• Chapitre 19 •
- Vas-y, dis le. Dis que cette nuit n'a pas compter pour toi.
- J'en sais plus rien. Je suis perdue. J'en sais rien.
○○○○○
Quatre jours. Ça fait quatre jours que je traîne dans la ville de Londres, seule, à la recherche de réponses. Des réponses à propos de cette putain d'histoire.
Je pensais que m'isoler pourrait m'aider à réfléchir à tous ces sentiments qui me submergent, mais aucun de ces 366 immeubles devant lesquels je suis passée ne m'ont aidée, pas un seul des 524 lampadaires ne m'ont éclairée, ni même les 9100 et quelques pas que j'ai fait (j'ai perdu le compte quelques dizaines de pas plus tôt).
Mais rien. Rien ne m'indique ce que je devrais faire ou penser à propos de tous les problèmes qui empêchent mon cerveau de marcher correctement.
Cody doit me détester. Et Thomas aussi. Mais je n'ai aucune idée de ce que je ressens vraiment.
Je décide à un moment de m'arrêter. Je rentre dans une des fameuses cabines téléphoniques londoniennes et y met un peu d'argent. C'est fou toutes les pièces que les gens font tomber dans les rues. Je compose ensuite le premier numéro qui me vient en tête.
- Bip... Salut !Vous êtes bien sûr la messagerie de Théo, laissez un message ! Bip.
Toutes les larmes que je retenais jusqu'à présent sortent d'un coup quand j'entends sa voix. Je raccroche puis retape son numéro.
- Bip... Salut !Vous êtes bien sûr la messagerie de Théo, laissez un message ! Bip.
Il me manque tellement je n'arrive plus à avancer sans lui. Il est mon exemple, mon soleil, celui qui éclaire toutes mes pensées et mes doutes.
Plusieurs fois je raccroche et le rappelle. Après quelques tentatives, je change de destinataires.
- Allô ?
- Amalia ? Ma voix laisse trahir les larmes qui brûlent mes yeux.
- Élia ? C'est pas vrai Élia, où est-ce que tu es ? Ça fait des jours qu'on essaie de te joindre !
- Désolée, je... mon téléphone est au fond de la Tamise à l'heure qu'il est...
- Quoi? Où es-tu? On vient te chercher...
- Non!! Je, je veux pas voir les autres.
- D'accord, alors je viens seule.
- London Bridge.
- J'arrive.
Je sors de la cabine et marche vers le pont. Je m'arrête vers le milieu et m'acoude à la rambarde.
Amalia arrive quelques dizaines de minutes plus tard. Elle s'acoude à côté de moi sans dire un mot.
C'est moi qui parle en premier.
- Ça fait 37 minutes que je cherche des raisons de ne pas sauter de ce putain de pont. J'en ai trouvé 36 pour rester, et 15 pour sauter. Et ensuite je me suis rappeler que 22 de mes raisons de ne pas sauter ne sont pas avec moi dans ce putain de monde. Alors ça a fait 14 contre 15. Donc je chercher à rééquilibrer, mais j'ai plus d'arguments pour rester...
Elle me regarde, avec des yeux compatissants.
- Tu recommences avec tes manies de tout compter.
Je baisse les yeux en rigolant un peu. Je lui demande ensuite.
- Alors, qu'est ce que tu comptes faire ?
- A propos de quoi ?
- Le bébé...
- Oh ! Je... j'en sais trop rien. Je dois en discuter avec Maloclm, il a un peu de mal à... avaler la nouvelle, on va dire.
- Je vois...
- Je pensais vraiment qu'après tout ce qui se passe en ce moment, un truc pareil, ça ne pouvait pas arriver. Je vais me donner un peu de temps pour y réfléchir.
- T'as raison.
- Et toi alors? Tu vas pas rester sur ce pont toute ta vie à te demander si tu dois sauter ou non, hein?
-J'ai honte...
- De quoi? D'avoir tromper un mec aussi génial que Cody, d'être tombée amoureuse du meilleur ami de ton frère, ou d'hésiter à abandonner tous tes amis en te jettent du haut d'un pont, en les laissant dans ce genre de merde?
- Tu m'aides pas vraiment là...
- Tu l'aimes vraiment, hein?
Je ne réponds pas.
- Élia, arrête d'y réfléchir. Réponds moi maintenant. Est-ce que tu es amoureuse de lui?
- Oui. Je l'aime. Je l'aime tellement. Ses bras me manques, ses lèvres me manquent, sa...
- Stop, elle me coupe, j'ai pas très envie d'entendre la suite.
- Hey! J'allais dire sa voix !
- Mais oui, bien sûr !
On éclate en un fou-rire bruyant et franc. C'est la première fois que je rigole franchement depuis des jours.
- Je suis amoureuse de Thomas... Je dis ça tout bas, en réalité, c'est à moi que je le dis. J'ai besoin de l'entendre, je dois l'accepter. Je tourne la tête de nouveau vers mon amie et dis : Théo nous tuerait tout les deux sans hésiter, s'il savait ça.
On rit de nouveau, puis je reprends la parole.
- Je crève de faim, moi. Je commence à marcher vers la terre ferme. Amalia me suit.
- Depuis quand t'as pas manger ?
- Quelques jours.
- Quoi? Attends, ça fait quatre jours que tu tournes dans Londres et t'as rien mangé depuis?
- J'avais pas faim.
Elle monte les yeux aux ciels et nous reprenons notre marche. Nous trouvons un genre d'épicerie, à quelques mètres de là.
Je regarde aux alentours. Je trouve un grand bâton assez lourd dans la rue. Je le prends et reviens vers l'épicerie.
- Qu'est ce que tu fais?
J'ignore mon amie et monte le bâton à la hauteur de mon épaule, comme une batte de baseball.
- Élia...
Je ne réagis pas et frappe violemment la vitre du magasin qui se brise en mille morceaux.
- Putain, mais qu'est-ce que tu fous sérieux? La porte est ouverte !
- Mouais, mais briser une vitre, c'est vachement plus drôle.
Elle rigole et me suit à l'intérieur. On vole quelques paquets de gâteaux et d'autres choses au hasard. Puis nous repartons vers la voiture d'Amalia et elle prend le volant.
- Depuis quant tu sais conduire toi?
- J'ai du apprendre sur le tas...
Je ris à sa remarque.
- Ninon t'as laissée partir ? Je dis ça doucement comme pour que ma question ne la blesse pas.
- Elle... en fait, ils savent pas que je suis là. Je, j'ai sauté par la fenêtre pour venir te chercher.
- Quoi? Mais t'es malade! Dans ton état !
- Écoute, je suis enceinte, pas mourante...
- Mouais...
- Et puis... Je sais même pas si Malcolm voudrait que je le garde.
- Toi tu veux le garder?
- J'en sais rien... j'aimerai. Mais on ne sait pas vraiment ce que l'avenir nous réserve, je veux pas que cet enfant vive ce qu'on est en train d'endurer.
- Je vois... Mais tu sais quoi? Tu devrais le garder.
- Quoi?
- Tu en as envie. Alors garde le. Tu le regretteras peut-être si tu le fais passer. Et puis, c'est quand même un signe d'espoir intense ça non?
Elle ne répond pas, mais un sourire timide se forme au coin de ses lèvres.
- Si j'étais pas au volant, ou même si je savais vraiment conduire, je te serrerais dans mes bras putain. Je pouffe de rire. Non mais merde, je suis sérieuse. T'es vraiment un putain d'amie. Comment tu fais pour être si géniale?
- Je le suis pas, regarde comme je suis douée pour foutre la merde autour de moi.
- Et toi, regarde comme tu peux redonner espoir aux gens en quelques mots.
Elle se gare devant la maison et sort de la voiture. Je traîne un peu, pensante.
Amalia n'a pas le temps de rentrer que la porte s'ouvre violemment, laissant apparaître Ninon et le reste du groupe.
- Putain mais qu'est ce que tu fous ici? On t'avait dit de rester dans la chambre.
Ninon crie sur Amalia, elle, bientôt dans les bras de Malcolm. Quand elle se détache de son étreinte, Ama répond.
- Je vous ai ramener un truc qui traînait pas loin, dit-elle en se retournant vers moi.
Je sors alors de la voiture et leur fais un signe de la main. Marianna fonce vers moi et me serre fort contre elle.
On se dirige ensuite vers l'entrée de la maison. Marianna, toujours accrochée à moi, pousse tout le monde et m'entraîne à l'intérieur. Je passe, la tête baissée, sans lancer un regard à qui que ce soit.
- Écoute, Marianna, je suis un peu fatiguée, je vais aller dormir ok?
- Oui bien sûr je te laisse.
- Merci.
Je m'en vais alors dans ma chambre habituelle. Je prie pour que Cody ne rentre pas de toute la journée.
Je me couche donc sur le lit et je m'endors. Et, toute la journée durant, mon sommeil est dérangé par mille et un rêve, m'emmenant au près de ma famille, de ma maison, comme si ces trois dernières semaines n'avaient jamais existé.
Je me lève doucement, un lundi, mes parents sont réveillés aussi.
Puis je vais réveiller mon frère, qui tarde à sortir du lit. Ensuite je pars à l'arrêt de bus pour y retrouver tous mes amis. Le bus arrive, plein, et nous partons au lycée, où je vois Antonin de loin, sans oser lui dire bonjour.
Je rêve ainsi, paisiblement d'une journée normale, comme si ces trois dernières semaines n'avaient jamais existé.
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Jeune femme de la lune 🌙
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