Chapitre 32
Lunaala n'avait jamais pensé que cela arriverait. Quand quelqu'un exposait la possibilité d'une guerre sur l'archipel d'Alola, elle avait toujours considéré qu'il s'agirait d'une invasion d'ultra-chimères. Les créatures devenaient de plus en plus nombreuses ces dernières semaines. Solgaleo pensait comme elle : une attaque massive ne tarderait pas à les frapper. Ils ne savaient pas où ni quand, mais ils savaient que cela arriverait à Alola. Les autres régions du monde semblaient épargnées par ce phénomène. Était-ce à cause de la légende de Necrozma ? Personne n'avait la réponse.
Toutefois, elle n'avait pas prévu une guerre entre les dieux.
Après le meurtre de la mairesse d'Ohana par Zeraora, dans un accès de folie d'après les témoins, les tensions avaient été grandissantes. La déesse de la lune aurait aimé avoir plus de temps pour apaiser les tensions mais sa chasse aux ultra-chimères lui prenait tout son temps. Il en allait de même pour Solgaleo. Les divinités principales de la région avaient donc laissé le soin aux Tokos de gérer ses affaires. Les quatre légendaires en étaient parfaitement capables, surtout Tokorico qui possédait un sens aiguisé de la justice. Lunaala n'y avait vu qu'une merveilleuse idée.
Hélas, il y avait des tensions entre eux dont elle n'avait pas su mesurer l'importance.
Tokorico et Tokotoro étaient en lutte depuis bien longtemps maintenant. L'un croyait en Rayquaza et l'autre en Giratina, cela suffisait amplement pour mettre le feu aux poudres. De plus, le dieu de la médecine jalousait ouvertement le dieu du combat pour son statut de leader bien en place et aussi pour le domaine sur lequel il veillait. Tokotoro avait toujours voulu échanger sa place avec Tokorico mais le destin était ainsi. Tokopisco et Tokopiyon n'avaient pas pu endiguer cette violence et une guerre s'était déclarée entre ceux qui soutenaient Giratina et ceux qui étaient pour Rayquaza.
« Les humains sont stupides... mais les légendaires le sont tout autant. »
La guerre ne concernait en soit que deux divinités, mais elles en entrainèrent d'autres dans leur sillage et de nombreux humains suivirent. Ils voulaient simplement se battre et peut-être que leur vie anxieuse ne leur convenait pas. L'archipel avait été épargnée par la guerre, mais les nouvelles faisaient vivre tout le monde dans la peur. Les attaques aléatoires des chimères n'aidaient pas non plus, si bien que son conflit avait été l'étincelle qui avait mis le feu à la mèche. Il n'en fallait pas plus pour soulever toute la région, même ceux qui n'avaient jamais eu envie de se battre. Surtout ceux-là peut-être, parce qu'ils se sentaient obligés de défendre leur maison.
Lunaala arriva sur les lieux du drame peu après sa fin et elle fut attristée parce qu'elle y découvrit. Des corps gisaient partout dans une vaste zone, recouverts de sang et de débris. Les affrontements avaient été d'une rare violence. Au milieu de ce carnage déjà bien assez horrible, une macabre surprise l'attendait. Dans un coin, elle retrouva sa chère Magearna sous sa forme divine. La déesse de la mécanique était étendue sur le sol, inerte. Le joyau qui lui servait habituellement de cœur avait disparu, la condamnant au sommeil éternel. La déesse de la lune s'effondra à ses côtés, réalisant avec difficulté qu'elle venait de perdre son amante, celle pour qui elle ressentait de l'amour depuis l'ère céleste. Pourquoi était-il aussi facile de tuer sans raison ?
« Ma douce Mage... Tu n'avais rien fait ! Pourquoi es-tu venue ici ? »
Lunaala ne saurait sans doute jamais pourquoi sa compagne était venue ici. Le plus probable était qu'elle avait voulu mettre un terme à ce massacre inutile. Sa chère Magearna avait toujours voulu jouer les médiatrices, mais cette fois, c'était malheureusement celle de trop. Malgré le chagrin profond qu'elle ressentait, la déesse de la lune reprit le contrôle d'elle-même, ce qu'elle savait très bien faire. Elle prit le temps de mettre le corps de sa chère légendaire à l'abri, le temps qu'elle vienne le rechercher plus tard afin de lui donner une sépulture décente. C'était le minimum.
« Adieu ma déesse, ma confidente, mon aimée, ce qui m'était arrivé de mieux. »
Ensuite, retrouvant l'usage de ses émotions, elle continua d'avancer au milieu du champ de bataille. L'horreur la répugnait mais elle gardait son calme, utilisant l'élément de la lune pour rester sereine. Elle avait juste envie de s'effondrer en hurlant et de pleurer, encore et encore, jusqu'à assécher ses yeux. Cela ne lui ressemblait pas, mais elle n'avait jamais pensé qu'Alola pourrait tomber si bas. Visiblement, elle avait sous-estimé les conséquences de tensions. Dans ce moment, elle aurait aimé que Solgaleo la soutienne, mais le pauvre combattait des ultra-chimères dans le nord de l'archipel. Ils ne pouvaient pas se rendre sur place tous les deux, même si avec le recul, la situation l'aurait exigé. Lunaala avait déjà trop de choses à raconter à son confrère solaire.
Au milieu des ruines, elle retrouva Tokorico sous sa forme humaine, en train de pleurer en silence. Il ne bougeait pas et immobile, il semblait capable de tomber en miettes si on l'effleurait. Son corps était recouvert de blessures et il semblait difficile de croire qu'il était encore vivant. Seule sa lente respiration soulevant sa poitrine permettait encore de le voir. Dans ses bras, il tenait un corps qui était dans un état indéfinissable. Il le serrait contre lui avec force et Lunaala devina que lui aussi venait de perdre un être cher. Malgré la compassion qui l'envahie aussitôt, la déesse ne pouvait pas ménager son confrère. Il allait devoir lui raconter toute l'histoire.
« - Tokorico... Est-ce que tu m'entends ?
- Lunaala... Nous sommes vraiment les pires des idiots, n'est-ce pas ?
- La guerre... Je n'aurais jamais pensé que nous pourrions en arriver là.
- Moi non plus. Mais visiblement, j'ai sous-estimé certaines choses, murmura le dieu du combat. Peut-être que si je l'avais écouté davantage, elle... elle serait encore en vie.
- Ce que je vais te demander est difficile mais... Raconte-moi ce qui s'est passé. »
Un silence pesant s'installa sur le champ de bataille alors que ses paroles flottaient dans l'air. Ce qu'elle lui demandait était presque de la torture, elle en avait bien conscience, mais elle devait savoir. Elle voulait comprendre pourquoi son amante avait péri. Le visage de Magearna hantait sa mémoire plus que jamais et elle s'efforçait de se concentrer sur l'instant présent.
Tokorico se redressa un peu, l'air perdu, mais il retrouva sa lucidité. Lunaala le vit car une petite lueur parut s'allumer dans ses yeux. Elle n'arrivait pas à déterminer s'il s'agissait d'un dernier sursaut de force ou de colère. L'important, c'était qu'il puisse tout lui raconter. La voix du dieu du combat était très faible et il avait la respiration lourd, mais il prit sur lui pour conter toute l'histoire. Il comprenait pourquoi la déesse de la lune en avait besoin, même si c'était difficile.
« Au départ, ce devait être un affrontement entre Tokotoro et moi. »
Le dieu de la médecine avait tant et si bien menacé son confrère que celui-ci avait décidé qu'il était temps de tirer cette histoire au clair. Ils s'étaient donc donnés rendez-vous dans cette zone d'Alola plutôt déserte. Tokorico avait prévu de venir seul, mais Rey lui avait demandé si elle pouvait l'accompagner avec une petite escouade afin d'assurer sa sécurité. Il avait rechigné mais il avait fini par accepter. Il ignorait toujours si c'était une bonne ou une très mauvaise idée.
Sur les dieux, Tokotoro l'attendait, accompagné par le maire de sa ville, Yassim, mais aussi par tout un groupe armé en provenance du village Toko. C'était à ce moment que le dieu du combat avait compris que c'était un piège. Pire : d'autres humains d'autres villes se trouvaient avec le dieu de la médecine, prêts à affronter les misérables qui leur faisaient face. Parmi eux, il reconnut Geralt, le maire de Konikoni, un homme d'une grande puissance. Sa déesse, Tokopiyon, ne se trouvait pas à ses côtés et cela apportait un peu de réconfort à Tokorico, de savoir qu'il n'était pas seul contre les trois autres. Pourtant, son moral restait au plus bas et il voulut tenter de parlementer avec son opposant.
« - Tokotoro, il doit y avoir une autre solution !
- Nous utilisons simplement ton langage, dieu du combat.
- Tu veux vraiment défendre Giratina ? Après tout le mal qu'il est en train de faire ?
- Ose me dire qu'il a été enfermé pour des raisons justifiées.
- Je ne dis pas cela. Mais regarde dernièrement ! Tu as reçu des nouvelles des autres régions.
- Rayquaza n'a rien fait pour les défendre que je sache, il n'est pas mieux. »
Il était impossible de lui faire entendre le raison et l'affrontement semblait inévitable. Tokorico n'aimait pas se battre, malgré son statut divin. Toutefois, si la situation l'exigeait, il devenait une véritable machine et c'était sans doute ce qui l'attendait. Se battre contre un de ses confrères et protéger les gens de sa ville contre une telle armée, ce serait certainement bien difficile en revanche. A cet instant, il sentait une grande pression sur ses épaules et la peur s'emparait de lui.
Ce qu'il ignorait, et qu'il ne put donc pas raconter en détails à Lunaala, c'était que Tokopiyon avait eu vent des agissements de son maire. Elle savait qu'il devait se rendre à un endroit précis et elle alla aussitôt en aviser Tokopisco. Tourmentée par les récents événements avec Zeraora, la déesse décida d'en informer son maire. Minel proposa de lever une petite armée pour aller voir de quoi il en retournait. Les deux divinités le suivirent. Sur leur route, ils croisèrent Magearna qui se proposa de les accompagner. Le destin l'avait placé là, pour son malheur à elle.
Lorsqu'ils arrivèrent sur place, le combat avait déjà débuté et c'était un véritable carnage. Les déesses essayèrent d'intervenir auprès des dieux mais leur affrontement était trop intense. Hélas, Yassim disposait de l'arme maudite, alimentée par l'énergie du Grand Radieux et il l'utilisa sur Magearna. Celle-ci fut frappée en plein de son mécanisme et ne put rien faire pour se défendre. En quelques instants, la déesse de la mécanique n'était plus. Lunaala versa une larme.
« - Je suis désolé de n'avoir rien pu faire pour l'aider.
- Ce n'est rien... Continue s'il te plait. »
Tokorico ne se souvenait pas très bien de tout ce qui s'était passé ensuite, tant il était concentré sur son combat avec Tokotoro. Il voyait vaguement les événements sur les côtés, les horreurs de cette guerre subite et qui n'avait aucun sens. Le maire du village flottant, Minel, perdit la vie alors qu'il était simplement venu pour aider. Une autre victime malheureuse, tout comme Magearna. Yassim, le maire du village Toko, faisait des ravages avec son arme. Soudain, sans que personne ne comprenne pourquoi, Geralt se retourna contre lui alors qu'ils étaient dans le même camp et l'assassinat froidement. Dépitiée, Tokopiyon s'enfuit en voyant la violence de son maire. Ceux qui étaient venus pour aider souffraient presque plus que les principaux intéressés.
« Puis... Puis, il l'a tué. Tokotoro a profité d'un moment de distraction de ma part et... »
Alors, Lunaala comprit ce qu'il tenait dans ses bras depuis le début. Il s'agissait de sa mairesse, la belle Rey. Il n'était pas compliqué de comprendre que Tokorico éprouvait des sentiments forts pour la jeune femme, même sir Arceus l'interdisait. Est-ce que c'était le plan du dieu de la médecin depuis le début ou bien avait-il simplement voulu venger la mort de son propre maire ? Impossible de savoir sans lui demander, mais il n'était pas là. Où était-il ? Mort aussi dans un coin ? Et Tokopisco ? Beaucoup de questions demeuraient pour la déesse de la lune.
« - Je suis vraiment navrée. Elle ne méritait pas de subir un tel sort.
- Oh non... Elle aurait dû continuer à vivre... Pourquoi Arceus nous interdit-il quelque chose d'aussi beau ? Quel mal faisons-nous ?
- Je l'ignore, Tokorico... Mais peux-tu me dire ce qu'est- devenu Tokotoro ?
- J'étais effondré et... Tokopisco a stoppé Tokotoro. Elle lui a dit qu'il y avait eu assez de malheur pour aujourd'hui. Alors il est reparti... presque seul.
- Son armée... Elle était décimée à ce point ?
- Il y a très peu d'humains qui ont survécu. Géralt est un des seuls, il est parti chercher Tokopiyon, mais je ne crois pas qu'elle avait envie de le revoir.
- Misère... Nous sommes loin de Giratina, mais il nous affecte quand même.
- Je ne sais pas si c'est lui le véritable coupable... ou si ce sont juste des tensions qui existaient entre nous tous depuis trop longtemps.
- Peut-être que nous aurions dû en parler plus avec Solgaleo... Je suis désolée.
- Tu défends la région des ultra-chimères. C'était à nous les tokos de régler ça.
- Mais quand-même... Je partage ta peine.
- Merci, Lunaala. Est-ce que tu veux bien me laisser seul ? »
Elle comprit et s'inclina avant de partir. De son côté, il serra à nouveau le cadavre de Rey dans ses bras et pleura de plus bel. Ses sanglots parvinrent aux oreilles de Lunaala qui ne put empêcher les larmes de dévaler ses joues. Elle ne réalisait pas tout ce qui venait de se passer, cela paraissait trop cruel pour être réel. Pourtant, la déesse savait bien que jamais elle ne se réveillerait de cet atroce cauchemar. Elle continua sa marche le cœur lourd : elle devait construire une belle sépulture pour la personne qu'elle avait aimé plus que n'importe qui dans sa vie.
Alola aussi avait connu son lot de chagrins et l'instabilité de la situation entraînerait encore des répercussions, surtout qu'une invasion d'ultra-chimères se préparait dans l'ombre. Des heures sombres attendaient les divinités locales, principalement celle du soleil.
Keldeo serrait les dents tandis qu'un violent mouvement d'ailes de Zekrom l'envoyait mordre la poussière. Il avait toujours su que les deux dieux étaient très puissants, mais il n'avait jamais imaginé que ce serait à ce point. Zekrom pouvait tout pulvériser d'un éclair et sa force n'était plus à prouver. Reshiram utilisait ses torrents de flammes pour ravager une zone et sa vivacité lui donnait un grand avantage. Quand on voyait l'idéal et la réalité ensemble, on pouvait dire qu'ils se complétaient admirablement bien. C'était un élément que le dieu de l'espoir aurait certainement admiré s'ils n'avaient pas été ses ennemis. La puissance en eux semblait inarrêtable.
Cobaltium souffrait aussi du combat, même s'il essayait de le cacher. Ses esquives lui sauvèrent la mise à de nombreuses reprises et ses cornes devenues des lames tenaient encore en respect les deux légendaires. Lui venait de l'ère céleste et il voulait leur prouver que cette ancienneté n'était pas vide de sens. Kyurem restait auprès des humains, sans prendre sa forme légendaire. Keldeo regrettait qu'elle ne puisse pas venir à leur secours, la déesse était si forte qu'elle les aurait balayé d'un seul mouvement de ses propres ailes. Hélas, elle avait choisi de mentir aux humains sur sa véritable identité et maintenant, elle se retrouvait coincée dans un dilemme difficile.
« Continuer à mentir à tout le monde ou dire la vérité ? »
La déesse regardait l'affrontement et ses pensées la torturaient. Que faire ? Elle s'était tue pendant si longtemps et maintenant, elle regrettait son geste. Ici, mis à part elle, personne ne connaissait la vérité totale. Même Cobaltium n'avait pas la moindre idée de certains détails de l'Histoire qu'elle avait caché depuis l'époque où Arceus lui avait donné ce rôle. Et maintenant, elle était arrivée dans une impasse. Kyurem savait qu'elle n'avait d'autre choix que de se révéler, mais cela ne rendait pas le procédé plus facile. Le maire d'Entrelasques vint se positionner à ses côtés. Hiro était encore très jeune mais il semblait prêt à se battre pour défendre sa cité.
« - Vous devriez reculer, cela pourrait être dangereux.
- Ne t'en fais pas, Hiro. Je suis parfaitement à ma place.
- Mais... Ces deux dragons semblent dangereux. Aucun d'entre eux n'est celui qui vient nous hanter tous les soirs, c'est donc inquiétant. Et ils sont puissants !
- Nous recevons de l'aide divine heureusement.
- Oui... Je ne sais pas qui sont ces autres créatures, mais elles sont de notre côté a priori.
- Ecoute, Hiro. Je vais aller parler avec eux.
- Comment ? Mais c'est du suicide !
- Ecoute, il le faut. La diplomatie l'exige et je suis la plus à même de leur parler.
- Mais je suis le maire, c'est moi qui doit risquer ma vie !
- Pas cette fois, mon petit. Reste là pour veiller sur les autres. »
Elle posa une main chaleureuse sur son crâne et il fit une tête surprise si mignonne qu'elle eut envie d'en rire. Elle savait que ce n'était pas le moment. Hiro recula légèrement, montrant qu'il ne la retiendrait pas. Dans sa main, il tenait son arc avec force et il disposait d'un système pour enflammer les flèches. Son frison à ses côtés soufflait fortement, puissant pokémon, idéale comme monture pour le combat. Le jeune maire se tenait prêt à riposter et à protéger sa ville. Aucun doute, il était parfait pour ce poste, comme l'avait été son grand-père et son père. Kyurem prit une grande inspiration et s'avança en direction des combats, maintenant sa forme humaine.
C'était l'heure.
Cobaltium et Keldeo s'étaient rassemblés après une série d'esquives, la respiration courte. Ils ignoraient comment battre des êtres aussi puissants sans bénéficier de l'effet de surprise. S'il y avait eu les deux autres mousquetaires, peut-être auraient-ils eu une chance, mais Terrakium et Virindium ne répondraient plus jamais à l'appel. Il fallait tenir bon, en comptant uniquement sur le dieu de la justice et le dieu de l'espoir. Métaphoriquement, ils formaient un beau duo. Zekrom et Reshiram ne semblaient même pas fatigués, simplement agacés par ces deux légendaires qu'ils n'avaient pas prévu dans leur plan d'attaque d'Entrelasques. Ils n'avaient d'ailleurs pas vraiment de plan : ils étaient venus voir Kyurem et elle allait leur révéler toute la vérité.
« - C'est inutile d'essayer de nous empêcher de passer ! gronda Zekrom.
- Mais qu'est-ce que vous voulez à cette pauvre Kyurem ? lâcha Cobaltium.
- Des réponses. Cette garce connait notre passé, cracha Reshiram, écumant de rage. Elle sait d'où nous venons. Elle sait où est notre enfant.
- Votre enfant ? s'étonna Keldeo, surpris.
- Il y a des moyens plus pacifiques de régler cette situation.
- Oh, la ferme, Cobalt ! rugit Zekrom. Nous voulons la vérité.
- Et vous allez l'avoir tout de suite. »
Les quatre dieux se retournèrent pour voir Kyurem arriver auprès d'eux. Elle semblait si petite et si vieille sous sa forme humaine, au milieu des ces créatures de légende. Les habitants de la ville s'inquiétaient de la voir dans une telle posture. Pour eux, ce n'était qu'une petite vieille qu'ils aimaient de tout leur cœur et qu'ils connaissaient depuis toujours. La déesse du vide se plaça entre les deux groupes de combattants, imposant le respect par sa seule présence. Elle laissa son aura de glace refroidir l'atmosphère pour faire comprendre qu'elle ne plaisantait pas.
« - Ah te voilà enfin ! s'exclama Reshiram. Tu nous dois des réponses !
- Je le sais, répondit fermement la déesse du vide. J'avais mes raisons de vous cacher cette histoire et d'être la seule à m'en souvenir. C'était la volonté d'Arceus.
- Arceus ou pas, dis-nous où est notre enfant ! s'impatienta Zekrom.
- Mais... Ce n'est pas interdit pour les légendaires d'en avoir un ? demanda Cobaltium.
- Je sais que Zekrom et moi, nous avons eu un enfant ! Mais le reste...
- Nous n'avons que des flashs ! Est-ce qu'Arceus nous a puni parce que c'était interdit ?
- Arceus vous a sauvé. A l'époque, vous ne transgressiez aucune loi car vous étiez humains.
- Humains ? s'exclamèrent les dieux en chœur, choqués par cette révélation.
- Moi aussi je l'étais à cette époque. Laissez-moi vous raconter... »
Il y a bien longtemps de cela, pendant l'ère céleste, des royaumes humains existaient déjà et vénéraient les légendaires. A cette époque, il existait un empire à la place du désert Délassant, un lieu incroyable qui possédait une avancée technologique miraculeuse et qu'on appelait Del. Les humains se détournaient des dieux et ils essayaient de dominer le monde. Arceus les surveillait de près car il craignait qu'ils ne fassent une bêtise, ce qu'ils n'ont pas manque d'accomplir. Pourtant, le Créateur ne les détestait pas, bien au contraire. Il souhaitait les sauver.
Ce royaume possédait une princesse qui avait parfaitement les pieds sur terre. Et elle était promise au prince d'un royaume voisin, un jeune homme qui rêvait de grandeur. Leur union était arrangée mais ils s'aimaient très tendrement, malgré leur différence. Leur mariage fut un grand jour de joie et de festivités. La famille du prince s'installa quelques temps à Del, afin de nouer des accords commerciaux. La vérité était qu'ils voulaient s'emparer des connaissances de l'empire.
Le prince et la princesse eurent un fils, un merveilleux petit garçon qui réjouit absolument tout le monde. Etant de la royauté, ses parents s'en occupèrent peu et le bébé fut placé la plupart du temps avec une nourrice. Cette dernière possédait une forte vénération des divinités, notamment le Créateur qu'elle priait tous les jours. Cette dame ignorait si Arceus savait à quel point elle lui était dévoué et la vérité, c'est qu'il en avait effectivement conscience. La nourrice devait l'apprendre quelques temps plus tard, lorsqu'un événement secoua l'empire. C'était juste une année après la fin de l'ère céleste, soit environ un siècle avant la situation actuelle.
La famille du prince se rebella alors contre l'empire en commettant une terrible attaque surprise. C'était un jour de tempête où un terrible orage grondait au-dessus de la région. De nombreux guerrières combattirent et finirent par mettre le feu au château. C'était un véritable carnage. Dans le château, le prince et la princesse s'étaient retrouvés pour chercher leur fils et fuir avec lui. Malheureusement, il était déjà trop tard pour eux.
En effet, la nourrice avait reçu une vision d'Arceus la nuit précédente. Il lui disait qu'un grand destin attendrait cet enfant plus tard, qu'il était l'espoir dont le monde avait besoin et qu'il devait sortir de ce monde humain corrompu. Alors, prenant le bébé avec elle, la nourrice quitta discrètement le château au petit matin. Elle était déjà loin lorsque les combats commencèrent et encore plus loin lorsque le prince et la princesse hurlèrent de rage dans le lointain.
L'empire s'effondrait à cause des combats et les humains connurent une fin horrible. Le prince fut frappé par un éclair et mourut sur le champ, tandis que la princesse fut brûlée vive par les flammes qui dévoraient le château. Le pouvoir du Grand Radieux n'était pas encore tombé sur le monde, du moins pas en aussi grande quantité, mais les humains décidèrent d'utiliser leurs connaissances trop avancées sur les pouvoirs des pokémons pour exploiter des armes mortelles. La région explosa littéralement sous leurs pieds et c'est ainsi que fut créé le désert Délassant. L'empire de Del disparut à jamais ce jour-là et il tomba dans l'oubli le plus total.
Arceus vint rendre visite à la nourrice et à l'enfant. Il leur fit don d'un grand cadeau : la divinité. La nourrice reçut ce présent pour avoir servi le Créateur et l'enfant car il aurait un rôle à jouer dans une prophétie future. Comme il était bébé, il n'aurait aucun souvenir de son état d'avant. Quant à la nourrice, elle conserverait en mémoire ses événements et elle l'élèverait afin qu'il devienne plus fort. Le Seigneur lui offrit une légitimité parmi les autres légendaires, afin qu'elle se fonde dans la masse sans que quiconque ait vent de ses origines humaines. Si le dieu des dieux la validait, personne ne pouvait révoquer sa position. Son intégration et celle du petit se passèrent à merveille, dans le secret le plus total. Personne ne devait connaître leur identité initiale.
Cependant, ce n'était pas terminé. Arceus se souvenait du prince et de la princesse qui étaient morts tragiquement, sans avoir cherché à faire le mal. Utilisant toute sa force, il les fit revenir à la vie sous la forme de deux divinités qui ne se souviendraient pas de leur passé. Le Créateur leur offrit aussi une légitimité à faire partie des légendaires et ils acceptèrent ce rôle. Toutefois, l'effacement des souvenirs n'avait pas dû être total car ils finirent par se rappeler des morceaux de leur vie d'avant et notamment de leur enfant, cet être si précieux qu'ils se mirent à chercher.
« Et voilà où nous en sommes aujourd'hui » conclut Kyurem en fermant les yeux.
Zekrom et Kyurem restèrent abasourdis, car ils ne s'attendaient pas à ce qu'une telle histoire leur tombe dessus. Cela paraissait absolument impossible. Ils étaient venus chercher un enfant et ils apprenaient qu'ils avaient été de simples humains, qu'Arceus avait eu pitié d'eux et leur avait donné quelques pouvoirs pour se faire pardonner. Ils se sentaient seuls et abandonnés, une colère montant en eux avec la violence d'une grande vague, sans qu'ils puissent l'arrêter.
De son côté, Keldeo accusait le coup aussi. Maintenant, il savait d'où il venait. Il était un humain autrefois et Arceus l'avait transformé, parce qu'il devait devenir le dieu de l'espoir. Ses parents étaient Zekrom et Reshiram. Kyurem l'avait toujours su mais elle n'avait rien dit. Cela faisait beaucoup d'informations à assimiler. Cela remettait en cause toute sa vie, même si cela confirmait son importance. Arceus l'avait choisi... mais pourquoi lui ? Un hasard total ? Et les deux dieux avaient-ils compris qu'il était leur fils ? A leur regard, il n'en était pas certain.
La déesse du vide se sentait plus libre que jamais après avoir raconté son histoire. Maintenant, elle allait devoir en affronter les conséquences. Les habitants de la ville étaient trop loin pour avoir pu entendre son histoire. Ils devaient simplement se dire qu'elle avait un courage incroyable. Elle apercevait au loin Hiro qui se tenait prêt à agir, monté sur son Frison. Il allait bientôt avoir une autre raison d'agir. Sachant très bien qu'elle ne pourrait plus revenir en arrière, Kyurem se transforme pour prendre son impressionnante forme divine. Les habitants d'Entrelasques paniquèrent aussitôt en voyant le monstre de leur quotidien apparaître et s'armèrent.
« - Alors, tu as menti à tout le monde, souffla Zekrom, sous le choc. Tu savais tout ça depuis le début.
- Sale garce... Tu nous as volé notre fils ! poursuivit Reshiram, crachant littéralement.
- C'était pour la bonne cause. Je devais le sauver... et maintenant, je dois vous arrêter.
- Kyurem, murmura Keldeo, encore sous le choc de la situation.
- Pars accomplir ton destin... Et toi, Cobaltium, accompagne-le.
- Merci déesse du vide. Viens, jeune disciple, nous partons.
- Mais on ne peut pas te laisser toute seule, je...
- Adieu, Keldeo. Nous nous reverrons plus tard. »
Le dieu de la justice entraîna son élève et ils coururent loin de la scène. Zekrom et Reshiram ne cherchèrent même pas à les poursuivre, ils étaient trop concentrés sur leur adversaire. Keldeo regarda encore une fois celle qui avait pris soin de lui pendant si longtemps et eut un pincement au cœur avant de s'en aller au galop. Il voulait y croire mais il avait le sentiment qu'il ne la reverrait jamais. Cobaltium semblait nerveux et il ne cessait d'agiter sa tête, comme s'il essayait de mettre du clair dans ses pensées. Lui aussi avait ses propres problèmes.
« - Maître, je vais aller retrouver l'élu. Je dois être à ses côtés.
- Rien de plus normal. De mon côté, je vais aller retrouver quelqu'un. Je veux vérifier qu'elle va bien, cela fait un moment que je n'ai pas de nouvelle.
- On se reverra plus tard... avec Kyurem n'est-ce pas ?
- Bien sûr. Fais attention à toi. »
Là-dessus, les deux épéistes se séparèrent. Keldeo prit la direction de Kanto, sachant que Diamant devait forcément se trouver dans cette région. Il avait beaucoup de choses à lui raconter. De son côté, Cobaltium partait en quête de sa bien-aimée Darkrai.
Kyurem ne laissa pas le temps aux deux autres dieux de se remettre. Elle leur lança une vague de froid qui les paralysa et leur sauta dessus ensuite. Les deux légendaires furent surpris mais ils ne mirent pas longtemps à riposter. Un déluge de foudre et de flammes s'abattit sur la déesse du vide qui laissa libre cours à ses pouvoirs pour la première fois depuis sa création. Un contre deux, ce n'était pas très loyal, mais elle parvenait à résister à leur assaut et à leur rendre coup sur coup.
Hiro et les autres habitants d'Entrelasques assistèrent à un combat titanesque qu'ils ne pourraient jamais oublier. Le monstre qui hantait les abords de leur ville affrontait un dragon noir et un dragon blanc. Eux qui étaient privés des connaissances du monde extérieur, voilà une situation qu'ils ne comprenaient pas. L'ancienne avait disparu pour laisser place à la créature et ils n'arrivaient pas à comprendre. Le combat les fascinait mais il se demandait ce qui arriverait quand un vainqueur aurait été désigné. Ou plusieurs. Qu'adviendrait-il d'eux ? Hiro gardait la main sur son arc et son frison continuait de souffler très fort, rendu nerveux par la présence des légendaires.
Après de longues heures et alors que la nuit était tombée, Zekrom et Reshiram s'effondrèrent, vaincus par Kyurem. Elle-même n'était presque plus vivante. Le dieu de l'idéal s'effondra dans les bras de la déesse de la réalité et ils quittèrent ce monde ensemble. Même en unissant leurs forces, il n'avaient pas pu vaincre le vide. Toutefois, Kyurem titubait sur ses jambes et elle n'avait presque plus de force. Toujours sous sa forme divine, elle retourna vers la ville et les humains. Ses pensées n'étaient pas claires mais elle avait besoin de soins. Ses jambes la soutenaient à peine.
« Disparais, sale monstre ! »
Une flèche enflammée s'enfonça dans son aile et elle hurla de douleur autant que de surprise. D'autres projectiles virent, lancés par les humains qui l'appelaient par tous les noms possibles. Ne la reconnaissaient-il pas ? Subitement, elle s'en voulut de leur avoir menti, de leur avoir caché la vérité sur les légendaires pendant toutes ces années. Maintenant, cela se retournait contre elle. Sous la pluie des attaques, elles s'effondra au sol, trop affaiblie pour continuer.
« On a eu le monstre ! »
Les habitants scandèrent avec joie leur victoire et Hiro fit avancer son frison en direction du monstre. Soudain, le dragon de glace parut fondre et à la place apparut le corps de l'ancienne du village, cette petite dame qui les connaissait depuis toujours. Pourtant, les humains avaient vu la première transformation mais ils avaient refusé d'y croire. Hiro s'immobilisa, choqué, pendant que l'horreur gagnait tout le monde alors qu'ils réalisaient ce qu'ils venaient de faire.
C'était un jour tragique où les habitants d'Entrelasques découvraient le monde en tuant leur déesse.
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