Ma bouche menace de toucher le sol, à l'instant même où cette information parvient à mon cerveau.

- Pas de panique. Ils m'ont assuré être en mesure de nous l'apporter demain, avec une livraison gratuite.

- Mais sur quoi est ce que je suis censée dormir ce soir, moi ?

Ma voix déjà aiguë au naturel gagne encore en décibel. Il est clair que je n'apprécie pas tout ça. Je suis à la limite de l'explosion.

- Tu peux toujours te coucher dans ma chambre aujourd'hui. Je prendrai le canapé. Ce n'est pas un soucis.

Épuisée par le poids de cette journée, je décide de ne pas m'engager sur un énième front à cette heure tardive. Un soupir d'exaspération m'échappe tout de même, tandis que je m'assois sur notre beau sofa gris. Sa texture douillette suffit à m'apaiser.

- D'accord. Mais j'espère que tu les as engueulés au téléphone. Ce n'est pas sérieux ce qu'ils ont fait. Ils ne peuvent pas fixer une date, puis appeler le jour j pour tout repousser.

Joshua hoche la tête. Même si je sais pertinemment qu'il s'est montré compréhensif et courtois. Donner des scènes n'est pas une de ses activités favorites.

- Alors, on se fait une soirée film dans ma chambre ?

Il hausse plusieurs fois les sourcils, montrant l'insistance de sa proposition. Il n'y a donc pas matière à discuter.

- Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire d'autre. Par contre, il faudrait que l'on mange quelque chose avant. Toutes ces montagnes russes émotionnelles m'ont exténuée.

- Je te laisse commander. Je vais prendre une douche. J'ose croire que tu sais ce qui me plaira.

Joshua me fait un clin d'œil. Il affiche une moue espiègle qui met en garde quant aux représailles possibles, si je me trompe. Je me surprends à fixer cette nouvelle carrure qu'il possède et que je découvre à peine. Ses épaules carrés et ses muscles saillants me changent totalement du Joshua frêle d'autrefois. Il a l'air d'avoir pris une centaine de centimètres et surtout, de s'être dopé à je-ne-sais-quoi pour ressembler à un top model. Curieuse de savoir si son physique imposant est l'unique changement qui s'est opéré au cours de ces cinq dernières années, j'attrape le téléphone de maison et commande sa pizza préférée.

Lorsque je pose le fixe sur le comptoir de la cuisine, je remarque qu'il y a quelques cartons de vaisselles qui traînent par terre. Ma mère doit ne pas les avoir vus, si non ils seraient déjà disposés dans les placards. Une petite moue nostalgique apparaît sur mon visage, tandis que je ramasse les deux boîtes. Sortis de leur emballage, je range les couverts dans le tiroir prévu à cet effet. Il est préférable que je m'occupe l'esprit afin d'éviter de penser au départ de mes parents. Une fois que le second carton est ouvert, je soulève la porcelaine pour la laisser à son tour à sa place.

Mais malgré ma silhouette élancée, il me manque tout de même de petits centimètres pour pouvoir déposer les plats en toute sécurité sur l'étagère. Un soupir m'échappe, alors que j'entreprends déjà de me tourner afin d'aller chercher une chaise. De manière inattendue, je me retrouve bloquer dans mon geste par un corps chaud et ferme. Surprise, je relève la tête pour croiser le regard de Joshua. Un sourire suffisant et moqueur se dessine sur ses lèvres, tandis qu'il range les assiettes à leur place sans le moindre effort. Je suis coincée entre le plan de travail et lui, forcée à supporter son expression espiègle.

Je me sens intimidée par notre subite proximité. L'espace entre nous est si minime que son souffle vient bouger mes cheveux, pour finir par chatouiller ma nuque.

- Qu'est-ce que tu as commandé ?

Sa tâche à présent terminée, il tourne son visage vers moi et m'observe à travers ses longs cils épais. Je me racle la gorge, avant de lui répondre.

- Pizza hawaïenne. Je ne sais pas comment tu fais pour manger ce truc.

- Tu ne peux pas comprendre.

Il pose une bise sur ma joue, avant de s'éloigner de moi. D'une démarche nonchalante, il se dirige vers le salon et s'assoit avec souplesse sur le canapé. Je l'imite et prends place près de lui.

- Tu choisis le film de ce soir, Lol ?

- Avec plaisir. Seulement, je pense bien m'endormir avant la fin.

- Ne me dis pas que tu n'arrives toujours pas à suivre un film jusqu'à la fin.

Le ventre de Joshua est secoué par le rire qu'il tente d'étouffer. Je roule des yeux et me lève, en lui tirant la langue.

- Je n'aurai pas cette discussion avec toi.

Ma mine boudeuse ne fait qu'à accentuer son rire.

- Ok. Mais je te préviens, on ne suivra pas de Disney ce soir.

Je fais mine de ne pas l'écouter et vais en direction du couloir. Je récupère quelques affaires dans ma commode, puis décide de me doucher dans la salle de bain de Josh. La pièce est remplie par une odeur forte de gel de douche masculin, quand j'y entre. Il y a encore un peu de buée sur le miroir et de l'humidité sur les meubles et les murs. Ce qui prouve qu'il n'a pas allumé le vacuum afin d'aspirer la vapeur dans la pièce. J'enclenche le système de vide d'air et dispose mes affaires, avant de pénétrer dans la baignoire.

Lorsque je referme la porte derrière moi, Joshua est déjà installé sur son lit king blanc, son ordinateur portable posé devant lui. Il a enlevé son t-shirt noir et ne porte plus que le bas de son jogging. Il ne prête pas tout de suite attention à moi, tapant frénétiquement sur le clavier de son pc. Enfin c'est ce que je crois, jusqu'à ce qu'il s'adresse à moi.

- J'ai enlevé mon chandail parce qu'il fait assez chaud. J'espère que ça ne te dérange p...

Son dernier mot reste en suspens, quand il tourne sa tête en ma direction. Surpris, sa bouche reste entrouverte. Ses yeux glissent le long de mon corps et finissent par remonter avec un air troublé. Il déglutit faiblement.

- Il fait chaud.

Je hausse les épaules avec désinvolture, utilisant la même excuse que lui. Je ne porte qu'une brassière et un shorty noirs. Son trouble peut être justifié. Mais je ne dors pas autrement. Il devra donc s'y habituer.

- Je ne savais pas que tu avais des tatouages et un piercing au nombril maintenant.

Un petit rictus gêné naît sur mon visage. Je fais le tour du lit et m'allonge sur le dos à ses côtés. Il continue de me fixer, contemplatif. Ses pupilles détaillent la fleur sur ma hanche. La pulpe de ses doigts se posent dessus et il suit les lignes d'encre sur ma peau. Ma hanche fourmille sous son touché. Un agréable frisson se propage le long de mon échine.

- Je ne suis pas la seule à en avoir en tout cas.

Du bout des doigts, je touche le tatouage tribal qui longe son avant-bras et se termine sur son épaule. Ses lèvres s'incurvent en douceur. Ses iris se lient aux miennes. Une lueur étrange danse à l'intérieur de ses deux billes ambrées. Je n'arrive pas à l'interpréter. Ou du moins je n'ai pas envie de savoir ce qu'elle signifie. Au bout de quelques minutes, il sort sa langue de sa bouche. Une boule d'acier apparaît au milieu. Il joue avec entre ses dents. Mes yeux sont happés par les mouvements de sa langue qui m'attire. Je détourne le regard pour faire taire l'envie soudaine de toucher et sentir ce bijou qui germe en moi.

- Bon! Bon! Bon! As-tu déjà suivi Moana ?

J'amène la conversation sur un autre sujet majeur de la soirée.

- Pardon ?

- Bah Moana. C'est ce qu'on va suivre.

Mon meilleur soupire, pas le moins du monde étonné par mon choix.

- Tu as 18 ans, Lol. On ne va pas suivre un film animé.

Il éloigne l'ordinateur pour m'empêcher de lancer le dessin.

- Mais il est intéressant. Et puis, il n'y a pas d'âge pour regarder un bon Disney.

Il me coule un regard blasé qui veut clairement dire que je raconte un ramassis de bêtises. Pourtant, il finit tout de même par céder et remet l'appareil devant nous. Je me tourne sur le ventre, alors qu'il appuie sur play, une part de pizza dans la main. Malgré les petites plaintes qu'il émettait au départ, Joshua suit le film avec concentration. Et comme d'habitude, je m'endors avant la fin du dessin-animé.

Des secousses sur le matelas me poussent à ouvrir les yeux. Je découvre un Joshua qui essaie de quitter le lit en douce. Quand il remarque qu'il m'a réveillée, il se redresse totalement et éteint son pc. Il le dépose sur son bureau et commence à s'en aller.

- Où est ce que tu vas ?

Ma voix est enrouée et grave. Je me redresse sur mes coudes pour l'observer, en dépit de la fatigue qui habite mes membres.

- Je vais dormir sur le canapé.

Sa main sur la poignée, il s'apprête à ouvrir la porte. Mais je le retiens.

- Non! Dors avec moi. Je ne veux pas être seule. Le lit sera trop vide.

Ses sourcils se froncent d'incompréhension face à ma demande. Toutefois, il ne rechigne pas et me rejoint. Au pied du lit, il se penche pour ramasser son chandail sur le sol qu'il me lance. Puis il retire son jogging et laisse apparaître un boxer noir et des jambes musclées. Ma poitrine se gonfle d'air devant la beauté qui se dresse devant moi. Il ne reste debout que durant une courte durée. Pourtant, mon cerveau capture plusieurs clichés de son corps musculeux. De la manière dont ses cheveux blonds retombent sous ses yeux, au tracé parfait de sa ceinture d'Adonis et de ses abdominaux. Rien ne m'échappe.

- Je ne dors pas avec toi, si tu ne revêts pas ce haut.

Je l'enfile à contrecœur, consciente qu'il me donnera chaud au cours de la nuit. Joshua se couche au bout du matelas. Il laisse un grand vide entre nous. Mais je me rapproche sans hésiter, puis enroule mes pieds et bras autour de lui, comme s'il était le nounours qui m'apportera du réconfort au cours de cette première nuit loin de mes parents. Il se crispe un moment, avant de se détendre et de passer son bras sur ma taille. C'est au creux de son cou que je trouve un profond sommeil.

////.////

Je ne suis pas une adepte des réveils matinaux. Mais le bruit incessant de l'alarme de Josh me sort de mon sommeil réparateur. Lorsque j'ouvre les yeux, il me faut plusieurs secondes pour reconnaître le décor autour de moi. Mon cœur se serre, quand je m'aperçois que tout ce déménagement n'était pas un rêve et que je n'entendrai pas la voix douce de ma mère ce matin. Je m'étire doucement.

Mais Joshua me tire à nouveau contre lui. Nos pieds sont entremêlés et nos mains enlacées reposent sur ma poitrine. Dès que j'essaie de m'éloigner de lui, un de ses bras me ramène à ma position de départ. Il m'emprisonne totalement. Ce qui ne me déplaît pas tant que ça. L'unique solution qui se présente à moi est de me rendormir jusqu'à ce qu'il soit éveillé à son tour.