EMILE : Rose tomba sous le charme du Prince Emile, qui de son côté ne prêtait pas la moindre attention à elle. Pour lui, Rose était juste la fille qui relisait ses écrits autobiographiques pour lui faire des suggestions, et dont il devait lire les propres écrits.

ROSE : Ecrits de Rose qui devaient manquer de piquant, car ils ne parvinrent jamais à éveiller quelque sentiment que ce fût chez ce cher prince Emile.

EMILE : La Princesse Rose était discrète et timide. Tout le contraire du type de filles susceptible d'attirer l'attention du prince Emile à l'époque. La princesse rose était si timide qu'elle l'était même en écrivant. Même sur le papier ; là où le prince Emile, plus timide encore que Rose en société, pouvait enfin être lui même. Même là, sur le papier, Rose ne cessait pas de se protéger, de refuser de se révéler. Alors Emile lisait des faits. Des faits, des faits : sans émotion, sans accès à l'intériorité des personnages. Des faits, des faits, des faits. On ne tombe pas amoureux de faits !

ROSE : Plus tard, face au constat frappant qu'elle n'était décidément pas faite pour l'exhibitionnisme, Rose décida d'investir ses talents littéraires dans le domaine du journalisme, qui lui ne demande pas qu'elle se mette à nu devant des inconnus.

EMILE : Il n'en reste pas moins que la belle Rose devait apprendre à s'ouvrir. Peut-être pas pour tous, mais au moins pour certains. Car ce qu'elle cachait méritait d'être vu.

ROSE : Toute cette force de caractère, ces opinions bien arrêtées, cette amertume envers autrui, cette capacité de jugement, de rancune. Oui, décidément, tout cela méritait d'être exprimé aussi ouvertement que c'est le cas ce soir ! Bien certainement, quelle perte terrible pour le monde autrement !

EMILE : Rose n'avait strictement rien à se reprocher, rien à cacher. Pourtant elle avait peur de ce que penseraient les autres, peur de se confronter à leur jugement, et restait cachée. Elle gardait tous les secrets de sa personne pour elle-même, convaincue que personne jamais ne la comprendrait.

ROSE : Et le Prince Emile en faisait tout autant de son côté. Excepté quand il avait la plume à la main.

EMILE : Le prince Emile en faisait tout autant de son côté. Ce qui faisait de lui le candidat idéal pour comprendre Rose et l'aimer.

ROSE : Et c'était aussi ce qui faisait de Rose la princesse idéale pour briser le sort.