Chapitre 31
« Qui sait ce que Giratina peut manigancer dans son antre ? Ce doit être diabolique ! »
Dans le bar, quelques personnes plus ou moins avinés discutaient de l'état du monde et le dieu de l'autre monde les entendait de loin. Cela le faisait sourire que les humains qui ne l'aimaient pas essaient d'imaginer ses plans. Aucun d'entre eux n'aurait pu se douter qu'ils se trouvaient actuellement juste à côté d'eux. Personne n'aurait pu deviner qu'il était simplement en train de passer du bon temps avec le dieu du temps, à des lieux de toute manigance. Bon, c'était pour une mauvaise raison qu'il draguait Dialga mais cela ne l'empêchait pas de profiter.
« Tu as une bonne décente, Gin ! »
La divinité de Rivamar riait bruyamment, se faisant remarquer dans le bar. Tout le monde connaissait le dieu et ses habitudes. En revanche, personne ne pouvait dire qui était le bel inconnu qui l'accompagnait. D'où venait donc sa nouvelle conquête ? Il était difficile de nier la beauté de la forme humaine de Giratina et les rumeurs allèrent bon train. Se moquant bien des histoires qu'il pouvait créer, « Gin » se colla davantage à Dialga et ce dernier rougit. L'alcool lui montait plus que jamais à la tête et cela brouillait ses perceptions divines. Sa méfiance était endormie, il n'arrivait plus à se poser les bonnes questions. Le dieu du temps profitait juste de la compagnie dont il disposait.
« - Tu es un sacré gars. Tu sais... D'habitude, c'est moi qui dois aborder les humains.
- Vraiment ? Parce qu'ils sont trop impressionnés pour faire le premier pas ?
- Parce qu'ils ont trop peur de parler à un dieu. Mais tu ne peux pas comprendre.
- Oh, sans doute plus que tu ne peux le croire, mon cher.
- Hum ? Tu as dit quoi ? J'ai pas entendu...
- Rien. Dites-moi, est-ce que vous n'auriez pas envie que nous poursuivions cette soirée ailleurs ?
- Ailleurs ? Où veux-tu que nous allions ? On est bien ici, la boisson est bonne.
- J'aimerais bien aller dans un endroit un peu plus... intime. »
Pour appuyer sa demande, Giratina prit une forme provocatrice, laissant volontairement son haut un peu plus ouvert. Il eut un léger mouvement de tête qui fit bouger ses cheveux magnifiquement, renforçant son charme naturel. Sa main vint se poser sur celle de Dialga dans une suggestion sans équivoque. Le dieu du temps se mit à rougir violemment, comme un adolescent découvrant l'amour, mais il reprit vite contenance. Il ne pouvait pas se laisser aller aussi facilement. Leurs yeux se plongèrent l'un dans l'autre et quelque chose opéra, une puissance presque divine.
« On pourrait aller chez-moi si tu veux. »
Dialga parvint à articuler sobrement les mots, ce qui était un véritable exploit. Giratina ressentit une véritable excitation et dut presque se rappeler qu'il s'agissait d'une vengeance. Le dieu du temps était loin d'être moche, même s'il n'était pas aussi beau que Palkia à ses yeux. La déesse de l'espace était la seule qui n'aurait pas à subir son courroux, elle avait souffert. Cela, il était capable de le reconnaître. Pour les autres, il n'aurait aucune pitié. L'enfermement avait fait des dégâts et même s'il ne le reconnaîtrait jamais à voix haute, il s'en rendait trop compte.
Les deux dieux quittèrent le bar après une dernière consommation, un alcool particulièrement fort qui acheva de plonger dans l'ivresse Dialga tout en permettant à Giratina de mieux jouer la bonne humeur. Le temple du légendaire se trouvait plus au nord de la ville et il allait monter plusieurs escaliers pour y arriver. Ce fut assez fastidieux et le dieu de l'autre-monde faillit même abandonner l'autre dieu à son sort. Toutefois, il tint bon, parvint à le soutenir en utilisant légèrement sa super force. L'alcool était décidément son meilleur allié. Lorsqu'ils arrivèrent enfin dans les appartements de Dialga, c'était le cœur de la nuit, l'heure où les ombres dansent sous les étoiles.
« Désolé, je n'ai pas eu le temps de ranger... »
Les lieux étaient effectivement en désordre, des objets jonchaient le sol. L'endroit n'était pas sale mais on avait l'impression que quelqu'un venait de tout balancer par terre, comme si la personne avait eu une crise. C'était sans doute le cas. En revanche, dans la chambre, le lit était parfaitement fait. Dialga s'assit dessus et subitement, il se mit à pleurer. L'alcool pouvait avoir toute sorte d'effet et forcément, celui-là n'était pas rare dans la liste. Giratina resta un moment interdit puis alla s'asseoir à ses côtés, oubliant qu'il jouait un humain, oubliant presque qu'il était là pour se venger. Pourquoi pleurait-il ? Et comment restait-il aussi beau en pleurant ?
« - Eh bien, l'alcool vous monte à la tête ?
- Non, désolé, c'est... un souvenir qui est revenu et... L'alcool exacerbe tout.
- Un souvenir ? Peut-être s'agit-il d'un regret que vous éprouvez ?
- Je m'en veux parce que je n'ai pas pu être là pour elle quand elle en avait besoin...
- Elle ? Une personne qui a de l'importance dans votre vie ?
- C'est la déesse Palkia... Nous avons fait quelque chose ensemble il y a longtemps et depuis, elle s'en veut. Moi aussi, mais nous n'avions pas le choix. C'était un ordre... »
Il n'eut pas le temps de poursuivre, le mystérieux Gin l'embrassa. Le dieu resta un moment interdit, puis il lui rendit son baiser avec passion. Giratina n'avait pas pensé agir aussi vite, mais il n'avait pas eu le choix. Dialga était sur le point d'aborder le sujet de son bannissement et il n'avait absolument pas envie d'entendre ses explications. Il ne voulait pas prendre le risque de pouvoir le pardonner. Les deux dieux s'enlacèrent tendrement et le dieu du temps parut retrouvé sa joie, se détendant. Il n'avait aucune idée de la situation dans laquelle il se trouvait, coincé avec un ami. Pour lui, c'était une soirée ordinaire avec une bonne compagnie. Rien d'inhabituel.
« - Tu es bien entreprenant pour un humain, Gin !
- Vous seriez surpris de voir tout ce que je peux faire.
- Est-ce que c'est une invitation ? Il n'y aura pas de retour en arrière.
- Je ne crains pas le danger. Je l'ai côtoyé toute ma vie. »
Dialga eut un sourire et ouvrit légèrement le haut qu'il portait. Se rapprochant d'un mouvement de Gin, il le prit contre lui et l'embrassa. Giratina se laissa faire, appréciant les compétences que son confrère avait pu développer ces dernières années. Se pressant contre lui, il ne laissa pas le plaisir obscurcir totalement son esprit et garda conscience de tout ce qui se passait. Le dieu du temps semblait avoir totalement plongé dans l'extase de son côté, s'accrochant aux lèvres de son amant, prêt à aller plus loin. La divinité de l'autre-monde devait agir avant de franchir cette nouvelle limite.
Profitant que les sens de son partenaire soient totalement perturbés, Giratina utilisa discrètement ses pouvoirs. Il était le dieu des dimensions autrefois et il ouvrit juste autour d'eux un portail qui menait dans la dimension où il avait été enfermée si longtemps. C'était dans celle-là qu'il voulait emmener le dieu du temps et il y avait une raison particulière à cela. Dialga ne se rendit compte de rien, profitant de son moment, les dieux fermés. Discrètement, la divinité de l'autre-monde le fit reculer jusqu'à ce qu'ils soient tous les deux totalement dans la dimension. Ensuite, il referma le portail derrière eux et rompit brutalement le contact physique. Toujours ivre, le dieu du temps ouvrit les yeux et il eut un moment d'hallucination où il ne comprenait plus rien.
« - Qu'est-ce que... Oh, je crois que j'ai trop bu...
- Oh non, tu ne rêves pas, cher Dialga. C'est bien réel.
- Gin... Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es...
- J'ai bien vu que tu ne m'avais pas reconnu. Et maintenant ? »
Alors, la forme humaine enchanteresse disparut et Giratina prit sa forme légendaire, celle avec laquelle il pouvait voler facilement, s'étendant comme une ombre menaçante au-dessus du pauvre dieu. La peur panique s'empara aussitôt de Dialga et il prit à son tour sa forme divine pour essayer de s'en sortir. Avec vivacité, il essaya d'utiliser son pouvoir du temps pour s'enfuir. Hélas, rien ne semblait fonctionner, peu importe la force qu'il y mettait. Sa respiration se fit de plus en plus rapide et il se mit à concentrer une quantité de pouvoir trop importante, sans aucun succès.
« - C'est inutile. Tes pouvoirs ne fonctionneront pas ici.
- Comment... Giratina... Pourquoi ? Non, le... le temps...
- Exactement. Dans la dimension dans laquelle nous sommes, le temps n'existe pas.
- Mes pouvoirs... Mes... Aaah...
- Oui, tes pouvoirs n'ont aucun effet. Et il est temps que je me venge. »
Alors, Giratina ouvrit ses ailes de ténèbres bien grandes et fondit sur Dialga. Ce dernier sentit sa puissance s'emballer en lui, alors que pourtant son pouvoir ne fonctionnait pas. Ainsi, dans cette dimension isolée de tous, sans aucune aide, le dieu du temps perdit la vie, assassiné froidement par Giratina. Ce dernier venait de passer une excellente soirée.
En revenant du monde du Grand Radieux, Cipher se montrait particulièrement silencieux. Solgaleo essaya de lui demander son ressenti mais il se retrouva vite face à un mur. Il se contenta de garder le silence tandis qu'ils regagnaient leur monde originel. Enfin, ce n'était pas le monde de départ de l'humain... s'il pouvait encore se considérer ainsi. Tout s'embrouillait. Maintenant, il ne savait plus ce qu'il était exactement : un dieu, un demi ou autre chose de plus mystérieux encore.
Ils se retrouvèrent bientôt au Grand Arbre sur Alola, après avoir franchi le dernier portail. Cipher resta sans bouger pendant un moment, le regard dans le vide. Solgaleo reprit sa forme humaine et commença à préparer une boisson chaude. Il n'avait pas compris tout ce qui venait de se passer mais il savait que son partenaire venait de vivre un traumatisme. Le dieu du soleil avait beaucoup de travail mais il ne se sentait pas de laisser cet homme seul avec sa peine.
« - Tiens si tu veux boire quelque chose. C'est à base d'hibiscus.
- Merci mais je ne vais pas abuser de ton temps. Je dois y aller.
- Certain ? J'ai l'impression que tu as besoin de parler.
- Je ne vois pas ce qui te faire dire ça... Je ne pensais pas que la vérité serait aussi nulle.
- Si j'ai bien compris, tu es le fils d'Arceus. Cela me parait plutôt pas mal.
- Et j'ai été abandonné par mon père dans un monde qui n'est pas le mien après la destruction de mon monde parce que les humains voulaient voler mon pouvoir.
- Vu comme ça, effectivement, ce n'est pas terrible, mais il y a toujours...
- Merci pour tout, Solgaleo. J'espère que tu auras plus de chance que moi dans la vie. »
Après l'avoir salué d'un bref mouvement de tête, Cipher disparut aussi vivement qu'un courant d'air. Solgaleo sentit une grande tristesse l'envahir, alors qu'il avait affaire avec son ennemi. Qu'est-ce que cela faisait de retrouver son passé d'un coup, et de découvrir sa triste histoire ? Le dieu du soleil n'en saurait jamais rien, lui qui avait toujours connu ses origines. Une déprime menaçait de s'emparer de lui mais il ne pouvait pas se laisser aller. Une menace planait sur Alola et il devait défendre sa région à tout prix. Il n'avait aucune idée de ce qui l'attendait à cet instant.
Pendant ce temps, Cipher voyagea à travers les régions sans vraiment regarder où il allait. Pendant des jours, des semaines, il erra comme une âme en peine, incapable de réfléchir. Il avait été le Grand Radieux. Il venait d'un autre monde, dans lequel les humains lui avaient volé ses pouvoirs. Il s'était retrouvé amnésique dans un autre univers. Cela paraissait bien difficile, mais il voulait bien l'admettre. Cela justifiait l'étonnant pouvoir qu'il possédait et expliquait comment il s'était retrouvé par une pluie d'étoiles filantes dans le désert Délassant. Cela donnait du sens à sa vie.
En revanche, ce qu'il n'appréciait pas, c'était de savoir qu'il était le fils d'Arceus. Peut-être que le vieil homme s'était trompé... mais Cipher n'y croyait pas. Le pauvre n'avait aucune raison de mentir. Alors, il avait été abandonné par son propre père, livré en pâture dans un monde qui n'était pas le sien. Le Créateur avait sans doute trouvé une femme à son goût dans son monde d'origine et il s'était amusé un moment. Cela faisait froid dans le dos que le dieu des dieux puisse profiter ainsi de sa puissance. Avait-il également reproduit cela dans d'autres univers ? Dans celui-ci ? La tête du semi-humain était pleine de théories et de questions sans réponses.
Alors qu'il errait quelque part dans la région de Kanto, il tomba sur un lieu reculé, une clairière au milieu d'une grande forêt. Cet endroit très simple lui parut d'une beauté incroyable. Depuis qu'il avait retrouvé son passé, Cipher avait l'impression d'avoir perdu son mordant et sa répartie, comme si on lui avait volé ses forces. Il se sentait vidé, déboussolé et complètement à plat. Et évidemment, il ignorait totalement comment rendre visite à ce maudit Arceus. Ce dernier n'avait pas eu l'idée de venir le pouvoir pour faire un point et éventuellement s'excuser. Cela aurait été le minimum.
« Eh, qui es-tu ? »
Tellement perdu dans ses pensées, il n'avait pas vu le nouveau venu, un simple humain, qui s'avançait vers lui. Autour de lui, des pokémons étaient rassemblés, comme s'il était leur maître. Le jeune homme dégageait une belle énergie et il tenait une épée dans sa main. Pourtant, aucune agressivité n'émanait de lui. Cipher sut au fond de lui qui il était ou plutôt ce qu'il était. Son poing se serra et il maudit Arceus mentalement. Le Créateur ne méritait pas moins.
« - Ne t'en fais pas, je m'en vais. Je ne dirais à personne que je t'ai vu.
- Ah, tant mieux. Sinon... mon père sera mécontent.
- Ton père... Tu connais ton père ?
- Mon père adoptif. J'ignore qui est mon père biologique.
- Je vois. Eh bien, tu peux m'appeler Cipher. Et je te souhaite beaucoup de courage dans la vie.
- C'est gentil. Je m'appelle Diamant, enchanté de te rencontrer.
- Diamant... Si un jour tu apprends qui est ton père, tu pourras lui dire que c'est un connard.
- Hein ? Tu veux dire que tu connais mon père de naissance ?
- C'est une question à laquelle tu devras répondre tout seul. »
Sans dire un mot de plus, Cipher disparut au milieu des buissons, laissant Diamant perplexe. Le jeune homme ne savait pas trop s'il devait dire à Mewtwo que quelqu'un avait découvert leur repère. L'inconnu n'avait représenté aucune menace et sans savoir pourquoi, il l'aimait bien. L'élu décida de garder cette information pour lui pour le moment. Le groupe n'allait sans doute pas tarder à déménager à nouveau, donc cet incident ne changeait rien au programme.
De son côté, Cipher soupirait en songeant qu'il avait sans doute rencontré le fils d'Arceus dans ce monde et qu'il sentait qu'il aurait une destinée pire que la sienne.
Lugia s'effondra contre le mur, toujours sous sa forme humaine. Démétéros ne lui avait ni laissé le temps de se défendre ni de revêtir sa forme légendaire. En intérieur, elle ne pouvait pas se défendre, c'était beaucoup trop petit. Le dieu de la fertilité était assez petit pour que son apparence divine rentre en hauteur dans la pièce et ses attaques lui permettaient d'être redoutablement précis. La déesse de la nuit était déjà fatiguée de ses assauts. Elle grinça entre ses dents, songeant qu'elle était bien trop faible. En plus, c'était la journée, là où son pouvoir n'était pas au plus haut, alors que son adversaire profitait des rayons du soleil. A vrai dire, elle aurait eu l'occasion, la nuit passée, de l'affronter correctement, mais leur combat durait depuis presque deux jours.
« - Tu es tenace, Lugia. Pourquoi ne veux-tu pas simplement abandonner ? Ce serait si facile.
- Jamais ! Je ne serai jamais tienne, tu comprends ?
- Pour le moment, j'ai surtout l'impression que tu n'as pas ton mot à dire. »
Et il reprenait sa stratégie, la même depuis le début. Il lui lançait une attaqua à distance qui la faisait tomber et recommençait dès qu'elle essayait de se lever. Simple mais efficace. Il ne commettait pas l'erreur de venir au contact. Il se contentait de l'épuiser, avec une patience méthodique. Lugia était tenace mais elle ne tiendrait plus le coup bien longtemps. Personne ne venait à son secours, même si elle avait eu un espoir concernant Artikodin. Elle l'aimait et la réciproque était vraie. Même si elle l'avait chassé, il devait être encore dans le coin... non ?
« - Inutile d'attendre de l'aide. Tous tes alliés sont occupés.
- Quelqu'un finira par venir te botter les fesses, si je ne le fais pas avant.
- Personne ne viendra. Tu n'es pas venue pour eux, tu les as repoussé. Je le sais !
- Tu ignores tout de moi, Démétéros ! Disparais !
- Si tu ne les avais pas repoussés, ils seraient encore à tes côtés. Je lis en toi comme dans un livre.
- Alors, tu dois savoir que je n'ai aucun sentiment pour toi !
- Ce détail vois-tu, je m'en moque. Je veux ton pouvoir, déesse et tu me le donneras. »
Cette fois, il tenta de venir au contact et cela le desservit. Utilisant des ressources physiques qu'elle ignorait encore avoir, elle s'échappa et quitta la pièce à toute vitesse. Le couloir lui paraissait interminablement long mais elle prit une porte au hasard, entrant dans un petit salon. Ignorant le bruit derrière elle, la déesse de la nuit sauta par la fenêtre, arrivant enfin à l'extérieur. Ne perdant pas une seconde, elle prit sa forme légendaire, étirant ses ailes dans le ciel. Le jour caressait sa peau, affaiblissant l'essence de son pouvoir. Cela importait peu, elle se sentait plus puissante à présent. Démétéros sortit du bâtiment en explosant un pan de mur en bois. Il avait l'air un peu contrarié mais en même temps, une lueur amusée brillait dans ses yeux.
« - Je vois que la petite déesse a retrouvé sa forme originelle.
- Maintenant, ce ne sera pas aussi facile de me battre. Tu ne m'auras plus.
- Hé hé, il est temps maintenant de te prendre au sérieux alors. Vois-tu... Cette forme n'est pas ma seule divine. Je fais partie de ceux qui disposent de plusieurs apparences divines.
- Quoi ? Mais tu veux dire que... »
Soudain, sa forme se modifia légèrement et il devint comme l'un des fauves du trio des légendaires de Johto. Il ne semblait plus aussi gentil, ses crocs luisaient au soleil et ses crocs grattaient le sol de terre. Lugia était figée mais elle se ressaisit au plus vite. Elle essaya d'envoyer une bourrasque d'un mouvement de ses ailes. Malheureusement, son ennemi esquiva et d'un bond agile, il se retrouva à sa hauteur. Sauvagement, Démétéros mordit sa proie qui poussa un hurlement de douleur bestial. C'était plus douloureux que tout ce que la déesse avait subi dans sa vie. Même en se débattant, elle n'arrivait pas à le faire lâcher prise. Il finit par sauter en arrière, la libérant parce qu'il le voulait bien.
« - Alors, ça fait mal hein, ma tendre promise ?
- Salaud... Pourquoi est-ce que tu me fais ça ? Je ne t'aime pas !
- Ce qui est trop facile à avoir ne m'intéresse pas.
- Tu es tordu. Tu es peut-être pire que Giratina, pour autant que je sache !
- Pff, possible. Maintenant... maintenant, tu vas m'appartenir. »
Une aura l'entoura et il se prépara à bondir. La douleur paralysait Lugia et elle savait qu'elle ne pourrait pas esquiver. Si seulement elle pouvait faire venir la nuit... Mais c'était impossible. Elle n'avait plus qu'à se préparer à mourir. Ses yeux s'humidifièrent et elle repensa à Artikodin. Le légendaire n'avait jamais reçu un traitement adapté de sa part et pourtant, il n'avait jamais rien dit. Pas une plainte, rien. Elle ne l'avait sans doute jamais mérité. La déesse affronta sa fin, regardant Démétéros l'attaquer. Des crocs allaient déchirer sa gorge et des griffes poignarderaient son cœur.
« Non ! »
Une forme vive apparut soudain et repoussa le dieu de la fertilité qui alla mordre la poussière. Lugia resta bouche-bée lorsqu'elle découvrit qu'il s'agissait de son frère. Ho-oh était venu et elle ignorait comment. Sous sa forme d'oiseau légendaire, le dieu de la journée semblait incroyablement fatigué. Des blessures couraient le long de son corps et il avait des cernes sous les yeux. Ses membres tremblaient mais il était là, à faire face au dieu de la fertilité. Elle eut presque les larmes aux yeux mais la surprise l'aida à chasser cette tristesse au loin. Plus tard.
« - Tiens, le grand frère protecteur est dans la place, grimaça Démétéros en se relevant. Celui-là même qui m'a vendu sa petite sœur lors de l'ère céleste.
- Et tu ne lui feras aucun mal tant que je serai là ! Va t-en !
- Pff, tu n'es que l'ombre de toi-même ! Tu tiens à peine debout ! Comment pourrais-je avoir peur de toi, Ho-oh, alors que je suis au plus haut de ma forme ?
- Je viens de vaincre le dieu de la mort, ne me prends pas à la légère...
- Ho-oh, souffla Lugia.
- Ne t'en fais pas, petite sœur. Je suis venue pour t'aider. »
Mais derrière son sourire, il cachait une grande faiblesse. Ho-oh savait qu'il ne tiendrait plus très longtemps et il voulait en finir au plus vite. Hélas, il avait un peu sous-estimé son adversaire. Le dieu de la fertilité se jeta sur lui et ils luttèrent pendant un moment dans un nuage de poussière. Les crocs et les griffes eurent malheureusement le dessus. Bientôt, Démétéros mordit Ho-oh au cou et ce dernier s'effondra au sol. Toute vie semblait avoir quitté son corps.
« Grand frère ? »
Lugia sentit les larmes lui monter aux yeux et elle commença à trembler de rage. Tout n'avait duré que quelques instants. Son frère, le tout puissant dieu de la journée, le maître de Johto, le dieu qui organisait les meilleures fêtes au printemps, venait de perdre la vie. La colère brûla en elle et subitement, alors qu'il faisait jour, ses pouvoirs s'éveillèrent avec force. Elle sentit toutes les barrières tomber et la puissance s'emparer d'elle. Plus rien ne pouvait l'arrêter. Lugia n'était pas certaine de comprendre, même si une théorie lui vint aussitôt à l'esprit.
« - Tu vas me le payer, salaud !
- Tiens, je croyais tu détestais ton grand-frère qui t'a littéralement vendu à moi.
- J'ai compris que c'était une erreur. C'est toi qui as mal interprété.
- Et alors ? Tu ne peux pas me battre de toute façon. Ton pouvoir est... »
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Lugia laissa son pouvoir exploser en elle, se sentant puissante comme jamais elle ne l'avait été, même par les nuits les plus obscures. Un aura l'envahie et son adversaire eut l'impression que la déesse prenait une couleur plus sombre tandis que ses yeux brillaient comme des flammèches. Démétéros tenta de se jeter sur elle mais malheureusement, en quelques instants, Lugia le réduisit à néant. Elle n'avait jamais tué mais cela s'était montré si facile. Le puissant dieu de la fertilité n'était absolument plus rien.
« - Pourquoi ? croassa-t-il alors qu'il rendait son dernier soupir.
- Parce que la nuit est tombée sur mon cœur. »
Démétéros eut un sursaut de surprise, puis son âme retourna auprès d'Arceus. Lugia sentit ses pouvoirs perdre en intensité et elle retrouva sa forme humaine. Sa respiration était courte et elle courut aussitôt vers son frère. Lui aussi avait retrouvé sa forme humaine mais ce n'était pas bon signe. La fin approchait. Quelques habitants d'Acajou osèrent enfin sortir de leur demeure, apeurés par le vacarme récent. Toutefois, la déesse s'en moquait bien. Elle avait placé la tête de son frère sur ses genoux et essayait par toutes les prières possibles de le garder en vie.
« - Je suis tellement désolée, Ho-oh, je... Je ne voulais pas que ça finisse comme ça.
- Je suis content d'être avec toi à la fin. Je... Je vais rejoindre Xerneas.
- Non ! Ne me laisse pas s'il te plaît ! Pas maintenant !
- Tu diras au revoir à mon trio pour moi, je... Je suis désolé de vous laisser mais je suis tellement fatigué. Et... S'il te plaît, veille sur Fira pour moi... Elle est ma... ma... fille. »
Et sur ces dernières paroles, il ferma les yeux pour toujours. Lugia sentit ses émotions depuis longtemps enfouies s'éveiller et elle pleura comme rarement elle avait pleuré de sa vie. Ce n'était pas un petit sanglot mais une cascade de larmes bruyantes. Ce fut cet instant que choisit Artikodin pour revenir. Il avait eu des remords et il ne s'attendait absolument pas à retrouver un tel carnage à son retour. Démétéros décédé d'un côté, Lugia tenant Ho-oh mort dans ses bras, il avait l'impression d'être dans un cauchemar. Lentement, il s'approcha de la déesse chère à son cœur.
« - Lugia... Lugia, est-ce que tout... Je...
- Laisse-moi, murmura-t-elle.
- Attends, je ne peux pas faire ça, je...
- DISPARAIS ! »
Elle venait de hurler si fort que tout Acajou avait dû l'entendre. Artikodin se sentit rejeté et profondément blessé. Reprenant sa forme légendaire, il s'envola d'un battement d'ailes, laissant des larmes de glace tomber derrière lui. Lugia s'effondra un peu plus en larmes, mais elle ne voulait plus laisser des personnes qu'elle aimait l'approcher. Cela faisait bien trop mal de les voir mourir ensuite. Non, elle préférait désormais se terrer dans la solitude. C'était bien mieux.
Cobaltium et Keldeo couraient vers Entrelasques, volant par-dessus les routes. Ils se dépêchaient car un mauvais pressentiment s'était emparé d'eux au fur et à mesure. L'urgence de la situation leur paraissait évidente, il devait aller voir Kyurem au plus vite. Le fait d'ignorer la localisation de Zekrom et Reshiram leur avait mis une pression supplémentaire. Que manigançaient les dieux de l'idéal et de la réalité ? Pour le moment, ils n'en savaient malheureusement rien. Cela leur prit un certain temps, mais ils finirent par atteindre la ville d'Unys, fatigués mais déterminés.
Entrelasques semblait en effervescence. Les humains couraient partout, comme affolés, et certains d'entre eux portaient des armes lourdes. Des pokémons les secondaient, prêts au combat. Le duo divin décida de prendre discrètement forme humaine et de se mêler au milieu des locaux. Le dieu de la justice savait qu'il valait mieux éviter les apparences de légendaires dans ce lieu, la déesse du vide protégeait énormément les habitants. Ils finirent par retrouver Kyurem de l'autre côté de la ville, évidemment sous forme humaine. Elle regardait au loin tandis que des ombres approchaient par le sud, grandissant peu à peu et prenant la direction d'Entrelasques.
« - Kyurem, souffla Cobaltium afin que les humains n'entendent pas. Nous sommes venus.
- Oh, tu es là... Oh, tu as emmené Keldeo aussi ? Oh non...
- Pourquoi oh non ? s'étonna le dieu de l'espoir.
- Tu as un destin à accomplir ailleurs et j'ai peur qu'ici, tu n'y arrives pas... Zekrom et Reshiram arrivent pour régler des vieux comptes. Je crois qu'ils ont retrouvé des souvenirs.
- Tu connaissais leur passé ? s'étonna le dieu de la justice.
- Nous venons de la même époque, après l'ère céleste. C'est logique.
- Mais... moi aussi je viens de cette époque.
- Oui, toi aussi, Keldeo. Peut-être que je n'aurais pas dû garder ce secret si longtemps, mais cela me paraissait la meilleure idée... En revanche, je ne sais pas trop quoi faire.
- Sur quel point ? demanda Cobaltium.
- Je ne peux pas prendre ma véritable apparence... pas devant les habitants. »
Cobaltium fit une moue et Keldeo sentit son esprit tourner à toute vitesse. Il s'en moquait un peu que Kyurem ne puisse pas prendre son apparence légendaire devant les humains. Cela la regardait et il n'avait pas d'avis à donner sur le sujet. En revanche, le secret de son passé, cela l'intéressait. La déesse connaissait son histoire ainsi que celle de Zekrom et Reshiram, alors pourquoi n'avait-elle rien dit avant ? Quels secrets pouvait-elle garder dans les méandres de sa mémoire ? Il n'avait malheureusement pas le temps de poser la question. Son mentor l'entraîna devant la ville, dans un bosquet à l'écart de toute population humaine et aussi de la route.
« - Ecoute Keldeo, nous allons devoir défendre Entrelasques. Tu veux bien te battre à mes côtés ?
- Mais, et Kyurem ? Elle ne peut...
- Nous devons respecter son choix, même si ce n'est pas facile.
- Mais... Elle connait mon passé ! Elle connait mon histoire !
- Et je ne doute pas qu'elle te révèlera tout au moment venu. Faisons-lui confiance. »
Cobaltium le regarda avec sérieux et Keldeo comprit en cet instant que son mentor le considérait comme son égal. Il oublia ses troubles, se concentrant sur cette confiance que son maître lui donnait. Il allait affronter deux dieux puissants et ce serait une véritable épreuve. Il était obligé de vaincre, car il devait retrouver Diamant, qu'il aimait tant. Il n'avait pas le droit de perdre. Le dieu de l'espoir essaya d'oublier que leurs chances de vaincre sans Kyurem étaient minces.
Zekrom et Reshiram arrivaient par le Sud, fondant sur Entrelasques sans armées. Sous leur forme légendaire dragonesque, ils étaient terriblement puissants. Lorsqu'ils se positionnèrent devant Entrelasques, ils aperçurent les humains qui les attendaient et à leur tête Kyurem, dédaignant son apparence légendaire. Cela les mit en colère, ils se sentaient totalement bafoués. Soudain, face à eux, Cobaltium et Keldeo vinrent se placer devant la ville. Leurs cornes brillaient avec force et les humains ne comprenaient pas qui ils étaient. Leur cheffe les calma en leur disant que c'était des alliés, mais elle ne s'étala pas davantage. Ils ne devaient pas savoir qu'elle était une déesse.
« - Kyurem ! hurla Zekrom. Viens !
- Que qui parle-t-il ? demanda un jeune homme dans la foule.
- Kyurem, c'est le nom du dragon qui hante nos terres la nuit non ? »
La déesse du vide ne fit aucun commentaire. Elle se préparait de son mieux à ce qui allait arriver : la révélation de la vérité. Son masque allait tomber et les réactions ne tarderaient pas à venir. Le chaos l'attendaient et Kyurem se tenait prêt à l'affronter... même si elle rechignait à prendre sa forme légendaire devant les gens qu'elle avait passé sa vie à protéger.
« Arceus, est-ce que c'est ça, ma punition ? »
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