Art : TPT - Aspen LU 4-5 (PMV) by RenAstraea sur DeviantArt

— Petite Craie ? Petite Craie, debout.

Le museau de sa mère le poussa loin de la chaleur du nid. Le jeune mâle poussa un miaulement plaintif, mais finit par se lever en ronchonnant. Petite Ombre aussi était debout, les yeux brillants de sommeil.

— Pourquoi tu nous réveilles en plein milieu de la nuit ? Même Petite Grenade dort encore...

Quelques coups de lange, trois œillades à son compagnon, un ronronnement rassurant. Plume d'Aurore savait faire croire que tout allait bien, même dans les pires moments.

— Elle sera debout dans très peu de temps, elle aussi. Regard de Houx va s'occuper d'elle et Petit Rapace. Moi, je voulais vous expliquer un peu, parce que je pense que vous avez l'âge de comprendre, vous êtes plus grands que Petite Grenade et sa sœur.

Petite Craie agita une oreille : il écoutait. Petite Ombre levait son museau vers sa mère, surtout inquiète. Tous deux sentaient qu'il se passait quelque chose d'important, qui méritait d'être entendu. D'un côté, ce sentiment provoquait en eux une grande excitation et beaucoup de fierté, parce qu'ils se trouvaient alors très grands et très sages. Ils imaginaient déjà qu'ils sauveraient leur clan des griffes des méchants. Mais d'un autre côté, ils ne pouvaient combattre la peur qui se frayait un passage, tel un serpent dans les hautes herbes : ces habitudes bouleversées et le sérieux des adultes n'annonçaient rien de bien tranquille.

— Vous savez qui est le chef du Clan du Vent ?
— Étoile Rapide, murmura Petite Ombre. Il n'est pas très gentil.
— Exactement. C'est pour ça que nous devons partir. En restant ici, on l'autorise à nous traiter comme des crottes de lapins.

Petite Craie acquiesça, même s'il ne comprenait pas vraiment. Étoile Rapide lui avait dit qu'il serait un grand guerrier, parce qu'il n'était grand et qu'il courait vite. Ce n'était pas méchant, si ?

— Tu te rappelles, Petite Craie, quand il m'a dit que j'étais trop petite, que je serai inutile pour le clan ? Et quand il parlait de Petite Grenade, tu te souviens ? Il a dit qu'elle allait apporter des problèmes, parce qu'elle allait être très jolie et que les guerriers ennemis allaient tous vouloir des chatons avec elle. Et quand il parlait de Petit Rapace... « Je vais l'appeler Nuage Nul, elle n'arrive même pas à battre un escargot à la course. »

Petite Ombre avait imité la voix grave du chef. Son regard s'était fait révolté. Elle semblait prendre cette histoire bien plus au sérieux que Petite Craie. Peu à peu, le jeune mâle pris conscience de ce qui n'allait pas avec Étoile Rapide.

— En fait, il pense que les femelles sont moins fortes que les mâles.
— Pas seulement les femelles ! Les anciens, les reines, les apprentis, les guérisseurs aussi. Pourtant, nous sommes tous des chats, tous égaux. Je suis plus forte que toi au combat, pourtant il me voit comme une cervelle de lapin.
— C'est pour ça qu'il faut partir ?
— Si on ne fait rien, ça veut dire qu'on accepte son attitude. Mais on n'a pas le droit d'accepter ça.
— On pourrait se battre. Je vais lui arracher les moustaches, moi !
— Non, parce que c'est un chef très fort. Il pourrait nous tuer sans pitié et après ça sera pire. La seule solution, c'est de partir.
— On reviendra ?
— J'espère. J'aime bien le Clan du Vent.
— Moi aussi. Et puis, je veux devenir guerrier.

Petite Ombre sourit et bondit rejoindre Plume d'Aurore, qui regroupait les chatons. Cœur de Zénith rejoignit Petite Craie, qui restait pensif. A son arrivée, le chaton leva la tête vers son père.

— Tu viens avec nous, toi aussi ?
— Je ne vais pas vous abandonner. Jamais.
— Même si tu es un guerrier ?
— Je resterai un guerrier, même si je ne vis plus au sein du Clan du Vent.
— On reviendra ?
— Oui, quand notre clan ira mieux. Oui.
— Mais le Clan des Étoiles, il est d'accord avec ce qu'on fait ?
— Je pense. Sinon, il nous l'aurait dit.

Rassuré pour de bon, le petit félin rejoignit les trois autres petits. Il huma encore une fois l'odeur rassurante de la pouponnière qu'il allait quitter. Le vent lui apporta de nouvelles effluves inconnues, qu'il était déjà impatient de découvrir. Très vite, toute sa peur s'envola avec la légère brise pour laisser place à une excitation fébrile. Il allait enfin sortir du camp !

Plume d'Aurore guidait ses camarades, les oreilles dressées, attentive au moindre bruit. Petite Craie se demanda pourquoi le camp n'était pas gardé, avant de comprendre que son père s'était sans doute organisé pour surveiller à ce moment-là de la nuit. Les parents avaient donc tout prévu, jusqu'aux moindres détails.

— Tu te rends compte, on sort du camp !
— Parle moins fort, Petite Craie, on va se faire repérer, le gronda sa mère.
— On a six lunes, maintenant. On serait sorti demain, de toute façon, lui glissa Petite Ombre.
— C'est génial !

Ils traversèrent le camp sans bruit et passèrent la barrière de branchages qui protégeait le repère des félins. Petite Craie observa le paysage magique qui s'étendait devant lui, les yeux écarquillés. On ne voyait pas grand chose, malgré la lumière des étoiles. La lune était cachée derrière quelques nuages vagabonds. Le vent agitait les brins d'herbes dans une danse lente mais magnifique. La terre sous ses pattes paraissait l'accueillir avec joie et toute la nature lui chantait la bienvenue. Les murmures des courants d'air dans la bruyère l'enchantaient, ils semblaient capables de l'hypnotiser des heures durant. Les différentes parfums n'aspiraient qu'à être découverts et rencontrés. Le mâle brun et blanc trouva ce spectacle magnifique, encore plus beau que tout ce qu'il avait imaginé jusque là.

— Suivez-moi.

Plume d'Aurore, habituée à ce paysage, ne sembla pas être touchée par sa beauté. Son fils trouva cela dommage. Il prit encore un moment pour profiter de ce lieu enchanté avant de suivre le petit groupe. Cœur de Zénith se mit en marche après lui, fermant la marche.

Petite Craie, le museau en l'air, croisa le regard d'une chouette qui veillait sur la branche d'un arbre solitaire. Il la trouve rassurante, avec ses grands yeux qui brillaient dans la nuit.