Chapitre 2 : S'ils me voyaient
« Bonsoir ! Merci pour ce concert, c'était la première fois pour moi. Je ne suis pas prête d'oublier car vos choix de chansons, l'ambiance... tout était parfait ! ». Sa voix. Douce, légère, mais avec une petite pointe de crainte. Elle était en train de parler à son frère.
Quand il les vit, il ne prit même pas le temps de faire le tour de la scène. Il y descendit directement, et poussa une barrière. Elle faisait partie des cinq festivaliers qui restaient. A chaque fois, elle s'était approchée timidement de chacun des rappeurs. D'ailleurs, ne restait que lui, Nabil et l'indémodable Nekfeu et son Crew.
Comme toujours, il resta en retrait et signa d'un œil distant les autographes. Les photos furent aussi vite immortalisées. Il ne s'expliquait toujours pas l'attrait qu'il ressentait envers elle. De manière discrète, il essaya de mémoriser son visage. Elle ne portait pas une trace de maquillage.
« Ah Tarik ! Viens, arrête de faire le timide. ». La voix rayée de son frère l'arracha de ses pensées. Mais face à son inaction, Nabil et elle décidèrent finalement de venir le rejoindre.
« Salut ! Je l'ai déjà dit à ton frère mais je vous remercie encore tous pour ce que vous venez de me faire vivre, c'était... intemporel. ». Alors qu'elle semblait avoir une aisance pour communiquer avec les gens, lui se maudit de ne pas avoir l'art d'engager une conversation avec une fille. Qui lui faisait de l'effet. Qui devait avoir moins de 25 ans.
« Merci. », arriva-t-il seulement à bougonner. « C'est rare les filles comme toi qui écoute nos sons. Tu n'as pas le profil d'être une tchoin superficielle. C'est quoi ton prénom ? ». La délicatesse n'était pas encore un concept qu'il maîtrisait.
Mais au lieu d'être vexée comme toutes les poufs qu'ils rencontraient majoritairement, elle éclata de rire. Son rire était chaud, communicatif. Aussi, elle s'exprimait avec les mains.
Ces éclats de voix firent que tous les rappeurs qui se trouvant derrière les grilles se retournèrent. Il se surprit à trouver son prénom joli. « Combat d'honneur. », lut-il plus tard sur son téléphone quand il fut dans sa couchette.
« Tu veux venir passer la soirée avec nous ? T'inquiète, c'est tranquille. Si tu veux, tu pourras même dormir dans le bus, la pluie commence à tomber sa mère... », dit-il en commençant à insulter le ciel. Il leva la tête pour regarder les gouttes qui n'avaient pas été annoncées.
« Encore merci pour l'invitation mais je ne veux pas vous déranger... Et demain matin, je ne veux pas être en une des journaux poubelles qui me feraient passer pour ta nouvelle conquête. ». Elle avait du répondant. Mais il sentait une petite préhension : il fallait qu'il la connaisse plus.
Finalement, elle avait accepté l'invitation. Tous se trouvaient autour d'une table pour l'apéro et le repas tardif, que Sneazzy préparait au barbecue.
« Bon, alors, je ne vais pas te refaire les présentations parce qu'apparemment, tu connais tout le monde... Enfin, tu sais nos blazes mais j'en suis sûr que tu ignores nos véritables identités. ». Il la mettait au défi. Il aimait au début un peu brutaliser les meufs pour savoir ce qu'elles avaient dans le ventre.
Mais ça n'eut pas l'air de la déranger plus que ça car elle accepta le défi sans aucune hésitation. Elle commença à checker Nekfeu : « Ken Samaras, je suis enchantée de te rencontrer. ».
Ce fut comme si elle avait toujours été là. Il ne savait pas pourquoi mais il sentait qu'il ne la laisserait pas repartir de sitôt.
Déjà, le temps de rejoindre le tour-bus, elle lui avait confié : « De toute façon, il ne peut pas m'arriver quelque chose de pire depuis un an avec ce que je vis... ». Il se promit de lui demander plus tard, en espérant que ce soit au plus tôt le lendemain.
« Jason et Fabrice Akrour. », dit-elle en passant devant les frères. Ils firent d'ailleurs une drôle de tête car même sans leurs blazes, ils se faisaient toujours appeler Hakim et Idriss.
« Théo Lellouche et Mikael Castelle. », continua-t-elle en s'arrêtant devant 2Zer et Deen qui eurent un sourire en coin.
« Je ne vais pas présenter Mohamed Amine Khemissa qui est en train de faire cramer les saucisses, les merguez, les ailes et les pignons de poulet. ». Bien vu. Apparemment, elle avait un sens de l'observation aussi développé que le sien. Elle était tout ce qu'il n'était pas.
« Alpha, Eddy et Roméo, c'est carrément de la facilité vos blazes. ». Tous les trois se mirent à rire et comme lui, la suivirent des yeux. Elle s'approcha vers la dernière chaise de libre, entre...
« Antoine Valentinelli et Florian et Olivio Ordonez. ». Et après avoir décapsulé sans difficulté une bière, elle se laissa tomber.
« Sans oublier Tarik et Nabil Andrieu qui se trouvent face à moi. ». 1-0. Balle au centre, le match ne venait que débuter.
« Alors, soit tu es très intelligente parce que tu analyses nos textes et tu écoutes ce qu'on a à dire, soit tu es une groupie complètement folle. Dis-moi que tu es une fille de la première catégorie. ». Fabrice avait toujours le chic de balancer des punchlines au bon moment.
« Je suis assez tournée littérature donc je pense choisir l'option numéro un. », dit-elle en buvant sa bouteille. Tous la regardèrent avec des yeux ébahis : « Eh ! J'ai déjà fait des soirées rugby. ».
« Et si on t'emmène avec nous jusqu'à la fin de l'été pour faire le concert que tu viens de vivre, tu dis quoi ? ». Deen. Apparemment, il n'y avait pas que Tarik qui avait eu un coup de cœur.
« Tout plaquer pour vivre une expérience exceptionnelle ? Mais bien sûr que je dis oui tout de suite. Je pensais être un peu folle mais bon, j'ai l'air de ne pas être la seule... ». Elle ne pouvait pas mieux dire.
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« Ouais, t'as raison, j'ai moins de 25 ans mais une situation avec les rents-pa qui est... Bref. Ça fait un an que je m'emmerde dans mon boulot. Mais hier, j'ai ressenti une bulle d'air. ».
C'était le lendemain matin, sur les marches de leur tour-bus. Ils étaient seuls car le soleil se levait à peine. Pour se réveiller, elle buvait un thé glacé, alors qu'il était accro à la caféine depuis longtemps.
Pour commencer à la connaître, il lui fallut naturellement lui faire répéter son prénom, lui demander son âge, d'où elle venait, ce qu'elle faisait dans la vie... Et surtout la manière dont elle en était arrivée à participer à ce festival.
S'il l'avait croisé dans l'un de ses concerts, il aurait eu le premier réflexe dont il a la mauvaise habitude : juger au premier regard. Physiquement, elle avait l'air d'une fille plus que banale. Belle poitrine, taille fine, hanches marquées et habillée de façon normale. Cependant, une chose avait fait la différence : son regard, son sourire et son habilité à s'ouvrir aux autres.
« Tu n'as pas l'air craintive pour une meuf de ton âge... Maintenant, elles sont presque toutes flippées même quand on leur propose juste un verre en boîte. Comme l'a si bien remarqué Fram, c'est difficile de te caser dans une catégorie. ». Tout ça pour dire qu'elle l'intriguait.
« Comme vous. Vous faites du rap, certes, mais toi et ton frangin, vous produisez plutôt du cloud, alors que les autres sont dans un rap plus cain-ri, tug, cool, conscient... ». Elle semblait réfléchir à chaque mot qu'elle disait. Il trouva cette attitude étrange pour une personne du siècle.
Ils finirent de grignoter le petit-déj en silence. Il ignorait encore la raison pour laquelle il n'avait pas envie de la laisser partir. Comme toujours, il n'arrivait pas à mettre des mots sur ses émotions. Pourquoi lui avait-il proposé de boire un coup avec eux ? Lui qui s'effaçait le plus possible, qui ne parlait qu'à son frère et surtout, c'était dit une chose : pas de gonzesses.
Pourtant, il ne ressentait pas d'excitation particulière pour elle. C'était plus un genre d'adrénaline. Depuis qu'il était ado, il ne faisait jamais le premier pas avec une fille. Par fierté. Parce qu'il avait appris que moins il dévoilait ses sentiments, moins il avait de risque d'être blessé. En pensant à son passé « sentimental », il mit lui-même le mot entre guillemets, il ne se rappela même pas une fois d'être tombé amoureux. L'amour, il ne connaissait pas. Parce que personne, à part son père et son frère, ne lui en avait donné. Et il ne savait pas le recevoir.
Ils furent interrompus dans leur complicité quand Ken fit son apparition : « Salut... T'as bien dormi ? J'espère que ton thé est fort en théine car je viens d'avoir l'idée du siècle. Je viens d'en parler avec les autres et je vais être cash : on voudrait collaborer avec toi. Après tes qualités qu'on a vues hier, on s'est dit que tu es la personne qu'il nous faut. ».
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