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« Songpaw hunting »

— Regardez ! Regardez, j'ai attrapé quelque chose !

C'était Nuage de Grenade qui criait à l'attention de ses camarades. Nuage d'Ombre fut la première arrivée et baissa le museau en direction des pattes de son amie pour admirer sa prise. Mais soudain, elle recula d'un bond, trébucha et tomba sur le flanc. Après un temps, un rire la secoua.

— Fausse alerte ! Nuage de Grenade en est encore au stade des sauterelles ! Les lapins sont encore trop rapides pour elle !

La plus jeune s'offusqua et siffla dans une menace joueuse. Elle s'apprêtait à répliquer lorsque Nuage de Rapace vint se placer près d'elle.

— Qu'est-ce qu'il vous arrive ?
— Nuage de Grenade a attrapée une sauterelle et l'a relâchée sur mon museau quand j'ai voulu m'approcher pour voir. Tu devrais m'aider à me venger ! 
— Elle s'est faite avoir comme Étoile Rapide quand on s'est échappé du Clan du Vent !
— Oh, ne parle pas de lui. Il ne le mérite même pas.

Et voilà que les deux amies repartaient dans leurs querelles sans fin. Entre temps, Nuage de Craie s'était approché, intrigué par toute cette agitation. Les quatre jeunes chats étaient censés s'entraîner à la chasse, mais aucun d'eux n'avait réussi à attraper quoique ce soit jusque là. Nuage de Craie avait pisté la trace d'un lapin pendant longtemps, avant de se rendre compte qu'il remontait la piste à l'envers. Le temps de faire le chemin inverse, sa proie s'était déjà aventurée là où il n'avait pas le droit d'aller. Il s'assit près de ses amis et écouta la conversation de sa sœur avec Nuage de Grenade. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'un adulte ne les retrouve et les encourage à reprendre l'entraînement, mais il était fatigué et se disait qu'ils pouvaient bien s'accorder un peu de repos.

— Vous pensez qu'il a remarqué notre absence ?

La question venait de Nuage de Rapace. Bien sûr. Elle était toujours la seule à oser dire tout haut ce que les autres pensaient tous bas. Quand Nuage de Grenade et Nuage d'Ombre préféraient se chamailler et que Nuage de Craie se réfugiait dans l'exploration et la magie du monde, elle se tenait bien droite malgré sa petite taille et confrontait ses amis à leurs inquiétudes silencieuses. Ça aidait, d'une certaine manière. Grâce à elle, chacun pouvait parler et partager ses pensées.

— Bien sûr qu'il a remarqué ! Sans nous, il n'aura pas d'apprentis pendant longtemps. Les chatons sont les membres les plus importants d'un clan parce qu'ils assurent sa survie en renouvelant les guerriers. J'imagine qu'il est super en colère.
— Bien fait pour lui !
— Et le reste du clan, alors ?
— Ça ira. C'est pas trop grave.
— On sera remplacés.

Le silence s'installa. Si Nuage de Rapace avait cette facilité à lancer les conversations, Nuage de Craie, lui, réussissait toujours à les clore avec quelques mots pessimistes. Mais c'était vrai, non ? Et c'était normal. Difficile à accepter, oui, peut-être, mais c'était ainsi que le monde fonctionnait. Quelque chose disparaissait, on se plaignait de son absence, puis, un beau jour, quelque chose de nouveau apparaissait au même endroit. Remplacer. C'était l'ordre des choses. Le Clan du Vent souffrirait de l'absence d'apprentis pendant un moment, puis d'autres chatons naîtraient et tout irait mieux. Rien n'était jamais terrible pour toujours.

Les regards de ses camarades sur lui firent détourner son regard au jeune mâle. Il haussa les épaules.

— C'est juste la vérité... Arrêtez de me regarder comme ça.
— Non. Les parents ont dit qu'on retournerait un jour. On reviendra au camp et on sera de nouveau avec le Clan du Vent. On peut pas être remplacés si on revient.
— Et si on nous acceptait pas ? S'ils ne voulaient plus de nous ?
— Quand ils verront vos talents de chasse, je suis certain qu'ils seront prêts à se coucher devant vous pour que rejoigniez leur clan ! En parlant de ça, je peux voir vos résultats ?

C'était Cœur de Zénith, qui, sans bruit, s'était approché des quatre chatons. Ils se retournèrent vers lui d'un même mouvement, avec l'expression inquiète du coupable pris sur le fait.

— Nuage de Grenade a attrapé une sauterelle, s'écria Nuage d'Ombre.
— Mais dis pas ça, cervelle de souris !
— Je dis ça pour t'aider !

Nuage de Craie et Nuage de Rapace restèrent silencieux. Ils se savaient peu méritants. Cet entraînement à la chasse n'était pas allé très loin et les cris des deux autres avaient sans doute effrayé les lapins. À quoi cela servait donc de continuer ?

— Bon, on retourne au camp, annonça Cœur de Zénith. C'est pas grave si vous n'avez rien attrapé, c'est comme ça qu'on apprend. Tout le monde n'est pas aussi doué que moi. Vous savez que quand j'étais apprenti, j'ai combattu un blaireau ?
— Un blaireau ! Tout seul ?
— Tu dis n'importe quoi !
— T'as même pas de cicatrices !
— Si, c'est vrai ! C'est comme ça que j'ai fait tomber vos mères amoureuses de moi.
— Regard de Houx est même pas amoureuse de toi !
— Qu'est-ce que t'en sais ? T'as vu comment elle me regarde ?

Et c'est en parlant et en déployant toutes sortes d'arguments et chamailleries que le petit groupe se dirigea vers le camp improvisé des fugueurs du Clan du Vent. Nuage de Craie les suivait joyeusement, en trottinant de temps en temps pour ne pas traîner à l'arrière. Il se demandait si son père s'était vraiment battu contre un blaireau quand il était petit. Il se demandait aussi ce qu'il se passerait si lui se retrouvait dans une telle situation. Il serait si terrifié ! Mais il serait sans doute assez rapide pour fuir et semer l'ennemi ou alors le guider vers un piège improvisé. Il avait appris suffisamment de choses pour être capable de survivre à ce genre de dangers.

Aurait-il appris ainsi au sein du Clan du Vent ? Il ne savait pas. Mais il savait qu'il aurait eu un mentor, et cette idée ne l'enchantait pas vraiment. Il aimait bien apprendre ici, découvrir ce nouveau territoire, répéter les techniques de chasses et de combat aux côtés de ses amis et être entouré seulement de ses parents. D'un côté, Cœur de Zénith n'avait pas tort : ils étaient tous une grande famille. Regard de Houx était autant sa mère que Plume d'Aurore. Et ils s'aimaient tous autant les uns que les autres.

Avec eux, Nuage de Craie savait qu'il n'aurait jamais peur.