EMILE : Moi je pense que Nora était quelqu'un de bien, jusqu'à ce que tu existes, Rose.

ROSE : Ça veut dire quoi ça ? Non mais ho ! C'est moi qui l'ai rendue méchante ?

EMILE : Non. Je pense que tant que personne ne pensait du mal d'elle, elle était quelqu'un de bien. Parce que personne ne la voyait autrement que comme ça. Dès que quelqu'un lève la voix en disant « Mais si on racontait l'histoire en faisant d'elle la méchante ? » alors cette perception existe. Et maintenant ça fait partie de ce qu'est Nora, quelque part dans l'univers. Dans ta jolie petite tête pleine d'insécurités Rose. Et sur la retranscription qui n'existe pas.

FLORIAN : Et Emile vient d'expliquer pourquoi toute notre conversation n'a strictement aucun intérêt.

ROSE : Et qu'est-ce que Nora penserait de tout ça ?

EMILE : Elle penserait ce que je viens de dire. Elle penserait qu'elle est mauvaise, juste parce que quelqu'un la voit comme telle.

ROSE : Parce qu'elle se soucie trop de l'avis des autres, qu'elle a besoin de leur approbation. Voilà où va sa belle acceptation de soi !

FLORIAN : Pour moi Rose ne fait rien de mal tant qu'elle ne dit pas à Nora ce qu'elle pense d'elle.

EMILE : Pour moi Rose ferait du bien à Nora si elle lui disait ce qu'elle pense.

VANESSA : Tu parles qu'elle lui ferait du bien ! Nora remercierait Rose pour ses critiques constructives, il n'y a pas à dire. Elle arriverait même à trouver dans son cœur si grand la force de ne pas lui en vouloir. Puis elle s'enfermerait dans son bureau à écrire, ou à pratiquer la sorcellerie ou je ne sais quelle espèce de restructuration cognitive qui lui tient à cœur. Et elle en ressortirait avec quoi ? Des justifications. Une liste d'excuses longue comme le bras. Imaginez les annotations qu'elle mettrait sur la retranscription si on la lui donnait : « Alors ça ce n'est pas vrai, voilà la bonne interprétation. Alors ça peut-être mais j'en ai conscience. Ça certainement, mais j'en souffre. Et puis ça d'accord, mais c'est une qualité. Et bon ce petit truc là ok c'est pas terrible je vais peut-être essayer de le changer. Par contre la conclusion alors là non : je suis une bonne personne, impossible de le nier ; c'est Jiminy Cricket, ma petite conscience bien aimée, qui me l'a dit. » Elle prendrait tout ce qu'on vient de dire et parviendrait à intégrer ces informations en préservant son identité et sa bonne conscience. Aucun doute là dessus.

EMILE : Nora est piégée, c'est ce que je dis. Strictement rien ne pourra la racheter à vos yeux. Quoi qu'elle dise, ça ne fera que l'enfoncer. Parce que ce sera « se trouver des excuses » et que d'après Vanessa, avoir des excuses c'est mal. Nora dira que ce qui compte ce sont les intentions, et vous expliquera en quoi vous vous méprenez sur les siennes. Et vous lui retoquerez qu'elle a d'autres intentions dont elle n'a pas conscience, que vous connaissez ses intentions mieux qu'elle, ou que ce ne sont pas les intentions qui comptent. Elle est perdante à tous les coups.