau tournant à tout allure pour essayer de trouver une explication plausible au fait d'avoir été démasqué si tôt. C'est alors que, l'espace d'une fraction de seconde, il croisa son regard vert émeraude. Si son corps n'avait pas été si endolori, Drago aurait probablement sursauté de surprise. Mais ses yeux étaient de nouveau clos, ses lunettes tordues perchées au bout de son nez. Il avait dû rêver. Harry Potter était mort, et pour de bon. Il n'avait pas survécu, cette fois. Ça serait vraiment trop exagéré comme force protectrice. Il reporta son attention sur le Mage Noir, continuant malgré tout à jeter de fréquents coups d'œil en direction du Gryffondor.

- Je te revois, poursuivait Voldemort, marcher vers moi avec assurance et m'annoncer qu'Hermione Granger devait mourir de ta baguette. J'en avais presque des frissons meurtriers de devoir rester impassible devant toi, de devoir te regarder me mentir avec arrogance sans pouvoir te faire payer. Car j'avais besoin de tes services, j'avais besoin de ta main propre pour me rapporter le pendentif ! Alors je me contentais de t'écouter raconter à quel point cette vengeance devait être la tienne. Mais tu n'éprouvais pas la haine que tu me décrivais, comme tu n'éprouvais pas le besoin de te venger. Et tu sais pourquoi j'en était si sûr, Drago ?

- Il n'a pas besoin d'entendre tout ça ! le coupa alors la voix énervée et paniquée d'Hermione.

- Oh, je crois que si, au contraire, miss Granger. Il faut qu'il apprenne avant de mourir à quel point tous ses efforts pour te protéger ont été vains, aussi vains que d'essayer de tromper Lord Voldemort. Car, vois-tu, Drago, il se trouve que Merlin devait te mépriser autant que moi pour t'affliger une Sang-de-Bourbe comme âme sœur.

Un frisson de surprise agita la foule. Drago, lui, ne réagit pas. Ce que disait Voldemort n'arrivait tout simplement pas à prendre sens dans sa tête.

- Eh oui, souffla-t-il. Hermione Granger est la deuxième moitié de ton être. Et, de ce fait, il t'est impossible de ressentir un quelconque sentiment de haine ou de malveillance envers elle. Une fois ton âme sœur trouvée, tout ce que à quoi ta vie se résume n'est rien d'autre qu'une peur permanente de perdre l'autre, car c'est une partie de toi-même que tu tentes de protéger. C'est navrant d'en être réduit à ce point par l'amour, n'est-ce pas ? Je t'avoue avoir été cependant surpris d'apprendre la mort de Ronald Weasley. Je ne m'attendais pas à ce que tu ailles jusqu'à lui ôter la vie d'un être cher pour la protéger et me convaincre, comme tu voulais me le faire croire, d'un profond sentiment de colère et d'indifférence à la fois. Par ce geste, tout ce que tu me transmettait, Drago, était, au contraire, ta volonté ardente de sauver la vie de Granger et non de la lui prendre. Et cela par tous les moyens nécessaires, y compris le meurtre de son meilleur ami. Meurtre organisé, si je ne me trompe pas ? Quelle autre raison aurait eu Weasley de faire appel à toi, alors que le peu de vie qu'il lui restait touchait à sa fin ? Il savait qu'il allait être tué de toute façon, voilà tout, et a juste rendu sa mort utile pour sauver la fille.

Drago n'écoutait plus que vaguement. Qu'est-ce que c'était que cette histoire d'âme sœur ? Il avait beau réfléchir, il ne trouvait aucune raison à Voldemort de lui mentir à ce sujet. De plus, Hermione semblait parfaitement au courant, à en juger par son manque de réaction, et Drago ne put empêcher la colère de naître lentement au creux de son estomac. Combien de choses encore ignorait-il qu'elle savait ? Et puis, cette histoire de haine impossible ne collait qu'à moitié. Non seulement Hermione et lui s'étaient détestés pendant plus de sept ans, mais elle en était même allée jusqu'à le faire souffrir par pure vengeance. Il ne put s'empêcher de faire la remarque :

- Si on ne peut éprouver ni haine, ni rancune envers l'autre, dit-il alors, comment décririez-vous le sentiment qui a poussé Hermione à me faire si mal, l'hiver dernier, hein ?

Voldemort sourit, mais ne répondit pas. Il chercha une réponse du côté d'Hermione, mais son regard restait constamment fixé vers le sol, comme effrayée de ce qui allait suivre. Drago commença sérieusement à s'énerver, ne supportant plus cette situation d'ignorance. Pourquoi ne lui répondait-on pas, à la fin ? La raison en était-elle si évidente pour qu'on la lui refuse ainsi ?

Oui. Si évidente qu'elle était là, flottant devant ses yeux, attendant simplement qu'il accepte de la voir.

La réponse à ses interrogations était en fait à portée de main car elle ne l'avait jamais quitté. Depuis le début, depuis le tout premier jour où Hermione avait prétendu être une autre, la certitude qu'elle mentait n'avait jamais disparue. Elle s'était cachée loin, profondément dissimulée derrière la réalité qu'on le forçait à accepter, mais elle était restée présente. Quelque part dans un coin reculé de son esprit, l'évidente vérité avait simplement patienté tout ce temps qu'il réalise que son cœur, à lui seul, n'aurait jamais été capable de battre avec tant de force et autant de temps. L'évidente vérité avait simplement attendu qu'il reprenne assez confiance en lui pour sentir que les battements d'un cœur étranger se mêlaient constamment aux siens. Déguisée sous forme de puzzle aux pièces manquantes qui ne collaient pas avec le reste de l'histoire, la réponse du pourquoi avait refusé d'être chassée entièrement par les interprétations rapides d'un chagrin oppressif et destructeur.

Oui, il avait toujours su, mais avait accepté de croire.

Et il voulait continuer de croire à ce mensonge. Il était hors de question de déterrer les doutes et les souffrances du passé qu'il s'était tant acharné à égarer. Il avait enduré un an de torture douloureuse pour obliger son corps à cesser de réclamer la chaleur d'Hermione, pour forcer son esprit à effacer les souvenirs de son sourire, et il n'était pas prêt à gâcher tous ces efforts maintenant. La fille dont il était tombé amoureux à Poudlard n'avait jamais été vraie, on le lui avait bien fait comprendre. Comment pouvait-on à présent lui demander d'y croire de nouveau ? De faire revivre cette femme, ainsi que tous les souvenirs qui lui étaient liée ? C'était comme s'essayer à prétendre que Blaise était encore en vie ; faux, inutile, et d'une insupportable douleur.

- Tu as compris, n'est-ce pas ? résonna la voix de Voldemort. Ce n'est pas elle qui s'est joué de toi, c'est moi. J'ai ordonné à ce qu'on vous sépare.

Le voile de brume qui s'obstinait à maintenir la vérité invisible finit par se dissiper entièrement. Désormais, Drago ne pouvait plus rester abrité par l'erreur, ni empêcher les questions d'inonder son cerveau, car Voldemort venait de rendre les choses soudainement très claires : tout était son œuvre. Évidemment. Qui d'autre ? Quelle autre âme que la sienne aurait sinon été assez puissante pour détruire un an de sa vie ? Il était derrière tout ça depuis tout ce temps, et il aurait dû le deviner.

- Tu penses bien, riait Voldemort, qu'en apprenant ta liaison avec cette Sang-de-Bourbes, je m'y suis penché de près. Après ton refus de porter la marque, j'ai tout de même décidé de te laisser une chance de revenir vers moi à la fin de l'année, car Lord Voldemort sait pardonner. Mais lorsque Lisa m'a rapporté ta nouvelle fréquentation, j'ai eu peur qu'elle influence ton choix. J'aurais pu faire tuer la fille, mais quel intérêt ? Ça ne t'aurait pas fait revenir. Non, j'avais besoin que tu t'éloigne d'elle, et que tu ne sois pas tenté de t'y accrocher. La meilleure façon restait donc de te la faire détester, et ça a été drôlement facile. Je te connaissais assez pour savoir que l'humiliation restait une corde sensible, et je comptais sur ta colère pour te rallier à mon camp. Aussi, pour mettre toutes les chances de mon côté, j'ai manigancé moi-même ton arrestation au ministère, en ordonnant à l'un de mes espions de donner ton nom. Je te sauvais du baiser du Détraqueur, et Granger acceptait de te laisser partir. C'était notre petit pacte.

Drago tourna un regard incompris vers Hermione. Elle fermait les yeux, des larmes s'écoulant silencieusement le long de ses joues.

- Malheureusement, reprit Voldemort, je n'avais pas prévu que tu t'accroches désespérément à cette Sang-de-Bourbe... Je ne comprenais pas, malgré tous mes efforts, la raison qui te poussait à aller jusqu'à renier la dette que tu avais envers moi. Et puis, j'ai découvert l'existence de ce lien qui vous unissait. Il m'apparaissait très clair, par la suite, que ce phénomène d'une rareté extrême t'empêchait de faire les bons choix. Je n'avais plus qu'à me débarrasser de toi, car tu n'étais alors rien d'autre qu'une nouvelle victime de l'amour, faible et piteuse. Mais la nature d'un objet si rare m'attirait, et je lui ai vite trouvé l'utilité parfaite. Le problème, c'est que j'allais avoir besoin de toi. Je savais que tu refuserais, mais j'ai tout de même tenté de te faire chanter en tuant les êtres que tu aimais. Comme je m'y attendais, tu as persisté à me fuir et à tuer mes précieux fidèles. Je dois t'avouer avoir songé à renoncer au cœur de Bulborbus pendant un moment, et avoir envisagé de simplement vous éliminer tous les deux, elle la première. C'est ce moment-là que Weasley a choisi pour s'échapper... L'heure suivante, tu venais toi-même m'offrir la solution sur un plateau en or.

Le rire de Voldemort s'éleva de plus bel. Chacun des mots qu'il prononçait regorgeait de victoire, de fierté, d'excitation. Drago se sentait malade. Plus rien ne semblait avoir de sens, autour de lui. Il passait d'un monde d'illusion à celui de la réalité avec une telle vitesse que le voyage lui donnait envie de vomir. Devait-il être heureux d'apprendre que ce qu'il avait vécu avec Hermione n'avait jamais été de la comédie, où au contraire détruit plus encore en réalisant quelle vulgaire marionnette il avait été du début à la fin ? Il était si dur de croire à ce qui ne semblait être qu'un cauchemar étranger, si difficile de revenir à une époque aussi lointaine que les tourments de Poudlard. Drago n'était pas sûr de vouloir risquer d'espérer de nouveau : et s'il faisait une seconde chute ? Et si, alors qu'il finissait par accepter la vérité, on lui apprenait finalement que tout avait bel et bien été mensonge ? Jamais il ne survivrait une autre révélation de ce genre, jamais. La période sombre qui avait suivi Poudlard l'avait presque anéanti à mort, et il lui avait fallu toutes les forces du monde pour se reconstruire. S'il venait à être détruit de nouveau, il n'y avait aucune chance que les morceaux se recollent, cette fois.

Mais, alors que Voldemort continuait de se délecter de sa confusion, Drago trouva tout ça bien superflu, tout à coup. Pourquoi se faire du mal à comprendre maintenant ? Il allait mourir, Hermione aussi, et tous les membres de l'Ordre qui observaient en silence allaient être tués également. Drago en vint même à penser que, peut-être, il aurait été mieux de mourir sans savoir la vérité. Oui, peut-être aurait-ce été moins pénible à endurer.

- Et maintenant, dit Voldemort, la voix pétillante d'excitation, je veux que tu regardes ton pitoyable échec en face, Drago. Je veux que tu regardes mourir ce que tu t'es vainement acharné à garder en vie. Je veux voir ton cœur se déchirer lamentablement en deux morceaux lorsqu'elle rendra son dernier souffle.

Il leva sa baguette et Hermione fut soudain élevée dans les airs, au dessus de tous. Malgré la hauteur à laquelle se trouvait son corps, l'éclat de la lune rendait clairement visible son expression assurée et courageuse, faisant ressortir pour la dernière fois son caractère brave de Gryffondor que la mort n'effrayait pas. Ses cheveux trempés dégoulinaient le long de son visage, et ses jambes révélaient beaucoup d'égratignures plus ou moins profondes.

C'était à lui qu'elle abandonnait son ultime regard, et Drago le soutint du mieux qu'il put, redoutant de le voir s'éteindre à chaque nouvelle seconde.

- Vos dernières paroles, miss Granger ? invita aimablement le Lord Noir.

Cette dernière continuait de fixer intensément Drago. Puis, puisant tout ce qui lui restait de force et de volonté, ouvrit légèrement la bouche, et lâcha ces quelques mots :

- C'est l'histoire d'une fille qui trouvait un Serpentard bien trop prétentieux et arrogant à son goût...

Cette simple phrase déclencha un véritable retour dans le passé, et Drago se revit alors sur l'estrade de la Grande Salle, un an auparavant. Comme à présent, toutes les têtes étaient tournées vers Hermione, et chacun écoutait avec attention les paroles de la Gryffondor. Paroles qui avaient détruit sa vie un soir d'hiver, et qu'il n'avait au grand jamais oubliées...

- Il se moquait souvent d'elle, continuait Hermione, la gorge nouée. Il l'insultait, la ridiculisait, elle et sa famille. Mais, malgré toute cette humiliation, la fille n'a jamais ressentit le besoin de se venger. La fille n'a jamais, jamais eu l'intention de la lui faire payer en retour. Sans vraiment s'en rendre compte, elle a même fini par tomber follement amoureuse du Serpentard. Tellement amoureuse qu'elle a sacrifié son amour en échange de la vie du garçon. Voilà la véritable histoire d'Hermione et Drago. Celle que j'aurais dû raconter un an plus tôt.

Elle ferma les yeux, et une énième larme dévala la courbe de sa joue, se mélangeant aux gouttes de pluie. Lorsqu'elle les réouvrit, ils ne virent encore une fois que le bleu intense du jeune homme.

- Je n'ai jamais eu à jouer la comédie lorsqu'il s'agissait de t'aimer, Drago, dit-elle alors. Le seul et unique rôle que j'ai joué, c'est celui de la fille qui ne t'aimait pas. C'était cette Hermione là qui était fausse.

Et Drago la revit. Telle qu'elle était à Poudlard, à l'époque où il découvrait le bonheur d'être amoureux. Oui, c'était bien cette Hermione là qui se tenait devant lui, avec ce même regard, ces mêmes traits... Comment avait-il pu croire une seule seconde qu'elle eût été différente de la femme avec laquelle il avait passé les trois derniers jours ? Bien sûr qu'elles n'étaient qu'une seule et même personne. Maintenant qu'il le savait, il en réalisait l'évidence. Il en réalisait sa naïveté. Malheureusement, c'était bien trop tard.

- Avada...

Drago referma discrètement ses doigts autour du petit bâton de bois glissé un peu plus tôt dans sa poche par Lisa. Mais il n'eut pas à s'en servir.

Voldemort s'interrompit de lui-même. Personne ne le regardait. Personne ne l'écoutait. Comment osaient-ils prêter ainsi si peu d'attention à sa gloire ? Cependant, lorsqu'il vit que même ses propres partisans avaient les yeux tournés vers le ciel, il se résolut à faire de même. Que pouvait-il bien y avoir de plus important que lui, le nouveau maître du monde ?

Tous observaient à présent l'imposant nuage rouge qui illuminait le ciel d'encre. Comme si la nuit froide tirait sur elle une couverture, la nuée d'étoiles filantes recouvrit le ciel au dessus de leurs têtes en quelques secondes, plongeant la forêt dans un halo rougeâtre. Drago vit Hermione sourire de toutes ses dents. Et c'est dans un grondement de tonnerre que le déluge d'étoiles fondit droit sur eux, vif et tranchant.

Tout se passa très vite. Drago eut tout juste le temps d'apercevoir Hermione se faire brutalement emportée dans la course du vampire, tandis que le sortilège fatal de Voldemort fouettait l'air vide. La seconde d'après, l'armée de vampires dévastait la forêt à la façon d'un bombardement assourdissant. Générant une véritable panique dans la foule, la vague rouge rasa les bois en faisant tomber les Mangemorts au passage comme de vulgaires dominos.

- Hermione ! cria Drago dans l'agitation.

L'Ordre du Phoenix ignorait la nature des nouveaux arrivants, et, de ce fait, continuait de pousser des cris d'affolement et de courir dans tous les sens. Drago se fit bousculé à droite à gauche, avant de finalement apercevoir Hermione un peu plus loin, saine et sauve. A ses côtés, Leeyame.

- C'est à mon tour de te sauver la vie, Hermione Granger, l'entendait-il dire malgré le vacarme. Ma dette est payée.

- Qu'est-ce qui vous a décidé à venir ? demanda Hermione.

- Le Seigneur des Ténèbres détient quelque chose qui appartient à mon peuple, et nous sommes venus le récupérer de droit. De toute façon, je n'ai pas eu le choix d'envoyer mon armée se battre à vos côtés ; Soane et Orience n'en ont fait qu'à leur tête et ont convaincu leurs frères et sœurs de vous porter de l'aide.

Elle avait dit ça avec un petit sourire amusé qui laissait deviner qu'elle approuvait leur comportement en dépit de la touche d'impudence. Sûrement avait-elle été trop heureuse de revoir les deux membres qu'elle chérissait revenir vers elle.

La panique n'émanait désormais que du camp de Voldemort, car l'Ordre du Phoenix avait réalisé qu'on leur portait secours et s'était alors remis au combat avec une joie infinie. En effet, un parfum d'espoir embaumait de nouveau l'atmosphère, car les harpies avaient enfin trouvé adversaire à leur taille. Ces effrayantes créatures ailées que l'on croyait invincibles dégringolaient du ciel les unes après les autres, une morsure décorant leur cou sanglant. Les vampires possédaient une vitesse que les femmes-oiseaux n'avaient pas, et leurs serres acérées devenaient alors bien inutiles face aux dents aiguisées de l'ennemi.

Soudain, la foule se figea. Seuls les combats vampires-harpies poursuivaient leur cours dans les airs, indifférents au garçon à la cicatrice en forme d'éclair qui se tenait debout au milieu de tous.

- Non... souffla Voldemort dont les pupilles se réduisirent à la taille de deux fentes. C'est impossible... Tu ne peux pas être encore en vie !

- Tu vois, Tom, disait Harry Potter avec un petit sourire, ton aversion pour l'amour t'a rendu aveugle de sa puissance, et tu subis maintenant les conséquences de ton échec.

- Je n'ai pas échoué ! rugit Voldemort. Je n'échoue jamais, tu m'entends ? Tu es mon seul échec jusqu'à présent, mais plus pour longtemps ! Avada Kedavra !

- Expelliarmus ! lança en même temps Potter.

C'est alors que le même phénomène qu'il y a dix-huit ans se produisit : les deux sortilèges se rencontrèrent, mais celui de Voldemort se retourna ensuite contre lui. Le corps frêle du Mage Noir s'effondra au sol aux yeux de tous. Mort.

C'était fini.

Ses iris rouges ne pétillaient plus de cruauté. Son regard si terrifiant était maintenant vide de vie. Il emportait à jamais le mal avec lui, dans les entres de l'Enfer. Silencieux, chacun observait sans y croire la forme grisâtre étendue au sol.

C'était fini.

Drago croisa les yeux émeraude du Survivant. Ce dernier lui adressa un signe de tête amical. Bien qu'il s'était toujours moqué de l'opinion de Potter vis à vis de lui, Drago ne pouvait s'empêcher de se sentir plus léger maintenant que le Gryffondor le savait innocent. Lors du récit de Voldemort, Potter était déjà en vie, et avait alors sûrement tout écouté. Tout le monde avait écouté d'ailleurs, et il ne serait désormais plus considéré comme un assassin.

Il vit Ginny Weasley se jeter littéralement sur son petit ami ressuscité, et ses pensées se retournèrent vers Hermione. La jeune femme se tenait là, à quelques pas, et elle le fixait. Drago ne bougea pas. La pluie continuait de tomber en averse, créant comme une sorte de rideau d'eau entre leurs deux regards.

Elle s'avança enfin vers lui à pas lents. Et, alors qu'elle arrivait à sa hauteur, Drago la repoussa doucement en arrière. Mais elle revint. Drago la repoussa de nouveau. Hermione insista, revenant vers lui comme un aimant, mais il continuait de la refuser, la repoussant chaque fois avec un peu plus de fermeté.

- Prends-moi dans tes bras, dit-elle en revenant.

- Non, répondit Drago en la poussant encore.

- Prends-moi dans tes bras ! hurla-t-elle alors en éclatant en sanglots.

Drago sentait ses yeux le piquer atrocement. Heureusement, la pluie dissimulerait ses larmes si l'une d'elle parvenait à s'échapper.

- Pourquoi n'es-tu pas venue ? demanda-t-il alors, la voix tremblante.

Noyée dans ses larmes de regret, la jeune femme ne parvint à sortir le moindre son, et se contenta de s'accrocher au tee-shirt de Drago. Celui-ci les lui ôta aussitôt.

- Pourquoi tu n'es jamais venue ! s'écria-t-il alors, se sentant exploser. Je t'attendais ! Je t'attendais, Hermione ! Mais tu es restée dans le train ! Tu ne m'as pas rejoint !

- Si... l'entendit-il souffler.

- Quoi ? aboya-t-il.

- Je suis venue, Drago, dit-elle en levant ses yeux tristes vers lui. Mais tu étais déjà parti. J'ai crié ton nom si fort. J'ai crié ton nom si longtemps...

Elle s'interrompit, la respiration bruyante. Drago n'arrivait pas y croire. L'avait-elle vraiment rejoint à la tour d'astronomie, ce jour-là ? Était-ce sa voix qu'il avait entendu en écho, alors qu'il partait avec Blaise ?

- Je suis désolée, lâcha-t-elle.

- Comment as-tu pu ?

Drago ne parvenait pas à se calmer. La colère faisait bouillir son sang, et il sentait ses mâchoires lui faire mal à force d'être contractées en permanence. Les révélations s'enchainaient trop vite, et elles étaient toutes bien trop dures à digérer d'un seul coup.

- Comment as-tu pu me mentir si longtemps ! s'écria-t-il. As-tu la moindre idée de ce que j'ai vécu ? Me faire croire que tu ne m'aimais pas !

- Et moi, hein ? s'écria-t-elle à son tour. Tu crois que c'était une partie de plaisir que de renoncer ainsi à toi ?

- Ne te pose pas en victime, Hermione ! Ce n'est pas toi qui a passé chaque jour à essayer de te convaincre que tu n'étais pas folle ! J'ai passé l'été en enfer ! J'ai souffert comme tu ne peux même pas ima...

La gifle qui l'interrompit fut si violente qu'elle lui fit mal. Les yeux de la jeune femme semblaient lancer des éclairs.

- Comment oses-tu... siffla-t-elle. Comment oses-tu prétendre que je n'ai pas souffert ? Que j'ignore le mal que je t'ai fait ? Je t'interdis de croire que j'ai été moins affectée que toi ! Tu m'entends Drago ? Je te l'interdis ! Que crois-tu que j'ai ressenti en te torturant ainsi, hein ? Que crois-tu que l'on ressent lorsqu'on doit dire à l'être qu'on aime le plus au monde qu'on ne l'a jamais aimé ? Ça m'a mangé de l'intérieur jusqu'à la pourriture...

- Tu n'aurais jamais dû accepter un tel pacte ! relança-t-il alors.

- Je n'avais pas le choix !

- Bien sûr que si ! Tu aurais pu me dire la vérité !

- Tu allais mourir ! rugit-elle en le poussant à son tour, hors d'elle.

- J'aurais pris la fuite ! mentit-il.

- Tu sais très bien que tu ne pouvais pas quitter Poudlard sans risque ! Pas à dix-sept ans ! Pas avec le ministère et Voldemort à tes trousses ! Ta vie aurait simplement tourné en cauchemar ! Je voulais juste te sauver de la mort ! Pourquoi ne comprends-tu donc pas ? Tu...

Elle fut coupée dans sa tirade par les lèvres de Drago qui, sans prévenir, avaient plongé sur les siennes. Encore emportée dans son élan de rage, Hermione se débattit, mais le jeune homme maintenait ses lèvres fermement pressées contre celles de la Gryffondor. Elle était si belle quand elle s'énervait ainsi.

Hermione finit par cesser de résister et s'abandonna alors au baiser avec fougue, comme si elle espérait rattraper le temps perdu. Drago la serrait contre lui avec cette même force, pour l'ancrer à jamais en lui, la posséder tout entière et pour toujours. Plus rien n'avait d'importance, désormais. Le passé était derrière lui, et l'avenir était avec elle. Il embrassait en ce moment-même la fille dont il était tombé amoureux à Poudlard, mais aussi celle qui avait su le faire fondre plus encore, durant les derniers jours. Oui, Hermione Granger n'était qu'une seule et même personne, et il était, lui, Drago Malefoy, son autre moitié. Ils étaient fait l'un pour l'autre, et plus rien ne pourrait jamais les séparer.

Lorsque leurs bouches se décollèrent enfin, Drago colla son front contre celui d'Hermione, appréciant encore le goût délicieux d'un échange véritable. Autour d'eux, les Mangemorts prenaient la fuite, leur Maître ayant rendu l'âme. Les sorciers continuaient de chasser les derniers résistants, le cœur en joie.

- Plus jamais de mensonge, souffla Drago.

- Plus jamais, assura-t-elle en hochant la tête.

Il lui caressa la joue.

- On va être heureux, maintenant, sourit-il. Tous les deux, ensemble. Pour toujours.

- Oui, sourit-elle.

Drago sentit le corps de la jeune femme tressaillir l'espace d'un court instant. Il regarda son visage ; elle ne souriait plus. Ses traits étaient figés d'une drôle de manière. Avant même qu'il ne comprenne quoi que ce soit, Hermione s'écroula lourdement dans ses bras.

Drago vit alors la flèche plantée dans son dos.

Il ne réagit pas. Ses bras retenaient le corps lourd, figés. Ses membres étaient paralysés de surprise, ses yeux bleus exorbités d'horreur. Il entendait les gens s'agiter autour de lui, il sentait qu'on lui enlevait Hermione pour l'allonger au sol. Il ne voulait pas regarder, non. Il refusait de revoir ce visage crispé, ce corps frêle et mourant.

Son regard croisa alors celui de l'assassin. L'arc encore tendu droit devant lui, le centaure se tint immobile encore quelques secondes, puis déguerpit soudainement, ressentant la colère dangereuse de l'humain. Drago détala à son tour, ignorant les voix qui l'appelaient. Plus rien n'occupait son esprit que les bruits de galop qu'il se devait de rattraper. La créature mourrait. Elle pouvait fuir autant qu'elle le souhaitait, Drago la rattraperait, et la tuerait.

Mais le centaure était bien plus rapide. Tout à coup, il sentit deux mains le soulever, et se retrouva alors à cheval sur un autre centaure. Il le reconnut comme l'un des résistants qui se battait contre son propre peuple, et il venait à présent en aide à Drago. Il était si rapide que le jeune homme lutta pour s'accrocher. Les branches de la forêt lui fouettaient le visage et lui éraflaient les jambes, mais il ne s'en soucia pas, car l'arrière-train de sa proie venait de réapparaitre, quelques mètres devant eux. Sans demander son avis, Drago s'empara de l'arc de son allié, et tira sur la corde. Un œil fermé au niveau de la flèche, il relâcha ses doigts. Le fin morceau de bois vint se planter profondément dans les côtes de la créatures dont les sabots trébuchèrent, l'entrainant dans une chute turbulente. Drago sauta de sa monture et avança à pas rapides vers la créature agonisante au sol. L'arc toujours en main, il décocha une autre flèche, aperçut l'œil terrorisé du centaure, puis tira dans la tête. Ses doigts se refermèrent sur une troisième flèche, et il tira encore. Mais peu importe le nombre de flèche qu'il tirait, sa colère ne s'apaisait pas.

Une main glaciale se posa sur son épaule. Drago fit volte-face et pointa son arc en direction du vampire qui ne tressaillit pas d'un centimètre.

- Elle veut te voir, dit Soane d'une voix calme. Il ne te reste plus beaucoup de temps.

Drago abaissa lentement son arc, revenant à la réalité avec douleur. Il accepta la main que le vampire lui tendit, et transplana en quelques secondes à l'endroit où il avait laissé le corps. Une foule de sorciers était amassée autour, cachant à sa vue ce qu'il ne désirait de toute façon pas voir. Il s'approcha lentement, tandis que chacun s'écartait sur son passage, l'accompagnant de regards désolés. Potter fut le dernier à s'effacer, le visage décomposé par le chagrin.

Lorsqu'il la vit enfin, étendue par terre, le teint livide, les traits tirés, les yeux à demi-clos, Drago se figea. Il ne voulait pas aller plus loin, car ce serait donner raison à Bellatrix. La vision de sa bien aimée sans vie qu'il avait vu dans la forêt venait de prendre réalité. « Parce que les gens que tu aimes meurent autour de toi, Drago ».

Il chassa la voix de sa tête, et laissa tomber ses genoux auprès d'Hermione. Cette dernière tourna avec difficulté sa tête vers lui. Elle semblait paralysée, tandis que le venin la détruisait de l'intérieur un peu plus chaque seconde.

- Faites quelque chose, ordonna Drago à la foule d'une voix froide.

- On ne peut rien contre les flèches de centaures, répondit quelqu'un qu'il ne connaissait pas, probablement un médecin de St Mangouste. Elles sont mortelles. Je suis désolé.

- Essayez quand même ! s'énerva-t-il. Quelque chose, n'importe quoi ! Mais ne restez pas là sans rien faire !

Personne ne bougea, se contentant d'observer le pauvre garçon qui ne réalisait pas encore que c'était la fin pour elle. Drago s'adressa alors à Hermione sur le même ton glacial.

- Relève-toi.

Voyant qu'elle ne réagissait pas, il se mit à la secouer brutalement.

- Relève-toi ! hurla-t-il. Bas-toi, bon sang !

Des mains tentèrent de l'écarter du corps qu'il agitait avec force, mais il les repoussa violemment.

- Debout, Hermione ! s'écria-t-il de sa voix brisée par les larmes. Tu as promis ! Tu m'as promis d'être toujours là avec ce collier ! Respecte ta promesse, maintenant ! Lève-toi !

Il n'entendait plus que vaguement les voix autour de lui qui tentaient vainement de le raisonner, et sentait à peine les bras, pourtant puissants, qui essayaient de le séparer d'elle. Fermement collée à Hermione, il transplana.

Loin de l'agitation de la forêt, le silence du lac noir près duquel il avait atterri apaisa sa colère. Une odeur de mort régnait autour du château, mais Drago ne jeta même pas un coup d'œil au champ de bataille. Ses yeux regardaient le visage blafard d'Hermione, éclairé par la lune. Il la vit alors essayer de parler, et approcha son oreille de sa bouche pour lui faciliter la tâche.

- Je... je suis partie... parce que j'avais peur...

Il devina qu'elle parlait du soir, après le bal, où ils avaient dansé à cet endroit même.

- Peur de quoi ? murmura-t-il.

Elle tourna vers lui ses yeux presque éteints et pourtant encore si chaleureux.

- Peur de ce que je ressentais... J'ai su que j'étais... tombée amoureuse... ce soir-là. Et il était effrayant... d'aimer le beau Drago... Malefoy.

Elle essaya de sourire, mais ne parvint qu'à rendre une grimace de douleur. Drago posa délicatement ses lèvres sur les siennes, lui offrant son dernier baiser. Le cœur atrocement lancinant, il s'allongea à ses côtés, et posa sa tête sur sa poitrine. Il écouta ainsi les battements de son cœur ralentir, et attendrait jusqu'à qu'il n'entende plus rien. La peau de la jeune femme était glaciale, et ses veines étaient devenues noires. Puisqu'il était impuissant à la sauver, il lui fallait accepter rapidement l'évidence pour pouvoir profiter de ses derniers instants avec elle. Il souffrirait plus tard. Il avait toute la vie pour mourir de chagrin. Car il savait très bien qu'elle ne souhaitait pas qu'il mette fin à ses jours. Alors il vivrait pour elle, bien que son être entier était en train de périr avec sa moitié.

Drago allait fermer les yeux, lorsqu'un éclat argenté lui attira l'œil. Il releva légèrement la tête, et aperçut alors la chaîne autour du cou d'Hermione. Le petit cœur de Bulborbus reposait paisiblement sur sa poitrine qui ne s'élevait plus que très faiblement.

Le flash qui surgit brusquement du passé s'empara de lui si rapidement que la tête lui tourna. Il revoyait exactement la même scène, alors qu'ils étaient encore étudiants. Hermione était allongée sur le lit de l'infirmerie, son corps haché d'entailles magiques et probablement fatales. Il se souvint avoir aperçu ce même petit éclat autour de son cou, et se rappela la douleur éprouvée au contact du pendentif, sa peau qui le brûlait ardemment. Tout ce dont il se souvenait ensuite, c'était de s'être réveillé sur un lit d'hôpital à son tour, et Hermione saine et sauve. Il ne sut jamais ce qu'il s'était passé, car seule la santé de la jeune femme l'avait alors préoccupé.

Il en était de même ce soir. Il ignorait d'où lui venait cette attraction envers le collier, mais il savait ce qui lui restait à faire. Peu importait les conséquences sur lui, il sentait qu'il devait tenter de la sauver par ce moyen magique.

Espérant qu'il ne soit pas trop tard, Drago se redressa d'un bond et approcha ses doigts du petit cœur violet. « Faites que ça marche, Merlin, faites que ça marche ! » pria-t-il.

A peine eut-il effleurer l'objet que sa peau rentra d'elle-même en contact avec le pendentif. Il vit alors le cœur prendre une teinte rouge vif, tandis que la chaleur lui brûlait les doigts, ces derniers fermement collés au pendentif. Son cœur se mit soudain à lui faire mal, comme si deux mains s'amusaient à l'écrabouiller de toute leur force. Il pouvait sentir le poison traverser le corps d'Hermione jusque dans le sien, ses veines s'obscurcirent et doubler de volume. La respiration coupée, ses poumons semblaient sur le point d'exploser à force de lutter pour se gonfler d'air.

Secoué de violents spasmes, Drago s'écroula aux côtés de la jeune femme. Puis, son corps se relâcha d'un coup, vidé d'énergie. Ses paupières étaient si lourdes qu'il était dur de les maintenir ouvertes, mais il trouva la force de tourner la tête vers Hermione. Son visage, à quelques centimètres du sien, était désormais paisible et reposé. Il la vit alors ouvrir ses yeux avec une extrême lenteur, comme si elle émergeait d'un doux rêve. En croisant son regard, elle lui sourit tendrement.

Elle ne savait pas encore. Elle ignorait que Drago allait fermer les yeux à son tour, et pour toujours. Tant mieux, elle était heureuse en cet instant.

Il voulut sourire en retour, mais les muscles de son visage ne répondaient plus. Alors, avec un soupire de satisfaction, il laissa ses paupières replonger dans un sommeil serein et éternel.

***

Six Ans Plus tard, Poudlard.

Hermione resserra un peu plus son gilet sur sa poitrine. L'hiver n'avait jamais été aussi froid. Ses pieds écrasaient les feuilles mortes dans la neige, et le vent lui glaçait son visage aux joues rougies.

Comme à chaque fois, elle s'empêchait de regarder autour d'elle les centaines de noms qui attiraient son regard, et se contentait d'avancer à pas rapides vers la tombe principale, la plus belle de toutes. Le cimetière dédié aux combattants de l'Ordre du Phoenix avait été installé derrière le château, pour ne pas imposer au paysage une atmosphère trop lugubre.

Elle se posta face à l'immense et majestueuse pierre qui dominait toutes les autres par sa hauteur, avant d'effleurer de ses doigts le nom gravé en italique.

- Bonsoir, souffla-t-elle.

Elle pinça ses lèvres un peu gercées par le froid. Elle ne pleurerait pas cette fois-ci, pas ce soir. C'était une belle nuit étoilée, et une date spéciale.

- Je n'ai pas pu venir le mois dernier, s'excusa-t-elle en posant le bouquet de fleur blanches au pied de la pierre tombale. Mon travail m'a pris pas mal de temps. Tu sais, je t'ai parlé de cette nouvelle génération de sorciers qui refusent d'aller à l'école ? Eh bien, la situation empire, car de plus en plus de jeunes se rallient à ces groupes et apprennent la magie par eux-même. Le problème, c'est que la magie qui en sort est d'une nature toute nouvelle, car elle est inventée et modifiée, ce qui peut se révéler dangereux.

Elle s'interrompit un instant, puis reprit :

- Peu importe, je ne vais pas te parler de mon travail au ministère, aujourd'hui. Tu sais que c'est l'anniversaire de Leïla, n'est-ce pas ? Elle grandit vite, tu verrais ! Et elle te ressemble tellement...

Sa gorge se noua. Hermione ravala ses larmes, puis sourit.

- Ses cheveux sont aussi clairs que les tiens, maintenant. Parfois, j'ai l'impression de te voir à travers elle. Tu me manques. Tu me manques tellement...

Elle jeta un œil au château, puis reposa son regard sur la pierre.

- Je ne peux pas rester plus longtemps, cette fois, dit-elle. Je reçois du monde à diner. J'ai fait ton plat préféré, et Leïla l'adore aussi.

La jeune femme se pencha en avant et déposa un baiser sur la pierre froide.

- Je t'aime, murmura-t-elle. A bientôt.

Puis, elle tourna les talons, et transplana au manoir. Elle n'aimait pas le silence de cet endroit, c'était trop vaste et pas assez chaleureux. Après avoir traversé l'immense hall d'entrée, elle pénétra dans la cuisine et sortit le rôti du four. Les autres ne devraient pas tarder.

- Charlie ! appela-t-elle.

Des bruits de pas précipités dévalèrent aussitôt les escaliers. Une jolie jeune femme aux yeux vert jade apparut dans l'encadrement de la porte.

- Oui ?

- Peux-tu mettre la table, s'il te plaît ? demanda Hermione en parsemant les pommes de terre de fromage.

Charlie s'exécuta. Elle était devenue si belle, songea Hermione. Elle se rappela alors, quelques années auparavant, lorsque, dans l'espoir d'en apprendre un peu plus, elle avait fait des recherches sur sa mère et son passé. Les archives moldues n'avaient rien donné de plus que ce qu'elle ne savait déjà. Ce fut quand elle eut l'idée de faire un tour du côté du monde magique qu'elle tomba sur son véritable arbre généalogique. « Alena Mason », de son véritable nom « Agatha », sans nom de famille spécifié, se trouvait être la descendante très lointaine d'Agalophonos, l'une des sirènes aux légendes répandues dans les vieux livres mythologiques. Dès lors, la magie qui coulait dans les veines de son fils n'était plus surprenante, tout comme l'évidente beauté de Charlie et sa voix au son mélodieux qui avait d'ailleurs fait sa popularité dans les petits bars londoniens.

- Tu as fait le gâteau d'anniversaire ? demanda Hermione.

- Oui, répondit fièrement Charlie. Celui à l'ananas, comme tu le voulais.

- Merci, c'est une bonne chose de faite. Tu as oublié deux assiettes.

- Ah bon ? s'étonna-t-elle en regardant la longue table de bois verni. Qui d'autre ?

- Orience et Soane.

Le visage de la jeune femme se décomposa.

- Quoi ? explosa-t-elle. Tu as invité cet idiot ? J'y crois pas, ça ! Est-ce que tu le fait exprès pour m'embêter ou quoi ?

Hermione soupira. Le caractère bien trempé de Charlie lui rappelait ses nombreuses crises d'adolescence, et c'est une époque qu'elle était heureuse d'avoir derrière elle, malgré ses occasionnels caprices comme celui-ci.

- C'est un ami de la famille, que tu le veuilles ou non, répondit Hermione d'un ton las. Vos chamailleries ne me regardent pas.

- Tu ne penses vraiment qu'à toi pour te soucier si peu de ce que je ressens ! lança-t-elle en laissant tomber brusquement deux nouvelles assiettes à table.

Heureusement, la sonnette retentit à ce moment-là, et elle n'eut pas besoin de se disputer.

- Tu veux bien aller ouvrir ?

Charlie sortit de la cuisine en grognant.

- Je te préviens que si c'est lui, je referme la porte ! lança-t-elle depuis le hall.

Hermione fut contente d'entendre la voix d'Harry, et se recoiffa rapidement avant de le rejoindre. Elle enlaça son ami et le dirigea vers la cuisine. Un peu plus tard, Neville et Luna arrivaient.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Hermione en essayant de masquer son dégoût devant le « gâteau » qu'avait amené Luna.

Ça ressemblait plutôt à une mousse noirâtre dont les morceaux verts parsemés un peu partout donnait l'impression qu'un Troll avait éternué dedans. Le tout dégageait une odeur acide insupportable.

- C'est une recette de ma grand-mère, répondit-elle fièrement. C'est à base Lyllon et de chocolat.

- Oh, et, heu... qu'est-ce c'est le... Lyllon ?

- C'était ce qu'utilisaient les sorciers il y a bien longtemps pour soigner les maux d'estomac. C'est très bon pour la santé !

- Alors, c'est une sorte de plante ? devina Hermione en lui prenant le plat des mains.

- Oh non, le Lyllon est un moustique d'Asie.

Hermione s'empressa de détourner la tête pour masquer son horreur, avant de donner le plat à Charlie. Cette dernière allait protester, mais Hermione lui fit les gros yeux et la jeune fille se résigna à se taire.

- Alors, madame la ministre ? sourit Harry. Comment le Ministère se porte-t-il face à la jeunesse révolutionnaire ?

- Parlons d'autre chose, si tu veux bien, maugréa-t-elle. Où est Ginny ?

- Elle ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Comment se passe la première année de Jaffrey à Poudlard ?

- Mal ! avoua-t-elle franchement. J'ai reçu une lettre, hier.

- Encore ?

- Oui. L'école n'a commencé que depuis quatre mois, et il en est à sa vingt-quatrième lettre d'avertissement. Je craque.

Harry lâcha un petit rire.

- A quoi servent les Serpentard à part créer des ennuis, hein ?

Tout le monde s'installa à table en riant.

- A rappeler aux idiots de Gryffondor qu'il y aura toujours plus fort qu'eux, s'éleva une voix grave.

Les têtes se tournèrent vers l'homme à la chevelure or qui venait d'arriver dans la cuisine.

- Tu veux que je te prouve le contraire en duel, Malefoy ? répondit Harry avec un petit sourire.

Drago s'approcha d'Hermione qui était assise en bout de table.

- Laisse-moi embrasser ma femme d'abord et je te règle ton compte après, Potter.

Il s'abaissa vers Hermione qui lui adressait un grand sourire, et lui déposa un baiser sur le front.

- Ne me parlez pas de duel ! s'épouvanta Neville. J'en entends assez parlé toute la journée avec mes élèves qui s'amusent à faire affronter mes différentes plantes carnivores entre elles. Il me faut des vacances.

- Moi aussi, soupira Drago en se laissant tomber sur une chaise. Ma classe est de moins en moins attentive à l'approche de Noël. Ils n'ont pas l'air de réaliser que les buses de Défense Contre les Forces du Mal sont difficiles à obtenir.

- En parlant d'élèves perturbés, dit Hermione avec une pointe d'agacement, sais-tu que Jaffrey et son groupe d'amis se sont amusés à lancer des sortilèges de déplumage aux hiboux de l'école ? Et devine lequel d'entre eux a encore mené les autres ?

Drago éclata de rire.

- Ce n'est pas drôle, répliqua-t-elle en faisant passer les plats. La volière est temporairement inutilisable. Les pauvres volatiles ressemblent à des poulets roses, maintenant. Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?

- Tu te fais trop de soucis pour rien, Hermione, répondit Drago. Il découvre la magie et s'amuse, voilà tout.

- C'est facile à dire, pour toi ! dit alors Neville. Ce n'est pas dans ton cours qu'il fait des nœuds aux tiges de mes plantes ! Il ne bouge pas d'un centimètre, lorsqu'il est dans ta classe !

Drago ne répondit pas, et un silence de gêne s'installa. Personne n'ignorait la relation difficile entre les deux garçons. Jaffrey n'avait jamais accepté Drago dans sa vie, et si son étonnant silence dans la classe de son beau-père était considéré comme de la chance par les autres professeurs, Drago, lui, savait parfaitement que ce n'était qu'une question de temps. Il sentait son regard noir le transpercer depuis l'autre bout de la classe, il voyait son petit sourire qui le défiait clairement de le punir malgré son manque évident de travail dans cette matière. Oui, Drago savait parfaitement que le jeune Serpentard n'osait pas encore le défier directement, mais, lorsqu'il grandirait et gagnerait en confiance, les choses ne se dérouleraient plus aussi calmement. Et, ce jour-là, Drago serait prêt à affronter Jaffrey, autant de fois qu'il le faudrait pour maintenir son autorité. Jusqu'au jour où, peut-être, ce sorcier au visage d'ange l'emporterait, obligeant Drago à se retirer du jeu, et reconnaître sa défaite.

Il fut parcourut d'un frisson imperceptible. Il n'aimait pas penser à ça. Tant que l'enfant restait loin de la magie noire, il n'y avait pas de soucis à se faire. Heureusement, Hermione voulut détendre l'atmosphère et changea de sujet.

- Je suis allée voir Ron, tout à l'heure.

- Moi aussi, hier, sourit Luna. Car je ne pourrais plus le faire avant un bout de temps avec tous les préparatifs du mariage.

- Où est ton mari, d'ailleurs ? demanda Neville.

- Réunion de travail. Il s'excuse de ne pas venir, Hermione.

Cette dernière allait répondre que ce n'était rien, mais la sonnette retentit plusieurs fois d'affilée.

- Ça, c'est Soane qui s'amuse avec le bouton, soupira-t-elle en se levant.

- Tu vois que c'est un abruti ! ne put s'empêcher de lancer Charlie.

- Toi, sois polie ! prévint-elle avant de partir ouvrir.

Elle fut ravie de revoir les vampires qui ne s'étaient pas montrés depuis un bout de temps. Cachés sous leur robe noire, tous deux dégageaient toujours autant de beauté et de jeunesse. Ils saluèrent tout le monde et prirent place à table, tandis qu'Hermione s'assurait que la cuisine fut assez sombre.

- Qui a éternué dans la mousse au chocolat ? s'esclaffa alors Soane.

- Tiens, on a encore sonné ! s'empressa de dire Hermione pour rattraper la maladresse de Soane.

En effet, Ginny et sa fille arrivèrent à leur tour.

- Bon anniversaire, ma Leïla ! dit joyeusement Hermione en soulevant l'enfant dans ses bras, avant de lui déposer un bisou sur la joue. T'es grande maintenant, hein ?

La petite rousse hocha timidement la tête, puis montra deux doigts à Hermione avant de courir se réfugier dans les bras de son père.

- Je sors, ce soir, annonça alors Charlie.

- Où et avec qui ? demanda aussitôt Drago.

Hermione ne put s'empêcher de sourire. Si Jaffrey et Drago ne s'étaient jamais appréciés, avec Charlie, en revanche, s'était développé une relation plutôt proche et très étonnante lorsqu'on songeait au caractère solitaire de ces deux-là.

- Il y a une soirée chez Amy. J'y vais avec Samuel.

Un rire mauvais s'éleva depuis l'autre bout de la table.

- Tu as quelque chose à dire ? lança-t-elle alors à Soane.

- Pas du tout, dit-il innocemment. Après tout, c'est ton choix de te montrer avec un crétin comme cet humain.

Le teint de la jeune femme vira au rouge.

- Comme tu le dis, c'est mon choix, dit-elle en parvenant à se contrôler. Et c'est loin d'être un crétin, figure-toi. Il est l'un des premiers élèves de sa faculté !

- Oh, impressionnant ! dit-il d'un ton sarcastique. A vous deux, vous ferez un joli petit couple de génies, pas vrai ?

- Non mais c'est quoi ton problème ? explosa Charlie en se levant d'un bond de sa chaise.

- Charlie ! intervint Hermione. Pas aujourd'hui !

- Ce n'est pas ma faute s'il me cherche comme ça ! se défendit-elle.

- Je ne fais que t'ouvrir les yeux sur tes goûts détestables ! s'énerva à son tour le vampire.

- Pour une fois on est d'accord ! rugit Charlie. Parce que ça me rappelle que j'ai été assez stupide pour t'emmener à l'une de mes soirées !

- Mais je n'avais rien fait !

- Justement ! hurla-t-elle.

Soane se tut, comme tout le monde, d'ailleurs. La jeune femme respirait bruyamment, consciente de s'être laissée emporter.

- Lui, au moins, il m'invite à danser au lieu de regarder les autres couples sur la piste, reprit-elle d'une voix plus calme, mais d'où perçait les sanglots.

- Tu m'as dit toi-même que tu n'aimais pas danser et que les filles ressemblaient tous à des vaches en tutu !

- Eh bah peut-être que j'ai menti, tu vois, souffla-t-elle en lui lançant un regard noir. Peut-être que, ce soir-là, j'avais envie d'être une vache en tutu, moi aussi. Peut-être que, ce soir-là, j'avais enfin le cavalier avec qui je voyais les choses différemment...

Et elle sortit de la cuisine sans un regard en arrière pour les invités. Même à vingt et un an, songea Hermione, Charlie avait encore un peu à apprendre sur l'éducation ; notamment qu'on ne pouvait agir en présence d'invités comme on le faisait en famille.

- Excusez-moi, dit alors Drago poliment avant de sortir de table pour la rejoindre.

Tous les regards évitèrent de se poser sur Soane pour ne pas le gêner, et Ginny entama une conversation sur la nouvelle saison de Quidditch qui commençait. Le vampire resta silencieux jusqu'à la fin du repas, puis fut le premier à quitter le manoir avec sa sœur.

- Pardonne mon frère, lui avait dit cette dernière avant de transplaner. Il ne grandit pas dans sa tête, et peut se montrer vraiment enfantin, parfois.

- Tout comme Charlie, avait-elle soupiré. Il y a des fois, elle me rappelle l'adolescente de quinze ans dont j'ai dû supporter les sauts d'humeur !

Puis, elles s'étaient enlacées, Orience ayant fini par s'habituer aux étreintes humaines qu'elle avait tout d'abord trouvées gênantes. Neville et Luna furent les suivant à partir, une heure plus tard, après que les bougies aient été soufflées. Suite à une longue discussion avec Drago dont rien, comme d'habitude, n'en parviendrait à l'oreille d'Hermione, Charlie était finalement allée se coucher, refusant de se montrer à la soirée avec des yeux rouges et gonflés par les pleurs.

- Tu lui as dit ? demanda alors Ginny qui était restée dans la cuisine avec Hermione pour débarrasser, tandis qu'Harry était parti ramener sa fille qui s'était endormie dans ses bras.

- Quoi donc ? demanda innocemment Hermione.

- Tu sais très bien de quoi je parle, répondit-elle avec ce ton raisonnable qu'Hermione n'aimait pas.

- Non, pas encore, soupira-t-elle. Il n'est pas prêt à l'entendre.

Ginny ricana.

- Les hommes ne sont jamais prêt à entendre ce genre de chose. D'ailleurs, même quand ils le savent, ils n'arrivent pas à s'y préparer. Harry s'est montré rassurant, quand je lui ai annoncé, mais il a fait des cauchemars les trois nuits qui ont suivi !

- Drago n'est pas Harry, dit sombrement Hermione.

- Merlin merci ! plaisanta-t-elle.

Les deux amis éclatèrent de rire.

- N'attends pas trop, ou il pourrait t'en vouloir de lui avoir caché, reprit Ginny plus sérieusement. De toute façon, il finira par s'en apercevoir.

- Tu trouves que j'ai grossi ? paniqua Hermione en se regardant de profil dans le reflet de la fenêtre.

- Une vraie baleine, grimaça son amie.

Hermione lui envoya le torchon à la figure.

- Pourquoi t'obstines-tu à utiliser les moyens moldus ? demanda alors Ginny en regardant la vaisselle qu'il restait à essuyer. C'est si long !

- Je te l'ai dit, je ne veux pas que Charlie se sente mal à l'aise. Aussi longtemps qu'elle vivra sous ce toit, nous agirons comme le font les moldus. D'où cette insupportable sonnette, d'ailleurs.

La jeune rousse ne répondit pas, mais il était clair qu'elle pensait Charlie assez mâture pour supporter sa différence, ce qui n'était pas du tout l'avis d'Hermione qui la connaissait assez bien pour savoir qu'elle renfermait beaucoup plus que ce qu'elle ne laissait paraître.

Sur le pas de la porte, Ginny embrassa Hermione et souhaita une bonne soirée à Drago. Malgré toutes ces années, Harry et Ginny restaient d'une politesse courtoise envers le Serpentard, mais guère plus. Et, de ce qu'elle en jugeait, ce comportement convenait parfaitement à Drago.

- Quand est-ce que vous allez enfin vous appeler par vos prénoms ? avait-elle dit un jour, lors d'un autre diner.

Harry, Ginny, et Drago s'étaient échangé des regards surpris, avant de pouffer de rire sur ce qu'ils croyaient être une blague. Elle n'avait plus jamais insisté.

Hermione se glissa dans les draps où Drago se trouvait déjà.

- Comment va Charlie ? interrogea-t-elle en posant sa tête contre son torse.

- Elle s'en remettra, assura-t-il. Soane est vraiment un idiot.

Il avait dit ça sur un ton d'humour, mais le fond de sa voix laisser transparaitre qu'il le pensait.

- Pourquoi ? sourit-elle. Parce qu'il ne voit pas qu'il plait à Charlie ?

- Parce qu'il ne se rend même pas compte qu'elle lui plait aussi !

Hermione ne put s'empêcher d'éclater de rire.

- Dans le genre idiot qui met du temps à réaliser qu'une fille est follement amoureuse de lui, tu n'es pas mal non plus !

Il roula vers elle et l'enlaça tout entière, avant de parsemer son cou de petits baisers.

- Si la fille en question avait passé plus de temps dans ma chambre que dans ses fichus bouquins, peut-être que j'aurais pigé plus vite.

- Ta chambre était toujours occupée, je te rappelle, dit-elle, sarcastique.

- Tu ne me le pardonneras jamais, hein ?

- Quoi donc ?

- D'être le plus bel homme de Poudlard ?

- Tu ne l'es plus, mon cher.

- J'enseigne là-bas, non ? Je reste donc le plus beau de Poudlard. D'ailleurs, mes élèves filles sont bien meilleures que les garçons.

- J'espère qu'elles savent que leur professeur est a non seulement une âme sœur, mais y est en plus marié !

Il rigolèrent et éteignirent la lumière. Les yeux fixés au plafond, Hermione sentait son cœur battre d'anxiété.

- Drago ? appela-t-elle.

- Hum ? répondit-il, déjà à moitié endormi.

- Tu les aimes tes élèves, n'est-ce pas ?

- Non.

- Oh, arrête. Je sais très bien que tu tiens à eux.

- Où tu veux en venir, Hermione ?

Cette dernière ne répondit pas tout de suite.

- Je me demandais simplement si... hésita-t-elle enfin, si ton travail avait changé ton opinion sur les enfants ? Je veux dire, est-ce que tu les détestes toujours autant ?

Elle le sentit hausser les épaules.

- Je suppose que non, répondit-il après un moment. Mais si t'es en train de penser à avoir un môme, je t'arrête tout de suite ! Entre les deux têtes de mule qu'on a déjà à la maison et mes élèves toute la journée, je n'ai pas besoin d'un autre monstre !

Et il se mit à rire. Hermione l'imita, mais son rire sonnait faux. Elle se retourna vers son côté du lit, et fixa la table de nuit. Drago vint se loger contre elle, et elle sentit son souffle régulier lui effleurer l'épaule. Discrètement, la jeune femme posa une main sur son ventre et en caressa la courbe légèrement gonflée.

Encore un nouveau problème qu'elle allait devoir surmonter, et rapidement. Les soucis la quitteraient-elle seulement un jour ?

Mais bon, elle était heureuse. La plus heureuse des femmes, même.

Et puis, franchement, Hermione Granger avait affronté pire dans la vie, non ?

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